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La retraite par points au doigt mouillé

Notre stratégie paye. Les 19 000 amendements que nous avons déposés ne sont pas de l’obstruction. Il sont un outil pour forcer un vrai débat à l’Assemblée sur le projet de réforme du gouvernement. Sans eux, de nombreux sujets n’auraient pas été dévoilés en commission spéciale. Vendredi après-midi, j’ai déclenché par une simple question un débat de deux heures qui en dit long sur le saut dans l’inconnu que représente la réforme pour des millions de français.

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Il ne s’agit de rien de moins que l’évolution de la valeur du point. C’est-à-dire le coeur de ce qui va déterminer, dans le système Macron, le niveau des pensions. L’article 9 du projet de loi précise que, par défaut, la valeur du point suivra un « revenu moyen par tête ». Problème : cet indicateur n’existe pas. Il y a bien un « salaire moyen par tête » dont le calcul et l’évolution sont connus depuis de nombreuses années mais pas de « revenu moyen par tête ». Les deux notions sont différentes puisque le revenu englobe d’autres sources que le seul salaire. Le projet précise qu’il doit être constaté par l’INSEE et validé par un décret en conseil d’État.

Mais évidemment, la fabrication d’un indicateur n’est pas neutre. Selon la façon dont on le calcule, ce « revenu moyen par tête » peut évoluer rapidement ou pas et, avec lui, la valeur du point. C’est pourquoi je suis intervenu en commission spéciale pour demander au gouvernement et au rapporteur comment ils comptaient construire ce nouvel indicateur. Le niveau des futures pensions de retraite en dépend. Mais malgré le niveau d’importance du sujet, et plus de deux heures de débats, aucune réponse ne nous a été fournie. Le gouvernement a été incapable d’expliquer à la représentation nationale sur quelle base évoluera la valeur du point, donnée essentielle du régime qu’il prétend mettre en place.

De nombreuses options sont possibles. Ainsi, pendant le débat, un collègue LR a eu la bonne idée de demander au gouvernement s’il comptait inclure les dividendes, qui sont les revenus du capital dans le calcul du revenu moyen par tête. Réponse : « on ne sait pas ». Mais en vérité cela semble peu probable. L’évolution de ces revenus est beaucoup trop rapide. L’objectif d’une telle embrouille, on le devine, est de minorer le plus possible la valeur du point en lui appliquant la revalorisation la plus faible possible. Cela pourrait être atteint en intégrant par exemple l’évolution des revenus des indépendants. Ceux-ci ont augmenté en moyenne quatre fois moins vite que les salaires depuis 2012. Mais même cette opération pourrait s’avérer être une usine à gaz : l’évolution revenus des indépendants n’étant pas suivie de manière aussi précise que celle des salaires par l’INSEE à ce stade.

Quoiqu’il en soit, j’ai bien fait de relever ces quelques mots au détour d’un alinéa dans la discussion. Les concepteur du projet de retraites par points voulaient que cela passe inaperçu, dans la course d’une procédure parlementaire accélérée. Ainsi ils auraient pu concocter un indicateur très défavorable pour les travailleurs dans le secret d’un bureau. Notre présence et notre bataille ligne par ligne contre le projet de loi a jeté la lumière sur cette entourloupe. Elle révèle l’ampleur des inconnues sur lesquelles repose cette réforme des retraites. La valeur du point n’est pas connue. Son évolution repose sur un indicateur inexistant. Sauf dans le cas, non défini, où le conseil d’administration du futur système en décide autrement. Nos amis belges, qui sont venus à bout d’un projet de réforme similaire ont bien raison : la retraite à points, c’est la retraite tombola.

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