Pouvoir d’achat : le tabou des profits

La vie chère est la première préoccupation des Français. Les prix de l’énergie, du carburant, de l’alimentation augmentent et les salaires stagnent. Dommage, trop de médias restent collés à Zemmour et à ses sujets glauques et si peu rattachés à la vie quotidienne. Il est pourtant vital que le débat ait lieu sur ce sujet. Comment les différents candidats comptent-ils répondre à l’appauvrissement généralisé des couches moyennes et populaires de notre société ? Quelles sont leurs propositions pour répondre aux revendications des gilets jaunes, particulièrement celle de vivre dignement d’un revenu du travail ? Mes propositions sont connues.

Au début du mois de septembre, je fus le premier à prendre au sérieux la question du pouvoir d’achat. J’ai avancé dans Le JDD une loi d’urgence sociale à mettre en oeuvre immédiatement. Cette loi contiendrait notamment le blocage des prix de l’énergie, du carburant et des produits alimentaires. C’est même possible de le faire par décret puisque l’article 410-2 du code de commerce prévoit la possibilité de bloquer les prix lorsqu’il y a « une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation anormale du marché dans un secteur déterminé ». Cet article a d’ailleurs été utilisé pendant la crise sanitaire concernant le prix des masques et du gel hydroalcolique. Mais aussi en 1991 par Michel Rocard pour, déjà, bloquer le prix de l’essence à la pompe.

Alors évidemment, il faut que quelqu’un paye. Par le blocage des prix, je propose en fait une baisse des prix par une baisse des profits des fournisseurs d’énergie, des entreprises pétrolières et de la grande distribution alimentaire. Je pense qu’ils peuvent se le permettre. Ainsi, le bénéfice de Total au troisième trimestre 2021 a été multiplié par 23 par rapport à la même période en 2020 ! Il avait pourtant pour son résultat de l’année dernière distribué déjà 7,6 milliards d’euros à ses actionnaires. Si on considère les 4 principaux fournisseurs d’énergie, 10% de leurs profits suffiraient à redonner à tous les foyers qui se chauffent au gaz 500 euros. Quant à la grande distribution, une enquête du Parisien notait en 2019 des marges de 40% sur des produits aussi élémentaires que des pâtes, de l’eau ou du café.

Mais la question des profits est bien le tabou du débat public sur le pouvoir d’achat. En effet, il semble bien que je sois le seul à l’aborder. Les propositions des autres candidats rivalisent d’invention et d’ingéniosité pour surtout ne pas prendre aux multinationales et à leurs actionnaires. Macron est le premier à ce jeu. « L’indémnité inflation » annoncée par son Premier ministre Jean Castex, est un sommet d’arnaque. Un chèque de 100 euros, pour les Français qui vont le recevoir, cela ne fait jamais qu’une aide de 8 euros par mois quand on la rapporte sur un an. En revanche, pour le budget de l’État, c’est un trou de 3,8 milliards d’euros. Qui payera ? Nous tous ! Jean Castex l’a bien précisé lors son intervention : il maintient l’objectif de réduction du déficit pour l’année prochaine. Donc ces 3,8 milliards d’euros, Macron compte bien les faire manger aux Français en baisses de services publics ou en taxes s’il est réélu. Mais après l’élection évidemment !

En tout cas, faire payer le budget de l’État permet de ne pas parler ni d’augmentation des salaires, ni de baisse des profits, ni de blocage des prix. Macron est loin d’être le seul dans ce cas. À droite, Xavier Bertrand propose une prime pour les bas salaires, payée par l’État. Son cout est de 5 milliards d’euros, à payer par nous tous, donc. Valérie Pécresse propose elle carrément de supprimer les cotisations sociales pour la retraite sur les salaires. Elle prévoit de financer cela par 25 milliards d’euros « d’économies budgétaires ». L’équivalent de la moitié du budget de l’Éducation nationale à retirer du budget de la Nation plutôt que de toucher aux profits ! Yannick Jadot se contente de proposer une petite rallonge sur le « chèque énergie » qui ne concerne que 6 millions de foyers. Pour le reste, on a compris que son équipe était favorable à une hausse supplémentaire des carburants. De l’écologie pour ceux qui ont les moyens.

Marine Le Pen, elle, a carrément annoncé la couleur le 12 septembre sur TF1 : « augmenter les salaires, ça veut dire faire peser une charge sur les entreprises ». Donc pas d’augmentation de salaire pour la châtelaine de Montretout. Elle met plutôt en avant l’idée d’une baisse de la TVA sur l’énergie et les carburants. Pourquoi pas dans l’absolu. Mais encore, une fois, ce sera à tous les contribuables de compenser le manque à gagner. Dès lors, ce que vous gagnerez à la pompe, vous le payerez sur votre feuille d’impôt. Et puis il n’est pas sûr que les entreprises baissent les prix dans la même proportion. On se souvient que lorsque Nicolas Sarkozy avait baissé la TVA pour la restauration, l’effet avait été décevant voir inexistant sur les prix. Anne Hidalgo a choisi curieusement la même proposition que madame Le Pen.

Un candidat ne parle pas du tout du pouvoir d’achat : c’est Eric Zemmour. On se souvient de lui bafouillant quelques fiches d’économie néolibérale mal apprises par coeur lors de son débat face à moi lorsque j’avançais mes propositions sur le sujet. Depuis, il n’a pas développé plus. Pour lui, un seul sujet compte : sa guerre civile fantasmée avec les Français musulmans. Mais après tout, diviser le peuple sur des délires religieux et racistes, c’est encore protéger les profits !

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