L’information est passée assez inaperçue. Le 14 avril 2021, le gouvernement de Macron a envoyé son « programme de stabilité » à la Commission européenne. L’envoi de ce document est obligatoire dans le cadre des règles budgétaires de l’Union européenne. Le but est de permettre la mise sous surveillance permanente des budgets nationaux par la Commission. Le « programme de stabilité » présente les principaux objectifs de dépense et de recettes pour les prochaines années du gouvernement.
Celui que Macron vient d’envoyer à la Commission européenne porte sur les années 2022 à 2027. C’est donc son programme de gouvernement pour le prochain mandat s’il est réélu, comme il compte l’être en s’appuyant sur Marine Le Pen. Que promet donc Macron aux technocrates européens ? Une austérité sans précédent dans l’histoire récente de la France. En cinq ans, il compte faire passer le déficit public, de 9% aujourd’hui, en dessous de la barre des 3%. Il choisit donc de montrer son allégeance à cette règle absurde des 3% de déficit. C’est le plus mauvais moment pour le faire. En effet, la règle a été suspendue le temps de la crise sanitaire. La question de son rétablissement se posera à partir de l’année prochaine, lorsque la France assumera la présidence de l’Union européenne. Ce serait donc le moment pour notre pays de peser de tout son poids pour refuser le retour du carcan budgétaire. À la place, Macron fait le bon élève.
Pour le peuple français, son aveuglement dogmatique aura un prix. Celui de la poursuite du démantèlement général de son État, de ses services publics et son système de Sécurité sociale. Car la cure promise est rude. Jamais, sur une période aussi longue, la France n’a fait autant d’économies sur sa dépense publique. Le niveau de coupes budgétaires que Macron propose pour un quinquennat entier, nous ne l’avons subi que deux fois. La première fois, c’était en 2011 au plus haut de l’austérité Sarkozy. La seconde, en 2018, année du macronisme triomphant des débuts mais qui s’est conclue dans la révolte sociale des Gilets Jaunes. Cette année-là, Macron avait réduit les APL, coupé les vivres aux logements sociaux, supprimé les emplois aidés, retiré 4,2 milliards d’euros à la santé. Il propose de recommencer l’expérience tous les ans, pendant 5 ans.
Le document transmis à la Commission européenne prévoit de réduire le déficit public uniquement en faisant des économies. Mais ce n’est pas la seule possibilité. L’État peut aussi augmenter ses recettes. En particulier, il pourrait en trouver en allant chercher l’argent chez les riches. Selon un sondage paru dans le journal Les Echos, 72% des Français sont en faveur d’une taxe sur les plus hauts revenus. Ils ne sont qu’une minorité à consentir en revanche à de nouvelles économies. La France Insoumise, à l’Assemblée nationale, le propose aussi avec la création d’un impôt sur les profiteurs de crise. Plus globalement, notre programme comprend une réforme de l’impôt sur le revenu pour le rendre plus progressif. Étalé sur 14 tranches, il consisterait en une baisse d’impôt pour tous les revenus inférieurs à 4000 euros mensuels. Mais il mettrait à contribution les riches bien plus qu’aujourd’hui.
Macron est à contresens. Il reste enfermé dans des dogmes économiques du passé : comprimer la dépense publique et les salaires, rendre de l’argent au capital et attendre que cela ruisselle. Même le FMI n’y croit plus. Même un démocrate bon teint des États-Unis comme Joe Biden a compris qu’il fallait rompre avec ces recettes. Son plan de relance ringardise l’Europe. Le gouvernement américain remet trois fois ce que met l’Union européenne pour la relance de son économie. Contrairement au plan français, celui de Biden ne comporte pas de crédits d’impôt pour les entreprises mais plutôt des investissements directs dans les infrastructures. Il est financé par une hausse de l’impôt sur les sociétés. En fait, il n’y a rien de révolutionnaire. C’est du keynésianisme classique : on multiplie les investissements publics et le soutien à la consommation populaire en période de crise. Si cela parait extraordinaire en France, c’est uniquement que nos dirigeants sont prisonniers d’un incroyable obscurantisme économique.
Après 2022, nous aurons besoin d’un niveau élevé de dépense publique. L’État doit réaliser de très lourds investissements dans l’énergie, dans les transports, le logement ou les infrastructures pour bifurquer. Il faudra aussi reconstruire l’hôpital et l’école publique. C’est pourquoi je défends l’annulation ou le gel de la dette publique par la banque centrale. Les dogmes libéraux doivent tomber. C’est le moment ou jamais.