La commission d’enquête sur les « infiltrations islamistes » a-t-elle été infiltrée elle-même au profit d’un conflit entre États islamiques…

Mon audition à la commission parlementaire présidée par le député Xavier Breton le 6 décembre a suscité de nombreux commentaires. Le plus grand nombre se sont prononcés pour me « donner le point ». Je suis satisfait de ce moment politique. Je sais qu’il sera profitable à la cause de la laïcité vraiment républicaine et à la lutte contre l’islamophobie étouffante de cette période. La veille avant l’audition, d’aucuns avaient imprudemment chauffé leur public. Quatre chaînes de télévision avaient donc prévu une diffusion de mon audition. Quoi qu’on en dise, le président et le rapporteur se sont efforcés de donner à ce moment la crédibilité d’une séance digne et décente et non l’ambiance de coupe-gorge d’une émission de télé ordinaire. Mais la débandade des chefs de la droite islamophobe les a laissés quasi absolument seuls. Ils ne pouvaient faire à la fois les chefs d’orchestre et la billetterie. Madame Prisca Thevenot absolument seule pendant une heure, ne pouvait à elle seule déverser le tombereau de perfidies souhaité par les grands chefs à plumes si pleutres qui voulaient organiser là ma mort politique. Les rageux s’en étranglaient. Si CNews, beau joueur, reconnaissait, parfois avec humour, le point marqué, le service public prolongea ses jets de venins avec incontinence dès la fin de l’audition.

Le 3 novembre, Nathalie Saint-Cricq, cheffe du service politique du service public, assumait face à un Alexis Corbière stupéfait une islamophobie intolérable. Au moment où il est sous les feux d’une commission d’enquête extraordinairement hostile, le service public doit cesser d’indigner aussi ses auditeurs laïques et anti-racistes ! Saint-Cricq doit s’excuser. À la suite de ses prises de position au journal de 20 heures, la CGT avait demandé son départ. Inutile de dire que depuis lors « France info TV » a désormais dépassé toutes les bornes. Et, après le point d’orgue de Nathalie Saint-Cricq, disons pour parler sans détour : « France info TV » doit cesser de ruiner la réputation de « France info Radio ».

Les Insoumis ont saisi l’Arcom à son sujet. Le recteur de la grande mosquée de Paris aussi, et sans doute bien d’autres comme SOS Racisme vont le faire, pour ne parler que d’eux. Mais dès le lendemain encore, après mon audition, dans les émissions du dimanche, la rage des réseaux médiatico-politiques de l’islamophobie ordinaire recommençait leurs absurdes interpellations. Ils semblaient vouloir « rejouer la partie » avec leurs invités insoumis sur le mode du traquenard habituel. Ce qui frappe en les écoutant, c’est la confusion systématique entretenue entre « antisémitisme », « clientélisme électoral » et « islamophobie ». Et ce qui frappe encore davantage, c’est le niveau d’abaissement du métier de journaliste dans cette circonstance. Pas seulement à cause des préjugés racistes qui s’expriment à travers des propos comme ceux de Nathalie Saint-Cricq. Autre chose est en cause. Les journalistes en question, comme les leaders absents de la commission d’enquête, ne travaillent pas leurs sujets. De ce fait, ils se croient au-dessus de la réalité. Ils ne se rendent même plus compte de l’absurdité de ce qu’ils répètent, y compris quand cela est lourdement démenti. Un peu comme quand tous continuent à parler de « suspension de la réforme des retraites » pour servir la soupe à leurs camarades PS. Cela quand tout le monde, syndicats inclus, sait qu’il s’agit d’un simple décalage de son application. Dans le cas qui nous occupe, ils continuent à parler d’influence des réseaux islamistes en général et de même de liens en particulier avec LFI ou bien, par euphémisme, avec « certains partis politiques ». Pourtant, cette assertion est démentie par tous (= la totalité) des responsables du renseignement en France. Tous, sans exception. Cela est rapporté en toutes lettres dans le compte rendu de leurs auditions par la commission. Mais ces journalistes ne lisent pas, ne notent pas, n’argumentent pas. Ils répètent comme des répondeurs automatiques des éléments de langage strictement identiques, par miracle, d’un à l’autre et d’un média à l’autre.

Pourtant les comptes rendus des auditions à huis clos sont impressionnants sur ce point. Ils concluent au contraire de ce qu’on leur fait dire concernant « les Frères musulmans » et les réseaux islamistes en général. Et, puisque c’est eux qui occupent le devant du rapport, citons ce qu’en dit lui-même Pascal Courtade, préfet de l’Aube, co-auteur d’un rapport remis au ministre de l’Intérieur Darmanin sur l’islamisme politique en France. C’est le rapport qui justifie l’enquête de cette commission. « Au niveau français, je ne connais pas de stratégie constituée d’influence de la mouvance (Frères musulmans, ndlr) auprès des partis politiques. À l’heure actuelle, certains militants islamistes politiques – qui n’agissent pas nécessairement sur ordre – mènent au niveau local des stratégies d’influence, parfois d’obtention d’avantages, voire d’entrisme. Mais je répète que nous n’avons pas observé ni documenté ou étudié une stratégie d’influence au niveau national sur les partis politiques. » Tous les responsables de services de renseignements français vont dans le même sens et lavent de tout soupçons les Insoumis. Ainsi Hugues Bricq, directeur du renseignement de la préfecture de police de Paris, est parfaitement clair : « L’ultragauche était totalement absente lors des émeutes et des violences urbaines, et on ne la voit pas non plus quand il est question d’islamisme radical. En revanche, une certaine frange de l’ultradroite négationniste se rapproche, par antisémitisme pur, de certains islamistes ou référents religieux islamistes qui tiennent des propos antisémites. » Mêmes conclusions avec Nicolas Lerner, directeur général de la Sécurité extérieure (DGSE). Il assume « l’absence d’élément prouvant des connivences structurelles au sens de plan d’action, de programme, d’échéance, d’agenda communs entre la gauche et les islamistes. » Et il conclut : « nos investigations n’ont pas mis en évidence de démarches assumées et méthodiques allant en ce sens ». Ces déclarations sont publiques. Accessibles à tout le monde sur le site de l’Assemblée. Pourtant elles n’ont jamais été relevées par les mercenaires médiatico-politiques. Pourquoi ? On se le demande. Mais il existe au moins une piste révélée par la presse écrite. 

L’influence des réseaux liés aux Émirats arabes unis est en cause. Ceux-ci mènent une guerre spécifique avec le Qatar qu’ils accusent d’être les parrains des « Frères musulmans ». Dans la mesure où les accusations portées contre les LFI permettent une certaine prise en compte médiatique, sous couvert de journalisme, des agents s’agitent beaucoup. Les buts des Émirats n’ont rien à voir avec LFI, cela va de soi. Il s’agit de valoriser le « danger des Frères musulmans » pour nuire au Qatar à qui les Émirats attribuent la direction de la confrérie. Lier la question à LFI permet l’habituelle prise de lumière médiatique chez tous ceux qui veulent obtenir de « rendre résiduel LFI ». Pourquoi suis-je obligé de revenir là-dessus alors que je l’ai fait lors de mon audition à la commission ? Précisément parce que je ne m’explique pas le silence qui a suivi sur ce sujet. « Bizarre, bizarre. Vous avez dit bizarre » ? Ce silence vaut peut-être de l’or. Assez en tout cas pour qu’une audition scrutée à la loupe ne produise rien sur le sujet, alors même que je demandais sans précaution de langage au Président de la commission de se méfier d’une infiltration possible de sa commission. N’a-t-il pas autorisé l’audition de deux « journalistes » d’un étrange média nommé « Écran de veille », en vente on ne sait où mais distribué gratuitement à tous les députés ? Ce journal n’est-il pas directement financé par des fonds émiratis ? Son rédacteur en chef n’est-il pas qualifié d’« espion » par le journal Le Monde ? Votre curiosité est piquée ? Vous voudriez savoir de quoi nous parlons ? Accrochez-vous.

LFI est devenue une cible des Émirats avec l’affaire de la diffamation de Carlos Martens Bilongo. On avait appris qu’elle avait été fabriquée de toutes pièces par les Émirats. Ils reprochaient à Carlos d’avoir protesté contre le fait que la COP 28 sur son territoire avait été préparée par un dirigeant émirati, lui-même PDG d’une compagnie pétrolière… Cela lui aurait valu des inimitiés dont il ne se doutait pas. Des représailles furent organisées sous forme d’un scandale sans réalité mais relayé par un certain nombre de journalistes sans doute bien inspirés, avec l’aide de services français. Tout cela fut raconté par L’informé qui révélait ces liens à notre stupeur. Sa reprise dans Mediapart a évidemment produit une forte attention. Salutaire ! Depuis, une nouvelle preuve de cette influence s’est manifestée. C’est la publication du sondage IFOP bidon pour dramatiser l’image de la relation des musulmans à leur religion. Ce sondage a également provoqué une série d’articles critiques. Celui du Monde permet de découvrir de nouveau le rôle des Émirats dans son financement. « En publiant, le 18 novembre, une longue étude sur le rapport des musulmans de France à leur religion, qui met en lumière la « tentation islamiste » de certains d’entre eux, l’IFOP a créé une vive polémique. Si la méthodologie de ce sondage a fait l’objet de critiques, l’identité de son commanditaire, elle, a moins attiré l’attention »déclare le quotidien. « L’étude a été commandée par « Écran de veille », une revue confidentielle appartenant au groupe Global Watch Analysis (GWA), qui se décline aussi en site Internet, en maison d’édition (GWA Editions) et en WebTV (Elmaniya). Dans la pratique, le groupe GWA, qui revendique « des publications consacrées à la résistance aux extrémismes et aux fanatismes, sous toutes leurs formes », se focalise très nettement sur l’islamisme, et en particulier sur les réseaux des Frères musulmans. De surcroît, il nourrit une hostilité manifeste envers le Qatar, principal partisan de la confrérie au niveau international. »Au passage, on découvre aussi le rôle d’agences privées suisses agissant pour procurer aux officines émiraties des noms d’« agents des Frères musulmans ». À vrai dire, les Émirats payent à prix d’or des renseignements absolument bidons qui ridiculisent plutôt leurs utilisateurs. À leur place, je me fâcherais. Mediapart avait fait un papier sur le sujet dont je vous recommande la lecture. On y apprend que des centaines de noms de personnes ont été « vendus » de cette façon, parmi lesquels : le mien, celui de Benoît Hamon, et même celui… du CNRS ! Si mes lecteurs veulent en savoir plus sur un sujet, que je découvre moi aussi comme eux, ils peuvent lire l’article du journal L’Orient XXI vers lequel je mets le lien. Celui-ci analyse toute cette ingérence étrangère, son histoire et ses causes. Comment LFI se retrouve-t-elle prise dans cette obscure mêlée ? Est-ce que la haine anti-LFI est rémunérée quand on la lie aux activités de certains réseaux ? Bonne question. À faire connaître autour de vous si vous le voulez.

Le lien des Émirats avec la commission d’enquête ? C’est évidemment le fait que ces deux « journalistes » d’un média inconnu, mais bien identifié, ont été entendus par la commission. Comment deux pareils pieds nickelés ont-ils pu être sélectionnés par une commission d’enquête de l’Assemblée nationale française, alors que le rédacteur en chef de ce journal est signalé par le quotidien Le Monde comme « un espion » et un « agent d’influence des émirats ». Qui a proposé ces auditions ? Qui va traiter leur contenu ? La conclusion pourrait bien être celle-ci : la commission d’enquête sur les infiltrations islamistes a été infiltrée elle-même au profit d’un conflit entre États islamiques…. Je l’ai dit en commençant mon audition. De son côté, le groupe parlementaire Insoumis a déposé publiquement un signalement au titre de l’article 40 au procureur de la République, signé par la totalité des membres de notre groupe (71 députés français, le premier groupe de gauche).

Avez-vous remarqué l’absence de reprises de mon propos sur ce point ? Et de la dénonciation du groupe LFI. Pas un mot. Je me demande pourquoi. Ce silence sent fort. Et même, il pue. Ou bien la solidarité de certains avec Netanyahu est-elle étendue à tous les signataires des « accords d’Abraham », comme c’est le cas des Émirats mais pas du Qatar ? En toute hypothèse, soyons clairs : LFI n’est concernée par rien de tout cela. Nous n’avons aucune bataille avec les Émirats ni avec le Qatar. Nous souhaitons donc être tenus à l’écart de leurs conflits.

Mais puisque madame Saint-Cricq, ses affidés et autres « cellule d’investigation » et « Complément d’enquête » qui chaque année produisent au moins une émission anti-LFI sont si chatouilleux sur l’islamisme et la haine de LFI, je note leur silence. Mais surtout, je sollicite leur prudence pour être bien certains qu’ils ne sont pas inconsciemment placés déjà sous l’influence d’infiltrations étrangères. Dans les rédactions, on sera plus vigilants, j’en suis certain. Et cela ne vaut pas que pour le service public. Car les journaux qui perdent de l’argent à longueur d’année sans broncher ont toujours suscité des interrogations sur la raison pour laquelle leurs propriétaires ne s’en plaignent jamais, ni comment ils compensent des pertes si importantes. La vigilance est donc une obligation partout. Seules les rédactions peuvent assumer ce rôle, sauf si elles veulent voir l’idée d’un label comme celui inventé par Macron s’étendre à tout le paysage médiatique. On se souviendra alors de la proposition de loi LFI en vue de la création d’un conseil de déontologie des médias, rejetée par tous ces grands esprits pour « protéger leur indépendance » quand bien même 18 pays démocratiques en ont un dont nous avons recopié le modèle ! 

En tout cas le journal Libération aura sans doute une réaction à l’influence que subit sa rédaction. « Mélenchon est le problème », comme il a été éditorialisé ? D’où vient cette idée qui assume une division propagandiste de la gauche ? La rédaction devrait s’interroger. Car elle est d’habitude prompte à donner des leçons d’indépendance journalistique. Depuis le 2 décembre 2025, nous savons ce que cela vaut. Car ce jour-là Denis Olivennes, grand chef d’orchestre médiatique du groupe auquel appartient ce journal, tenait une conférence littéraire pour la sortie de son livre. Il montre clairement comment une ligne politique vient d’en haut où elle se décide en fonction de paramètres inconnus des lecteurs. Et donc elle-même influençable sans recul critique possible. « Dans mon groupe, dit Olivennes, c’est un groupe pluraliste, il y a Marianne, Franc-Tireur, de manière périphérique Libération, il y a T18… Mais si vous observez, Franc-Tireur, je l’ai créé. C’est mon idée et je pense que sa contribution au combat n’est pas négligeable. Et si vous regardez l’évolution depuis 5 ans de Libération ou de Marianne… depuis quelques mois, j’essaie de pousser ces journaux… Et franchement – alors quand je dis ça en général je suscite un certain scepticisme – mais moi je lis « Libération » tous les jours et je peux vous dire que l’évolution comparée de « Libération » et d’un autre grand journal du soir au cours des 5 dernières années et précisément depuis l’affaire de Gaza, est simplement la nuit et le jour ». On attend la suite.

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