12.04.2024

Les riches sont immoraux : c’est prouvé !

Il en est de la fouille des mémoires électroniques retrouvées comme de celles des vieilles malles oubliées à la cave. Parfois ressurgissent des lambeaux du passé. Certains se mettent alors à vivre de nouveau au premier regard porté sur eux. Quelquefois on en rit beaucoup, des fois on en pleure. Et d’autres fois encore, on regrette de les renvoyer croupir dans la pauvre vie des utiles abandonnés. Et cette fois-ci c’est un article qui a bondi hors de cette clef USB oubliée au fond d’un tiroir. J’ai pensé qu’il ferait à mes lecteurs le même effet jubilatoire qu’à moi. Je les en régale donc sans réserve. Comme il vient du journal « Le Monde », la bourgeoisie faite journal, c’est comme s’il sortait de son œuf et n’en est que plus savoureux. Ça date de 2012. Année ou je commençais ma vie de tortue électorale.  

Plus on est riche, moins on a de morale : c’est prouvé !

Par Stéphane Foucart 

Publié le 29 février 2012 à 17h38 – Mis à jour le 02 mars 2012 à 09h05 

Dans un climat politique où il est tant question d’opposition entre les « élites » et le « peuple », voici une étude qui devrait faire couler beaucoup d’encre. Et pour cause : des chercheurs américains et canadiens documentent, dans l’édition du lundi 27 février (2012) de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), l’existence d’une relation inverse entre élévation dans la hiérarchie sociale et éthique du comportement individuel. C’est-à-dire, exprimé de manière un peu plus directe, que plus vous êtes riche, plus vous êtes susceptible de vous comporter de manière moralement lamentable.

L’équipe américano-canadienne menée par Paul Piff (université de Californie à Berkeley) a quelques arguments. Les chercheurs ont mené pas moins de sept protocoles expérimentaux différents, qui concluent tous dans le même sens.

« CUPIDITÉ »

Le premier est simple : il s’est simplement agi de se poster à un carrefour et d’observer les véhicules pris en flagrant délit de refus de priorité. La deuxième expérience, très semblable, a quant à elle consisté à relever les situations dans lesquelles un piéton engagé sur un passage ad hoc se fait couper la route par une voiture. Dans les deux cas, les chercheurs ont classé les véhicules en cinq catégories, des épaves roulantes (groupe 1) aux berlines de luxe (groupe 5). Résultat : près de 30 % des véhicules du groupe 5 forcent le passage aux voitures prioritaires, un taux quatre fois supérieur aux groupes 1 et 2, et trois fois supérieur aux groupes 3 et 4. Corrélation quasi identique pour le respect dû aux piétons…

Mais, direz-vous, ce n’est pas parce qu’on a une belle voiture qu’on est nécessairement riche. Ce qui n’est pas faux. Aussi, les chercheurs ont complété ces deux expériences par d’autres, menées en laboratoire. A chaque fois, une centaine d’individus ont été invités à prendre connaissance de divers scénarios ou situations : atteinte d’un objectif au prix d’une entorse à la morale, captation d’un bien de manière indue au détriment d’un tiers, mensonge au cours d’une négociation, caution d’une faute dans le cadre professionnel. Puis les participants ont rempli un questionnaire répondant à la question de savoir dans quelle mesure ils seraient prêts à reproduire ces comportements. A chaque fois, une corrélation entre le statut social des participants et leur capacité à enfreindre l’éthique est mise en évidence.

Une dernière expérience a consisté à placer près de 200 personnes devant un jeu informatique de lancer de dés : une somme d’argent leur était promise si le score atteint après cinq lancers était élevé. Mais, bien sûr, le jeu était pipé et le score ne pouvait excéder 12 points. Ceux qui ont rapporté des scores supérieurs aux expérimentateurs ont donc triché. Même en tenant compte de nombreux paramètres comme l’ethnie, le sexe, l’âge, la religiosité, l’orientation politique, il n’y a rien à faire, « la classe sociale prédit positivement le fait de tricher ». A quoi tient ce lien entre hauteur sociale et bassesse morale ? En partie, répondent les chercheurs, « à une perception plus favorable de la cupidité ».

Stéphane Foucart 

Retrouvez l’article sur le site du Monde.

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