À Maizières-lès-Metz, la banalité du mal a trouvé son chemin sans problème. La gendarmerie entre dans un collège et arrête une jeune fille en cours de français de classe de troisième devant tous ses jeunes camarades. Elle est expulsée de France séance tenante avec sa maman et son jeune frère. La honte absolue pour tout ce qui dans cette circonstance représente l’autorité et notre pays. Des enseignants ont laissé faire ! Il y a une génération, ils se seraient enchaînés pour protéger l’enfant ! Des militaires arrêtent une gosse à l’école ? J’en connais qui auraient arrêté leurs collègues pour les empêcher d’accomplir un acte aussi clairement illégal. Français, vous n’avez pas honte ? Que sommes-nous devenus ? Quel genre de peuple sommes-nous devenus entre les braillards qui sifflent les députés insoumis dans les cérémonies de commémoration de la libération du camp de Auschwitz et vous qui laissez arrêter des gosses à l’école ? Dans tous les cas, tout est désillusionnant dans cette affaire. Mais qui sera sanctionné ? Personne, on peut le craindre. La ministre a rappelé le règlement ! C’est tout. Le règlement !!!! Le ministre de l’Intérieur et celui des Armées ? Rien : pas un mot ! Il n’y aura pas de sanction, je suppose ? Tout cela est un « regrettable incident » j’imagine. Un enfant n’est plus un enfant ? Une personne n’est plus une personne selon sa couleur et ses papiers ? La lecture d’Hannah Arendt est toujours passible du délit « d’injure publique » si on l’applique à l’une quelconque des personnes coupables de ce laisser-faire honteux ?
Mercosur. Ça vous parle encore ? Nous oui. Et comme d’habitude, nous n’avons pas lâché prise. Pourtant, il y a déjà eu divers votes en carton sur le thème : « non au traité, en l’état ». En l’état égal : « oui mais ». Égal fumisterie. Nous n’avons pas lâché prise. Les insoumis ont frappé ce jeudi. Ils ont obtenu la majorité dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour faire adopter leur texte de résolution demandant le rejet du traité et exigeant que le Parlement puisse voter sur le texte lui-même, contrairement aux désirs de madame von der Leyen !
C’est fort ! Après avoir enlisé le PS dans des zigzags incohérents entre lignes rouges et des « ça ne fait pas le compte » d’apothicaire, François Bayrou paye avec la même monnaie l’anesthésie du RN : des mots. Et lui-même délivre le mode d’emploi : « les mots sont des pièges » ! Du coup les mêmes qui ont fait tomber le gouvernement Barnier à cause de son budget s’apprêtent à laisser passer un budget par 49.3 pire que le précédent de l’avis de tous les connaisseurs. Bayrou dresseur d’élites ! Ni le PS ni le RN ne l’empêcheront de gouverner. Tout Matignon salue donc la tranquillité du dompteur, sûr de son fait. Les couloirs bruissent des rumeurs les plus excitantes : la retraite à 64 ans, « on pourrait voir, à voir », « Macron, ici on s’en fout », « la proportionnelle évidemment ».
Pourtant, madame Le Pen et ses lignes « rouges » sont benoits. Il lui aura suffi d’être payée de mots par Bayrou pour l’apaiser. Lui parler de « submersion par l’immigration » c’est comme parler de chocolat à n’importe qui : ça l’a fait saliver. Elle est contente. « Qu’importe la cuillère, pourvu qu’on ait la soupe » se dit-elle en quelque sorte. En fait, c’est une comédie bien organisée. Bayrou a bien baladé le PS et les nigauds qui le dirigent. En toute hypothèse, l’épluchage des socialistes est commencé pour Bayrou. Le couteau s’appelle Lombard. Le même sort est promis au RN. Le couteau s’appelle Retailleau. François Bayrou fait du Bayrou comme jamais. Là-dessus, madame Le Pen nous prévient : comme Hollande, elle veut voir Macron finir son mandat. Et sinon elle veut être présidente si Macron démissionne tout seul. Et sinon ce sera Bardella Premier ministre si c’est Macron qui le demande. Elle est polie : elle dira sûrement merci, le cas échéant s’il consent à la contenter. Le temps des Le Pen en papier mâché est commencé. Au fond, j’ai été rudement bien inspiré le jour où j’ai dit d’elle qu’elle était « l’assurance-vie du système ». Mais au total, faire du Trump n’est pas à la portée d’un état-major de rentiers semi-somnolents sur leurs bancs de touche au Parlement. Retailleau va donc leur tondre la laine sur la tête tranquillement. De fait, déjà dans les partielles, on voit LR remonter sur le dos du RN qui décline. Et encore faut-il noter que Darmanin ne s’y est pas remis.
Je ne dis rien de Villeneuve-Saint-Georges. Il sera toujours temps lundi. Louis Boyard et sa liste ont amorcé une dynamique qui les a placés en tête et qui ne se dément pas. Sur place, nos amis font un travail de fond et les brigades de porte-à-porte arrivent de tous côtés. Le refus de l’union par les socialistes a contraint tous les autres partis, groupes et groupuscules, alliés entre eux au premier tour, à un retrait que tous ne souhaitaient pas, loin de là. Vogue la galère ! Droite et gauche sont là et chacun choisit son bulletin dans une ville dont les sortants sont de droite, faut-il le rappeler pour mieux comprendre la responsabilité du PS. En tout cas, le parti de Zemmour a pris position pour la liste de LR. Il ne cache pas son motif d’intervention. Il reproche à la liste de Boyard de vouloir « communautariser son électorat ». On comprend : en réalité, c’est la composition de la liste qui lui pose problème. Sinon, que peut bien vouloir dire « communautariser son électorat » ? Dans ce contexte, il est probable que les électeurs communistes et socialistes ne laisseront pas faire. Ils auront le réflexe de gauche qui consiste à voter avec les siens, surtout en face d’une liste de droite extrême soutenue par l’extrême droite.
Leslie Voltaire, président du comité présidentiel d’Haïti, était en visite officielle à Paris. Il nous a fait l’honneur de nous recevoir à l’hôtel Peninsula où descendent souvent les délégations officielles étrangères. Nous avons mis notre point d’honneur à être accompagnés d’un romancier binational bien connu et reconnu, Nehemy Dahomey pour mettre en avant ce qui nous est commun : une langue et une même passion pour la culture humaine. Nous entouraient aussi les députés Gabrielle Cathala, présidente du groupe d’amitié France-Haïti et Arnaud Le Gall, coordinateur international des insoumis.
Je crains que la presse française ne se soit guère investie dans la rencontre franco-haïtienne ce mercredi à l’Élysée. Pourtant, voici encore une situation dans le monde qui mériterait de faire réfléchir. Les Haïtiens ont vaincu l’armée envoyée sur place par Napoléon. Puis le leader historique de son indépendance a été capturé par traîtrise. C’était Toussaint Louverture. Il a été condamné à un emprisonnement au Fort de Joux dans le Jura où il est mort de froid, de privations et de mauvais traitements. Mais Haïti, c’est aussi un pays que la France a asphyxié par une dette compensatrice infligée aux haïtiens pour dédommager les français propriétaires d’esclaves de ce pays. Pendant des décennies et plus d’un siècle, les haïtiens ont payé un tribut de la honte à la France. Et c’est donc une dette morale qui a été contractée de ce fait par tous ceux qui admettent le caractère absolument immoral de ce fardeau infligé aux haïtiens. Cette dette (appelée souvent « rançon ») imposée en 1825 (et payée jusqu’aux années 1950) est estimée à 150 millions de franc-or, équivalant à 21 milliards d’euros aujourd’hui. Certes, cette dette n’est pas la cause de tous les maux d’Haïti, mais elle a bel et bien plongé le pays dans un cycle d’endettement et de dépendance qui a entravé son développement économique et social pendant plus d’un siècle. Personne n’envisage sérieusement de part et d’autre le remboursement complet. En revanche, le moment venu, sous la forme appropriée, il faudra réparer. Et déjà exprimer une reconnaissance symbolique de la dette comme une injustice historique. Mais des réparations concrètes seront aussi à l’ordre du jour à rechercher dans un champ d’intérêts mutuels bien compris comme la création d’un fonds de coopération pour le développement, la promotion des produits haïtiens et l’appui à la jeunesse haïtienne dans sa quête de reconstruction nationale. Ce n’est pas le chemin du respect qui avait été pris quand Emmanuel Macron a récemment insulté les dirigeants haïtiens en novembre 2024, en marge de son déplacement au Brésil pour le G20, Macron a publiquement traité les dirigeants du Conseil présidentiel de transition de « cons », pour avoir limogé l’ex-premier ministre Garry Conille qui avait sa faveur. L’ambassadeur de France à Haïti avait été convoqué. On verra cette fois-ci ce qui ressort de l’entrevue des présidents à l’Élysée. Du côté des insoumis, la situation est plus claire. Elle est faite de fréquents témoignages d’amitié et de solidarité. C’est la participation aux rencontres de la diaspora dans les circonscriptions, la prise de parole au seul rassemblement unitaire de solidarité avec Haïti en 2024 où les insoumis étaient seuls élus présents, et la présence physique et vidéo à la soirée de commémoration du tremblement de terre et combien d’autres moments qui ont forgé un vrai lien de fraternité respectueuse. Et enfin, je m’honore d’avoir installé une statue de Toussaint Louverture, à l’entrée d’un quartier du centre-ville à Massy, du temps où j’en étais le maire-adjoint à la culture… Tant d’années plus tard, je crois que l’équipe municipale de gauche sur place avait vraiment fait un de ces choix extraordinaires, d’où part un signal pour le temps long.