convention climat

Loi «Climat» – Courrier aux associations engagées dans le combat pour la bifurcation écologique

Jean-Luc Mélenchon
Président du groupe de la France insoumise

Mathilde Panot
Vice-Présidente du groupe de la France insoumise

Paris, le 4 mai 2021

 

Aux associations engagées dans le combat pour une vraie loi climat et pour la bifurcation écologique,

Vous le savez, le changement climatique est commencé et il est irréversible. Le moment écologique est donc placé sous le signe de l’urgence. Pourtant, le gouvernement n’a pas pris la mesure du problème. Nous avons donc d’abord défendu une motion de rejet du projet de loi « Climat » pour souligner, aux côtés de 110 organisations et du Haut Conseil pour le Climat, l’insuffisance de ce texte.

Ensuite, le gouvernement a muselé le débat. Un amendement sur quatre a été jugé irrecevable, c’est un record. Près de la moitié des amendements de notre groupe ont été rejetés avant même d’être débattus. Nos propositions pour rehausser les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, abolir l’invasion publicitaire, interdire les pesticides, préserver les forêts, imposer des éco-conditionnalités aux entreprises ou encore investir massivement dans le ferroviaire ont été considérées comme n’ayant aucun rapport avec le texte. Le temps législatif programmé a parachevé la censure : aucune limite pour le gouvernement, 9 heures pour la majorité, 3h50 pour notre groupe.

Si 90% des propositions de la Convention Citoyenne sont compatibles avec notre programme l’Avenir en Commun, c’est bien parce que votre expertise alimente nos combats partagés. De fait, les amendements que nous avons défendus ont été très souvent inspirés de vos contributions ou élaborés directement en lien avec vos différents spécialistes.

Mais au final, à peine 10% des mesures de la Convention Citoyenne ont été inscrites dans le projet de loi. Le plus « ambitieux » a été repoussé à plus tard. Ce qu’il reste est assorti de dérogations et de conditions visant à les rendre inopérantes. Pour n’en citer que quelques exemples :

  • Seule la publicité pour les énergies fossiles a été interdite, le reste repose sur des engagements « volontaires » du secteur. 
  • Les 9 projets d’extension d’aéroports en cours ne seront pas inquiétés par les nouvelles dispositions du projet de loi. Aucun plan d’investissement massif dans le ferroviaire n’est prévu. Il manque pourtant 3 milliards chaque année pour atteindre les objectifs fixés par la France dans sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC).
  • Les entreprises du CAC40 nous conduisent tout droit vers un réchauffement de 3,5°C. Pourtant, elles ne sont nullement inquiétées car le projet de loi ne leur impose aucune trajectoire de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
  • Alors que l’artificialisation des sols devrait être freinée d’urgence, 80% des projets d’extension ou d’implantation de nouvelles surfaces commerciales pourront échapper aux restrictions, dont les entrepôts de e-commerce.
  • Concernant les passoires thermiques, leur interdiction progressive à la location n’interviendra pas avant 2025, voire 2034 pour certaines catégories. Surtout, il ne s’agit en rien d’une interdiction réelle. Cela dépendra des démarches entreprises par les locataires eux-mêmes si le propriétaire refuse de faire des travaux pour rendre leur logement décent. Le gouvernement a également refusé le reste à charge « zéro » indispensable pour que les plus précaires puissent mettre en œuvre des travaux de rénovation énergétique.
  • Il faudra attendre 2023 pour que l’option végétarienne quotidienne soit obligatoire dans la restauration collective, mais publique seulement. Plus globalement, le texte ne vise aucune rupture avec le modèle agro-industriel. Le gouvernement envisage une lutte contre la déforestation sans remise en cause des accords de libre-échange qui y contribuent !
  • Pour finir, le crime d’écocide est assorti de tellement de conditions qu’il cache en réalité un simple délit de pollution générale.

Comment prétendre faire une loi pour le Climat et la réduction des émissions de gaz à effet serre avec autant de manques ? Sans surprise, l’objectif de départ est loin d’être atteint. D’autant que le mandat initial de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre est déjà caduque. En effet, celui-ci a récemment été révisé à la hausse l’échelle européenne.

Leur manque d’ambition et leur inaction sont un danger. Au contraire, notre programme porte la nécessité de planifier une bifurcation d’ampleur de notre modèle économique. Nous ne prétendons pas détenir le monopole de la conscience écologique. Mais il s’agit désormais de bien choisir entre les mesures concrètes portées par les différentes options de l’écologie politique.

La nôtre est nécessairement une écologie de rupture. Nous résumons notre ligne d’action à cet objectif : construire une société de l’harmonie entre les êtres humains et avec la nature. Cela implique d’une part d’éradiquer les inégalités. Mais aussi synchroniser à nouveau les cycles de l’activité humaine et ceux de la nature.

De cet impératif découlent nos principes ambitieux. La « règle verte » signifie ne pas prendre à la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. C’est le moyen de rompre avec la logique d’accumulation du capitalisme, aussi vert soit-il. La planification est la méthode pour parvenir à faire cette bifurcation écologique de nos modes de production et d’échanges.

En clair, nous défendons le seul écosystème compatible avec la vie humaine. De ce point de vue, nous entrons dans une décennie décisive. En effet, chacune de nos décisions face au défi écologique et climatique engagent l’humanité entière. Dans une ère d’incertitude globale, l’heure est venue d’un nouvel humanisme : celui de la défense des biens communs et de la conscience de notre absolue dépendance vis-à-vis d’eux. C’est cela qui fonde le peuple humain.

En votant contre ce texte, soyez assurés que nous agissons en députés du peuple humain,

Nous restons bien sûr pleinement mobilisés à vos côtés et entièrement disponibles pour échanger avec vous autour des enjeux écologiques,

Jean-Luc Mélenchon
Mathilde Panot

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