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La dernière semaine du suspense d’Anne Hidalgo

La semaine prochaine, la campagne des élections présidentielles va connaître un épisode significatif. Le parti socialiste d’un côté, EELV de l’autre vont désigner leur candidat. Cet événement doit être lu dans son contexte singulier. Le centre-gauche qui a dominé la gauche traditionnelle depuis Hollande a explosé en vol en 2017. Tel a été le bilan de la fracture ouverte, aux yeux de tous, entre ce que représentait la politique néolibérale suivi par le gouvernement du PS et EELV et l’idée que se faisaient de la gauche des millions de gens dans le pays.
À cette occasion, le pôle populaire avec ma candidature en 2012 est passé très largement en tête dans l’espace occupé auparavant par la gauche traditionnelle.

Depuis lors, le pôle populaire a été fractionné par la direction du Parti communiste. Pour autant, le leadership est resté à ma candidature puisque les sondages me donnent au minimum 5 fois ce qu’ils attribuent au candidat de la direction du Parti communiste Fabien Roussel. Cette fracture ne peut donc pas être analysée comme une compétition avec moi. Il s’agit plutôt d’une tentative de réorganisation autour de l’ancienne conception de l’Union de la gauche dans laquelle les partis traditionnels se partageaient l’espace, les collectivités et les sièges, non sans succès pendant de très longues années. Georges Marchais avait des raisons de croire qu’il pouvait dépasser François Mitterrand au premier tour de 1981. Aujourd’hui personne ne nous dit croire que Fabien Roussel puisse faire mieux que d’empêcher ma troisième candidature d’arriver au second tour.

Du côté du centre gauche, la situation est bien différente. Ni la candidature du PS ni celle de EELV ne parviennent à creuser l’écart entre elles. C’est un premier point qui a son importance pour la réorganisation générale des forces politiques que cette élection présidentielle va déclencher. Le pronostic le plus courant est que EELV siphonnera les réserves électorales du PS. Mais cela n’est pas certain. En effet l’identité politique de EELV n’est pas encore clairement affirmée. L’éventail des nuances du candidat Governatori jusqu’à Sandrine Rousseau est très largement ouvert de droite à gauche en passant par le Centre. Aucune des candidatures me semble incarner un point d’équilibre ou de synthèse entre ces nuances de Vert. Il y avait donc un certain panache pour ce parti qui a accepté d’afficher dans une primaire publique, sous le regard de tous, une aussi nette hétérogénéité de sa composition.

Dans d’autres circonstances cela aurait pu être très efficace. C’est à dire si le rapport de force avait été vraiment tranché avec le PS. Mais ce n’est pas le cas. Est-ce réversible à court terme ? Bien sûr tout est possible dans une situation aussi volatile qu’elle l’est en France actuellement. Mais comme les sondages font depuis des mois comme si les deux candidats du PS et de EELV étaient connus, les résultats attribués à Yannick jadot et Anne Hidalgo sont déjà enregistrés et confirmés d’une semaine à l’autre à égalité, avec toute la force d’injonction de ce type de publication. Voilà de quoi amplifier l’expectative de l’électeur lambda dans cet espace politique. En accélérant sa présentation de candidature après des semaines d’un ridicule faux suspense, Anne Hidalgo montre sa fébrilité. C’est a dire sa crainte de voir qu’en se déclarant avant elle, la candidature de EELV ne lui retire le tapis rouge sous les pieds.

Ces observations sur l’espace  politicien sont les seules qu’il est possible de faire compte tenu du flou absolu que les deux figures principales ont entretenu sur leurs intentions et leurs programmes. Ce flou tient à la nature même de l’espace dont ils tentent de prendre la tête. Les électeurs qu’ils visent sont infiniment moins latéralisées et positionnés sur les grandes questions du moment que les militants de ces organisations qui cultivent elles-mêmes bon nombre d’ambiguïtés sur les sujets les plus sérieux. Il en est ainsi pour des raisons sociologiques. Les catégories sociales de la classe moyenne supérieure sont extrêmement oscillantes entre la pure défense de leurs intérêts particuliers et leur prise de conscience de l’intérêt général. Elles sont hautement incluses et comme tel elles voient se répercuter en elles toutes les instabilités de la période que nous vivons.

C’est pourquoi je lis tout ce tableau comme une expression des oscillations générales de la société fracturée du neolibéralisme et foudroyée par la covid 19. La droite, la macronie et l’extrême droite politiques sont économiquement et socialement sans ambiguïté. Sur ce terrain les intérêts matériels de leurs mentors son proprement indéfendables devant la société, sauf à accepter d’être électoralement écrasés instantanément. C’est pourquoi les trois ont un tel intérêt à la construction d’un espace idéologique fortement cimenté par des ingrédients très coagulants comme la peur, la méfiance, la jalousie sociale, la haine d’un bouc émissaire comme les musulmans. C’est une figure assez traditionnelle des périodes de grande crise. Le choix entre les candidats de cette zone se concentrera progressivement sur la personne qui incarnera le plus clairement cet espace idéologique plutôt que les figures qui étaient autrefois mises en avant comme les grands héros nationaux ou les figures symboliques de la compétence technique. C’est pourquoi une candidature comme celle d’Éric Zemmour peut rencontrer un succès qui serait inenvisageable dans un contexte économique et social plus stable ou plus prometteur.

Dans l’espace qui succède à l’ancienne gauche traditionnelle majoritaire, la partie se joue entre le pôle populaire et le centre gauche. Ce dernier n’a pas accepté le tableau de 2017. Les élections européennes lui ont montré que la fracture du pôle populaire lui redonnait une possibilité sérieuse de reprendre la tête de la zone. En effet, la direction PCF a montré qu’elle pouvait aller jusqu’au suicide, comme aux européennes (0 élus pour la première fois depuis l’existence de cette élection) plutôt que de renoncer à son objectif identitaire. Notre stratégie de l’union populaire pourra-t-elle compenser cette fracture et permettre de réaliser de nouveau la percée de 2017 ? Ce n’est pas joué du tout. Mais c’est la condition d’accès au second tour pour renverser la table. Il n’y en a pas d’autres à cette heure. Des exemples partout dans le monde ont montré que c’était possible. La majorité écrasante d’adhésion aux mesures de notre programme confirme que c’est possible si nous savons le déployer et convaincre. Mais l’action politique a-t-elle un autre enjeu en démocratie que de convaincre ?

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