Le mieux est l’ennemi du bien, j’en conviens. Mon cimetière des post perdus s’est augmenté de deux publications qui ne passeront pas. J’ai voulu peaufiner, compléter et, à deux reprises, l’intensité des évènements a rendu mes sujets trop lointains, trop décalés de l’actualité. Me suis-je trompé de centre d’intérêt ? Ou bien y a-t-il déjà quelque chose dans notre temps qui a changé au point qu’un tableau d’actualité fond plus vite qu’auparavant, comme la glace des pôles le fait en ce moment ? En fait je n’en suis confus que pour le lecteur fidèle qui saurait combien depuis 2004 (début de ce blog) j’ai pu donner d’importance à ce temps de respiration écrite. Ma surprise reste que mes absences occasionnelles ici n’aient jamais fait décrocher le nombre de mes lecteurs, fidèlement attesté par les compteurs. Ce blog reste, et de loin, celui qui est le plus fréquenté dans la sphère politique où il n’a d’ailleurs presque plus d’équivalent à ce jour. Il a traversé quatre mandats présidentiels et autant de mondes successifs. Tantôt disposé pour y travailler mes fiches argumentaires, tantôt pour y trouver un logement a un thème qui m’intéresse sans que l’actualité n’en traite jamais, ce blog a écoulé l’équivalent d’un livre tous les deux mois ! Parfois les archives me rendent des perles dont je suis bien fier, je n’hésite pas à le dire. Ainsi quand on a bouclé ma brochure sur le séjour en Bolivie, on a ressorti des posts de 2006, rédigés à l’occasion d’un précèdent voyage dans ce pays. Et je les ai relu avec bien de l’émotion et du plaisir car je les trouvais encore bien en écho du présent. Bientôt, j’aurai là encore l’équivalent d’un livre sur ce pays si jamais je me risque à compiler ce que j’en ai écrit. Et il en est ainsi pour combien de sujet ? Je ne sais si je dois m’en réjouir ou si je dois m’affliger en pensant au temps passé à cette occupation passée au prix d’autres. Que change-t-on en devenant le raconteur a son balcon décrivant les états du monde environnant sa propre vie ?
Mon premier post, je l’ai écrit et installé en ligne moi-même. Et je l’ai illustré avec mes propres photos, comme je le fis ensuite pendant je ne sais combien d’années. Pour ce Post je commençais avec la photo d’un chien allongé sur un mur au bord du Parthénon d’Athènes. On m’avait dit de « faire décalé ». Rien ne l’étais moins, ni finalement plus prétentieux que ce chien si grossièrement symbolique des philosophes cyniques dont on se régalait alors après avoir lu le Onfray de l’époque. Mais c’était avant qu’il ne devienne la brute qu’il est à présent. Ensuite je m’inspirai du nihilisme représentatif du « Monde diplomatique ». J’illustrais alors avec des sujets sans aucun rapport avec les textes, ni même avec quoi que ce soit d’autres qu’eux-mêmes. Cela se présentait tout simplement comme une construction autonome, hors du temps. J’adorais. Car cela me faisait réfléchir et choisir avant même d’écrire ou bien, à part moi, sans projet de publication. Champs de neige, travaux de rue, souliers au pieds, goudronnage de rue, clous de marquage dans le sol, sans oublier les scènes innombrables du jardin du Luxembourg. mes périodes esthétiques s’enchainaient. Cela m’a réjoui plus d’une fois davantage même que d’écrire. J’ai cessé ça. je me suis concentré sur le maintien d’une cadence d’écriture alors même que la surcharge était déjà là avec ma « Revue de la semaine », les vidéos à thème et celles des discours. J’ai senti évoluer les goûts et les centres d’intérêts entre l’écrit et l’image, entre les formes du « décalage ». Plus que tout je me suis senti uni à l’esthétique ordinaire de mon temps a chacune de ses époques.
J’aimerais me dire que j’ai avec ce média la relation intime qu’ont eu avant moi tant de gens connus ou strictement inconnus qui se sont construits en compagnie d’un travail d’écriture : journal intime, carnet de bord, que sais-je ? Mais je ne crois pas qu’il ait jamais été autre chose qu’un établi où je suis venu assembler tenons et mortaises de raisonnements et descriptions.
À la rentrée prochaine je changerai, pour la sept ou huitième fois la présentation et l’organisation de ce média. Il lui faudra prendre sa part dans la campagne présidentielle. Il évolue dans un ensemble vaste de moyens de communication auquel je reste lié de près ou de loin. De la revue trimestrielle « L’insoumission », à l’hebdo (que j’ai fondé il y a si longtemps !) au site d’info du même nom, notre famille politique s’est doté de plusieurs vaisseaux amiraux de belle portée. Ils s’adjoignent à la foule des chaînes YouTube des militants. Par l’abonnement collectif se construit une stabilisation financière à laquelle je suis très attaché. Car si les parts « gratuites » sont nombreuses (chaîne YouTube, site insoumission), nous devons savoir faire vivre les éditions papier qui sont de haut niveau et qui restent les veines du mouvement intellectuel qui nous anime. Ce petit texte est donc un appel à l’abonnement groupé pour nos journaux imprimés.