Ce que Trump peut déclencher

Le non-alignement, ce n’est «ni Trump, ni Poutine». Cela exclut les complaisances. Quand Poutine envahit l’Ukraine nous condamnons. Quand Trump menace d’invasion ses voisins du Canada et du Groenland danois ou déclenche la guerre commerciale en tuant nos viticulteurs nous condamnons aussi. D’autres le ménagent. Le parti macroniste, le RN, la droite se taisent. Pourquoi ? Oui, pourquoi ? D’après moi cela résulte de l’état d’effondrement moral où les plonge la preuve de ce qu’ont leurs maîtres à penser depuis des décennies. Ils ne savent plus penser ni organiser par eux-mêmes une autre vision cohérente du futur. Tous pensent que l’oncle Sam reviendra bientôt les prendre sous son aile et leur dire ce qu’il faut faire et ce qui est bien et mal ou bien qui l’incarne en géopolitique. Tous savent que la vraie guerre qui se prépare ce n’est pas avec la Russie mais avec la Chine. D’ailleurs ils ont déjà accepté le plan von der Leyen de 850 milliards d’euros de crédits de guerre à prendre dans les budgets nationaux c’est-à-dire exactement les 5% du PIB européen comme le demande Trump en vue de sa guerre à venir. La désignation de la Chine comme cible prioritaire pour les USA a été confirmée par le ministre Lecornu sur France 2 jeudi soir.

Pourtant il faut passer outre. Car la situation s’aggrave aux USA. Avec les livres interdits et retirés des bibliothèques, avec la fermeture de centres scientifiques, avec les diplômes d’université retirés à ceux qui les avaient obtenus, avec les mots interdits et les sujets d’étude prohibés on voit clairement quels seuils terribles sont franchis. On ne brûle pas des livres ? Mais où est la différence ? La même chasse aux « wokistes » et aux « islamogauchistes » est commencée en France aussi. Dans la compétition pour les crédits et subventions, l’argument politique est désormais employé dans le secret des décisions. La construction des savoirs est impossible dans un tel régime. La guerre contre la science est engagée. Le Trumpisme est un obscurantisme. Aux États-Unis, l’absence d’anticorps politiquement actifs a provoqué la victoire de Trump. La ligne des Démocrates a ruiné toute possibilité de préparer ou de mener une lutte cohérente dans la durée. La campagne électorale de Kamala Harris a été un feu d’artifice de contresens sociaux et politiques. Une vraie machine à désarmer la résistance et à organiser le dégoût populaire. Par exemple, la complicité des Démocrates pour la répression des mouvements de jeunes contre le génocide en Palestine, pour ne citer que cela, a été un véritable renfort aux ultras du camp Trumpiste. Il faut bien observer comment cette façon d’aboyer avec la meute adverse n’est pas une spécialité française mais juste une imitation. 

Je vais à présent me placer sous un autre angle de regard. Trump provoque des situations nouvelles. Mais elles ne se limitent pas à celles qu’il décide et encore moins à celles qu’il pense maîtriser. La fracture de l’OTAN en Europe est sur la table. Et sans doute a-t-il un plan pour la deuxième phase de la crise qu’il a provoquée. Idem pour la mise en place de son dispositif Asie-Pacifique. Cela se découvrira à mesure de la pente prise. Mais quelque chose est un risque autrement plus violent parce qu’il est imprévisible y compris par celui qui le déclenche. C’est le chaos financier planétaire que la méthode Trump peut provoquer. Droits de douane et autres provoquent des pertes pour ceux qui y sont confrontés. C’est le premier risque et le plus dangereux car la volatilité de la sphère financière reste une donnée majeure du système lui-même. Supposons qu’une perte de marché ou un surenchérissement de coût de fourniture mettent en difficulté de paiement une entreprise ou une compagnie de service. L’effet domino peut s’amorcer et provoquer sa chaîne de défaillance. Supposons des entreprises ou des compagnies possédant des actions à la baisse et contraintes d’offrir de nouvelles garanties à leur prêteur. Et si elles n’ont rien à offrir de ce type ? Idem. Bref les scénarios de défaillance, même limitée, se propageant en chaîne et sont nombreux et crédibles. Encore parle-t-on ici seulement des prêts et interdépendances officielles. Mais dans la masse de la « banque grise », c’est-à-dire les prêts entre les entreprises dont le montant est inconnu, combien peuvent être mis en cause par ce même effet ?  Cela ne concerne pas seulement les États-Unis. Pourtant, ils s’exposent à des ruptures de chaînes d’approvisionnement chaque fois que les entrepreneurs ne trouvent pas sur le marché national, à prix comparable, ce qu’ils trouvaient auparavant sur le marché mondial par l’import.

Cela concerne évidemment aussi les pays cibles de la guerre douanière. Dans ce cas, les exportateurs sont soumis à un recul prévisible de leur vente qui va en conduire plus d’un à la faillite pure et simple. Avec 200% de droits de douane, un produit coûte désormais trois fois son prix d’avant. Qui en veut à ce prix ? Mais combien d’autres en amont, fournisseurs par exemple, se voient eux-mêmes envoyés au tapis quoiqu’ils ne fassent l’objet d’aucun droit de douane supplémentaire. Par exemple, ceux qui vendent les bouchons ou les étiquettes des vins français surtaxés aux États-Unis. Quand il s’agit de production comme l’acier ou l’aluminium, les unités de production concernées ne se manient pas à coup de boutoir « marche/arrêt ». Et puis, ensuite il y a la consommation. Les droits de douane importent de l’inflation dans le pays importateur. Cela réduit la consommation et donc la croissance elle aussi. Double peine pour le modèle économique actuel.

Ainsi le risque du chaos général vient du renversement de tous les cadres fondamentaux de quarante ans de néolibéralisme, de délocalisation et d’aller et retour des segments de production à travers le monde. Quand un piston destiné à une voiture assemblée aux USA fait quatre aller-retours à travers la frontière Mexicaine, quel sera son prix final ? Et combien coûtera alors la voiture si tous ses composants importés sont frappés par la douane ? Retour aux cas de défaillances évoqués plus haut. Dans un tel système, la rupture locale devient vite globale. Souvenir de 2008 ! Trump joue avec le feu non seulement contre ses partenaires mais aussi contre son propre pays. Mais pour finir, il faut imaginer un monde dont les moyens seraient engloutis par des guerres sous le déferlement des intempéries résultant du changement climatique entrant dans une crise globale comme en 2008. Ça c’est la menace la plus violente actuellement pour le monde car toutes capacités de résistance se trouveraient tout simplement paralysées.

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