26.07.2023

Après Borne, plus de limite au hors-sol

Élisabeth Borne a tourné en rond dans l’autosatisfaction lors de son interview d’une totale grisaille technocratique. Elle est la figure de proue d’un système à bout de souffle, dangereuse faiblesse au moment où la République est frappée au visage par une faction policière séditieuse. É. Borne pataugeait sur BFM dans le verbiage des mots convenus et de la langue de bois la plus éculée. Incapable d’expliquer la nouvelle composition du gouvernement, incapable d’un mot pour expliquer la capitulation de la France sur la fin des tarifs règlementés de l’électricité, incapable d’un mot pour les victimes des violences policières, incapable de faire preuve d’autorité face à la sédition policière. Pourtant, c’est là la crise la plus grave du moment.

« Le Monde » a publié un dessin où la police torture Marianne, la République, pour lui faire dire ce qu’elle veut. J’ai d’abord commencé par trouver ça excessif et plutôt provocateur, dans un moment où mieux valait ne pas jeter de l’huile sur le feu. Puis, pour en avoir le cœur net, j’ai engagé une tournée téléphonique de gens de tous bords et métiers, mais avisés et expérimentés, dont je connais (des fois de loin) la qualité d’analyse.

La situation est-elle celle décrite par « Le Monde », c’est-à-dire un quasi-putsch où le pouvoir serait mis sous la lampe par la police ? Après tout, n’ai-je pas dit moi-même dans Médiapart que le pouvoir ne contrôlait plus la police et qu’il en avait peur ? Et si « Le Monde », qui se procure tant d’informations sur les dossiers judiciaires, et jusqu’aux noms et numéro de téléphone des personnes concernées même de très loin, prend le risque de compromettre son commerce, l’alerte est-elle plus sérieuse encore que je ne le crois ? Bref : que se passe-t-il.

Deux extrêmes dans les analyses. À un bout, l’un me dit que tout ceci est un coup monté entre Darmanin et les chefs de la police et leurs subalternes « syndicalistes ». À l’autre bout, la thèse est : plus personne ne contrôle la police. Pas même les pseudo-syndicats. Comme ce fut le cas dans la période « Gilets jaunes », où il y eut même une nuit de manifestation sauvage de policiers sur les Champs-Élysées, qui permirent aux syndicats d’obtenir en une nuit ce qu’ils réclamaient depuis dix ans. Aujourd’hui il en irait de même. Et les chefs de la police servent de fusible en se plaçant aux côtés de la troupe pour la canaliser. Avec l’accord du pouvoir.

On peut penser que la manœuvre va fonctionner. Donc pour cette fois-ci cela n’irait pas plus loin. D’autant que les prises de positions dans l’autorité judiciaire ont montré qu’au moins un corps de l’État réagissait au danger. Les tribunes publiées ont également prouvé l’existence d’une conscience politique maintenue dans les milieux intellectuels. Naturellement, chacun doit espérer et agir pour le retour au calme, qui se confond ici avec le retour à la Justice et ses procédures. Il faut espérer qu’aucune provocation ici ou là, venant de la sphère gouvernementale ou des organisations de police, ne viennent relancer le cycle violences et révoltes.

« CHAMAILLERIES ? » 

« M. Mélenchon « veut rester chef de son truc » et « à un moment il sera prêt à casser la Nupes », soupire un proche d’Olivier Faure, premier secrétaire du PS. « Bien sûr on se chamaille, sur des nuances et parfois plus que des nuances, mais la plupart du temps on est tellement proche sur ce qu’on fait », veut rassurer Olivier Faure. »

Voilà le compte rendu de la dépêche AFP du problème posé sur son blog par Manuel Bompard, coordinateur du Mouvement Insoumis, et non « lieutenant du triple candidat » ni du « mouvement mélenchoniste ». On sait que ce n’est pas le respect des autres qui étouffe certains journalistes.

Mais récapitulons cet écho de la thèse, reproduite désormais sans retenue depuis que le journal « Le Monde » l’a mise en circulation sur ordre. La NUPES est en décomposition, et c’est la faute de qui, devinez ? De Mélenchon bien sûr ! Donc Roussel dit et répète la « NUPES est dépassée ». La faute à qui, à Mélenchon, bien sûr ! Le PS, les communistes et EELV présentent des listes aux sénatoriales en excluant LFI. Présentation des faits : Mélenchon « veut rester chef de son truc », et casser pour cela la NUPES. Bien sûr. EELV et le PCF désignent chacun une tête de liste aux européennes et le PS déclare qu’il va en faire autant. La faute à qui ? Surprise : à Mélenchon, cela va de soi. Les Insoumis proposent la tête de liste commune à EELV, qui refuse et maintient son séparatisme. À qui la faute ? À Mélenchon, dont c’est une ruse.

Il n’y aura donc de liste commune ni aux sénatoriales, ni aux européennes, ni aux municipales parce que ni EELV, ni le PS, ni le PC n’en veulent : ils le disent, l’écrivent, le répètent. Mais pour les employés de presse : c’est « la faute à Mélenchon ». Logique aveuglante. Professionnalisme total dans la désinformation à gages.

Avant cette étape, les mêmes objectaient que la NUPES était juste un accord électoral et pas programmatique. Ils avaient pourtant signé un document avec 650 propositions communes, nommé « programme partagé » et même présenté au cours d’une conférence de presse publique, et publié en livret. On a sans doute rêvé. Donc adieu le programme. Et l’accord électoral ? Merveilleux : c’est un accord électoral qui ne s’applique pas aux élections. Normal : on est une bande de jeunes et on se « chamaille ».

Mais attention. EELV a promis de recommencer le sketch de Jadot en 2022 : réunions unitaires et compagnie pour désigner « un candidat commun ». La primaire populaire revient dans le tableau aussitôt. Roussel a déjà dit non. Et Pierre Jouvet pour le PS a déjà prévenu : « pas Mélenchon ! ». Personne ne lui posait la question, et Mélenchon a dit déjà qu’il souhaitait être remplacé chez les Insoumis, et présenté déjà une première liste de candidats possible.

Nous voilà prévenus. À nos yeux, tous sans exception dans le mouvement insoumis, nous pensons que ce comportement est (attention, il existe des divergences sur l’adjectif) entre « non adapté à la situation » et « irresponsable ».

Les raisons pour lesquelles ces trois partis enterrent plus ou moins franchement la NUPES sont de nature totalement convergente. Il s’agit pour eux de défendre leur « marque » sur ce qu’ils considèrent comme un marché. À chaque occasion ils se demandent « comment avoir des sièges de plus ». Dans la division, ils pensent en avoir un ou deux de plus chacun. Le PCF préfère ne pas en avoir du tout, comme aux dernières européennes, plutôt que de les devoir à l’union, comme aux dernières législatives. Telle est l’urgence pour eux.

Notre objectif n’est pas le même. Nous sommes partisans d’une transformation en profondeur et, à maints égards, radicale des institutions politiques et de la hiérarchie des normes écologiques et sociales. Nous appelons ce changement « révolution citoyenne ». Pour y parvenir, l’unité des politiques est un des moyens à mettre à œuvre. Mais pas le seul. Il faut aussi travailler à l’union populaire sur les revendications sociales et démocratiques.

Là, le bat blesse. Le PS ne veut pas d’un tas de choses dont la suppression de la loi « permis de tuer » qu’il a fait adopter quand il était au pouvoir. (Je garde le reste sous mon mouchoir pour ne pas augmenter les problèmes existants). Pour rester dans le même registre, le PCF considère que demander une réforme générale de la police est une « outrance », et dénonce la jeunesse radicalisée des quartiers périphériques. Raison pour laquelle il ne signe pas le communiqué commun contre la sédition policière de ces jours derniers. Toutes choses qui sont de « la faute à Mélenchon », cela va de soi au PCF, vu qu’il ne veut pas « modérer » son propos sur ces sujets, même quand il devrait se contenter de la satisfaction d’avoir eu raison sur ce qui se passe dans la police. Je passe sur « EELV » puisque nous espérons y trouver une tête de liste commune.  

La seule conclusion à cette étape est que les éléments de langage de la classe médiatique, comme d’habitude, font partie des problèmes à surmonter. Il est frappant de constater comment cette classe médiatique s’est positionnée sur le sujet de l’union dans la perversion attendue d’elle par les intérêts du pouvoir. D’abord en nous accablant parce que Mélenchon (c’est moi qui était montré du doigt : quelle surprise !) n’aurait pas su faire l’unité « comme François Mitterrand » (rires : toute la classe médiatique de l’époque de Mitterrand condamnait l’union avec les communistes). Puis, dès que nous sommes entrés dans la cette voie, les mêmes sans vergogne ont martelé pour flétrir notre « hégémonie » et la soumission des partis à « Mélenchon ». « Le Monde » joua là la volte-face avec une fureur remarquée. À présent, elle garantit aux diviseurs réels une sortie flatteuse de l’union en interchangeant les responsabilités.

Sur un plan tactique, ma conviction est que cela nous sert par son outrance et le mépris de l’intelligence des gens. Comme dans un passé récent, toutes ces manipulations se retourneront contre ses auteurs et aide notre travail d’éducation populaire.

Sur le plan politique, c’est évidemment très dangereux. Cela encourage des dirigeants politiques à faire le pire, c’est-à-dire à se diviser au moment où il y a un besoin vital de se rassembler pour gagner. C’est pourquoi la campagne pour l’union doit redoubler d’intensité, et durer aussi longtemps que nous n’aurons pas gain de cause. Non pour embêter qui que ce soit, mais parce que c’est nécessaire. Non pour nous, mais pour la cause que nous portons, à l’heure où, sans nous les Insoumis, il n’y aurait plus de résistance politique à la surenchère autoritaire et policière du prétendu « arc républicain ».

Évidemment, toute suggestion d’acte ou d’action susceptible de débloquer cette situation et de convaincre les partenaires de la NUPES de rester unis au moins dans les élections seront les bienvenus. 

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