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Le climat à l’Assemblée

À partir du 25 juin, l’Assemblée nationale examine le projet de loi énergie-climat. Elle le fait une semaine après que le Conseil européen a échoué à adopter un renforcement de ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et l’Estonie s’y sont opposés. Leur grossier calcul : la cause de la lutte contre le réchauffement climatique serait un bon levier à utiliser dans un rapport de force pour obtenir certains fonds européens. Dans cette guignolade, le gouvernement français tient son rang : il justifie son refus de taxer normalement le kérosène des avions parce qu’il promet de mener la bataille au niveau européen. Fin de la récréation une fois plus pour Macron.

Dans le projet de loi qu’il présente au Parlement, il propose de remplacer les objectifs de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 par celui d’une « neutralité carbone » à la même date. Les objectifs à horizon 2050 sont louables. Comme tous les objectifs. Mais même de ce point de vue, ici ils ne sont vraiment pas à la hauteur de l’urgence. Le dernier rapport du GIEC sur le sujet nous a appris qu’il nous restait 12 ans pour engager les transformations profondes de nos modes de production, de consommation et d’échange pour limiter le réchauffement dans des proportions acceptables. C’est donc d’actions concrètes immédiates dont nous avons besoin, pas d’objectifs lointains sans contenu. Et le passage de la « baisse des émissions » à la « neutralité carbone » peut contribuer à les retarder. Car ce concept n’implique pas nécessairement un niveau bas d’émissions. Il s’agit seulement d’un équilibre entre les émissions et les capacités d’absorption et de stockage du carbone. De fait, il encourage la croyance dans l’apparition d’une solution technique pour capter en quantité suffisante le CO2 plutôt que la sobriété.

Ce projet de loi est aussi celui du choix de l’énergie nucléaire. Il reporte l’objectif de réduire la production d’énergie nucléaire à 50 % du total de l’énergie consommée en France. C’était déjà une décision pas très brillante du gouvernement Hollande car elle revenait à dire quand même que la consommation pouvait continuer à croître et le nucléaire lui aussi à condition de ne jamais dépasser les 50 % du total. Une arnaque dans le plus pur style de Hollande. En tout cas, ce mix à 50 % était planifié pour l’année 2025. Macron a décidé de repousser cet objectif de dix ans, à 2035. C’est donc clairement une mauvaise décision. Elle est plus affligeante encore qu’elle en a l’air.

En effet, 17 réacteurs vont arriver à la fin de leur durée de vie d’ici la fin du mandat. Le nouveau calendrier signifie donc qu’il va falloir le moment venu financer la rénovation des centrales qui seront parvenues au terme de leur existence. Il en coûterait 150 milliards si l’on en croit les experts. Il est peu probable qu’après avoir financé une telle somme, il reste encore quelque chose pour assurer la transition des méthodes de production de l’énergie dans notre pays. Et si l’on prend au sérieux les calendriers, alors on voit qu’il y a une autre arnaque. Comment croire qu’on décide de fermer des centrales qu’on viendrait juste de rénover ? Au total tous ces micmacs ont un sens : continuer dans le nucléaire. Notons enfin, sans vouloir noircir excessivement le tableau, que la valeur des estimations du coût du grand carénage des centrales nucléaires actuelles pour les remettre à niveau pourrait se révéler sujet à caution. Ce ne serait pas la première fois. Il suffit de voir ce qui se passe avec les prévisions concernant l’EPR de Flamanville. Il sera livré dans le meilleur des cas avec 10 ans de retard et un coût trois fois supérieur aux prévisions initiales…

En même temps que ce projet de loi est présenté à l’Assemblée nationale, on apprend qu’un plan de réorganisation d’EDF serait en préparation. Il vise essentiellement et une fois de plus, à nationaliser les pertes et privatiser les profits. Il s’agirait de séparer les activités de l’entreprise nationale publique en deux filiales. La première contiendrait les centrales nucléaires, qui vont devenir de plus en plus coûteuses et serait à 100% à capitaux publics. Dans la deuxième filiale, il y aurait les activités de commercialisation d’EDF ainsi que les énergies renouvelables. Et cette filiale-là, beaucoup plus rentable dans l’avenir, serait ouverte aux capitaux privés. Après Aéroports de Paris, il s’agit encore d’une nouvelle part du patrimoine de la Nation, un réseau très rentable que Macron veut offrir à la finance.

Encore une fois, Macron va priver le pays d’un outil industriel essentiel pour faire la planification écologique. Le développement des énergies renouvelables va être entièrement soumis aux critères fous de la rentabilité du capitalisme financier. Si Macron réussit son projet, nous en rabattons encore sur les capacités à faire bifurquer notre production énergétique. Il a déjà vendu Alstom et sa production des meilleures turbines pour produire de l’électricité du monde à General Electric. Laquelle ferme les unités de production françaises les unes après les autres comme à Grenoble ou Belfort. La vente d’EDF est une autre étape dans le dépeçage de notre industrie, le démantèlement de notre souveraineté sur l’autel de son idéologie financiariste. Décidément, ce que Macron n’a pas compris, c’est qu’il ne suffit pas de poser une pile de billets de banque en face d’une pile de tôles pour que cela produise spontanément des automobiles, des turbines ou ce que l’on voudra. Pour y parvenir, il faut des usines, une culture industrielle, des machines et un savoir-faire humain qui rende le tout possible. C’est tout cela que la vision financière de l’économie telle que la porte Monsieur Macron ignore absolument. Elle ne peut donc que produire des désastres.

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