La dégringolade morale de l’officialité française a franchi un seuil notable ce jeudi soir avec l’interview télévisée de Benjamin Netanyahu. Certes la honte et les jalousie entre rédactions aidant, l’évènement a vite cédé la place aux faits divers dégoûtants qui sont désormais la matière première de l’information officielle ordinaire. Mais pas un syndicat de journalistes, pas une société de rédacteurs, pas une association professionnelle n’a émis la moindre protestation au moins symbolique ou morale. Pas une « Une » de la presse papier ne mentionne ce désastre moral le lendemain. On avait pourtant observé dans un passé récent une émotivité à vif à propos des évènements du 7 octobre. L’officialité pleurait les mots qui « manquaient », les mots « de trop », les mots « inadaptés » chez les insoumis. Nuits et jours le cirque de l’inquisition médiatique contre nous s’était déployé, des semaines durant où il fallut supporter que pas une question d’interview soit autre chose qu’une accusation. Rien ne nous fut épargné pour avoir refusé de répéter la propagande de guerre de Netanyahu, des Etats-Unis et de divers « influenceurs ». Aucun de nos arguments ne fut entendu. Tout fut résumé par un « complice du Hamas », « outrances », « antisémitisme ». Ma première conférence, de retour du Maroc le 12 octobre, fut interdite à la faculté de Bordeaux, à la demande de l’extrême droite. Ce sera encore le cas trois fois après cela. Au cas présent, au contraire, les perroquets des pouvoirs de notre pays se sont gravement interrogés pour savoir si les protestations populaires contre l’interview du criminel de guerre n’étaient pas elles-mêmes une entrave à la liberté d’expression. Une indignité de plus car ils ne se posaient pas ce type de question deux jours auparavant à propos de la sanction du député insoumis Sébastien Delogu. Netanyahu a pu donc comparer par exemple le débarquement du 6 juin avec l’invasion et le génocide à Gaza ! Ou bien nous assigner à ce concept raciste de « civilisation judéo-chrétienne ». Et combien d’autres ignominies ! Sans autre problème que de les prononcer. Seuls les médias alternatifs en ligne ont marqué leur dégoût et fourni des arguments pour aider à comprendre l’ampleur de la tentative de manipulation qu’a été cette interview.
Faites un test de sensibilité comparée : essayez de comparer le martyr de Gaza et celui du ghetto de Varsovie, fut-ce de loin, et vous verrez vite la différence de capacité d’indignation.
Ainsi s’effondre petit à petit la légitimation du génocide. La propagande pour simplets que Netanyahu et l’officialité médiatique française ont porté à bout de bras pendant sept mois de massacres s’efface dans le vide. Le gros du travail est déjà fait dans l’opinion comme en témoignent à la fois les mobilisations de la jeunesse issues de toutes les catégories sociales et les innombrables témoignages d’indignation venant de tous les milieux. La cause palestinienne bénéficie d’une adhésion très transversale dans la société française. Droite gauche, pauvres et riches, même si ce n’est pas en même quantité, tous sont représentés du bon côté de cette histoire terrible. Et sauf aux Etats-Unis et en Israël, nulle part on ne voit de gens du commun encourager le massacre des innocents à Gaza. À l’inverse, dans ces deux pays aussi une opinion publique s’exprime contre cette politique. Et de partout viennent des échos selon lesquels, dans les communautés juives d’Europe comme de France des voix se font entendre pour dire « pas en notre nom ». Ce refus de l’alignement communautaire traditionnel s’élargit. Il n’est plus supporté car nombre d’honnêtes consciences voient qu’il débouche au cas présent sur un contre-performance totale. Netanyahu a fait d’Israël le paria des Nations dans les opinions publiques. La force de faire bloc se transforme alors en une stigmatisation généralisée. Elle ne serait pas juste. On voit bien d’ailleurs que personne n’en veut (sauf sans doute quelques excités !). Car contrairement à ce que dit la propagande de l’officialité, l’antisémitisme reste résiduel en France. Il est en tous cas totalement absent des rassemblements populaires. On voit aussi à présent comment dans les milieux des arts se manifestent les actes de résistance clairs et nets. Pourtant les menaces de représailles pèsent bel et bien comme l’a montré dès décembre dernier Roxane Azimi dans le journal « le Monde ».
La répression et la criminalisation frappent à coups redoublés. Elle est injuste, ridicule et cruelle comme pour le récent renvoi en correctionnelle du président du syndicat lycéen ou l’expulsion d’un imam à Bordeaux (encore la même préfecture !) pour un dessin pourtant banal.
Les violences des milieux liés à Netanyahu abondent en revanche. Elles s’exposent sans retenue. Mais elles ne sont jamais ni sanctionnées, ni même mentionnées. Pour autant, une fois diffusées par le bouche à oreille, elles fortifient le dégoût que leurs auteurs inspirent. Et le plus nouveau : plus personne n’a peur ! L’apprentissage du sang froid populaire est brillant : tout le monde évite le contact pour ne pas donner prétexte à la meute. Ainsi quand le député Meyer Habib (celui-là de nouveau !) va faire le coup de poing à la fac de Dauphine contre une conférence de Rima Hassan, où est blessé un agent de sécurité et où des vitres sont brisées. De surcroît il était flanqué de Tapiro le fondateur de « la milice de défense de la diaspora » toujours légalement enregistrée à la préfecture des Hauts de Seine sans que le préfet n’ait réagi. Il ne se passe rien. Omerta. Rien non plus quand les permanences insoumises ou les députés eux-mêmes sont agressés, leur permanence caillassée et ainsi de suite. Dernière en date : une députée insoumise se fait enlever une roue de sa voiture… Caricature : quand Meyer Habib (encore lui) bouscule le député David Guiraud parlant devant une rangée de micros, c’est ce dernier qui est mis en cause pour « antisémitisme » sur les plateaux de télé.
Je mentionne ces situations caricaturales pour montrer qu’elles ont aussi une productivité finale en notre faveur. Notre méthode n’est pas l’avant-gardisme mais l’éducation populaire de masse. Il faut miser sans pause sur elle et l’intelligence collective de masse. Le rayon paralysant abusif de l’accusation d’antisémitisme est désormais sans effet.
Seule l’officialité croit ses mauvais coups invisibles. À l’ère des réseaux sociaux, tout se sait, tout se voit. Le deux poids deux mesures, aveuglant dans la période, a reconstruit et alimenté un dégagisme formidable dans les bases de la société. L’officialité est rejetée comme au beau temps du référendum de 2005 sur la pseudo constitution néolibérale de l’Europe. En attestent les plus de deux cent mille signatures en 48 heures contre la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet parce que le pin’s pro Israël qu’elle portait en action à la présidence de séance vaut bien le drapeau de Sébastien Delogu comme affichage politique. Le montrent ces masses de gens chaque jour dans la rue, ces meetings LFI archi pleins dans la moindre commune alors que le pilonnage médiatique diffamant est incessant contre notre mouvement. Le confirment ces centaines de personnes qui s’engagent pour faire des porte à porte avec les groupes insoumis. Ce sont autant de signes dont la signification déborde le cadre de la seule question palestinienne. Mais il va de soi que cela montre aussi un fait culturel collectif désormais profond dans notre peuple à propos de la situation au Proche-Orient.
Bien-sûr tout cela aura une expression dans les urnes. Nous le souhaitons. Nous y travaillons. Rien de plus naturel, rien de plus républicain et de démocratique que de demander au suffrage universel de trancher une question politique. On nous accuse à ce propos de clientélisme électoral auprès des musulmans. Comme si seuls les musulmans étaient hostiles au génocide. Le racisme c’est aussi de croire que seule l’opinion favorable à Netanyahu serait légitime et ses quartiers d’élection seuls à être civiques. Comme si l’alignement absurde sur les éléments de langage de Netanyahu n’était pas pour sa part, tout simplement, l’expression d’un clientélisme islamophobe, anti arabe, et colonialiste. Là aussi le résultat électoral s’affiche déjà. Malheureusement ! C’est la progression incroyable des intentions de vote attribuées au Rassemblement national. Celui-ci n’a pas d’autres explications. En effet cette organisation et ses leaders ne disent, ni ne proposent, rien. Ils ne font rien d’autres que d’encaisser les dividendes d’un racisme mondain désormais décomplexé et relayé mille fois par jour sous prétexte de lutte contre l’antisémitisme. L’accusation de clientélisme à l’égard des quartiers est une démonstration des plus claires de ce nouveau racisme devenu officiel et systémique chez nombre de commentateurs.
La ruine morale de l’officialité, publiquement actée par sa veulerie devant le prêche grossier de Netanyahu à la télévision française, est une étape cruciale. Annoncée par Meyer Habib (encore lui), elle survient deux jours après le drapeau palestinien levé dans l’hémicycle par l’insoumis marseillais Sébastien Delogu. Le lien entre les deux fait sens ! Il y a des dizaines d’heures de plateau télé anti LFI. Donc l’estime pourtant acquise par les insoumis l’a été par la conflictualité. C’est-à-dire en assumant la contradiction que l’adversaire aurait voulu nous faire fuir en panique. Ils ont commencé en nous dénonçant comme « complice du Hamas ». Les commandos voyous de « nous vivrons » venaient avec ce mot d’ordre agresser nos réunions. Ils ont perdu. Ils ne nous ont pas impressionnés. Par contre la meute s’est disloquée. La vieille gauche elle-même finit la séquence, soit réalignée sur nous soit dans une attitude défensive pathétique. L’esprit public s’est construit et orienté. Il s’est instruit et affiné. Telle est la vertu du refus de céder aux coup de fouets. Et le peuple a bien vécu notre capacité de résistance. La coordination avec les associations de défense de la cause palestinienne a été exemplaire de respect mutuel. À leur tour les gens s’enhardissent et tiennent tête partout où ils le peuvent. Le peuple est devenu acteur politique de cette bataille. Tout le monde ne peut pas en dire autant. Femmes et hommes viennent aux manifestations, aux meetings, portent les drapeaux, crient des slogans, s’expliquent en familles, échangent des arguments et des vidéos, préparent le vote du 9 juin dont la signification est comprise partout comme un débouché de la lutte. Pour moi il n’y a pas de meilleure démonstration du schéma théorique de « l’ère du peuple ».
Bientôt le 9 juin il y aura trois résultats du vote. Deux par des sondages erronés et un définitif. La veille le vendredi ce sera un sondage bidon avec moins cinq points pour nous sur le résultat final : comme à la présidentielle de 2022. Le jour même à 20 Heures, avec trois points de moins pour nous : comme à la présidentielles. Enfin à 23 heures, le résultat réel, quand les votes des grandes villes et des quartiers populaires auront été comptabilisés. Comment pourrait-il en être autrement : deux millions d’électeurs supplémentaires inscrits, une proportion plus importante que jamais de nos électeurs de 2022 décidant de voter, une manif Palestine par semaine puis par jour depuis des semaines et des semaines, des meetings combles (mais pas pour tous…) Mais les résultats ne bougeraient pas davantage qu’un demi-point en plus ou en moins ? Bien-sur, ça sent fort la manipulation. Mais cette fois-ci, si elle se reproduit ce ne sera pas sans conséquence pour ses auteurs. Je vous en informe : Mathilde Panot m’a déjà annoncé qu’elle proposera de poser la question des sondages et des raisons de leurs lourdes erreurs à répétition et de plus en plus considérables. Il est question d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’organisation et le déroulement des votes en France. Il s’agit de faire cesser les bugs de république bananière qui s’y développent depuis le début de l’ère Macron : bulletins non distribués, plantage du vote électronique par correspondance, radiation sauvage des listes électorales sans raison, et ainsi de suite. Par esprit de classe bien-sûr mais aussi par inefficacité, par « je-m’enfoutisme » et mépris des secteurs populaires du pays. D’ores et déjà nous avons ouvert une page sur le site des insoumis où déposer les témoignages de ces mauvaises manières. Dans ce domaine aussi rira bien qui rira le dernier.