Trump, mais Claudia Scheinbaum…

Je suis rentré du Mexique. J’en parle ensuite. 

J’ai appelé les amis à la Réunion. C’est le plus rude cyclone depuis 1962. La station météo française a été superbe d’efficacité, contrairement à celle de l’Île Maurice. La région et les communes ont su alerter et prévoir. Mais personne ne peut arrêter ni maîtriser un cyclone. Il a donc fallu subir. Les députés insoumis Perceval Gaillard et Jean-Hugues Ratenon témoignent : un magnifique élan a uni les gens les uns aux autres dans la difficulté et parfois au péril de leur propre vie. Confirmation que l’élan d’entraide est un instinct humain fondamental. À présent, à nous tous d’être en vigilance et solidarité au-delà du moment d’émotion. À voir mardi à la séance des questions au gouvernement.

UKRAINE. Je renoue déjà avec les joies de la télévision française et de ses chaînes en continu. Aujourd’hui est jour de bavardages où toute la droite occupe les plateaux. Pas une voix de gauche n’est là et surtout aucune voix insoumise. Banal. La machine à cirer les pompes de Macron tourne à plein régime. Reste que déjà pointent ici et là des voix fondées sur une pensée. Ça ne durera pas. Profitons-en ! Entendre Jean-Pierre Raffarin proposer la sortie de l’OTAN et l’accord avec le Sud global est un moment précieux. Je fais le pari que notre point de vue ne tardera pas à être majoritaire sur ce point. Je m’exprimerai jeudi à l’occasion du « Moment politique » avec le temps de l’explication et des détails.

Le sommet européen de ce dimanche aura signalé jusqu’au-delà de l’absurde l’impasse européenne face à la guerre en Ukraine. Passons sur l’indignation morale des muets du sérail à propos du génocide en Palestine. La réunion a lieu dans le seul État, la Grande-Bretagne, qui a quitté l’Union et qui reste l’allié privilégié, pour ne pas dire le cheval de Troie, des USA. L’invitant lui-même, le premier ministre socialiste britannique Keir Starmer, dit qu’il n’aurait pas organisé cette réunion s’il n’était pas sûr d’avoir l’agrément des USA. Les commentateurs ont passé leur temps à célébrer un songe creux de pseudo souveraineté européenne dans le seul but de justifier le passage à l’économie de guerre en Europe. Le reste ne voulait absolument rien dire de concret ni de sérieux. En toute hypothèse, il n’existe aucune possibilité militaire (dissuasion nucléaire mise à part) de conduire une guerre si peu que ce soit victorieuse contre la Russie ou qui que ce soit. D’abord compte tenu du niveau de capacité de production militaire européenne, et d’autre part du niveau de dépendance matérielle des armées européennes vis-à-vis des USA et toute « interopérabilité » entre les armées de l’Union du fait de ce matériel. 

Sauf provocation, la suite sera un arrêt de la guerre (ni guerre, ni paix), la convocation d’une nouvelle élection présidentielle en Ukraine, un nouveau venu qui signera l’accord demandé par les USA mâtiné de sucreries pour les Européens. Les garanties mutuelles qui seront établies seront peut-être placées « sous la surveillance » des Européens, peut-être sous forme militaire. Style déjà vu au Liban. On sait. Donc on peut s’organiser et faire mieux que sur ce qui a produit le désastre actuel.

Au Mexique, ce fut un beau moment entre les amis que j’y ai retrouvés et ceux que les circonstances m’ont offerts cette fois-ci. Nous étions trois pour trois fonctions. Un, organiser et conduire le planning. Deux, filmer, photographier. Trois, mener les conférences, les rencontres politiques et les nombreuses rencontres médiatiques. Le moment politique était dense avec l’agression douanière de Trump et les pressions militaires attenantes dont on parle moins, quoi qu’elles soient prises très au sérieux par les Mexicains. Et pour cause. Les Nord-Américains ont déjà volé au Mexique la moitié de leur territoire national. Personne dans ce pays ne les prend à la légère. On n’est pas en Europe. Les USA ont manipulé, tué, comploté à tour de bras avec l’appui de politiciens corrompus et d’assassins à gage. Le coup du cinquante et unième État a été lancé en même temps que celui face au Canada, si l’on en croit la presse. Avant de s’éteindre aussi soudainement qu’il était apparu…

Avec ce voisin terrible, la présidente mexicaine Claudia Scheinbaum, forte d’un soutien populaire de 80 % d’opinion favorable, agit dans la continuité de la ligne « réaliste » d’Andrés Manuel López Obrador. Avant, un gouvernement de gauche en Amérique du Sud signifiait l’épreuve de force avec les USA. J’ai demandé au président, pour faire le point : « quel est le problème avec les gringos ? ». Il sourit. Le sourire d’AMLO est souvent contagieux. Il me répondit : « trois mille cinq cents kilomètres de frontières communes ». J’ai compris. Cela surprenait alors, après la vague des gauches du Venezuela, du Brésil, de la Bolivie, de l’Uruguay, de l’Argentine. Il n’y a pas eu d’autres commentaires. Nous avions connu tant d’échecs. Les blocus, les embargos, et quoi encore, tout cela avait tellement ruiné d’efforts et d’espérances. Dorénavant Claudia Scheinbaum agit de même. Elle a pour elle la force d’une volonté sans faille et sans peur, comme j’ai pu l’observer au cours de notre entretien. Elle répond aux demandes des USA dans un registre rationnel et non idéologique. Selon ce qu’ils demandent. Mais ils refusent de se soumettre. À présent, la présidente a accepté un renforcement commun de la lutte contre le narcotrafic. Mais la Constitution a été modifiée. Peine de perpétuité contre qui serait complice d’un narco, de son armement ou d’une transaction financière avec lui… ça fait méditer aux USA. De son côté, Trump a promis un contrôle de la circulation des armes vers le Mexique. 

Quant aux augmentations des droits de douane, les réactions patronales mexicaines et sans doute nord-américaines ne laissent voir rien de bien praticable pour la logique de Trump. 25 % de droit de douane à chaque passage de frontière, c’est juste intenable pour tout le monde. En trente ans, l’interpénétration des deux économies ne le permet plus. Exemple dans l’industrie automobile. Un simple piston passe la frontière mexicaine quatre fois avant d’être livré à l’assemblage aux USA. Les premiers à réfléchir sont les producteurs. 80 % des pièces de l’assemblage automobile aux États-Unis dépendent du Mexique… La ministre de l’Intérieur, une amie de longue date, Rosa Icela Rodriguez, avait prévu des structures d’accueil pour les expulsés des USA. Et un accueil en fanfare pour construire un retour digne. Mais les expulsions sont tombées à quatre cents par jour. C’était 12 000 sous Clinton le « démocrate » et 2 500 avec Biden… Mais la ministre garde l’esprit tranquille. Les gens qui reviennent sont les bienvenus car ils ont acquis une qualification et ils seront vite utiles au pays. Mais il n’est pas certain que les entrepreneurs d’USA aient vraiment les moyens de se passer des Mexicains… Au total beaucoup d’enseignements utiles à notre préparation à gouverner en France.

Mon livre démarre sa vie au Mexique. Mais aussi en Argentine et en Uruguay cette quinzaine. L’émission de télé de la « fondation de culture économique » a été reprise par plusieurs chaînes de télé et j’ai eu la possibilité d’une autre émission sur la deuxième chaîne publique, et deux passages sur le journal télévisé de la première chaîne publique. Même accueil à « La Jornada », le quotidien de gauche du pays. La conférence à l’université de Mexico a rempli deux salles et donc je crois que le débat aura lieu dans la jeune génération. La preuve par le hasard. J’ai rencontré mon livre avec son lecteur, un jeune sociologue qui travaille dans le tourisme. Attablé au marché traditionnel, il buvait un café. « Un autre pour moi chef » ! Magie des rencontres par la politique.

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