Le Brésil me saigne

Il faut que j’écrive ces lignes. Elles me brûlent sous la peau. Le Brésil me saigne et j’ai besoin de partager ma très grosse colère. Oh je sais : le Brésil c’est loin ! Presque aussi loin que le Venezuela ou l’Équateur. Mais là-bas est née la première vague de révolution démocratique après la chute du mur de Berlin. Lula, le parti des travailleurs ont ranimé la grande flamme. Puis ce fut comme par effet domino dix gouvernements de cet acabit, certes bien distincts, sur ce continent. Cette vague, ses hauts et ses bas ont été une source permanente d’inspiration pour nous. Pour moi. Pour tous ceux qui savent que l’Histoire ne pouvait avoir atteint sa limite tant que le régime fou qui la surplombe seul la domine.

Pour les USA, le bras de fer s’était donc concentré là-bas pour le deuxième round qu’a été la nouvelle décennie. D’autant que le Brésil est un des pays du groupe BRICS qui menace la suprématie du dollar nord-américain sur le monde. Le Brésil est donc un enjeu multiple pour l’Empire US. Méthodiquement, les marionnettes des USA, les pires corrompus du Brésil, ont creusé leurs trappes pour faire tomber le pouvoir démocratiquement exercé et acquis par Lula et Dilma Roussef à sa suite. Il aura d’abord fallu un coup d’État juridique pour que la droite brésilienne revienne au pouvoir sur la base de l’élimination de Dilma Roussef. Mais en dépit de campagne mondiale de dénigrement, l’équipe Lula a repris pied dans l’opinion. Pour le tuer politiquement, tout était pourtant bon. Mais Lula était donné en tête de tous les sondages. On annonçait sa victoire.

L’Empire, ses marionnettes locales et sa presse mondiale ont tiré à vue et enseveli Lula sous les accusations, les ragots et les sous-entendus. Puis, sur place, des juges vendus l’ont arrêté, inculpé et méthodiquement sali des mois durant. Ils l’ont aussi berné en lui faisant croire que s’il acceptait son incarcération il pourrait espérer sa relaxe. Dans tous les pays du monde la presse sous influence des USA et les journaux de la boucle des ambassades ont fait des articles puant de sous-entendus, sans le moindre recul critique sur cette incarcération. Sans le moindre recul sur ces « juges » brésiliens qui faisaient des conférences bien payées aux USA pour commenter leurs exploits judiciaires contre Lula et Dilma Roussef. Ni sur le fait que ceux qui avaient déjà réussi à faire démissionner Dilma Roussef pour corruption, puis fait incarcérer Lula, étaient eux-mêmes accusé de corruption. Que mes lecteurs les plus vigilants fassent tourner leur moteur de recherche favori pour retrouver cette prose à gage dans les journaux français. Ils pourront alors eux même nommer les coupables. Et se tenir prévenus pour l’avenir des hauts lieux du mensonge dans notre pays.

Ici est le vice. Naturellement, ceux qui connaissent les données du problème savaient qu’il s’agissait d’une préparation de l’opinion des lecteurs ou auditeurs considérés. Et cela participait de la grande campagne qui se mène sous toutes les latitudes : « progressistes » (modernes, libéraux, ouverts) contre les « populistes » (la liste des injures vous est connue). Au Brésil, les gros malins qui avaient conspiré contre Lula et accompagné son dénigrement espéraient un effet bien connu en France avec le lepénisme médiatique. Un bon second tour bien pourri pour faire avaler la marionnette locale de la droite traditionnelle. Ces gens la sont des criminels sans vergogne. Il suffisait pour avoir la nausée de leur jeu, d’entendre la « correspondante » de la direction politique de France 2 pérorer à l’antenne du 20 heures la propagande des bienpensants pour comprendre le degré que peut atteindre l’irresponsabilité médiatique. Car pour elle la « lassitude du peuple après 14 ans de pouvoir de gauche » était la clef d’explication du succès de l’extrême droite. Et cela quand bien même la droite est au pouvoir au Brésil depuis plus de deux ans à présent. Je pensais à ce moment à ce long et beau papier de « France culture » expliquant comment la presse étrangère en Allemagne avait accompagné en toute bonne conscience le régime nazi en son temps.

Bien sûr, comparaison n’est pas raison. Bien sûr que les nôtres au Brésil ont leur part de responsabilité dans ce désastre. On se perd en conjectures pour essayer de comprendre comment le Parti des Travailleurs de Lula a pu présenter à sa place un milliardaire alors même que grondait une énorme vague dégagiste ! Mais cette responsabilité est globalement accessoire. Ils n’ont pas su déjouer le piège. Dès lors tout le tableau change de sens. Que chacun veuille bien se rappeler des faux naïfs qui opposaient le « bon » Lula au « méchant » Chavez, et ainsi de suite. Il y a une nouvelle fois une leçon du Brésil. Les arrangements, atermoiements et compromis avec le système et la naïveté face aux États-Unis et au parti médiatique sont le plus court chemin vers le cimetière. Saint-Just écrivait : « qui fait une révolution a moitié creuse un tombeau ». Je me le tiens pour dit.

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