Emmanuel Macron et Nathalie Loiseau réclament le renforcement de la militarisation des frontières de l’Europe. Le Président a ainsi plaidé pour « une police des frontières communes ». On peine à comprendre le sens exact de cette proposition étant donné que l’agence Frontex existe déjà. En revanche, on comprend que lui et madame Loiseau sont d’accord avec Jean-Claude Juncker pour renforcer son contingent de 10 000 hommes.
Ils sont engagés sur le sujet dans une course avec Marine Le Pen. D’ailleurs, les macronistes et le rassemblement national votaient parfois ensemble à l’Assemblée nationale sur la loi asile immigration. Ce fut notamment le cas sur la possibilité d’enfermer en centre de rétention pendant 90 jours des enfants. Les deux ne comprennent pas que la hauteur du mur, la taille des barbelés importent peu pour ceux dont l’exode est une question de survie. 15 000 personnes mortes par noyade en Méditerranée en 3 ans ne suffit pas à décourager. Nous, les insoumis ne cessons de répéter l’évidence : la seule discussion rationnelle à avoir sur le sujet de l’immigration est celle des raisons du départ. L’Union européenne a sa part de responsabilité lorsqu’elle détruit l’agriculture vivrière et les chances de développement en imposant des accords commerciaux inégaux. Les désordres causés par l’OTAN et ses guerres aussi. Sans parler de la première cause de déplacement de populations : le réchauffement climatique.
Mais il y a un autre angle mort dans l’approche commune des libéraux et des nationalistes. C’est celle de l’émigration à l’intérieur de l’Union européenne. Aveuglés qu’ils sont par leur mépris pour les pays du Sud, ils ne voient pas que l’exode et l’exil sont des phénomènes qui touchent des populations européennes. C’est le cas pour l’Est du continent. Là-bas, le départ des jeunes et des qualifiés est bien le premier sujet, pas l’invasion fantasmée par Le Pen et Salvini. En effet, quand on interroge par sondage les habitants de ces pays sur leur inquiétude quant à l’arrivée de migrants ou au départ de nationaux, une majorité se dit plus inquiète des départs vers l’Ouest et le Nord de l’Europe. Il faut dire que pour certains pays c’est une catastrophe. La Roumanie et la Bulgarie ont perdu de l’ordre de 20% de leur population en 10 ans. La population vivant en Croatie a diminué de 13% depuis 1991. Et les choses ne vont pas mieux depuis que le pays des Balkans a rejoint l’Union européenne. Si les tendances actuelles se prolongent, il pourrait perdre un quart de ses habitants dans la prochaine décennie. C’est au point qu’en Pologne ou en Roumanie, une majorité de la population dit qu’elle soutiendrait des mesures pour interdire aux jeunes d’émigrer.
Pour ces pays, l’appartenance à l’Union européenne a plutôt été un accélérateur de leur désertification. L’absence d’harmonisation sociale, interdite par les traités européens, les a contraints à se maintenir dans des niveaux de salaires et de protection sociale extrêmement bas. Des dispositions comme la directive sur les travailleurs détachés les ont même incités à voir la misère de leurs travailleurs comme un avantage comparatif. Dans le même temps, ils n’ont pas bénéficié des investissements publics importants pour développer une base productive propre. Au contraire, puisque les États ont été poussés à privatiser leurs industries et leurs infrastructures. Le résultat est que, pour les jeunes générations, l’avenir paraît plus intéressant à l’Ouest ou au Nord de l’Europe que dans leur pays. Dans le cœur de l’Europe, certains ont par ailleurs organisé le pillage de la main d’œuvre de l’Est. C’est notamment le cas de l’Allemagne elle-même en déprise géographique. Outre-Rhin, des entreprises, des communes ou même des Landers organisent des campagnes de recrutement dans à l’Est et dans les Balkans. Les maisons de retraites allemandes embauchent ainsi une grande partie de leur personnel en Croatie.
Il n’y a pas que l’Est. Depuis la crise de la dette, les pays du Sud et l’Irlande ont aussi été frappé par le fléau de l’émigration. Pendant la crise, 400 000 personnes ont quitté la Grèce, 700 000 sont parties d’Espagne, 485 000 du Portugal et 200 000 d’Irlande. Cet exil forcé a fortement marqué ces sociétés. Lui aussi est directement causé par l’Union européenne. La Commission a imposé aux gouvernements serviles de ces pays la baisse des salaires, les coupes dans les services publics, le licenciement des fonctionnaires et les privatisations avec un rythme et une intensité jamais vus auparavant en Europe. L’immigration et l’émigration sont donc d’abord des problèmes européens. À l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe, ce sont les politiques libérales qui déstructurent les sociétés et poussent à l’exode. L’exil est toujours une souffrance pour celui qui le subit. S’il trouve refuge chez nous, l’humanité commande de lui fournir le meilleur accueil possible. Mais dans le même temps, notre objectif d’internationalistes doit être de permettre à chacun de mener une vie digne chez lui. « Vivre et travailler au pays » est une revendication qui commence en Europe.