La commission Wauquiez anti-LFI sombre dans le ridicule de ses inventeurs. Il y a quelques mois, le groupe Les Républicains (LR) a obtenu une commission d’enquête de l’Assemblée nationale pour écrire une fable où la France Insoumise serait accusée d’entretenir des liens avec des groupes terroristes ou fanatiques islamiques. Le grotesque d’une telle accusation exaspère bien au-delà des milieux politiques. Et notamment chez les professionnels qui traitent des questions de sécurité. Il est intéressant de voir que cette commission coïncide avec un sondage de « l’institut » OPIF (ex-IFOP) de monsieur Dabi sur la prétendue radicalisation des jeunes musulmans. On connaît le but de l’islamophobie cultivée et entretenue par d’aucun : prolonger la théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington pour légitimer l’empire des États-Unis et justifier par « atmosphère » les crimes contre les Palestiniens. L’intéressant n’est pas le niveau de fanatisme de Frédéric Dabi et de ses enquêtes bidon, mais les commanditaires. J’y viens dans un instant.
Notre camarade Mohamed Awad, chef de file de notre liste à La Courneuve, a fait une lecture détaillée des séances de la commission LR. Il y a découvert un lot de déclarations assez considérables d’absurdités. Comme cette soi-disant chercheuse Florence Bergeaud-Blackler, active islamophobe d’extrême droite, déclarant que les musulmans ne subissent pas de racisme en France. Celui qui aura attiré notre attention se trouve dans une audition directe et percutante, le 29 octobre dernier, de cette « commission d’enquête ». Elle entendait ce jour-là Monsieur Hugues Bricq, directeur du renseignement de la Préfecture de police de Paris. Personne n’a entendu parler de cette audition dans l’officialité médiatique, ni dans la caste médiatico-politique qui bavarde sur les plateaux en continu. Et pour cause, elle démontre le caractère absurde et purement politicien de ces accusations. En voici un extrait bien explicite.
M. Jérôme Buisson (RN). « Des groupuscules d’extrême gauche ou d’autres, que vous surveillez, ont-ils des liens avec les islamistes ? »
M. Hugues Bricq. « Non, très peu, même si cela doit parfois leur traverser l’esprit. L’ultragauche essaye de manière récurrente d’embarquer les jeunes des quartiers, mais cela n’a jamais vraiment fonctionné. L’ultragauche était totalement absente lors des émeutes et des violences urbaines, et on ne la voit pas non plus quand il est question d’islamisme radical. En revanche, une certaine frange de l’ultradroite négationniste se rapproche, par antisémitisme pur, de certains islamistes ou référents religieux islamistes qui tiennent des propos antisémites, souvent hors nos frontières. »
M. Matthieu Bloch (DR), rapporteur. « Contrairement aux constats que vous venez de faire, Mme Nora Bussigny et MM. Youssef Souleimane et Emmanuel Razavi nous ont dit, lors de leur audition, qu’il existait des liens étroits, extrêmement dangereux, entre des organisations islamistes et certains partis politiques en France. Souvent, la révélation de ces liens a lieu lors des grandes manifestations parisiennes organisées en soutien à la Palestine. Lors de ces manifestations, des élus apparaissent auprès de ces associations, quelquefois même des parlementaires prennent la parole, soutenant plus ou moins les propos tenus. Nous sommes donc quelque peu surpris de vous entendre dire qu’il n’y a aucun lien entre cette mouvance et des élus. »
M. Hugues Bricq. « Lorsque nous surveillons nos objectifs, qui sont des individus ou des groupes terroristes ou islamistes, nous ne faisons pas de lien avec des partis politiques ou des élus nationaux ou locaux dans ce que l’on pourrait identifier comme une collusion sur des projets terroristes ou islamistes. Mais j’ai connaissance des recherches, ouvrages et articles de certains auteurs… qui se placent eux-mêmes dans une sphère politique en écrivant ce qu’ils écrivent. Nos missions sont définies et circonscrites et c’est grâce à la surveillance que nous exerçons, notamment avec des techniques intrusives, sur nos propres objectifs que je peux vous le dire : il n’existe pas de liens documentés entre les objectifs que nous suivons et des élus ou des partis. »
On ne saurait être ni plus précis ni plus rassurant. Oui : rassurant, car il montre une action de renseignement sans préjugés politiques, exclusivement concentrée sur les seules préoccupations de sécurité. Les Insoumis n’ont rien à voir avec les obsessions de la droite traditionnelle qui voudrait nous criminaliser. L’analyse du directeur du renseignement fait foi. Ceux qui prétendent autre chose « se placent eux-mêmes dans une sphère politique en écrivant ce qu’ils écrivent ». Et les antisémites que le CRIF prétend trouver dans la gauche radicale sont ailleurs : « En revanche, une certaine frange de l’ultradroite négationniste se rapproche, par antisémitisme pur, de certains islamistes ou référents religieux islamistes qui tiennent des propos antisémites, souvent hors nos frontières ». Peut-être était-ce une mention du travail de Frédéric Dabi directeur de OPIF (ex-IFOP). Son identité politique militante est connue. Il intervenait il y a peu dans une réunion organisée par ELNET, une officine de propagande israélienne au service de Netanyahu. Il y faisait siffler mon nom par une bande de fanatiques suprémacistes. Mais il ne travaille pas que pour les fanatiques de la bande à Netanyahu. On va le voir. La commission Wauquiez est désormais aussi ridicule que son lamentable initiateur. Mais elle a réussi à prouver le contraire de son objectif initial. On remercie donc ceux qui ont passé des heures à cet exercice qui nous donne raison de rire.
Paul Vannier, député insoumis et responsable national du mouvement Insoumis, tweetait hier une découverte qui a son intérêt dans ce contexte. Pendant que les LR et leurs suppôts, et leurs relais au RN et à « Libération » s’enivrent d’islamophobie en accusant LFI de complicité imaginaire avec des groupes islamistes violents, maints parmi eux gardent une main ouverte sous le robinet qui fluidifie les relations avec les différentes factions de l’islam politique. Le sondage a été commandité par une officine GWA Analysis liée aux services de renseignement des Émirats arabes unis. Pour les Insoumis, c’est la deuxième fois que l’action des Émirats est évoquée. En effet, il a été démontré que ceux-ci s’étaient impliqués dans une action de diffamation de Carlos Martens Bilongo, député insoumis, et nous avions vu une chaîne de « journalistes » se comporter aussitôt en relais de cette opération. Bien sûr, les mêmes ont ensuite refusé tous les démentis et droits de réponse, soulignant ainsi bêtement leur rôle d’agent d’influence. Autant le dire ici franchement, la plupart d’entre nous ne comprennent rien à cette histoire, ni au rôle des Émirats dans une lutte contre des musulmans. Certes, nous connaissons les agences d’influence qui agissent contre nous depuis la Suisse ou même la France. Comment oublier le rôle de l’agence « VAE SOLIS CORPORATE » dans le dénigrement du maire de Viry-Châtillon, l’Insoumis Gabriel Amard, aujourd’hui député du Rhône ? À l’époque, il était question de l’empêcher de municipaliser l’eau dans sa commune. Le directeur de cette agence fut aussitôt embauché chez le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Mais nous avions eu aussi un livre contre nous dans le style glauque de « La Meute ». Ça s’appelait « Mélenchon aux portes du pouvoir », « immersion dans le système France Insoumise ». Il était signé Clément Fayol et Mélanie Delattre. Une agence située en Suisse l’avait épaulé comme beaucoup d’autres depuis… Le directeur était justement le frère du journaliste Fayol. Mélanie Delattre quitta le métier de journaliste « d’investigation » au Point pour rejoindre ladite société suisse de renseignements : « AXIS et Compagnie », société d’intelligence économique qui s’intéresse toujours très activement à la France où elle a un siège. Un intérêt pour les Insoumis en particulier, et même très particulier… Mélanie Delattre en est aujourd’hui directrice. Sa fiche Wikipédia est toujours là, contrairement à celles de Charlotte Belaïch de « Libération » et Olivier Pérou du « Monde », qui ont disparu. Toutes ces allées et venues entre agences de renseignements privées, instituts de sondage, et « journalistes-agent » continuent aujourd’hui comme hier. Elles expliquent bien des connivences et des effets de vagues médiatiques.
Mais que viennent faire les Émirats là-dedans ? Nous ne le savons ni ne le comprenons. Nous n’entretenons aucun conflit particulier avec eux. Pour le comprendre, après que j’ai posé la question autour de moi, on m’a transmis deux articles de presse qui expliquent ce qu’il faut comprendre. En juillet 2023, Mediapart publiait un article décrivant comment une officine suisse avait envoyé aux services d’Abou Dabi les noms d’un millier d’Européens « en les qualifiant souvent à tort d’islamistes proches des Frères musulmans. Parmi les victimes de ce fichage absurde figurent Benoît Hamon, Samia Ghali, le CNRS ou la France Insoumise ».
Nous semblons pris dans une guerre qui ne nous concerne pas. Pour en comprendre les contours, on peut lire l’article dans L’Orient–Le Jour, un journal sérieux et généralement très bien documenté. Le second est un article de Mediapart, journal également sérieux et souvent très hostile à LFI.
Il va de soi que dans ces conditions, nous sommes preneurs de toute information à ce sujet comme sur les menaces personnelles qui pèsent sur certains d’entre nous, venant de Suisse ou d’ailleurs.
Pitoyable ministre des Armées Madame Catherine Vautrin. Elle affirme son soutien au chef d’état-major des armées (CEMA) françaises après les propos de sa sortie de piste. Et bien sûr, elle a aussitôt l’insulte aux lèvres : « la polémique n’a finalement qu’une finalité : nuire aux intérêts du pays ». Bien sûr, cela n’a pas d’importance, car cette ministre n’existe pas tout simplement. Voyons les faits. Le général Mandon s’est exprimé devant le congrès des maires de France. J’ai exprimé, au nom des Insoumis, un désaccord complet non seulement sur le contenu de ce qu’il a dit, mais tout autant sur le fait qu’il s’exprime dans un tel contexte sur un tel sujet. D’aucuns m’ont aussitôt attribué à cette occasion une « polémique ». Évidemment, cela était accompagné de trémolos dans le style injurieux de Madame Vautrin. D’autres, comme Laurent Neumann sur BFM, en bon socialiste, m’ont fait le couplet sur « agent de Poutine ». Ce type de personnage n’a honte de rien. Il est consternant de voir des gens avoir aussi peu de culture républicaine à propos du rôle des militaires. C’est pitoyable. En fait, ce n’est pas une polémique, c’est un rappel à l’ordre. En République, l’autorité militaire est strictement subordonnée à l’autorité politique. Notre histoire est depuis longtemps chatouilleuse sur le sujet, mais ces prétendues « grandes consciences » de la caste médiatique sont aussi impudentes qu’ignorantes. En tout cas, en République française, c’est au Parlement et au président de la République, et à nul autre, de désigner l’ennemi. Et cette désignation vaut appel au combat, ce que nombre de commentateurs semblent ignorer. Un CEMA n’est pas un commentateur, ni un journaliste en train de faire des ménages dans un congrès. Ce n’est donc pas au chef d’état-major de parler d’une façon générale ni particulière. Cette appréciation est partagée à tous les niveaux de l’armée et de ceux qui en connaissent le fonctionnement ou s’intéressent aux liens avec la politique et les institutions. J’en trouve écho dans le nouveau blog de Jean-Dominique Merchet que personne ne prend pour un Insoumis, je l’espère comme lui. Je vous invite à cliquer et à le lire si ce sujet vous implique. Dans ce domaine davantage que dans tout autre, chacun, militaire et politique, doit être à sa place, pour pouvoir ensuite être chacun à son poste le moment venu. Mais par-dessus tout, un militaire n’exprime qu’un point de vue militaire. La réalité de la géopolitique et des enjeux de telles circonstances couvre un champ de questions plus complexes et des enjeux davantage pluri-factoriels.
Mais en toute hypothèse, il faut le marteler : nous ne voulons pas de la guerre. Parler comme si on se préparait à une guerre conventionnelle où l’on donne ses enfants et où l’on subit des revers économiques est un archaïsme total. Le système français repose sur la dissuasion. Un militaire devrait le savoir. Une telle guerre ne peut avoir lieu. Le CEMA le sait mieux que nous.
En tout état de cause, la guerre qu’il craint n’a rien d’inéluctable à cette heure. Si elle devait avoir lieu, c’est parce que la diplomatie aurait échoué. Personne ne peut prononcer cet échec aujourd’hui. En tout cas pas lui. Seulement ceux dont c’est le mandat peuvent le faire. Et il faudrait avoir auparavant franchi bien des étapes. Le propos du général Mandon est donc totalement hors sol ! Il a tenu un discours fondé sur des évaluations et des pronostics excessivement alarmistes et tout à fait malvenus. Ils n’ont aucune validation officielle. Et il contient un grand nombre de propos extrêmement malheureux et spécialement inadaptés venant d’un officier supérieur dans cette fonction. Ainsi affirme-t-il que « le pays doit être prêt dans trois ou quatre ans ». C’est une erreur. Le pays est déjà prêt. Sa force de dissuasion est prête et de potentiels agresseurs ne doivent pas pouvoir en douter. Et si la phrase signifie que le danger arrivera dans quatre ans, on doit plutôt se demander comment le stopper avant. Puis quand il dit qu’il faudrait « accepter le risque de perdre des enfants, de souffrir économiquement », je viens de le dire, c’est encore plus malheureux. La France n’acceptera pas la moindre forme d’agression et sa dissuasion est là pour le signifier. Plus absurde encore est la désignation d’un ennemi. Encore une erreur ! C’est à l’autorité politique du Parlement, au chef de l’État et à eux seuls de le faire. Car cette tâche vaut ouverture du combat d’une façon ou d’une autre !
Une telle confusion dans les responsabilités et de tels propos sont inadmissibles. En répétant publiquement des scénarios de guerre dans une vision aussi archaïque à l’âge de la guerre entre puissances nucléaires, le général outrepasse largement son rôle. Les chefs militaires conseillent le pouvoir civil, c’est normal et nécessaire. Mais en aucun cas ils ne fixent publiquement les actions de défense de la Nation. Et ils ne disent pas non plus aux élus locaux ce qu’ils doivent faire en tel cas. Sauf si l’autorité politique le leur demande.
Le devoir de réserve s’impose à tous les militaires. C’est la condition de base pour pouvoir recevoir ensuite l’appui de tous les Français. Ce devoir de silence fait partie des servitudes d’un métier bien plus exigeant que beaucoup d’autres, jusqu’à engager son existence personnelle, nous le savons ! Des déclarations publiques d’un CEMA, engageant le pays dans un imaginaire de guerre, n’ont pas à avoir lieu.
Il est temps de le réaffirmer avec force : les orientations stratégiques de la France relèvent exclusivement du débat politique des autorités civiles et sont placées sous le contrôle du Parlement. Il est inquiétant de voir comment la ministre des Armées s’est alignée sur le CEMA au lieu d’affirmer sa responsabilité politique. C’est de cette façon que les ministres de l’Intérieur ont perdu le contrôle de la police. La dynamique dans le tango entre forces politiques et institutions exige que le politique tienne absolument, et jusqu’au bout, son rang et son rôle de décideur suprême.
Et il faut y veiller davantage à l’heure du danger. Ce n’est pas le moment de jouer les malins ! Il faut demander sans ambiguïté de rappeler que la France ne veut pas de guerre. C’est le seul message politique dans cette phase.
Je conclus en vous disant qu’aucune guerre n’est jamais inéluctable tant que l’on fera tout pour épargner à l’humanité l’épreuve nucléaire que celle-ci contient à notre époque.