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Anne Hidalgo choisit la guerre des islamistes en Afghanistan

Anne Hidalgo a tenu conférence de presse avec Bernard-Henri Levy sur le futur de l’Afghanistan. Plusieurs personnalités étaient également présentes. Comme cette femme Maire afghane venue témoigner de la situation là-bas, des associations de défense des Droits de l’Homme et de l’accueil des réfugiés, comme la FIDH, Amnesty international, France Terre d’Asile, Emmaüs solidarité, un représentant du Haut-Commissariat aux Nations Unies pour les Réfugiés, etc. Et plusieurs autres personnalités qui ont pu donner des informations et des témoignages, pour certains poignants, sur la situation qui prévaut en Afghanistan. 

On notera qu’au moment même où se déroulait cette conférence mettant en avant notamment la nécessité pour la France de respecter ses engagements internationaux à accueillir les réfugiés, 150 Afghans figuraient parmi les 800 exilés occupant le parc André Citroën à Paris pour faire valoir leur droit à l’hébergement, bafoué depuis des mois.  

En installant BHL comme référence et quasi ministre des Affaires étrangères, la maire PS de Paris expose le pays et son parti à un tournant belliciste particulièrement discutable. Car Bernard-Henri Levy a déjà un long passé d’initiatives en faveur de diverses guerres particulièrement désastreuses pour la France. Comme par exemple la guerre de Libye qui a déstabilisé toute l’Afrique sub-saharienne pour ne citer que cela. S’agissant de l’Afghanistan, son bilan est particulièrement contre-productif. Il a été un agent direct du désastre à Kaboul après vingt ans de guerre destructrice et ruineuse dans ce pays. Une histoire qui vient de loin. 

En effet, dès 1981, BHL est en Afghanistan pour soutenir les islamistes déjà atrocement obscurantistes face aux communistes. Cette période dramatique de l’histoire afghane a constitué la première version opérationnelle du djihadisme actuel (Gilles Kepel, « Le terrorisme islamiste est né en Afghanistan », L’Histoire, n°293, décembre 2004). Al Quaïda est par exemple ainsi née en Afghanistan en 1987 avec l’appui direct des USA et des intellectuels anti-communistes comme Bernard-Henri Levy. Là encore, comme beaucoup d’intellectuels et médias engagés dans la Guerre froide aux côtés des USA et du « monde libre » (« Quand les djihadistes étaient nos amis », Monde diplomatique, février 2016), BHL a appelé à armer les combattants pour la foi (moudjahidine) face au régime communiste afghan et à l’armée rouge. Au journal de TF1 il déclare le 29/12/1981 : « comme tous les résistants du monde entier, les Afghans ne peuvent vaincre que s’ils ont des armes, ils ne pourront vaincre des chars qu’avec des fusils-mitrailleurs, ils ne pourront vaincre les hélicoptères qu’avec des Sam-7. (…) Je vois que nous sommes aujourd’hui dans une situation qui n’est pas très différente de celle de l’époque de la guerre d’Espagne. (…) En Espagne, il y avait un devoir d’intervention, un devoir d’ingérence. (…) Je crois qu’aujourd’hui les Afghans n’ont de chances de triompher que si nous acceptons de nous ingérer dans les affaires intérieures afghanes ».

Comparer les militants communistes, anarchistes trotskistes et socialistes en lutte pour la république sociale en Espagne face aux putschistes de Franco à des islamistes du type Massoud ne manque pas d’audace. Mais le but était de donner à ces islamistes une respectabilité devant la gauche française pour élargir la base de soutien de ce combattant religieux. À partir de cette époque, BHL et d’autres vont, pour se justifier, développer un discours binaire opposant des « musulmans éclairés » (comme Massoud) aux terribles « talibans obscurantistes ». À l’époque, il s’attire les foudres des vrais connaisseurs de l’Afghanistan comme Gilles Dorronsoro qui, dans l’article « BHL en Afghanistan ou “Tintin au Congo” » pointe les « erreurs et, surtout, les complaisances » de BHL. À ses yeux, Massoud, décrit par BHL comme une « musulman des Lumières… », est en réalité selon Dorronsoro « plus sûrement un révolutionnaire islamiste et un homme de guerre de génie qui utilise rationnellement les étrangers pour améliorer son image internationale ».

Et pour cause ! Anne Hidalgo assume-t-elle que Ahmed Chah Massoud ait créé le premier état islamique en Afghanistan à la chute du régime communiste en 1992 ? « L’Alliance du Nord » que Massoud dirigeait a en effet créé « l’État Islamique d’Afghanistan », qui a remplacé la « République Démocratique d’Afghanistan ». Cela a d’ailleurs déclenché une guerre civile entre les diverses factions armées islamistes. Les troupes de Massoud ont occupé Kaboul : « Quand on parle du commandant Massoud aux gens de Kaboul, ils se souviennent surtout des pillages qui ont eu lieu entre 1992 et 1994, lors des affrontements entre ses troupes et celles (de Gulbuddin) Hekmatyar », assure Ariane Quentier (citée dans Libération, « Afghanistan : Bernard-Henri Lévy avait-il appelé́ à «armer les talibans» » ? 1/09/21

À présent, BHL récidive désormais avec le fils du commandant Massoud. Il l’a fait venir à Paris au printemps 2021 pour rencontrer notamment Anne Hidalgo. Elle l’a reçu à l’occasion de l’inauguration d’une Allée des Champs Elysées en l’honneur de son père. Elle a été élevée en retour, par décret présidentiel, dans l’ordre du Héros national d’Afghanistan Commandant Massoud. Allant plus loin dans une tribune au JDD le 16 août intitulée « L’esprit de Massoud ne doit pas disparaître », inspirée par BHL, elle appelle à soutenir la résistance en Afghanistan, « qui commence à s’organiser » selon elle autour du fils de Massoud. Et dit « qu’il nous faudra d’une manière ou d’une autre reprendre le chemin de Kaboul ». Autant de propos irresponsables parce que provocateurs et sans moyens en pleine période d’évacuation. Des propos d’ailleurs lunaires, puisque le fils Massoud n’a aucun soutien dans la population afghane et qu’il reste enfermé dans une vallée peuplée au maximum de 150 000 habitants. Anne Hidalgo est là dans l’ambiance irréelle qu’avait créée BHL le même jour sur BFM. Il prétendait que quelques semaines auparavant « les Talibans n’étaient pas en train de grignoter le pouvoir. Ils se terraient »… un discours délirant quand on sait que les talibans contrôlent des pans entiers du territoires depuis des années. Pourquoi les USA auraient pris la peine de signer en février 2020 un accord de retrait du pays si les Talibans « se terraient… » ?

À aucun moment Anne Hidalgo ou BHL ne se sont posé la question, pourtant essentielle quand on prétend aux plus hautes responsabilités, des causes de l’effondrement quasi instantané du régime mis en place en 2001 par les États-Unis. Comme le rappelait pourtant le 17 août sur France Culture le spécialiste Gilles Dorronsoro « Si aujourd’hui, personne ne s’est battu pour le régime, il y a une raison. Et la raison c’est que pendant vingt ans les pays occidentaux ont fait absolument n’importe quoi en Afghanistan, ils ont même raté leur évacuation ».

Désormais, au terme de 43 ans de guerre civile et d’interventions étrangères, le pouvoir Taliban est un fait incontournable, aussi détestable soit cette idée. Ajoute à leur contrôle du territoire et de l’essentiel de la population le fait que les Talibans ont progressivement mis la main sur l’essentiel des armes dévolues à la reconstruction d’une armée afghane pour une valeur de 85 milliard de dollars selon la presse anglaise. Leur pouvoir ne connaît donc plus aucune concurrence interne crédible. Il faut partir de la réalité. Ce pouvoir n’aura pas de rival à horizon visible en Afghanistan. Les discours sur la résistance qu’incarnerait dans la vallée du Panjshir Ahmad Massoud, le fils du commandant Massoud, sont déconnectés de la réalité. Ce jeune homme, certes courageux, n’a aucun soutien populaire, peu de combattants, et contrairement à l’époque où son père commandait « l’Alliance du Nord », l’essentiel du nord du pays est contrôlé par les Talibans qui ont su s’attacher le ralliement de la grande masse des combattants de cette région. 

Au final, il est vrai que BHL a tout intérêt aux envolées lyriques plutôt qu’au froid examen de la réalité. Son parcours résume à lui seul l’essentiel des raisons qui ont conduit l’Afghanistan dans cette situation insupportable pour tous ceux qui partagent la croyance dans l’universalisme des droits humains.  Mais Anne Hidalgo en tant que candidate du PS a la présidentielle peut-elle vouloir que notre pays « retrouve le chemin de Kaboul » pour y faire la guerre aux côtés d’un islamiste contre d’autres islamistes ? On devine ma réponse. Mais celle des socialistes qui vont parait-il bientôt l’investir ?  

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