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Contributions sur la Grèce

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L’exemple grec
Extrait de la note « Lundi de retour de la fête de L’Huma » – 17 septembre 2007

Et nous pendant ce temps ? Où est la magnifique internationale socialiste ? Et le Parti socialiste européen ? Le néant comme d’habitude. Pour l’instant tout ce petit monde doit être en train de lire les résultats électoraux grecs. Nouvelle défaite. Lourde. Le plus mauvais score depuis 1981. Déprimante compte tenu du contexte très défavorable à la droite avec cette affaire d’incendies. Je me demande si ceux-là aussi pensent avoir été « trop à gauche » et parlent déjà de se rénover en se droitisant. J’en doute. Le Pasok est déjà allé tellement loin dans les privatisations et tutti quanti avec l’ultra blairiste local, Kostas Simitis, qui dirigeait le dernier gouvernement de gauche grec, que le parti avait renoncé à le présenter à l’élection suivante, six mois avant qu’elle ait lieu?N’empêche ! La pression médiatique a déjà commencé. Le phénomène marquant ce serait la percée de l’extrême droite orthodoxe. J’ai entendu ça en boucle hier nuit dans l’audio visuel. Comprenez : « la société s’est droitisée, il faut briser les tabous, la Grèce est en retard sur tous les tableaux, les grecs doivent prendre modèle sur l’Europe du nord, les privilèges sociaux corporatifs doivent cesser etc ». On connaît cette chanson. Pour les paroles complètes on peut se référer au tam-tam récent en France car c’est le même dans tous les pays. Après cela quelle est la réalité électorale? Certes, l’extrême droite entre au Parlement en remportant 10 sièges. Mais c’est avec 3,8% des voix contre 2,19% en 2004?.. Une poussé électorale existe mais elle est plutôt de l’autre côté du tableau ! En effet l’autre gauche en Gréce, c’est à dire le KKE communiste et le front Synaspismos (rebaptisé Syriza), passe au total de 9 % en 2004 à 13 % et de 18 à 36 sièges. C’est-à-dire l’exact doublement du nombre de sièges ! Silence radio à ce sujet si contrariant ! Dans le détail : les communistes du KKE passent de 6 % à 8 %, de 12 à 22 sièges. Le front Synaspismos passe de 3 % à 5 %, de 6 à 14 sièges. La machine à bla bla droitisant s’est mise en route à la seconde même des premiers résultats pour flétrir les communistes (ultra orthodoxe, staliniens et ainsi de suite ) et le Synapismos (gauchistes, soixante huitard et ainsi de suite). Cette préparation d’artillerie a bien sûr pour objet de lancer le thème de la grande coalition « gauche/droite » à l’allemande. Même s’il ne débouche sur rien, le seul fait de l’évoquer permet du moins de bien séparer le bon grain et l’ivraie dans l’esprit du public. Toute comparaison avec la situation française serait évidemment totalement fortuite.

 

Le cas Grec
Extrait de la note « Carnet de campagne du nord au sud » – 4 mars 2010

LE CAS GREC

C’est en partant de ce genre de constat là que l’on comprend mieux quelle honte est à l’œuvre dans le cas de ce qui se passe en Grèce où les mêmes mécanismes ont fonctionné à plein régime. L’écœurement s’accroit quand on constate que le montant en cause est un besoin d’emprunt de vingt milliards d’euros de l’Etat grec ! C’est pour cette somme que les soit disant «marchés» ont déclenché un assaut pour prendre à la gorge des millions de retraités et fonctionnaires grecs ! Rien ou presque. Pour prendre un repère dans l’ordre des sommes concernées notons que c’est moins que la somme consacrée par le groupe Total au rachat de ses propres actions pour augmenter leur rendement boursier. Mais le comble est que dans le même temps, les Etats unis d’Amérique lèvent sans histoire deux mille milliards de dollars d’emprunts alors que leurs comptes publics sont dans un état cent fois pire que celui des grecs. Et s’il fallait encore ajouter au tableau de ces turpitudes, on constatera que «les marchés» qui ont parait-il sanctionné le mauvais état de santé des compte publics grecs sont composés des même personnes qui ont aidé cette Etat à présenter ses comptes et qu’ils ont de surcroit spéculé eux-mêmes sur la chute de crédit de ces comptes ! Tel est le libéralisme et sa soi-disant main invisible bienfaisante ! Une main de voleur, rien de plus.

UN BON TEST

Ici ou là je lis que cette affaire grecque serait un test. Je le crois. Pour «l’ordre globalitaire» mondial c’en est un. Les grecs ainsi pris à la gorge peuvent-ils parer le coup qui leur est porté ? Si c’est non l’opération sera reproduite en Espagne, puis en Italie et inéluctablement en France. Il faut donc lire les évènements grecs comme un moment majeur de politique à l’intérieur de la séquence ouverte par la crise du système financier mondial. De notre côté la question posée par ces évènements ne met pas seulement au défi notre capacité à penser correctement ce qui se passe mais à nous projeter en nous demandant ce que nous ferions en situation de responsabilité. Pour moi c’est une composante incontournable du moment. Car une première analyse permet de constater que comme prévu ce système est capable de s’enrichir à partir des conséquences de ses propres turpitudes. La finance ne trébuchera pas sur ses propres dégâts. Elle ne peut recevoir de coups que par la politique. Soit les Etats se défendent et frappent soit ils baissent la tête et se soumettent. Dans ce dernier cas ce sera une punition sans fin pour les peuples concernés.

DENT POUR DENT

Sous un gouvernement du Front de Gauche, si le pays faisait l’objet d’une attaque de cette sorte, il ne faudrait pas considérer qu’il s’agit d’un problème économique mais d’un problème politique de rapports de force. Cela veut dire qu’il faudrait frapper à la tête, c’est-à-dire le système bancaire et les super profits. Dent pour dent œil pour œil ! La loi du talion ! En le disant à l’avance on prévient et on s’épargne bien des souffrances. Cela s’appelle la dissuasion. C’est une affaire de souveraineté nationale. Les Grecs ont consacré trop d’argent à s’armer contre les Turcs et pas assez à s’organiser pour frapper la cyber finance. Leur souveraineté nationale est davantage menacée par les banques et spéculateurs que par les Turcs ! Si les Turcs avaient violé l’espace grec comme les banques l’ont fait les Grecs auraient répliqué. Là ils ont été frappés et c’est le gouvernement lui-même qui transmet le coup sur chaque tête de citoyen ! Dans cette situation il aurait dû au contraire rendre les coups pour dissuader l’adversaire d’avancer davantage. Deuxième conséquences de ce que nous voyons. J’ai dit et répété que l’Europe du traité de Lisbonne n’était pas la solution mais le problème. A présent on voit que cette Europe là est non seulement le problème du fait de son ouverture sans entrave et par principe mais l’aggravation garantie du problème que rencontrerait un de ses Etats membres. La Grèce a eu la tête enfoncée dans l’eau par les commentaires et exigences sans fin de la Commission, et elle est empêchée de recevoir de l’aide des autres Etats à cause du traité de Lisbonne qui l’interdit. Par conséquent dans un nouvel épisode de crise qui arriverait à notre pays, nous disposerions d’une situation où l’évidence nous permettrait de remettre en cause le traité et de proposer aux Français d’en sortir, ce qui serait beaucoup plus difficile à réaliser à froid. Troisième leçon de choses. Selon moi, compte tenu de l’état de délabrement de l’Etat grec du fait des politiques libérales de ces dernières décennies, constat qui vaut pour l’Espagne, le Portugal et l’Italie, la nouvelle saignée fragilise ces pays d’une manière qui les conduit à une situation de type latino américaine. Un bug mineur peut conduire à un blocage total.

 

Sur la zone euro
Explication de vote au Parlement européen – 24-25 mars 2010

Sur la zone euro

A7-0031/2010 Rapport Sven Giegold (Verts)

Que propose la Commission ?

Très optimiste sur la sortie de la crise économique, le texte de la Commission (rédigé en Octobre 2009) propose de s’engager résolument dans une stratégie budgétaire conforme au pacte de stabilité et de croissance.

➤ Que propose le rapport?

L’intensification des réformes structurelles en cours (« les réformes structurelles doivent être intensifiées et non gelées, afin de rendre l’économie européenne et le marché de l’emploi en Europe plus robustes et plus résistants aux soubresauts de l’économie mondiale) »
-L’application globale du Pacte de Stabilité et de Croissance
-Plutôt que la modération salariale qu’il dénonce il indique que « les salaires réels devraient évoluer au même rythme que les gains de productivité  »
-L’organisation, « sous les auspices du FMI« , d’une conférence monétaire mondiale
-Demande une meilleure coordination entre l’OMC, le FMI, le Conseil de stabilité financière (création du G20) et la Banque Mondiale
-Affirme que le Pacte de stabilité et de croissance « fournit des outils appropriés pour coordonner des ‘stratégies de sortie’ (….) de manière à permettre une consolidation de la reprise économique » et indique que « nombre d’Etats membres ont ignoré l’obligation que leur faisait ce Pacte de se préparer aux crises« !
-affirme que les fluctuations du cours du change notamment entre le dollar, l’euro et le renminbi-yuan sont la a cause de la crise financière
-Se dit « profondément préoccupé par le niveau intenable de l’endettement public et par la perspective de son aggravation rapide en 2010-2011 »
-Concernant le déficit grec demande que « lors des futurs élargissements de la zone euro la leçon en soit tirée en ce qui concerne notamment la qualité des statistiques utilisées« !

Seuls points positifs :

-demande à ce qu’il ne soit pas pris de retard dans la lutte contre le changement climatique et la promotion des énergies renouvelables (mais il y a fort à parier que ce vœux pieux s’inscrit dans le cadre du marché carbone et de la croissance verte…)
-demande à la Commission de « présenter dans les meilleurs délais une proposition concrète sur la façon dont le secteur financier devrait prendre sa part du coût de la crise »

J’ai voté contre ce rapport abject. Voici mon explication de vote:
« Je vote contre ce rapport qui promeut aveuglément la logique néolibérale responsable de la crise économique, sociale et écologique dont nous subissons tous les conséquences. Le texte qui nous est proposé n’est pas seulement dogmatique à souhait, il porte aussi la marque du mépris des peuples et notamment du peuple grec. Comment le Parlement peut-il voter un texte si indigne qu’il remet en question l’entrée des grecs dans la zone euro à l’aune du déficit budgétaire que les politiques qu’il avalise ont créé? Décidément, cette Europe est un adversaire de plus pour les peuples ».

 

Le bug grec s’avance
Note de blog – 12 avril 2010

Depuis la publication de ma note à propos de la situation de la Grèce, un accord est intervenu entre les puissances européennes pour « aider » la Grèce. En fait ce plan est une honteuse démonstration de la cupidité prédatrice qui tient lieu de solidarité européenne. Avis au peuple : en plus de vos problèmes l’Union Européenne est là pour vous enfoncer en cas de malheurs. « L’Europe qui protège » est plus cruelle et couteuse quand elle met la main à la poche que le FMI lui-même. Elle est une simple structure de maintien de l’ordre libéral qui se paie sur le dos des punis. J’introduis mon commentaire à ce sujet dans cette note pour conserver la cohérence globale de l’argumentaire.

On se souvient des trémolos des illuminés de l’eurolâtrie pendant le référendum sur la constitution européenne. Puis ceux des députés et sénateurs, voleurs de votes populaires, qui permirent au traité de Lisbonne d’être adopté en Congrès à Versailles? C’était « l’Europe qui nous protège », grand tube de la période ! Et ainsi de suite. Où sont passés tous ces phraseurs, à cette heure ? Je veux dire à l’heure de la Grèce ? La Grèce est le tombeau du projet européen tel qu’il est devenu, depuis qu’il est la mise en œuvre implacable d’une Europe libérale sous tutelle allemande. On ferait bien de s’inquiéter ! La Grèce c’est la France pour la raison que ce sont les banques françaises qui possèdent le plus de titres de cette dette de la Grèce que les spéculateurs sont en train de rendre insolvable. Ensuite parce que si la guerre contre le peuple grec est gagnée par la Finance ce sera ensuite, tôt ou tard, le tour de la France. Tout ce qui se dit et se fait à propos de la Grèce aujourd’hui sans que nous protestions sera demain notre propre potage. L’affaire est en train de mal tourner. Très mal. Une spirale est amorcée que plus personne ne semble contrôler. Bug à l’horizon.

Ou sont-ils donc passés les eurolâtres? La honte doit les retenir au lit. Car « l’Europe qui protège», au nom des principes gravés dans le marbre du traité de Lisbonne est en train d’étrangler le peuple grec. Et pourtant ! Les bourreurs de cranes ne lâchent pas la pression. Je ne compte plus le nombre de griots qui récitent que les grecs ont « trop dépensé », vécu « au dessus de leurs moyens » et truqué les comptes. C’est évidemment une façon d’imposer une vision de ce qu’est une « bonne gestion ». Et donc une façon de recommencer le rabâchage de «la seule politique possible». Comme d’habitude aussi on est émerveillé par l’effet de meute qui répète cette vulgate.

Un peu de mesure ! Le montant de la production intérieure brute (PIB) de la Grèce est l’équivalent à la moitié de celui de l’Ile-de-France… Rien qui ne puisse être maitrisé ! Quand à la gestion du refinancement de la dette, le problème est exclusivement politique. Si la banque centrale européenne prêtait directement à la Grèce au taux auquel elle refinance les banques, c’est-à-dire à 1%, le martyr du peuple grec cesserait aussitôt. Qu’on ne vienne pas dire que c’est un attentat communiste que cette idée. La banque fédérale américaine fait mieux (ou pire, selon les goûts) : elle rachète directement les bons du trésor qui servent à payer le déficit abyssal de l’Etat USA pour un montant qui est quarante cinq fois plus élevé que celui dont a besoin la Grèce. Elle levait 50 milliards d’euros quand les Etats-Unis levaient 2000 milliards de dollars.

Donc, à peine le plan «d’assainissement» est-il bouclé que déjà un nouvel assaut commence contre les Grecs. Une agence de notation vient de nouveau de dégrader la « note » grecque et, du coup, le taux d’assurance risque des prêts s’envole. Voici que commence un nouvel étranglement. Pour y faire face et apaiser les marchés, il faudrait, si l’on reste dans la logique qui a prévalu jusqu’à ce jour, « un nouveau plan » de rigueur. C’est impossible. Car le précédent est déjà une saignée. Car avez-vous su quel plan de « redressement » Bruxelles a imposé à la Grèce ? Avez-vous vu ce que c’est que «l’Europe qui protège» pour les grecs ? Globalement il s’agit de lui imposer une baisse des dépenses publiques, dès 2010, d’un montant équivalent à quatre points de la valeur de la production totale du pays (PIB). Le déficit passerait alors de 12,8 % à 8,7 % de cette PIB. Le rouge dans les comptes publics ne dépasserait pas les sacro-saint maastrichiens 3 % de PIB en 2012. Quatre points de baisse, oui, c’est bien d’une saignée dont il est question. Une saignée ! Que dis-je une amputation des membres. Même la France n’est pas sur cette trajectoire vers 3% dans un tel délai !

Pour mémoire, je récapitule les principales mesures des deux Plans d’austérité successifs du premier ministre socialiste Papandréou :

Non remplacement de 4 départs à la retraite sur 5 dans la fonction publique (Papandréou fait mieux que Sarkozy !) ;
Gel des salaires des fonctionnaires ;
Baisse de 30 % des primes de congés payés des fonctionnaires ;
Hausse de la TVA de 19 à 21 % ;
Hausse des taxes sur les cigarettes (+60 %) et sur l’alcool (+20 %) ;
Baisse de 10 % des dépenses d’assurance maladie ;
Privatisations et ventes d’actifs :
– Fermeture du tiers des offices de tourisme de la Grèce à l’étranger (alors que le tourisme est un des principaux moteurs du PIB grec)
– Projet de vente des parts publiques dans la banque postale grecque (34 %),
– Projet de vente des parts publiques dans Hellenic Telecom (dont Deutsche Telecom possède déjà 30 % et qui se frotte les mains à l’idée d’en récupérer 10 % supplémentaires dans des conditions d’urgence)
– Vente de bateaux et d’immeubles appartenant à l’Etat.

Cette asphyxie programmée de l’économie grecque, ce pillage organisé des avoirs de l’Etat, quand ils furent programmés ne suffisaient encore pas aux eurocrates qui «nous protègent» ! Et encore, la Commission européenne affirme qu’il faudra aller plus loin ! Le Commissaire aux affaires économiques et financières Olli Rehn a exigé que les mesures prises « pour réduire les dépenses salariales dans le secteur public devaient avoir un effet permanent » au-delà de 2012. Et il considère que «de nouvelles mesures devront être prises en 2011 et 2012».

Et le plan européen de secours ? Ne nous en a-t-on pas bien sévèrement rabattu les oreilles ? Il est vrai que peu de monde s’est intéressé à son contenu réel. On avait évoqué avant tout la divergence franco-allemande. Puis on chanta la louange du compromis trouvé : un « pas majeur » selon Sarkozy qui devait se donner le beau rôle mondial qu’il affecte. En réalité, l’Allemagne a imposé sur toute la ligne ses positions dans l’accord trouvé par la zone euro (16 pays), sur un plan vidé de sa substance, en faisant céder la France, les pays du Sud et même la BCE. A la sortie le plan est minimaliste et hypothétique. Il est surtout difficile à appliquer : pour être activé, ce plan d’aide devra d’abord être soumis à la Commission et à la BCE puis approuvé à l’unanimité des pays de la zone euro ! Rapide et facile comme on l’imagine. Quand on se souvient qu’il fallu neuf mois pour adopter le versement de fonds pour le ravage des forêts après la tempête Klauss, on peut faire confiance… Après quoi il faut relever l’humour macabre des précisions données pour la mise en œuvre de ce plan.

Il s’agit nous dit-on d’un plan « en dernier recours ». Il ne serait activé qui si la Grèce ou un autre pays ne parvenait plus à se financer sur les marchés à des taux «raisonnables». Or la Grèce est justement déjà étranglée par des taux prohibitifs (6 % au moment de l’adoption du plan) ! Le plan ne lui sera donc d’aucun secours si ces taux perdurent. Et encore moins s’ils s’élèvent. Lundi 12 avril, le plan de soutien de l’Union Européenne à la Grèce donc a été complété par un accord qui en précise les moyens de financements. Notons d’abord la lourdeur de la procédure. Son adoption engageant les finances des Etats transite donc par u vote des parlements nationaux. Rien à dire si on s’y met rapidement. Mais ce n’est pas assuré à l’heure à laquelle nous parlons. Puis c’est c’est une autre affaire ensuite que son déclenchement. En effet c’est la Grèce elle-même qui devra le demander, en cas de besoin. Pas malin ! Cette demande revient à signaler qu’elle ne compte plus sur « les marchés » pour se financer. Une autre façon de dire qu’elle s’attend à ce que ceux-ci ou ne lui prête plus ou bien à un taux qui signale sa carence probable ! Autrement dit au contraire d’une ligne de crédit mise à disposition comme un crédit revolving de nature à dissuader les marchés de faire du chantage (puisque le pays peut se refinancer sans préavis), c’est au contraire c’est ici par une demande qui fonctionne comme un aveu de carence que tout peut commencer. La dureté du procédé ne s’arrête pas là. La suite est à peine croyable. L’aide des « européens » sera payée à ceux-ci par une commission. Oui, l’aide n’est pas gratuite ! En effet le prêt est prévu au taux de cinq pour cent. Ce qui veut dire, compte tenu du tarif auquel emprunte les états qui prêteront, que la France recevra une commission égale à un et demi pour cent de la somme prêtée et l’Allemagne deux et quelques ! Tel quel ! Non seulement le taux proposé n’est pas vraiment un cadeau (le taux du « marché » est à six et demi, soit un point et demi de plus que les bons amis européens), mais il revient à percevoir un impôt sur le peuple grec. Cerise sur le gâteau de la honte : ce taux de « l’Europe qui protège» est plus élevé que celui offert par le FMI !

Le plan européen s’en remet en partie au FMI. C’est dès lors un renoncement à l’apparence même d’une « Europe qui protège ». Les objectifs de la zone euro se montrent sans fard. Cette zone n’est pas faite pour autre chose, in fine, que pour protéger la rente. Les Etats et les populations sont seulement les exécuteurs de cet impératif. La BCE avait d’abord jugé « très mauvaise » l’idée d’un recours au FMI, avant de se raviser. Dès lors, à quoi bon avoir fait l’Euro si c’est pour renvoyer vers le FMI le premier Etat en difficulté ? Ce qui est frappant dans ce contexte c’est finalement que le plan finit par se présenter davantage comme un sauvetage de l’orthodoxie libérale en tant que doctrine dogmatique européenne plutôt que le sauvetage d’un pays dont la survie financière se fait aujourd’hui au détriment de son peuple. En effet la promulgation de ce trompe l’œil a surtout servi à faire passer en même temps la proclamation d’une rigueur renforcée avec des instruments durcis de contrôle et de sanction contre les politiques économiques des Etats.

Le virus grec, en cas de poussée de fièvre, passera directement en France. Aucune magie là dedans. Le stock total de la dette grecque s’élève à 300 milliards d’euros. C’est 120 % du PIB du pays. Moins que le niveau des Etats-Unis, cela va de soi, mais aussi moins que le Japon et ainsi de suite. C’est une petite dette. Quant aux créanciers, présentés sous le vocable magico mystérieux de «marchés», cela vaut la peine de leur mettre un visage. Car ils en ont un. Commençons par les localiser, ces « marchés ». La dette grecque est détenue à 85 % par les pays de la zone euro et à 50 % par six pays de la zone euro. Donc, la dette grecque c’est une affaire totalement européenne ou presque ! La France est le premier créancier de la Grèce avec 17 % de sa dette, soit 55 milliards. L’Allemagne vient ensuite avec 10 % soit 30 milliards. Puis l’Italie 6 %, la Belgique 6 %, les Pays-Bas 5%, le Luxembourg 5 %. Les établissements bancaires et des compagnies d’assurance françaises et allemandes sont les principaux créanciers de la Grèce. A eux seuls, ils détiennent 60 milliards de dette grecque dans leurs actifs ! Ce n’est pas tout. En dehors de la dette d’Etat négociable sur les marchés, les banques européennes sont lourdement engagées dans l’économie grecque. Les prêts souscrits auprès de banques françaises représentent 22 % du PIB grec, ceux auprès de banques suisses 18 % du PIB, ceux auprès de banques allemandes 12 % du PIB. Et voila ! En cas de défaut de paiement de la Grèce, c’est donc avant tout la France, et dans une moindre mesure l’Allemagne, qui subirait le contrecoup financier lié à la dévaluation des actifs de dette grecque que détiennent les banques et compagnies d’assurance. On voit aussitôt quelles sont les priorités que portent les gouvernements concernés. Elles sont d’abord doctrinales : la rente plutôt que le peuple. Donc le peuple doit soutenir la stabilité de la rente. Mieux, il l’engraisse. Ne l’oublions jamais : les «marchés » se refinancent à 1% auprès de la banque centrale européenne. Tout ce qui est au-delà de 1% est pour la poche des créanciers ! Vu sous cet angle il faut regarder les évènements grecs d’un autre œil. Et si c’était tout simplement un épisode de plus dans l’extension du champ des prédations financières. Mais une affaire qui serait en train de mal tourner.

Au départ, pour les milieux d’argent, comme en Amérique latine dans les cas comparables, il s’agissait « juste » de parer le coup de l’arrivée aux affaires d’un gouvernement social démocrate. Car celui-ci avait été élu cette fois-ci, sur un programme « gauchi » par rapport aux deux précédentes élections. Le temps du blairisme semble clos. Danger pour la finance ! Pas question de laisser la mode se répandre. Et puis il y avait un coup à jouer. Le coup part d’Allemagne. La droite Merkel est alliée au FDP, parti super libéral allemand. Bientôt des élections partielles en Allemagne, dans le cœur ouvrier et industriel du pays. La coalition doit tenir. Le FDP fait la pluie et le beau temps. L’Allemagne lève donc la main protectrice qu’elle avait posée sur la Grèce. Au lieu des péremptoires déclarations précédentes la crise, selon lesquelles, en gros, « la Grèce c’est l’euro », qui valait interdiction d’attaque, le ministre des finances allemand déclare que les Grecs doivent se corriger. Madame Merkel ira jusqu’à dire qu’il se pourrait qu’ils soient expulsés de la zone euro ! Feu vert pour l’assaut ! La punition consistait à obliger les Grecs à solder d’un coup leur dette. Un rappel de l’orthodoxie après la phase de sauvetage des banques et de « facilités » budgétaires. C’est la suite du débat qui a opposé Français et Allemands sur le modèle de sortie de crise. Une ponction juteuse pour les banques récompenserait la manœuvre. Mais un emballement imprévu se produit. C’est la dynamique propre des instruments financiers qui la déclenche.

La mise sur le marché des titres d’assurance qui couvrent les emprunts « crée » une catégorie de financiers qui n’ont aucune participation aux emprunts grecs mais qui sont dès lors « intéressés » à la faillite de la Grèce puisque c’est elle qui augmente la valeur de leur titre. Plus la valeur de ces titres augmente, plus est fort le signal de risque de défaut de paiement, plus la note baisse, plus la prime de risque augmente, moins la Grèce peut payer, plus le risque augmente et ainsi de suite, la spirale est amorcée. Nous y sommes. La thérapie de choc de Papandréou, élu pour un programme de gauche et mis en demeure d’appliquer le plus féroce plan de rigueur qu’aucun libéral n’aurait osé proposer, entre en action. Ca rappelle le Venezuela juste avant Chavez, ou l’Argentine juste avant Kirchner…. Papandréou déclare : « Nous sommes en état de guerre pour sauver le pays ». En guerre contre qui monsieur le président de l’internationale socialiste ? Contre les déficits déclare ce benêt qui parle comme François Hollande et Dominique Strauss Kahn réunis ! Nous on aurait dit que c’est contre les banques. J’y reviendrai.

 

Rassemblement d’urgence pour le peuple grec et contre les banques
Note de blog – 27 avril 2010

Mes amis, je vous donne rendez vous, pour l’honneur, pour les Grecs, pour la fraternité européenne, contre les banques et les gouvernements qui les protègent, mercredi 28 avril à 18h30 devant le siège de l’Association française des Banques, 18 rue Lafayette à Paris dans le 9ème.

Il s’agit de dire aux Grecs que nous sommes de leur côté, contre les banques qui les saignent ! Peu importe combien nous serons rassemblés devant le siège de la ligue des banques! Il faut agir pour que, d’une façon ou d’une autre, les Grecs sachent que nous avons compris ce qui leur arrive et que nous sommes de leur côté. Qu’ils sachent que nous ne sommes pas d’accord avec notre gouvernement pour alourdir leur dette et prélever sur leur dos 150 millions d’euros comme s’en vante le ministre des finances de notre pays.

Je voudrais bien pouvoir compter sur vous car tout cela est improvisé en dernière minute. Le déclencheur pour nous a été une lettre reçue de nos amis grecs. Dans une semaine le plan d’aide arrive au parlement français. Notre responsabilité est engagée.

Alors est tombé sur nous le sentiment d’une responsabilité particulière et nous ne supportions pas l’idée de n’avoir que des commentaires à faire. Nous nous sommes dit : « on va y aller! On va sortir devant les banques et peu importe combien on sera! » On commence le mouvement de solidarité active et on verra bien quels rebondissements il connaitra ensuite dans les jours qui viennent ! Nous irons devant le siège des banques ! Par exaspération et lassitude d’entendre le ronron médiatico-politique sur « les Grecs qui ont trop dépensé », les numéros de gros bras du gouvernement allemand, la veulerie du notre, le silence des eurolâtres « oui-ouistes » dont chaque jour qui passe montre de quel genre de marionnettes bavardes et nuisibles est fait ce camp. On ira, pour dire que – contre vents et marées – nous sommes pour l’Europe du peuple souverain contre les voyous des banques et les eurocrates de la Commission Barroso. On ira pour dire qu’on attend les susdits voyous de pieds fermes s’ils se risquent à mettre leurs grosses pattes du côté de chez nous. Faites passer.

A demain mercredi devant le 9 rue Lafayette. Surtout, faites passer la consigne.

A la suite, je donne mes arguments.

Hier on a reçu au siège du Parti de Gauche une lettre de nos camarades grecs du parti « frère » (je n’ai pas trouvé d’expression pour dire « comparable » et « ami »…) SYNASPISMOS. Une lettre assez poignante d’appel au secours. Elle recoupe les échos des camarades qui passent par la Grèce ces temps et ceux des expatriés français, nos adhérents en Grèce. Chaque jour il y a des manifestations de rue dans les villes. Chaque jour les gens se débattent pour affronter la crise et les banquiers tandis que leur gouvernement, docile, courbe l’échine et livre le peuple à ses bourreaux. Voyons cela de près.

Jeudi dernier 22 avril, la Grèce a reçu un double mauvais coup : la Commission européenne l’a accusé d’avoir maquillé l’ampleur de son déficit 2009, réévalué par Eurostat de 12,7 à 13,6 % du PIB. Aussitôt cela a entraîné une nouvelle dégradation de la note grecque par les agences de notation. Et aussitôt également il y a eu une nouvelle flambée des taux de la dette grecque. Ils ont dépassé vendredi 23 avril les 8 %, pour le taux d’un emprunt à 10 ans et les 10 % pour le taux d’un emprunt à 2 ans. Ces chiffres montrent a ceux qui savent interpréter ce genre de données une impressionnante et inédite inversion des différences de taux. Dorénavant, les taux court sont plus élevés que les taux longs. Cela traduit la « défiance » encore accrue des « marchés ». Ils soupçonnent, à juste titre puisqu’ils en ont créé les conditions eux-mêmes, que la Grèce aura du mal à se financer à court terme. C’est un signal ! Prophétie auto-réalisatrice par excellence ! Ainsi le gouvernement grec est placé dans une situation critique pour gérer sa trésorerie. La Grèce doit en effet rembourser 9 milliards d’euros à échéance du 19 mai et ne pourra pas le faire sans aide, à moins de dégrader encore plus lourdement sa situation budgétaire compte tenu du niveau prohibitif des taux. Donc, vendredi 23 avril, le gouvernement grec a capitulé et fait appel au mécanisme d’aide prévu par l’UE et le FMI dont il affirmait pouvoir se passer.

Et maintenant ? L’Allemagne a bloqué l’activation de l’aide. La journée du lundi 26 avril a tourné au cauchemar pour la Grèce avec des taux à 10 ans qui ont atteint 9,4 % et des taux à 2 ans qui ont franchi la barre des 13 %. Le cours des contrats d’assurance défaut (CDS) sur la dette grecque se sont à nouveau envolés. C’est le principal moteur de la spéculation contre la Grèce puisque de gens qui n’ont pas un euro prêté aux grecs peuvent par contre posséder un titre d’assurance sur sa dette et donc avoir intérêt à ce que l’Etat grec ne puisse rembourser et toucher ainsi l’assurance ! Il faut désormais 713 000 dollars pour s’assurer sur le paiement de 10 millions de dette hellénique ! Ce niveau c’est celui des CDS de l’Argentine et du Venezuela, mauvais élèves des marchés, depuis qu’ils ont mis dehors le FMI et restructuré unilatéralement leurs dettes. Du coup, la totalité des efforts et privations du précédent plan de rigueur sont engloutis par la nouvelle élévation de la dette qui résulte de frais d’emprunt. Comprendre tout cela c’est se préparer à comprendre ce qui va arriver chez nous le cas échéant !

Un nouveau plan de rigueur ! Tel quel. Ce sera le troisième en six mois ! Cette merveille est en cours de « négociation » entre le gouvernement grec, le FMI et la Commission européenne. A l’issue de ces palabres, si la saignée est jugée suffisante il y aura le déblocage d’un prêt estimé à 45 milliards d’euros. L’Europe qui devrait prêter 30 milliards est à la table de dépeçage, en toute fraternité ! Vive l’Europe qui protège ! Le ministre grec des finances, un social démocrate docile comme un laquais, a promis de « nouvelles mesures concrètes » pour réduire « drastiquement » le déficit. On peine cependant à imaginer quelles coupes peuvent encore être envisagées ! Mais pour tabasser le peuple ces gens là ont toujours des idées. Modernes, cela va de soi ! Sauf celle de consulter le peuple grec comme le demande nos camarades de Synaspismos.

Voici la lettre de nos camarades de Synaspismos, d’Athènes en date du 23 Avril 2010. « Chers camarades, Ce matin, le Premier ministre grec a annoncé son intention d’utiliser les mécanismes de l’UE et du FMI pour répondre à la crise. Cette perspective est un choix désastreux pour la Grèce et annonce des développements négatifs pour tous les peuples en Europe. Synaspismos et le Parti de la Gauche européenne ont déjà proposé des alternatives pour faire face à la crise. Les forces dominantes en Europe, conduites par le système financier européen, la Banque centrale européenne et la chancelière allemande, Mme Angela Merkel, avec le Premier ministre grec et son gouvernement ont tout fait pour mettre en place ce choix désastreux. Il est maintenant demandé au peuple grec de payer le prix d’une crise pour laquelle il n’est absolument pas responsable. Le peuple grec est opposé à ces options. Le gouvernement de Papandreou refuse même de demander au Parlement d’approuver son choix. Synaspismos et notre coalition SYRIZA, demandent un référendum immédiatement! C’est sur les épaules des travailleurs grecs que repose maintenant la grande responsabilité de résister à ces décisions, au nom des générations futures – au nom de tous les travailleurs et des peuples européens.

Chers camarades, nous vous invitons à envoyer aux membres de votre parti, mais aussi à toute la classe ouvrière et aux citoyens, non seulement un message de soutien au peuple grec, mais aussi un message de collaboration et de coordination avec notre action, afin de développer les luttes partout en Europe, contre l’attaque subie par le peuple grec aujourd’hui et à laquelle devront faire face tout le peuple européen demain.?Nous devons résister ensemble. Changeons l’Europe ensemble et transformons-là en une Europe de paix, de démocratie et de justice. Agissons maintenant.

Alexis Tsipras, Président de Synaspismos,

Président du Groupe Parlementaire de SYRIZA »

Et maintenant voici le texte de la déclaration que nous avons rédigé hier au PG pour nous mettre en mouvement. Nous avons appelé à un « Rassemblement de solidarité avec le peuple grec victime des banques ».

« Le Parti de Gauche dénonce la punition imposée au peuple grec par les dirigeants européens, le FMI et les grandes banques mondiales, ceux-là même qui sont les vrais coupables et profiteurs du malheur des Grecs. Les comptes publics maquillés? Les banques d’affaires comme Goldman Sachs les ont préparés pour le gouvernement grec. Le poids de la dette ? Il s’alourdit chaque jour à cause de la spéculation financière et des taux d’intérêt exorbitants exigés par les banques. Le risque de faillite? Il serait conjuré si le traité de Lisbonne n’interdisait pas aux Etats emprunter auprès de la Banque Centrale européenne comme le font les banques à un taux d’1% seulement. Les sacrifices réclamés à cors et à cris ? Ce sont toujours les peuples qui doivent payer afin que la finance puisse continuer à s’empiffrer.?Face aux banques, où est donc « l’Europe qui protège » ? A peine la Grèce a-t-elle demandé à bénéficier de l’aide des autres Etats membres que la chancelière allemande s’y est refusé et a exigé de nouveaux sacrifices. En France, la ministre Lagarde annonce que l’argent prêté aux Grecs pourrait rapporter 150 millions d’euros à l’Etat, sans compter le bénéfice des banques. Décidément, derrière les belles paroles, tous cherchent à se faire de l’argent sur le dos du peuple grec !

Si les banques font plier la Grèce, elles attaqueront demain d’autres pays européens. C’est un bras de fer décisif qui s’engage entre les citoyens et les banques. Pour notre part nous affirmons le droit des européens à bénéficier des richesses qu’ils produisent. Nous défendons la souveraineté populaire face aux diktats des banques. Nous affirmons la solidarité des peuples face à la compétition du marché libre. Nous exigeons donc que l’argent prêté aux Grecs le soit sans profit pour les banques, au taux de 1% dont elles bénéficient auprès de la BCE. Nous allons contacter toutes les organisations de gauche pour constituer le cadre unitaire le plus large pour ce soutien au peuple grec victime du parasitisme bancaire. »

 

Nous allons tous être des Grecs
Note de blog – 28 avril 2010

Ce soir, je tape quelques lignes en ayant le sentiment de vivre des moments de grande intensité historique. Les banques et les assureurs, « les marchés », encouragés par l’impunité dont ils ont joui quand ils ont agressé la Grèce, et emballés par leur propre dynamique mortifère font suffoquer ce pays et engagent à présent leur ballet mortel en Espagne et au Portugal. Les palinodies du gouvernement allemand et la pleutrerie du gouvernement français ont ouvert la voie à une catastrophe financière et politique en Europe. La première phase du scénario latino-américain, mille fois raillé par les beaux esprits, a franchi l’Atlantique.

Je suis spécialement fier du rassemblement réussi ce soir en solidarité avec le peuple grec (voir la vidéo de la Télé de gauche qui relate cet évènement). En dépit du délai, des vacances et de l’improvisation, nous avons été plus de deux cents. On se préparait à se réjouir d’être cinquante ! La présence médiatique permettra une information différente de ce qui se dit en boucle à propos de grecs et des autres « fainéants dépensiers ». France inter, RMC, France culture, BFM et canal plus ont vaincu la limite du sous effectif de vacances et ont fait leur travail. Les autres sont trop pauvres pour faire face. On compatit.

En tous cas, chapeau bas à mes camarades du Parti de Gauche ! En 48 heures ils ont réussi la mobilisation décidée lundi soir. Devant le siège de l’union des banques et celui des assureurs, une forêt de drapeaux pégistes assurait une ambiance visuelle très réconfortante. Chacun de nous avait relayé l’appel soit sur son blog soit sur les réseaux sociaux comme Facebook. Les listes de diffusion ont été mises à contribution. Tout cela a fonctionné. Courageusement plusieurs partenaires ont répondu présent et appelé de façon plus ou moins symbolique compte tenu des délais. Ainsi, après la décision du président du groupe PC/PG du conseil de Paris appeler au rassemblement, le PCF a décidé aussi de se joindre à nous à la suite du PCOF, des Alternatifs et du MPEP. Pas de nouvelle du NPA ni de GU mais le délai et les vacances ont frappé fort il faut bien le rappeler. Le PG organise une présence rassemblée symbolique de même nature à Bruxelles avec ses militants locaux devant l’union des banques européennes. A notre façon nous avons répondu à l’appel de nos camarades grecs de Synapismos.

Pour que ce que nous disons soit mis à sa place, partons des réalités de base. La dette totale de la Grèce, cette catastrophe colossale, c’est 300 milliards d’euros ! Dit comme ça, ça ne veut rien dire. Mais quand on sait que cela représente environ 2 % du PIB de l’Union européenne, on comprend mieux ! La dette grecque ce n’est rien. Ce qui est tout c’est le profit que les banques vont en tirer. Et la peur que les mauvais traitements subis font aux autres peuples.

Cette journée a été tragique pour l’Europe politique. DSK et Trichet étaient à Berlin toute la journée pour négocier avec l’Allemagne le contenu du plan grec. En Europe, il y a l’Allemagne. Point barre. Les deux notables français sans patrie identifiée, DSK et Trichet ont multiplié les consultations avec les importants allemands. Sarkozy devait attendre dans le vestibule. La France ? Où est-ce ? Donc rencontre avec le ministre des finances Wolfgang Schäuble et les chefs de tous les groupes parlementaires. A l’issue d’une de ces rencontres, un député porte parole de la CDU pour les questions budgétaires, a affirmé que BCE et FMI se sont opposés à une contribution des banques au plan de sauvetage de la Grèce qui avait été suggérée par un député. Ouf ! Les banques peuvent continuer leur pillage, personne ne prétend leur faire rendre gorge !

Les Taux pour la dette grecque ont franchi les 11 % à 10 ans et les 18 % à 2 ans ! C’est-à-dire que la Grèce ne peut plus se refinancer. Les banques et les assureurs vont donc pomper maintenant le jus de la déroute. Pendant ce temps le FMI de Strauss Kahn et « l’Europe qui protège » de la commission européenne exigent des coupes salariales. Mais quoi encore ? Le chétif président de l’internationale socialiste et Premier ministre grec, Papandréou, a encore gagné le premier prix de l’infamie. Incapable de résister aux banques et aux prédateurs de « l’Europe qui protège », il a trouvé plus simple d’insulter son peuple et de le mettre au pain sec. Pour complaire aux allemands il a affirmé que l’argent public et européen n’avait pas été utilisé pour le développement du pays mais pour « acheter des maisons, des voitures et vivre dans le farniente » et que « l’heure de vérité est arrivée ». Exactement le genre de nul qui fera demain tirer sur la foule qui manifeste comme en Amérique latine. Pourtant, à Athènes, le ministre grec du travail a affirmé que le gouvernement refusait la demande de coupes salariales du FMI et de la Commission européenne. Ces derniers auraient demandé au gouvernement de s’engager à supprimer les 13ème et 14ème mois qui existent dans les conventions collectives du privé et du secteur public où le 14ème mois a déjà été supprimé par Papandréou. Mais il ne pèse rien ! Et les diktats des punisseurs de peuple s’appliqueront sans faille ! La preuve c’est que Papandréou n’envisage même pas de faire voter le parlement sur ces plans de saignée. La démocratie ou la dictature des banques, le choix est fait.

Bien sûr c’est une chose que la pente générale des évènements et leur dynamique spécifique. Je pense que la situation a échappé des mains de ceux qui pensaient en jouer. Un immense effet domino peut s’enclencher qui emportera un pays après l’autre et du coup une banque après l’autre tombant, tout le système imploserait. Ce risque existe évidemment à l’heure qu’il est.

 

La dette totale de la Grèce, c’est 1,6% du PIB de la zone euro
29 avril 2010 – Vidéo

Jeudi 29 avril Jean-Luc Mélenchon était l’invité de Michel Grossiord dans la matinale d’Europe 1 pour évoquer la situation de la Grèce et de l’Union européenne :

Voir la vidéo

 

Les banques s’en-Grèce
Note de blog « Juste la veille pour le lendemain » – 30 avril 2010

 

Ce jour premier mai je suis dans la rue comme vous. Le matin à Arras, où je vais solder mon absence à un meeting pendant la campagne dont j’avais été absent en raison de l’enterrement d’un très proche. Puis en début d’après midi, je suis sur le pavé parisien au point fixe du Front de gauche. On y sera tous ! Dommage que le PCF n’ait

pas voulu qu’on fasse un tract commun ! C’est ballot ! On va se retrouver à distribuer des papiers qui disent la même chose chacun de son côté. A la fin on partira en cortège et sans doute que beaucoup de copains qui manifestent avec leur syndicat feront une deuxième fois le parcours avec nous. En tous cas on l’espère pour faire bonne figure et montrer que nous sommes tous bien sur la même longueur d’onde ! Dans cette note je reviens rapidement sur la Grèce et l’Union européenne.

On se souvient que voici deux jours nous étions rassemblés devant le siège de la ligue des banques françaises. De bons reportages sont passés sur les antennes radios sur ce sujet. Le lendemain, Europe, France info et France 3 nous donnaient encore la parole sur le thème. Seul le service politique de France 2 n’a rien dit rien vu rien fait. Ah si ! Une interview de Cohn Bendit ! Sacré Arlette ! Méchante jusqu’à être stupide ! Oublions ! Car nous avons eu un joli moment de plaisir en recevant de nos amis un journal Bolivien qui utilise une photo de notre rassemblement pour illustrer les réactions en Europe ! Nouveau moment de fierté : à Bruxelles cette fois ci ! La poignée de camarades du Parti de Gauche qui y travaille a tenu un rassemblement contre l’humiliation du peuple grec. C’est la présidente de notre commission internationale, Céline Menesses qui a pris l’initiative. Pour les camarades il fallait marquer le coup là où s’est noué le désastre, c’est-à-dire au cœur de l’union européenne ! Voici son courrier expédié sitôt l’opération achevée. « Salut et fraternité ! Ce vendredi midi, à Bruxelles, pas moins de 10 mouvements de l’autre gauche européenne (Synaspismos, KKE, Die Linke, Izquierda Unida, Bloco

 

de Esquerda, Parti Ecolo, PCWB, UAG, SP. A Rood, PCF) avaient tenus a se déclarer solidaires de l’appel du Parti de Gauche pour manifester la solidarité avec le peuple grec contre le vampirisme banquier. Certes nous n’étions guère nombreux. Une trentaine. Et alors ? J’espère bien que partout chacun en fasse autant chaque fois que c’est possible. Il faut agir. Le pire serait de donner le sentiment de se résigner.

Donc, là, plantés devant la Fédération européenne des banques, symbole des profits indécents réalisés par les banquiers sur le dos des peuples, nous avons fait à une trentaine autant de bruit qu’à 200. « Solidarité avec le peuple grec, à bas les banquiers pourris » ou encore « banquiers profiteurs, Union européenne complice » étaient nos mots d’ordre. Pas de discours, juste quelques slogans pour « marquer le coup », et un grand sentiment de fierté et de révolte. D’abord la fierté d’être là ensemble malgré des délais d’organisation très courts. Ensuite la fierté de dire qu’il ne faut pas céder au mépris ambiant envers nos frères grecs et

l’honneur d’avoir clamé que le danger pour les peuples européens ce ne sont pas les grecs mais les spéculateurs. Et aussi révolte ! D’abord révolte contre le Traité de Lisbonne qui interdit à la BCE de prêter aux Etats ! Nous dénonçons les banques qui en profitent honteusement et augmentent leurs taux d’intérêts sur les emprunts grecs ! Révolte ensuite face aux réductions de salaires et à la hausse de la TVA imposés par le FMI au peuple grec. Tout cela nous l’avons exprimé avec d’autant plus de force que la dette grecque n’a rien d’insurmontable si l’on veut s’en donner les moyens. Elle s’élève à 300 milliards. 300 milliards c’est 0,6% de la dette publique mondiale. Pour comparaison la dette de l’Allemagne dépasse les 1000 milliards tout comme celle de la France ! Quant à celle des Etats Unis elle est de 12000 milliards ! C’est moins que les 420 milliards qu’on obtiendrait en prélevant 3% de la fortune des ultras riches qui sont 1,5% de la population mondiale. C’est moins de deux pour cent des richesses produites au sein de l’Union européenne. Et on voudrait nous faire croire que la clé est dans l’appauvrissement des peuples qui produisent les richesses et pas dans leur répartition? Non décidément, on ne nous la fera pas! Et nous serons présents dans les rues, à Paris comme à Bruxelles, le 5 Mai prochain pour réclamer aux banques ce qui revient aux peuples! Céline. »

Puisque le sujet est sur la Grèce et l’Europe, comme vous le savez j’ai été invité sur plusieurs média pour en parler. Je veux

 

souligner l’intérêt de l’entretien avec Jean-Marie Cavada sur France info. En effet quoique de bord bien opposé à moi, comme on le sait, Jean-Marie Cavada, m’a donné raison à propos de la façon d’éteindre l’incendie grec avec le gros bâton du prêt direct fait par la Banque Centrale Européenne (BCE) au pays agressé par la spéculation au taux européen de 1%. J’ai justifié cette mesure par l’état d’urgence. Pour autant vous ne devez pas croire que cela soit conforme au traité de Lisbonne. En effet l’article 123 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne dispose qu’il « est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres […] d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union […] ou des États membres; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite ». Donc, contrairement à la Réserve Fédérale des États-Unis, la BCE ne peut accorder de prêts directement aux États. La spéculation ne peut donc être stoppée rapidement. Au contraire elle peut disposer des fonds mis à sa disposition par la BCE ! Un comble ! Cependant il existe dans le traité des dispositions pour les cas de crise majeure. Ces mécanismes se situent dans la partie du TFUE qui traite de la politique économique et monétaire. Il s’agit des aides exceptionnelles à un État membre de la zone euro. L’article 122 alinéas 2 du TFUE prévoit que « lorsqu’un État membre [de la zone euro] connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l’Union à l’État membre concerné. Le président du Conseil informe le Parlement européen de la décision prise ».

Le lecteur attentif aura repéré toutes les restrictions que le texte comporte. Faut pas rêver ! Mais le texte explique quand même le pourquoi d’un certain acharnement à dénoncer la responsabilité de tricheurs grecs qui se seraient mis eux mêmes dans la mouise du fait de leur fainéantise et trucage de compte. Il s’agit de bien souligner que dans le cas que connait la Grèce, il ne s’agit pas « d’évènements exceptionnel échappant à son contrôle » qui justifierait des mesures

 

de solidarité autre que l’actuel proposition de prêt honteux que les Etats européens vont consentir moyennant rémunération ! La Commission européenne et les gouvernements des États membres de la zone euro considèrent aujourd’hui que la Grèce est responsable de la situation dans laquelle elle se trouve. Selon eux, les évènements n’ont pas échappé à son contrôle mais sont au contraire la conséquence de sa « mauvaise gestion » de l’argent public et d’une dissimulation malhonnête de ses comptes. C’est le sens de l’insistance de Merkel le 18 mars dernier qui signa le début de l’hallali « Il faut plutôt attaquer le problème à ses racines. Ce qui signifie que la Grèce doit mener elle-même les réformes structurelles nécessaires au redressement de ses finances. ». Elle a rejeté la responsabilité des problèmes de la Grèce sur le pays lui-même, affirmant que ce n’est pas la spéculation des marchés financiers qui a placé Athènes dans cette position difficile mais la transgression pendant des années des règles du Pacte de Stabilité. A partir de là, maints commentateurs n’ont pas vu que le traitement réservé a la Grèce a été celui prévu pour une aide exceptionnelle à un État…. non-membre de la zone euro ! En effet, l’article 143 du TFUE prévoit qu’en « cas de difficultés ou de menace grave de difficultés dans la balance des paiements d’un État membre faisant l’objet d’une dérogation » (État faisant l’objet d’une dérogation = État non membre de la zone euro), la Commission peut proposer des mesures à cet État. Si ça n’est pas suffisant, le Conseil peut accorder « le concours mutuel ». Il peut prendre notamment la forme « d’une action concertée auprès d’autres organisations internationales, auxquelles les États membres faisant l’objet d’une dérogation peuvent avoir recours » et « d’octroi de crédits limités de la part d’autres États membres, sous réserve de leur accord ». C’est exactement ce qui est en train de se passer avec la Grèce : appel au FMI et négociation avec les autres pays membres pour accorder des crédits exceptionnels. La Grèce est donc traitée comme un pays ne faisant pas partie de la zone euro, parce qu’il n’existe pas de mécanisme spécifique à la zone euro et que la Grèce est montrée du doigt comme le mauvais élève de la monnaie unique. Telle est « l’Europe qui protège » des griots du oui qui dénonçaient notre égoïsme national et ainsi de suite !

Cherchez la moindre explication à ce sujet auprès des grands esprits du Parti socialiste européen et du Parti français de martien

 

Aubry et des autres eurolâtres ! Vous n’en trouverez pas. Au contraire ! Car ce bon à rien de Papandréou, président de l’internationale socialiste et premier ministre a lui-même dénoncé son peuple et l’a accusé de s’être enrichi dans le farniente avec les aides de l’Europe ! Vous voile prévenus ! Si la France est attaquée, les socialistes ne seront pas les derniers à enfoncer la tête du peuple dans l’eau comme le font leurs congénères dans toute l’Europe et notamment en Espagne et au Portugal ! N’ont-ils pas déjà trahis tout le monde dès qu’il est question de respecter le traité de Lisbonne, en le faisant adopter au Parlement français puis en racontant leur sornette sur « l’Europe qui protège » pendant toute la campagne électorale, puis en faisant élire Barroso ?

J’avais oublié l’ambiance d’arrogance de ce parlement européen. Mardi de cette semaine, tandis que toute l’Europe réelle vivait au rythme de la crise Grecque, la commission internationale du parlement européen, dissertait sur l’adhésion de l’Albanie et sur un texte sur l’union de la méditerranée ! On écoute donc la délégation de l’Albanie qui postule pour adhérer à l’Union Européenne. A la tribune le ministre albanais. Ce qu’est en réalité l’Albanie aujourd’hui pour les maffias de toutes sortes ne sera pas évoqué ici. Onctueux et patient le ministre reste impassible sous les coups. Car ici, ca y va. Le rapporteur « fictif » personnage improbable, typique de ce parlement lui-même également semi fictif, s’est bien lâché. Il a « fait son commentaire », « souligné les points saillants » et ainsi de suite. C’est-à-dire qu’il y a eu d’abord une série de phrases mielleuses de félicitations paternalistes à propos des « progrès réalisés » par le gouvernement albanais. Puis il y a eu pluies acides d’injonctions libérales sur le ton pédant et arrogant qui fait le charme de cet endroit. Tous les orateurs agissent de même. Compliments prétentieux et leçons de libéralisme. On invoque volontiers la Grèce, pour en menacer les autres et notamment les albanais. Le rapporteur fictif se permet même de demander si c’est raisonnable de la part du gouvernement albanais de refuser l’intervention du FMI. Tel quel !

Voila le dialogue avec un pays qui demande son adhésion. Mais peut-on attendre autre chose de ce coupe gorge nommé Union

 

Européenne ? N’oublions pas aussi de mentionner l’habituel rappel du passé stalinien – et l’Albanie maoïste était en effet particulièrement gratinée – et ainsi de suite qui sert ensuite à justifier la dictature des marchés qui apportent démocratie, paix, développement et joie pure. Ces foutaises sonnent plus glauque que jamais dans l’ambiance de la crise grecque ! Je pourrai dire que j’ai vu cette bande d’illuminés continuer à mouliner leurs sottises criminelles comme un canard sans tête tandis que j’ai sous les yeux les manchettes de mes journaux qui clament leur trouille de la déroute grecque ! De toute façon cette matinée va être délicieuse. D’abord un rapport sur les doits de l’homme et la défense de ceux qui luttent en leur faveur. Foutaise dans l’unique parlement qui n’a pas condamné le coup d’état au Honduras ! Pantomime accomplie quand on sait que la dite union européenne invite le nouveau « président » hondurien au sommet Amérique latine Europe. Il est vrai que cette marionnette vient signer un de ses accords de libre échange bilatéral avec lesquels l’union européenne fait ce qu’elle peut pour disloquer les organisations de coopération économique de la zone latino avec plus d’efficacité que l’impérialisme étatsunien. « L’Europe qui protège » exporte son venin ultra libéral sous toutes les latitudes ! Et ce n’est pas fini.

Venait aussi en débat un rapport sur « l’union de la méditerranée », présenté par un socialiste français. Naturellement

 

tout le monde s’en moque en France. Erreur, car il s’agit de nuire à nos voisins magrébins. La collection de vœux pieux que contient le texte est toute entière dissoute dans un amendement qui prévoit la constitution d’une zone de libre échange euro méditerranée ! Fermez le ban. Les socialistes français votent en bloc l’amendement qui institue la dite zone de libre échange ainsi que le rapport qui contient cette merveille et quelques autres du même acabit. Cela seul en dit long sur le vote unanime du conseil national de ce grand parti qui s’est prononcé pour des « écluses sociales et écologiques » aux portes de l’Europe ! Nous avons émis une petite centaine de vote en une heure. En petite foulée. A quatorze heures je remonte dans le train pour Paris. Je lis « le soir », journal belge.

Me revoici plongé dans la crise du royaume des wallons et des flamands. Les flamands sont remontés à bloc dans le communautarisme. Les wallons sont perclus d’argumentaires subtils et assez largement incompréhensibles sans une formation approfondie.

 

J’ai déjà écrit là-dessus. Je me reproche d’avoir donné à mon rattachisme de cœur un côté inconditionnel et réjoui qui ne tient pas compte du respect du a l’intangibilité des frontières en Europe. Bref, pas touche à l’unité de la Belgique ! Mais si les flamands cassent le royaume, soit qu’ils s’en séparent, soit qu’ils augmentent les humiliations pour les wallons, il est vrai que c’est un autre jour qui commencera, qu’on le veuille ou non. Et ce jour semble s’approcher si j’en crois ce que je lis dans la presse belge.

Un certain humour de l’histoire va nous confronter aux conséquences pour tous de la crise nationale belge. En effet c’est le tour de ce pays de présider l’union pour six mois. L’union va être présidée par l’état le plus en crise d’identité des vingt sept. Et cela au moment de la pire crise économique et financière européenne ! Et voici la cerise sur le gâteau : nous aurons, en même temps, non pas un mais deux présidents belge pour l’Europe ! Le président tournant et le président fixe, ce malheureux Van Rompuy, petit génie dont le départ à ce poste est une des causes de la pagaille belge, si l’on en croit le flot de compliment dont il fut entouré pour nous le vendre à la tête de l’Union. Le néant belge sera contagieux, n’en doutons pas, si ces deux là sont responsables de tirer l’union du pétrin où les merveilles libérales et anti nationale dont ils ont été les chantres l’a plongée. Il semble bien qu’il n’y a plus de pilote dans l’avion à cette heure.

 

La grèce est l’avenir de l’Europe
Note de blog – 30 mai 2010

Je rentre d’une tournée de manifestations du Parti de Gauche pour célébrer la victoire du « non » au référendum de 2005 sur l’Europe libérale. Les amis du « oui » et du Traité de Lisbonne ayant disparus de la surface de la terre sous le poids de la honte, le fond de scène grec fournit un puissant sujet de méditation sur « l’europe qui protège ». Quand je constate le nombre des consultations de ma précédente note, en dépit de son contenu somme toute très rébarbatif, je me sens autorisé à prendre le risque de publier peut-être plus indigeste mais qui me tient à cœur. D’abord une information et une réaction à propos d’un nouvel élan de bigoterie du président de la République. Ensuite des choses à propos de la situation de la zone euro sous le coup des politiques d’austérité. J’y parle de l’exemple argentin. Puis je vous donne des nouvelles de l’impérialisme de l’union Européenne en Amérique Latine.

Inaperçu ou presque. Un nouveau démantèlement de la laïcité par le président de la République ! Certes, c’est moins excitant qu’une burqua au coin d’une rue. Ca ne bénéficie donc pas de l’indignation à géométrie variable des pour et des contre réunis cette fois- ci dans une même indifférence. Le Parti de Gauche, alerté par Martine Billard a réagi ! C’est le seul, non ? Voila de quoi il s’agit. Nicolas Sarkozy vient d’annoncer la même mesure de reconnaissance pour les diplômes des universités protestantes que celle déjà prise pour les diplômes de l’enseignement supérieur catholique après l’accord survenu entre la France et le Vatican en décembre 2008. On peut supposer que musulmans et juifs vont nous gratifier bientôt aussi de leurs précieuses qualifications en matière de vérités révélées. Le Conseil d’État avait pourtant réaffirmé en 1984 que le principe du monopole d’État de la collation des grades universitaires s’imposait au législateur. En 1905 le sujet avait donné lieu à une farouche empoignade. 75 départements avaient voulus s’opposer à la loi sur le sujet et je crois me souvenir qu’il y avait eu une pétition d’un million de signatures organisées par les cléricaux. Là ? Bon….

Dans le discours où il annoncé cette nouvelle capitulation de la République laïque, Nicolas Sarkozy s’est livré à ses habituelles bigoteries de café du commerce. Jugez : « A une époque où l’on s’émeut à juste titre du risque de disparition de certaines espèces vivantes, de certaines langues et de certaines cultures, comment pourrions-nous rester indifférents au risque d’assèchement d’une tradition spirituelle à laquelle nous devons notre idée de l’Homme ? » Beuark ! Notre idée de l’homme, monsieur le président, nous vient de l’antiquité grecque et de la renaissance plutôt que du fatras pouilleux et sanglant des religions qui ont provoqué trois siècles de guerres civiles ouvertes ou larvée dans notre pays. Encore un extrait sur ce ton de prédicateur qui avait déjà fait son charme à Ryad où il avait prétendu devant le gardien des lieux saints de la Mecque stupéfait que Chrétien juif et musulman priait le même dieu bienfaisant et tutti quanti. Lisons saint Nicolas : « Alors que l’économie et la société redécouvrent dans la crise sans précédent qui secoue le monde, un profond besoin d’éthique, alors que le progrès des sciences et des techniques met nos valeurs chaque jour à l’épreuve et que le capitalisme est en quête de morale, le silence des grandes religions serait incompréhensible tant elles sont dépositaires ensemble d’une partie essentielle de la sagesse humaine. » Ce prêche ridicule est-il bien dans le rôle du président d’une république laïque ? A moins qu’en désespoir de cause, et devant l’impuissance de ses propres appels sur le même sujet, il n’ait plus comme autre proposition que l’appel à la prière pour moraliser l’immoralisable capitalisme ? Il est donc utile de rappeler aux esprits fragiles combien l’histoire a démontré que ni la force des prières ni celle des religions n’ont permis le moindre recul de la cupidité qui en est la racine. « Nous appelons plutôt nos concitoyens à faire confiance aux mobilisations » conclu le communiqué du Parti de gauche. C’est plus sage en effet !

J’en viens à la crise grecque et celle de la zone euro. Je constate que mon point de vue, longuement argumenté sur ce blog, n’est nullement isolé. C’est le contraire. Les bienfaits de la dévaluation de l’euro, l’absurdité des politiques d’austérité sont présents dans maintes analyses venant des bords les plus divers. Un nombre significatif d’avis bien plus qualifiés que le mien convergent ainsi à propos de la situation économique et financière en Europe. L’OCDE soulignant l’intérêt de la baisse de l’euro et un prix Nobel d’économie le disant aussi avant d’ajouter que les politiques d’austérité conduisent au désastre, voila qui me réconforte. Les « amateurs » dans mon genre, c’est-à-dire les militants politiques et syndicaux, du fait de leurs pratiques, de leur expérience et de la durée de leur engagement acquièrent une capacité d’expertise. Elle peut être moins rigide et partisane que le sont les points de vue des chefs d’école économique perclus de luttes et compétition entre spécialistes et bénéficiaires de revenus et subvention liés à leur activité.

Si je commence par signaler ce point c’est pour rappeler le droit et même le devoir pour les personnes qui ne sont pas des spécialistes, comme c’est mon cas, de réfléchir et de proposer une lecture des évènements qui les implique. Comment être citoyens sinon ? Et justement la question de l’exercice de la citoyenneté est posée quand des drames comme celui qui commence s’imposent à nous. L’information dont nous disposons est au mieux mensongère dans un très grand nombre de cas. Mais il apparait clairement qu’elle est manipulatoire dans un nombre croissant d’autres cas. On se souvient à ce sujet de ce titre du « Monde » prétendant qu’il y aurait un déficit de 2600 milliards d’euros dans les comptes des régimes de retraites en 2050. C’était une participation active à la campagne d’affolement dont avait besoin le gouvernement pour lancer son plan de remise en cause de la retraite à soixante ans. Mais on pourrait citer bien d’autres organes d’informations titrant, comme pour annoncer un désastre, sur la baisse de l’euro. Dans tous ces cas nous affrontons clairement des manipulations.

D’autre part je m’interroge sur les raisons qui conduisent autant d’éditorialistes et même une majorité de commentateurs à n’exprimer ni réserve ni même contre éclairage par rapport à la vulgate monétariste. Ni pourquoi aucun bilan n’est jamais présenté à propos de l’application dans le passé ou ailleurs des politiques d’austérité du style de celles qu’applique le FMI, Strauss Kahn ou pas, dans le monde. dans le passé ? La maladie de la ritournelle frappe fort de nouveau. Un exemple. On a entendu les récitations contre le protectionnisme qui aurait conduit au désastre après la crise de 1929. Le refrain fut repris partout. Tout le temps. Même dans la déclaration finale du G20. Bien sur dans « Le Monde ». Et dans les résolutions du parlement européen. Qui a vérifié ? Pourquoi ne rien imputer aux politiques d’austérité qui furent appliquées alors ? Pourquoi ne rien dire de la politique de « l’étalon or » qui imposait des taux de change fixe entre monnaie et donc cette absurde rigidité qui étouffe la production et l’échange quand elle est appliquée avec dogmatisme comme on le constate, aujourd’hui comme hier, avec la politique de l’Euro fort ? Du coup j’ai décidé de faire un exemple. Je vais comparer ce qui se passe en Grèce à ce qui s’est passé en Argentine dans les années 90. Je le fais parce que comme militant de gauche je m’étais intéressé et impliqué dans la compréhension de ce qui se passait à l’époque en Argentine. J’ai lu et ramassé ici et là de quoi remettre en ordre mes souvenirs personnels. Mes assistants ont butiné de quoi nourrir mes intuitions.

Les moins de vingt ans ne peuvent pas savoir. L’Argentine, a été l’enfant prodige du FMI. Le très bon élève, celui que le maitre mettait en valeur pour inspirer ses congénères. Michel Camdessus, l’actuel conseiller spécial en matière de déficit public de Nicolas Sarkozy, était à cette époque le génial directeur du FMI. « L’Argentine a une histoire à raconter au monde » pétulait-il ! En effet ! Mais ce n’est pas celle qu’il annonçait.. Commençons par le début. En ce temps là régnait l’hyperinflation. J’ai connus ces billets qui déteignaient dans la poche et dans les mains parce que l’encre pour réimprimer leur valeur était tout le temps fraiche. Ce mécanisme terrifiant était déclenchée par les voyous friqués qui planquaient leur argent aux Etats Unis et minaient la monnaie de leur pays. Une mesure radicale fut prise. Elle ne punissait, bien sur, aucun spéculateur. Quelle idée ! Au contraire elle les cajolait. Ce fut pour eux, en quelques sortes, comme un rêve de Trichet et de Merkel. On garantit aux tricheurs la valeur de leurs avoirs en peso, la monnaie argentine. C’était une trouvaille géniale. Seul un demi-dieu du type Camdessus pouvait avoir une idée pareille. Sous son impulsion, en 1991, le parlement argentin adopte une loi de convertibilité de la monnaie absolument sans précédent. A partir de là fut proclamé: « un peso est égal à un dollar ». La mise en place de régime de taux de change fixe correspondait à la création à partir de rien d’un peso fort et stable. Un peso fort comme un euro fort d’aujourd’hui. Bien sur tout cela était parfaitement et totalement artificiel puisque sans aucun rapport avec la production et les échanges réels à l’intérieur du pays. On connait. C’est la même doctrine que celle de notre chère banque centrale européenne (BCE). C’est ce que proclame le splendide article 127 du Traité de Lisbonne concernant le fonctionnement de l’Union : « L’objectif principal du Système européen de banques centrales, est de maintenir la stabilité des prix ».

Dans ce contexte, l’économie réelle s’anémie, l’activité vivote mais un porte feuille en fer est garanti aux puissants. Certes en Argentine, l’effet fut d’abord spectaculaire. Notamment sur l’inflation. Avec le retour des capitaux, elle passa de 5000 % à 4 % en à peine 3 ans. Toute la scène internationale fut aussitôt couverte par les cris de joie de la célébration du « miracle argentin ». Camdessus, dont le livre de recette économique ne quitte pas le chevet de son ami Nicolas Sarkozy si l’on en croit ce dernier, louangeait à grandes trompes. Carlos Menem le président argentin élu en 1989 accompagne évidemment cette merveille par un superbe plan d’austérité dont on affirmait qu’il garantirait le sérieux de l’opération. Il a fait ainsi avant l’heure la politique de Strauss Kahn en Grèce ! Quel visionnaire ! Le remède de cheval habituel a donc été mis en place : libéralisation commerciale et privatisation de la totalité des entreprises publiques. Tout est vendu ou presque : gaz, pétrole, compagnie aérienne, chemin de fer, téléphone, énergie … Une orgie de bonnes affaires pour les gros portefeuilles ! En peso ou en dollar, c’était tout du pareil au même. Le pays fut pillé. Evidemment ces fainéants de fonctionnaires argentins furent frappés les premiers par une vague de licenciements massifs. Camdessus était en épectase !

Hélas, si le peso était dorénavant stable, le dollar, lui, ne le sera jamais. Et, comme on le sait, les variations du dollar n’ont jamais rien à voir avec l’état de l’économie réelle des Etats Unis. Car sinon ce pays serait déclaré en faillite depuis longtemps. En tous cas à partir de 1999, une spéculation mondiale sur le dollar et les bourses américaines portent le dollar à des sommets. Horreur ! Les marchandises argentines, les matières premières agricoles que produit ce pays sont alors invendables. Mais dévaluer le peso n’est pas possible puisque tous les comptes sont libellés dans la monnaie magique « un peso égal un dollar ». L’Argentine est asphyxiée. Au secours ! Que faire monsieur Camdessus, vous qui êtes si intelligent ? Garantir la stabilité, vous a-t-on dit ! Sinon tous ceux qui vous ont fait confiance en vous confiant leur argent ou à qui vous en devez vont être très fâchés ! Bande de danseurs de tango ! L’Argentine était donc en camisole de force. Impossible d’ajuster la monnaie à sa valeur réelle. C’est ce qui arrive à la Grèce aujourd’hui. Elle aussi est également privée de l’instrument du taux de change. Elle ne peut dévaluer. Les préteurs la tiennent donc à la gorge comme ils tenaient l’Argentine. C’est d’ailleurs la situation de toute la zone euro actuellement. Les États n’ont pas la maîtrise de la monnaie puisque la politique de change de l’euro est gérée par la BCE et le Conseil. Voyons le résultat. En Argentine l’asphyxie avança. Le chômage explosa ! Du rio de la Plata à la Patagonie, le pays fut secoué par les protestations et les manifestations de chômeurs. Tous ceux qui possédaient le moindre peso couraient le changer en dollar pour se protéger en sachant parfaitement bien que le mythe d’un peso égale un dollar ne résisterait pas à l’épreuve de vérité. La pénurie de dollars, et donc de pesos s’aggrava donc vertigineusement.

Mais comme il faut bien vivre et que l’économie n’est pas un caprice des dieux mais une fonction de base de la vie en société, il fallait quand même produire et échanger. Des monnaies alternatives sont donc apparues ! Mais oui ! Ce fut le cas du « patacon » dans la région de Buenos Aires. Ce genre de monnaie de substitution permettait aux régions de maintenir de hauts niveaux de dépenses publiques pour empêcher l’activité de s’effondrer totalement. L’État central Argentin en vint donc lui-même à généraliser cette solution de contrebande. Il émet alors des reconnaissances de dettes appelées LECOP. Vous suivez ? L’état émettait des Lecop dont la signification était : je vous dois tant de pesos, que je n’ai pas, qui eux mêmes valent tant de dollar. Une vraie trouvaille, non ? Ces LECOP servent alors par exemple à payer les fonctionnaires. Dès lors ils se diffusèrent dans tout le pays. Jusqu’à 80 % du salaire finira par être versé de cette façon et près de 50 % de la masse salariale totale sera libellé sous cette forme. Ces papiers avaient d’ailleurs l’apparence de billets de banque. Ils finirent par être acceptés comme moyen de paiement dans beaucoup de magasins. Lesquels se firent banquiers en ajoutant une surtaxe pour tout achat payé de cette façon. Au pic de la crise déclenchée par les conséquences de la politique de monsieur Camdessus, ces papiers représentaient une part immense de la monnaie en circulation en Argentine : près de 6 milliards de Pesos. Pendant ce temps le gouvernement faisait, cela va de soi, une politique d’austérité, avec courage face à ce ramassis de latinos folkloriques ! Alors, bien sur, son parti fut battus par tous ces ingrats.

Le successeur du président Menem qui avait si bien appliqué la politique de monsieur Camdessus fut Fernando De la Rua, chef du parti radical, membre de l’internationale socialiste. Son équipe était un concentré de sociaux libéraux « réalistes » et « gouvernementaux », Bla Bla. Le ministre des finances, Domingo Cavallo, un illuminé du libéralisme, fut proclamé « homme de l’année » au jamborée de Davos ! La gloire à l’état pur. Le pillage du pays continua donc avec désormais la bonne conscience habituelle des sociaux démocrates. Et l’agonie économique continua aussi, à petit feu. J’étais présent dans la salle de réunion entre Jospin et De La Rua quand ce fou de Cavallo proposa d’échanger un prêt sans prime de risque contre un remboursement prioritaire sur des privatisations. La « prime de risque » était déjà le problème ! « Ah bon ? Il reste quelque chose à vendre dans ce pays » soupira le premier ministre argentin ! Non bien sur. Ca se savait. Aucun sacrifice n’était plus guère envisageable, faute d’avoir à qui l’imposer, la bête étant déjà tondue jusqu’à la peau. L’Argentine parti à la dérive dans un océan de chômage, d’économie de troc et de combines calamiteuses de gestion publique.

Le 5 décembre 2001, le bourreau qui a déclenché la machine infernale donne le coup de grâce. Le FMI annonce qu’il refuse de transférer 1,26 milliards de dollars, comme il l’avait promis. Car, disaient ces sadiques, le plan « Déficit zéro » de Cavallo n’avait pas été mis en œuvre « sérieusement » ! Le FMI abandonne ses proies sitôt que le moindre problème apparait. C’est ce qui attend la Grèce. Son plan d’austérité sera évalué tous les trimestres avant le versement de l’aide financière prévue. Cela a été exigé par le mémorandum du FMI et l’Union Européenne. Car « l’Europe qui protège » a délégué au FMI la surveillance du plan « d’aide ». Et comme on le sait, l’aide est conditionnée à des mesures de libéralisation forcenée sur le modèle argentin. C’est à dire la vente de ce qu’il reste des biens publics, les suppressions de postes de fonctionnaires et ainsi de suite. Que se passe-t-il alors ? Voyons l’Argentine. La mauvaise nouvelle du blocage de « l’aide » par le FMI provoqua une énormissime crise de confiance dans la classe moyenne. Et la navette des bas de laine repris son bal entre les deux rives du Rio de la Plata, nombre de grands naïfs croyant qu’en cachant leur argent en Uruguay, sur le trottoir d’en face, ils échapperaient au siphon.

Le socialiste De la Rua et sa bande de « courageux gestionnaires » décidèrent de séquestrer les comptes bancaires : interdiction aux particuliers de retirer plus de 250 pesos par semaine ! Cette invention reçu un joli nom qui sonnait doux : le corralito. Les sous se trouvaient en quelque sorte retenus pour leur bien dans un petit coral comme de bestiaux qu’on protège dans la pampa ! L’abime s’ouvrit sous les pas de l’Argentine. Grèves générales, fuites des petits patrons, disparition d’aigre fins banquiers en Uruguay et en Argentine, bref ce fut le chaos ! Les gens dans la rue devant les banques tous les jours tapant dans des casseroles. Les socialistes demandèrent à l’armée d’intervenir. Elle refusa. Ce fut donc la police qui tira dans le tas faisant vingt huit morts. Enfin, tout s’effondra. De La Rua s’enfuit. Domingo Cavallo finit en prison pour corruption. Le FMI maintenait pourtant toujours aussi fermement le pied sur la gorge des argentins. En trois mois le pays vit se succéder et démissionner trois présidents de la république. Puis l’équipe actuelle, alors composante de la vague de la révolution démocratique qui déferle sur l’Amérique latine, l’emporta. Cette séquence et très instructive. Ce qui est frappant c’est que les argentins savaient que rien ne pouvait s’améliorer jamais après des années de souffrances, les refrains ne changeaient jamais : austérité, dépenses excessives Bla Bla.

En Grèce ce sera tout pareil. D’ors et déjà le plan du FMI intègre dans ses prévisions la baisse d’activité due a ses plans d’austérité et le poids supplémentaire de la dette provoquée par l’augmentation des intérêts de celle-ci. En 2015, après cinq années de purge et de souffrance, la part de la dette dans le PIB en Grèce aura augmentée pour parvenir à 150 % C’est le FMI lui-même qui le dit. Les grecs auront souffert pour rien à part payer les intérêts aux banques. Pourtant, à ce moment là, on dira de nouveau aux grecs qu’ils doivent être « plus sérieux », mieux appliquer le plan de sacrifices et ainsi de suite. La solution est pourtant simple. Il faut voler les voleurs. C’est ce qu’on finit par décider les bons bourgeois qui dirigeaient l’Argentine.

En janvier 2002, Eduardo Duhalde, troisième président de la République consécutif en trois mois déclare l’insolvabilité du pays. C’est le défaut de paiement. Les créanciers sont floués. La monnaie magique est abolie de fait. Le change du peso fut fixé à 1.40 Peso pour 1 Dollar. Ce n’est pas beaucoup. Juste 28% de dévaluation. Tout ça pour ça ! Evidemment il y a eu de la casse. Mais plus pour les mêmes. Tous les contrats signés en dollars devinrent immédiatement caducs. Financiers et grands entrepreneurs hurlèrent a la mort. Mais aucun ne s’écroula en dépit des pertes qu’ils subirent. Mais la dévaluation eut son effet positif. Enfin les produits argentins redevenaient vendables. Le secteur agro-industriel redémarra. L’Argentine se dépêcha de rembourser certes avec beaucoup de retard sa dette vis à vis du FMI pour ne plus avoir à faire à cette institution que tout le monde après cela fuit comme la peste ! En 2005, Le ministre argentin de l’économie Roberto Lavagna annonce aux créanciers privés qu’ils ont 6 semaines pour accepter la proposition de restructuration de la dette. Il affirme qu’« il ne fera plus aucune offre dans le futur » et que ceux qui refuseront celle-ci risquent bien de ne jamais rien recevoir de l’État argentin. La dévaluation de cette dette est alors massive. La somme proposée pour le remboursement des prêts internationaux privés est d’environ 35% de ce qui est dû. Le montant des impayés de la dette privée argentine était de 81 milliards de dollars depuis 2001. Fin 2002, l’économie repart. Les effets favorables de la dévaluation sont alors clairement observables. Début 2003, la plupart des monnaies alternatives furent abolies et la valeur qu’elles représentaient fut garantie par l’Etat. La consommation redémarra et la vie commença à redevenir vivable. Je me souviens de la stupeur des argentins apprenants qu’ils pouvaient renoncer à leur régime de retraite par capitalisation et revenir au régime par répartition. En six mois un million de personnes firent leur transfert préférant offrir aux caisses de retraites par répartition leurs avoirs capitalisés plutôt que de rester dans les mains des sangsues bancaires.

Telle est la leçon de l’Argentine qui devrait être connue en Grèce et que nous ferions bien de méditer pour savoir que faire dans l’hypothèse où notre tour viendrait. « Gouverner contre les banques » ce sera le thème du forum du Parti de gauche le 12 juin prochain, avec la participation d’Oskar La Fontaine. Le contraire d’un colloque savant. Plutôt la préparation d’un mode d’emploi. Je ne finis pas mon récit sans vous dire qu’il reste toujours un peu d’espoir pour que les méchants soient punis à la fin du film. Dans ce cas, après avoir ruiné l’Argentine, et le Mexique parmi d’autres, Camdessus fut viré du FMI où il n’acheva pas son second mandat.

A Madrid vient de s’achever la semaine passée, dans l’indifférence générale, un sommet Europe-Amérique latine. A moitié boycotté par les latinos parce que les européens avaient invité le prétendu président soit disant élu du Honduras. Oui, le fil de putsch, Porfirio Lobo, a été invité! Telle est l’Europe des prêchi-prêcha sur les droits de l’homme et des mouvements d’indignation à l’égard de Cuba, Chavez et ainsi de suite ! Bien sur, un contre sommet alter mondialiste se tenait. Et une délégation de mes amis a mis une nouvelle fois la main à la poche pour y être présents pendant toute sa durée. Mais ce n’était pas l’évènement. Pourtant le moment aurait été bienvenu pour imaginer des accords nouveaux et d’autres relations pour affronter la crise qui étrangle les peuples d’Europe ! Pas du tout ! Face à l’Amérique du sud, l’Europe est juste un partenaire de mauvaise foi qui impose ses dogmes libéraux avec arrogance. Aussi impérialiste que les Etats unis d’Amérique, l’union européenne a une stratégie similaire à celle des yankees. Elle enfonce des coins pour diviser tout ce qui ressemble à un bloc régional en face d’elle. Elle divise donc systématiquement pour mieux exploiter. La technique consiste à passer accord avec des sous ensembles d’un bloc ou des pays en particulier à l’intérieur d’une zone pour faire éclater de l’intérieur tous les partenariats. C’est notamment le cas de la Communauté Andine des Nations. Là, l’Union Européenne signe des traités bilatéraux avec le Pérou et la Colombie. De cette façon sont contournées la Bolivie et l’Equateur qui refusait d’accepter ses conditions.

Peu de gens se figurent le niveau d’arrogance auquel parvient cette Union Européenne qui a été présentée pendant si longtemps comme un modèle alternatif à l’impérium étatsunien ! Et ce n’est pas seulement le fait des gouvernements de l’union. C’est aussi et surtout le fait du Parlement Européen totalement imbibé de délires libéraux. Dans le cas de l’Amérique latine, le cas se complique du fait de la personnalité de l’homme qui a la haute main sur le dossier, qui se comporte comme un nouveau vice roi des indes occidentales, le député espagnol Salafranca, membre éminent du Parti de droite PPE. Récemment il présentait au parlement Européen un rapport sur les relations Europe-Amérique du sud en prévision de ce sommet de Madrid. Auparavant, en commission, la totalité de mes amendements et ceux de mon camarade Willy Meyer, député espagnol d’Izquierda Unida, avaient été rejetés.

« »¿Por qué no te callas? » C’est à cette phrase lâchée sur un ton suffisant par le roi Juan Carlos d’Espagne (Borbon y Borbon par la grâce de Dieu) au président Hugo Chavez (premier élu du peuple vénézuélien) que me fait penser le ton et le contenu de ce rapport. D’abord, évidemment, ce sont une série de leçon de démocratie. On en appréciera tout le sel en se souvenant que le parlement européen est la seule institution européenne qui n’a pas condamné le putsch au Honduras. Ca ne gène pas le rédacteur ni ses manières comminatoires. Il «réaffirme sa conviction que la stabilité interne de nombreux partenaires latino-américains reste tributaire de la réforme de l’État. Il faudrait alors laquelle doit inclure la question de l’intégration dans les processus de décision de tous les peuples autochtones et autres minorités, afin d’éviter toute discrimination et de soutenir la préservation de leurs cultures et traditions qui permettra d’enrichir davantage la société et de renforcer la gouvernance démocratique ». Et toc ! Le grand frère a parlé ! Puis Sala franca et la majorité du parlement européen font « observer qu’une justice efficiente et indépendante ainsi qu’une politique efficace mais respectueuse des droits de l’homme au sein d’une administration responsable, contrôlable et transparente, procurent de la sécurité aux citoyens, renforcent leur confiance dans le système parlementaire représentatif et permettent d’éviter leur indifférence à son égard ». Il faut expliquer ça au juge Garzon en Espagne ! Mais ce sont les amuse gueule en quelques sortes. Car bientôt vient le ton du manieur de fouet impérial! A lire en pensant à ce que l’Europe fait de ses propres recommandations aux autres sur son propre sol !

Le parlement européen, pontifiant et verbeux, « déplore que certains pays, peu soucieux de la nécessité de remédier aux graves carences résultant du sous-développement, de la pauvreté, des pandémies, de la malnutrition, de la criminalité et des catastrophes naturelles, aient employé leurs ressources financières pour accroître de manière excessive leurs dépenses militaires ». Venant des amis du gouvernement d’Alvaro Urine en Colombie où sept bases militaires des USA ont été ouvertes et dont il n’est dit un mot, on savoure ! Et ce n’est pas tout en matière de paternalisme. La leçon devient vite franchement méprisante. Lisez ce texte adressé à des nations souveraines. « L’intégration régionale − souhaitée et recherchée par de nombreux gouvernements latino-américains et facilitée par l’Union européenne − doit faire face à de sérieux obstacles: (…) le peu d’échanges interrégionaux et les faibles connaissances de chaque pays concernant les différents acteurs politiques, sociaux et économiques des autres pays ». Ces latinos sont des ignorants qui ne savent même pas ce qui se passe sur leur propre continent et pour ainsi dire à leur propre porte. Le fond de tout cela chacun de mes lecteurs le connait ou le devine. La visée principale de ce texte est aussi banale que les reflexe européen. Il s’agit de la mise en place d’une grande zone de libre échange avec l’Amérique du sud et ceci dès 2015. Les parlementaires sociaux démocrates sont bien évidemment d’accord. Ne viennent-ils pas de soutenir dans une autre résolution l’accord économique et commercial « global », rien que ça, entre l’UE et la Canada. Il faut se faire une idée précise du point où les voici rendus en matière de privilèges consentis aux capitalistes. Car cet accord prône, entre autre, la supériorité du droit des investisseurs à protéger leurs profits sur celui des Etats à protéger l’intérêt général… C’est ainsi que les grandes crises sont méthodiquement préparée.

 

De la situation en Grèce à la scène française
Extrait de la note « À la fête ! À la fête et c’est tout ! » – 9 septembre 2010

J’en reviens à l’évènement central de la Fête de l’Humanité. Je pense que nous sommes à la hauteur des circonstances. Il y a un lien entre la marée humaine des manifestations du 7 septembre et le lancement à la Fête de l’Humanité du programme partagé du Front de Gauche. Nous ouvrons une perspective et nous proposons une méthode de travail politique. Je connais le nombre des arguments qui plaident contre notre tentative et notre ambition de replacer au cœur du pays le courant culturel qu’incarne le Front de gauche dans la politique française et européenne. J’ai bien dit européenne. Car la partie se joue sur l’ensemble du vieux continent. De la situation en Grèce à la scène française le lien est là. Après le krach du système financier, les gens du système l’ont protégé des coups qui se préparaient par une opération d’intimidation spécialement cruelle. En Grèce comme ailleurs le problème c’est l’impasse politique qui résulte de l’absence totale d’alternative politique ancrée dans la conscience populaire. La droite et le Pasok (parti socialiste grec) sont d’accord sur la politique du FMI. A présent tout le Pasok est au gouvernement inclus la « gauche » du parti. Ce que cette situation montre c’est qu’il ne suffit pas de surgir avec des pancartes de protestation quand tout s’effondre. Il faut préparer en profondeur la relève. C’est a ce prix que le grand nombre repère et donne son appui. Je ne m’effraie donc pas de la puissance actuelle du PS avec sa politique en machmolo. Ce qui m’inquiète c’est notre capacité à être unis à temps pour labourer en profondeur le terrain jusqu’au moment où nous serons en contact avec la matière brulante de l’histoire qui nécessairement viendra au devant de notre futur.

 

Pas de vacances pour les politiques libérales du FMI
Extrait d’Argument – 17 septembre 2010

Personne n’en parle et pourtant, le FMI s’est bel et bien installé en Europe. Les chefs d’Etat européens, incapables de s’entendre pour aider la Grèce, lui ont d’abord ouvert la porte. Il force aujourd’hui tout le monde à avaler sa cuisine néolibérale. Mandaté par l’Union Européenne, sans aucune légitimité démocratique, il impose la casse sociale comme condition du versement des sommes promises et se proclame juge des politiques menées par les gouvernements élus. Voyez plutôt…

Le FMI dicte la politique des gouvernements à qui il prête de l’argent

On se souvient des capitulations de Papandréou, le premier ministre grec, face aux exigences du FMI : hausse de la TVA de deux points, augmentation de l’âge de retraite des femmes de 5 ans, gel des salaires et des retraites dans la fonction publique. Ces mesures destinées à réduire le déficit et la dette publique étaient des conditions au versement du prêt accordé par le FMI, avec l’Union Européenne, en juin dernier. Afin de s’assurer que ce plan d’austérité est bien mené, le FMI a depuis le début de l’été installé un bureau à Athènes. Ses « experts » évaluent la politique du gouvernement grec : le versement du prêt est suspendu à leur validation. Cet été, il a demandé aux grecs de privatiser l’entreprise publique d’électricité (DEI), détenue à 51% par l’Etat et de renforcer le contrôle des dépenses « des autorités locales et des hôpitaux ». Il s’agit de ramener le déficit public à moins de 3 % du PIB pour « rassurer les marchés ». Le FMI procède de manière comptable sans aucune considération de long terme et surtout sans aucune prise en compte de la situation sociale du pays. Le sort de la population grecque est donc mise entre les mains d’une poignée de gens au mépris de la démocratie et de la souveraineté populaire. En attendant, le chômage est de 15 % en Grèce, la récession est de 4 % en 2010 et estimée à 2,5 % pour 2011 !

Le Grèce est un exemple emblématique mais la logique est la même un peu partout en Europe. En Roumanie par exemple le FMI exige que le gouvernement augmente de 10 % les tarifs dans les transports publics et réduise le nombre d’enseignants. Ces mesures s’ajoutent à la suppression de 30 000 postes dans la fonction publique ainsi qu’à la réduction des salaires de 25 %. La TVA avait également été augmentée de 19 % à 24 %.

 

Fichez-les dehors !
Extrait de la note « Send them away ! » « Fichez-les dehors ! » – 24 novembre 2010

«Send them away.» Ce cri, c’était vers dix heures du matin, dans un reportage sur France Inter. Je ne l’ai pas entendu. C’est un ami qui écoutait la station. Il a été tellement impressionné qu’il a ressenti le besoin de m’en parler tout de suite. Des irlandais étaient interrogés. Un micro trottoir. Il s’agissait de l’arrivée de l’armée d’occupation européenne de « l’Europe qui protège » venue sur place pour tondre les irlandais au profit des banques. Le « hold up des banques » comme le titre sur un mode quasi bolchevik le tranquille journal « Libération ». Donc le journaliste interrogeait les passants. On entendit alors de la bouche d’un indigène la version locale de « que se vayan todos », le « qu’il s’en aillent tous ». « Send them away !» répondait en effet une personne interrogée. « Fichez les dehors ! » Ach ! Encore un populiste ! Cohn-Bendit au secours ! Huchon ! Valls ! Venez vite expliquer à tous ces gens qu’ils sont un danger pour la démocratie, des antis boches, et qu’ils sont pire que leur fascistes locaux ! Enseignez-leur vite comment baisser le nez et les yeux devant les puissants. Ce serait peine perdue. Trêve d’ironie. Le temps qui passe va montrer, hélas mille fois hélas, que le mot d’ordre surgit tout seul. Spontanément. Ici, des millions d’irlandais à qui on a fait obligation de voter une deuxième fois en référendum pour avoir droit à « l’Europe qui protège » découvrent l’ampleur de la farce. C’est l’Europe qui les frappe en pleine face pour les obliger à sauver une deuxième fois des banques parasites. Ces gens voient la servilité de leurs dirigeants, ceux de droite comme les sociaux démocrates. Ils exploseront. Déjà le gouvernement est emporté par une crise politique dont le pays ne va pas sortir simplement.

Mais avant d’aller plus loin à propos de l’Irlande, observons la situation du point de vue de ceux qui prétendaient la dominer. De quoi part-on ? Du « mécanisme européen de stabilisation » tel qu’adopté le 7 mai dernier. Il est doté de 440 milliards par les Etats de la zone euro. Sa mise en œuvre est assortie d’un arsenal de mesures d’austérité dont on connait le refrain : moins d’état et de dépenses sociales. Cette méthode n’a nullement enrayé la crise dans laquelle est plongée la Grèce. Mais comme les spéculateurs ont été grassement récompensés pour leurs audaces, les banques ont pris le gout de ces spéculations contre les peuples. Un scénario de crise identique s’applique désormais à l’Irlande et au Portugal. A tel point que le plan européen, lui-même assis sur de l’endettement public, pourrait être rapidement dépassé. Rien qu’en aidant la Grèce puis l’Irlande et le Portugal, on serait à près de 300 milliards consommés … Dès lors cela rendrait impossible dans l’enveloppe prévue un éventuel sauvetage de l’Espagne qui est le pays suivant dans la ligne de mire des spéculateurs. Pourquoi en est-il ainsi ? L’arrivée du FMI égale toujours un plan d’austérité. Et celui-ci en contractant l’économie aggrave la difficulté initiale car il réduit les recettes de l’état. De plus le plan du FMI s’applique par tranche comme un étranglement lent. Il laisse toujours une part du déficit à découvert pour que le pays concerné ne puisse se défiler et sente le souffle et la morsure des taux bancaires du marché privé toujours sur sa nuque. La preuve par la Grèce.

La Grèce ne s’en sort pas avec le plan du FMI. 110 milliards d’aide avait été promis en mai dernier. La Grèce n’a touché à ce jour que 29 milliards du FMI et de la Commission européenne. D’abord les taux exigés pour financer la dette grecque sur le marché ont d’abord baissés, tout en restant scandaleux. Après être redescendu autour de 9 % à la fin de l’été, dès l’activation du plan d’aide européen, les taux de la dette grecque à 10 ans ont repris leur envolée depuis mi-octobre, pour atteindre 11,5 % jeudi 11 novembre. Retour à la case départ, c’est-à-dire des niveaux proches du record de 12 % atteint au printemps. La conséquence directe de ce relèvement des taux est qu’elle complique la situation budgétaire de l’Etat grec. En effet le plan de « l’Europe qui protège » ne lui a pas permis de s’affranchir totalement des marchés pour financer sa dette. Rappel : Aubry dans son discours le 29 août 2010 à l’université d’été du PS à la Rochelle, avait salué « le courage de notre camarade Papandréou pour affronter la crise ». Il avait en effet avalé tout rond et sans une protestation le plan de son camarade Dominique Strauss Kahn. Pourtant dimanche 14 novembre Papandréou, l’ectoplasme social démocrate local, a fini par évoquer pour la première fois la possibilité d’ « un rééchelonnement du remboursement ».

Ca n’a pas duré. Evidemment la BCE s’étrangle de rage. La Grèce s’était engagée auprès de la zone euro et de la BCE à ne pas dépasser un déficit de 8,1 % du PIB en 2010 et avait même envisagé un déficit à 7,8 % du PIB. Or elle est aujourd’hui sur une trajectoire de déficit de 9,2 à 9,3 % du PIB, après révision de son déficit 2009 à 15,5 % du PIB et de la dette à 127 % du PIB. Rien de dramatique en réalité si on le rapporte en proportion de la richesse totale de l’Union Européenne. Face à ce qu’ils considèrent comme un non respect des objectifs assignés au gouvernement grec, une mission spéciale du FMI, de la Commission et de la BCE s’est rendue sur place. On ne saurait mieux montrer combien le pays n’a plus de souveraineté réelle. Comme l’état major d’une armée d’occupation la troïka a félicité le zèle des gouvernants indigènes. « Jusqu’ici tout va bien. Le programme a été mené a un rythme impressionnant et reste dans l’ensemble sur la bonne trajectoire » aurait déclaré au journal « Le Monde » le proconsul du FMI un danois qui co-gouverne la Grèce, Poul Thomsen. Fourbe comme un journal de France 2, le monsieur identifie après cette caresse, une urgence spécialement cruelle : « mettre fin aux dépenses abusives dans le secteur de la santé améliorer encore la collecte des impôts et réformer les entreprises publiques qui paient des salaires très élevés » On se pince en lisant cela !

Cette cruelle politique, on doit s’en souvenir à chaque instant, n’est destinée qu’à permettre à la Grèce de payer les taux usuraires qu’exigent les banques ! C’est un choc d’une incroyable brutalité qui a déjà provoqué un recul de quatre pour cent de l’activité économique. Autant en moins de salaires, d’impôts et de taxes. Le nouveau train de mesures devrait créer un choc au moins aussi important. Il y en a encore pour 4 milliards d’euros. Ces économies seraient réalisées par les ministères de la santé et du travail. Conclusion ? La Grèce ne peut pas s’en sortir. Je veux dire que le plan et sa logique sont inapplicables ailleurs que sur un bout de papier. Le bug va arriver comme ce fut le cas dans toute l’Amérique latine face aux mêmes politiques du FMI.

Les nouvelles coupes sont impraticables. Il n’y a plus rien à vendre et la fiscalité est au point mort du fait de la récession de l’économie. Les conditions politiques en sont au même point. Lors des élections locales des 7 et 14 novembre qui ont fait la joie du seul Dominique Strauss Kahn, les deux partis dominants, sociaux-démocrates et droite conservatrice, responsables de la situation budgétaire, ont brutalement reculés dans les urnes. Les sociaux-démocrates ont perdu près de 10 points en un an tandis que la droite a atteint un de ses plus bas niveaux historiques. Ce rejet des partis dominants s’exprime surtout de façon spectaculaire dans l’abstention et le vote blanc et nul. La proportion est sans précédent en Grèce. Il s’agit désormais de plus d’un électeur sur deux. En dépit du vote obligatoire, il a eu 53 % d’abstention au second tour et plus de 11 % de blancs et nuls. Ce sont donc 64 % des électeurs qui ont refusé les candidats en présence. L’autre gauche, seule force politique à avoir combattu le plan d’austérité enregistre une forte progression, totalisant plus de 15 % des voix contre environ 11 % aux précédentes élections. Si elle ne fait pas un score plus élevé c’est sans aucun doute du fait qu’elle ne se présente pas comme une alternative de gouvernement et reste divisée, à mort, entre les communistes « orthodoxes » et le reste de l’autre gauche. C’est une leçon essentielle pour nous. Il ne suffit pas d’être une force protestataire connue et reconnue. Il faut être un outil à disposition du peuple. La radicalité doit être à la fois unitaire concrète et gouvernementale. Cela n’existe pas en Grèce aujourd’hui.

A présent les vampires se sont abattus sur l’Irlande. Depuis début octobre 2010, l’Irlande a vu sa note dégradée en cascade par les agences de notation. Et pourquoi ? A cause du coût du sauvetage public des banques irlandaises. C’est le comble ! Ce sauvetage est payé par les contribuables qui n’ont aucune responsabilité dans le désastre. L’opération a du être réévaluée de 23 milliards à 45 milliards d’euros. Telle est la raison pour laquelle, le déficit public a bondi de 12 % du PIB à 32 % du PIB. Et le total de la dette s’est gonflé comme un ballon passant de 78 % du PIB à 99 % du PIB. Tout cela exclusivement à cause de la gestion hasardeuse des banques. Et pourtant on ne cesse d’entendre parler du « déficit de l’Etat», du gouffre de la dette publique comme s’il s’agissait des conséquences d’une orgie d’avantages sociaux et de dépenses publiques somptuaires. Après la dégradation par les agences de notation, l’Irlande subit exactement le même mécanisme infernal que la Grèce. Jeudi 11 novembre, les taux à 10 ans sur la dette irlandaise ont atteint le niveau record de 9 %. Et à 2 ans l’Irlande emprunte désormais à plus de 7 %. Réaction en cascade, les fonds souverains norvégiens et russes, gros investisseurs en obligations, ont décidé de stopper tout achat de dette irlandaise. Les responsables de la situation n’assument pas ses conséquences. « L’Europe qui protège » non plus, évidemment.

Cette situation dramatique a été précipitée par les déclarations provocantes de l’Allemagne. Il doit surement y avoir une réaction de messieurs Cohn Bendit-frères sur le sujet. Le gouverneur de la Bundesbank, Axel Weber a fustigé les rachats de dette publique – pourtant timides – par la BCE. Il a obtenu de celle-ci qu’elle cesse tout rachat de dette irlandaise. Quant à Angela Merkel, elle continue d’avancer sur l’idée d’une procédure de mise en faillite d’un Etat et donc de mise sous tutelle économique par l’UE en cas d’appel aux aides financières de l’Union Européenne. La situation irlandaise devenant explosive, l’aide de l’UE a été quasiment imposée aux dirigeants irlandais peu pressés de se faire mettre en tutelle. C’est pourtant un véritable abandon de souveraineté nationale qui a été imposé. Dans un pays qui est indépendant depuis moins de cent ans, c’est une gageure qui va se payer cher, je l’espère bien. Dés à présent, le comportement des banques, des libéraux et des proconsuls européens fait notre propagande mieux que des millions de tracts. Là-dessus l’arrogance des entreprises nord américaines qui annoncent qu’elles plieront bagages d’Irlande s’il leur faut payer des impôts terminent le tableau de ce que le peuple doit comprendre pour engager sa libération politique.

On peut ricaner devant ce désastre. Car l’Irlande comme on le sait était présentée depuis une décennie comme un modèle. Un modèle libéral, of course, une merveille de flexibilité et de compétitivité grâce au dumping fiscal. Le taux de 12,5 % d’imposition sur les sociétés contre 33 % en France est présenté comme le cœur de la politique d’attractivité de l’Irlande. Bref le moteur de cette économie est le dumping fiscal. Donc un coup tordu ! Il a été mis en place avec un accord en béton armé entre les libéraux et le parti travailliste irlandais. En même temps ces gens bombaient le torse à propos de leur pseudo rigueur budgétaire. Ils se gardaient bien de dire qui payait le « miracle irlandais » pour ce qui est des infrastructures qui poussaient comme champignons. Car tout cela a été payé par des torrents de subventions européennes ! Nombreux étaient donc ceux qui enrageaient de voir les libéraux au pouvoir à Dublin faire les marioles à la télé sur le thème « no tax », alors que c’étaient les impôts européens qui payaient à la place des fameuses taxes. Chaque irlandais a ainsi reçu neuf mille euros par an et par tête pendant dix ans d’affilé ! Au début de l’année 2010 l’Irlande était citée comme le modèle que devrait suivre la Grèce pour affronter la crise comme le raconte le dossier du numéro d’octobre du Monde Diplomatique.

Le Portugal, prochaine victime ? En grave difficulté budgétaire, le pays est lui aussi vivement attaqué par les « marchés ». Pourquoi s’en priveraient-ils ? Mercredi 10 novembre, lors d’une émission de 1,2 milliards d’euros, l’Etat portugais a été contraint par les vampires de porter les taux de ses obligations à 6 et 10 ans à des niveaux jamais atteints jusque là. Les taux à 10 ans sont passés de 6,2 % lors de la précédente émission à 6,8 %. Si elle se confirme, cette envolée des taux suffira à mettre par terre le plan de rigueur budgétaire adopté par le Portugal au prix d’une hausse de TVA et de baisses des salaires des fonctionnaires. Samedi 13 novembre, le ministre des affaires étrangères portugais Luis Amado a même envisagé dans l’hebdomadaire «Expresso», la sortie du Portugal de l’Euro si le pays ne parvient pas une union nationale pour de nouvelles mesures d’économie : « la solution de rechange à la situation actuelle serait de quitter finalement l’euro. C’est une situation qui peut nous être imposée par les marchés ». Hum ! C’est une rude menace. Trop rude pour être honnête.

Car les socialistes portugais ne sont pas davantage patriotes que leurs congénères des autres pays. Pour eux les lois du marché et autres dogmes libéraux sont plus important que toute autre réalité. Quand ils renoncent à la souveraineté de leur pays et acceptent d’obéir à des proconsuls en gilet de notaire comme le sont les Strauss-Kahn boys du FMI, ils n’ont pas l’impression de trahir le cœur de l’idéal démocratique. Ce qu’ils constatent quand ils obéissent, ils ne le vivent pas comme un drame car pour eux c’est seulement du réalisme, « la seule politique possible » et ainsi de suite. La nouvelle trahison des peuples a le visage d’une bonne conscience absolue qui fait perdre de vue tout sentiment de responsabilité humaine à l’égard des gens qui subissent les remèdes de Diafoirus de cette équipe d’écorcheurs.

Je dois dire que ces spéculations contre les Etats Nations ne me paraissent pas guidées que par l’appétit de lucre et la cupidité bancaire habituelle. Ces motivations sont là et bien là en effet. Mais je soupçonne autre chose. Je sais que les Etats Unis d’Amérique ont intérêt à la pulvérisation de la zone euro. D’une part elle redonne au dollar une place centrale puisque sans équivalent. C’est un élément décisif pour contrer l’actuelle fuite devant l’argent bidon des américains. Deuxièmement cela prépare utilement la mise ne place du grand marché transatlantique (GMT) sous la domination des billets verts que nous serons ainsi appelés à valider.

Les soupçons s’appuient sur de curieuses coïncidences. Dans le cas grec, la main des Etats-Uniens se voit. Plusieurs grandes banques américaines ont conseillé la Grèce dans la gestion de sa dette : Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Merill Lynch, Morgan Stanley. C’est Goldman Sachs qui a joué le rôle principal en faisant mine d’aider la Grèce à s’endetter puis en contribuant à la plomber. A partir de 2001, Goldman Sachs a aidé la Grèce à maquiller une partie de sa dette, en ayant recours à des produits dérivés. Notamment en jouant sur les devises qui ont rapporté 300 millions de dollars de commissions à Goldman Sachs. Goldman Sachs a aussi servi d’intermédiaire à l’Etat grec pour placer ses titres de dette sur les marchés non européens, notamment chinois. Puis à partir de 2010, Goldman Sachs a spéculé contre la dette grecque. Elle utilisait manifestement sa bonne connaissance de la réalité de l’endettement grec. La banque misa donc sur l’envolée de ses assurances-défaut, les CDS, et spécula sans vergogne sur la hausse des taux des obligations grecques. Goldman Sachs jette de l’huile sur le feu des crises irlandaise et portugaises. Le 10 novembre, Goldman Sachs fut un des premiers acteurs à réclamer un plan de sauvetage de l’Irlande et du Portugal, alors qu’à cette date, ni ces pays, ni aucun dirigeant de l’UE ne l’avaient évoqué. Cet appel a amplifié la spéculation contre ces dettes et l’envolée des taux. Toujours dans le rôle d’affoleur, le chef économiste de Goldman Sachs a affirmé dans une note largement reprise par les médias que la Commission européenne avait secrètement rencontré le Portugal pendant le week-end des 13-14 novembre pour préparer un plan de sauvetage. Rien de tel pour casser un pays.

Goldman Sachs est le géant américain de la banque d’investissement avec 30 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Goldman Sachs est étroitement liée aux gouvernements états-uniens successifs à travers ses anciens dirigeants. Le ministre des finances de Bush Henry Paulson, qui a renfloué les banques, était auparavant PDG de Goldman Sachs. La banque a d’ailleurs reçu 10 milliards de dollars de fonds publics lors du sauvetage du secteur bancaire états-unien. Elle a aussi été le premier contributeur privé de la campagne de Barack Obama avec prés d’un million de dollars de dons effectués par ses dirigeants. La révélation du rôle de Goldman Sachs dans la crise des subprimes et sa collaboration avec Madoff a momentanément terni son image. Et pourtant la banque recyclait des créances pourries dans des produits dérivés. Elle les plaçait massivement sur le marché. Puis en bonne connaissance ce que contenait ces titres elle a ensuite spéculé contre eux sachant qu’ils étaient pourris. Mais la banque a réussi à obtenir du gouvernement le retrait des poursuites pour fraude, contre le versement d’une indemnité de 550 millions de dollars. Moins les gains, reste une superbe prime au crime économique. La banque continue d’être présente dans l’administration Obama, à travers Mark Patterson, actuel directeur de cabinet du ministre des finances Timothey Geithner. Lui-même était lobbyiste pour Goldman Sachs. Et il y a encore Gary Gensler, qui était directeur financier de la banque. Il dirige désormais une des principales agences de régulation boursière américaine, la US Commodity Futurs Trading Commission, chargée de réguler les marchés dérivés.

Cette influence ne va pas diminuer. Goldman Sachs vient de caser un des siens au FMI pour s’occuper de l’Europe ! En effet DSK vient de nommer à la tête du département Europe du FMI, Antonio Borges, qui était de 2000 à 2008 un des dirigeants de la filiale londonienne de Goldman Sachs, chargée de développer les activités de la banque en Europe. Et Antonio Borges était précisément chargé de représenter la banque américaine dans ses relations avec les gouvernements et institutions en Europe, rôle où il a dû suivre de prés les manipulations de la banque dans la crise grecque. Personne ne peut nous faire croire que ces gens se disposent au hasard et qu’ils ne savent pas ce qu’ils font en agissant de concert. Ce n’est pas tout. Goldman Sachs a aussi un de ses anciens dirigeants au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE. Il s’agit de Mario Draghi, gouverneur de la banque d’Italie. Il fut Vice-président Europe de Goldman Sachs de 2002 à 2005. Il a donc trempé lui aussi de très prés dans les montages hasardeux de la banque en Grèce. Cela ne l’a pas empêché d’être choisi par le G20 pour présider le Forum sur la stabilité financière qui supervise les réformes des marchés financiers. C’est comme ça ! Actuellement, Mario Draghi est aussi en concurrence avec l’allemand Axel Weber pour succéder à Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE. On sait donc à quoi s’en tenir.

Ce n’est pas le seul point d’entrée direct des étatsuniens dans la crise européenne. Le rôle des agences de notation américaines est central. Deux agences de notations de Wall Street, Standard and Poor’s et Moody’s contrôlent 80 % du marché mondial des notations. En faisant rapidement descendre leurs notes contre la Grèce, elles ont accru ses difficultés de financement et alimenté la spéculation sur les CDS. A noter que l’opération a directement servi les banques américaines avec lesquelles travaillent ces mêmes agences. Impitoyables avec la Grèce, Standard and Poor’s et Moody’s l’a été beaucoup moins dans d’autres circonstances. Ainsi avaient-elles couvert jusqu’au bout Lehmann Brothers ou Enron, dont elles avaient maintenu la note triple A jusqu’à l’aube de leurs faillites. Moody’s a abaissé successivement la note de l’Irlande en juillet 2009, juillet 2010 et a annoncé un « placement sous surveillance » de la note en octobre 2010, laissant présager un nouvel abaissement de la note. De son côté Standard and Poor’s a dégradé à trois reprises la note de l’Irlande de mars 2009 à septembre 2010, et a aussi annoncé fin septembre 2010 une mise sous surveillance préparant un nouvel abaissement de la note qui tue. Ce faisceau de présences intéressées montre que les opérations de notations et prêts n’ont rien à voir avec l’objective appréciation des faits à laquelle on veut nous faire croire. Tous les intervenants ont partie liées avec un système global dont aucun des paramètres ne peut les laisser indifférents dans la mesure où ils en sont directement protagonistes. Le cœur de la partie qui se joue n’est pas l’Europe mais le dollar. Tout y revient et il faut tout penser en considérant que tout est rapport de force et grand danger pour le monde du fait des étatsuniens qui le dominent.

 

Le pillage de la Grèce continue
Note de blog Europe – 19 mai 2011

Tandis que les titres de presse se réjouissent d’une prétendue reprise pour en signaler l’impact bienfaisant sur la Grèce, la vie va son chemin de son côté. 0,8 % de croissance en Grèce, annonce-t-on. Sourire bienveillant des bons docteurs qui ont infligé le remède de cheval aux Grecs. Façade. Oui, façade. Car c’est par rapport à quoi ce petit plus ? On se garde de le dire. Voila l’arnaque. En fait, en un an, l’économie grecque a reculé de 7,4 %. Un recul sans équivalent dans le monde ! Les bons docteurs prévoient encore pour cette année quatre points de moins, car rien ne se passe comme prévu. Le prétendu cercle vertueux des libéraux ne donne absolument aucun des résultats annoncés.

Par contre le pillage va bon train et il va continuer à grande cadence. Ce qui est incroyable c’est la cupidité des banksters. Ils ont d’abord ruiné le pays, ils continuent à l’étrangler avec des taux usuraires. Et en plus ils sont commissionnés, c’est-à-dire largement payés pour organiser les privatisations. Le gouvernement grec a annoncé mercredi avoir nommé des conseillers pour la cession au privé d’une série d’organismes publics privatisables. Par exemple : la société des paris sportifs (Opap). Détenue à près de 35% par l’Etat grec, c’est l’une de plus importantes sociétés du pays. Elle a dégagé en 2010 un bénéfice net de 575,8 millions d’euros ! La branche londonienne de la Deutsche Bank et la Banque Nationale de Grèce (BNG) seront payées pour réaliser cette privatisation. Pour la loterie nationale, Papandréou a désigné le Crédit Suisse et l’Eurobank grecque. Le Crédit Agricole CIB et sa filiale grecque Emporiki Bank, vendront l’organisme des courses hippiques (Odie). Pas belle la vie ? Pour les concessions des autoroutes grecques, le gouvernement a nommé Ernst&Young, Rothschild & Sons et Barclays Bank PLC tandis que pour l’industrie grecque des véhicules (Elvo) la Société Générale et sa filiale grecque Géniki Finance SA. A table ! A table les bandits la soupe est chaude ! Quant à « la mise en valeur de l’immobilier de l’Etat », le gouvernement prévoit « la création des sociétés pour répertorier l’immobilier appartenant à des ministères et définir leur statut juridique ». Une dizaine de banques grecques, menées par la BNG, ont été désignées pour procéder au dépeçage de la bête. Ce n’est pas tout. La Grèce avait commencé à nommer des conseillers de privatisation fin mars, pour des cessions dans l’aéroport international d’Athènes, l’ancien aéroport d’Athènes situé à Hellenikon, une vaste zone de 55 hectares dans la banlieue balnéaire. Les mêmes dépouilleront aussi les chemins de fer grecs. Jusqu’à quand ? Les Grecs ont fait leur dixième grève générale. Où est le relais politique ? Papandréou, président de l’internationale socialiste et premier ministre. C’est comme ça que s’est appelé « le vote utile » en Grèce.

Pour les banksters, la Grèce sert de cadavre exposé sur un gibet pour impressionner tous les peuples d’Europe. Pour que l’intimidation fonctionne dans la durée, le supplice doit être entretenu, spectaculaire et public. Non seulement la Grèce est donc dépecée mais on lui maintiendra coût que coût la tête enfouie dans la dette. Dans cette stratégie, la Grèce joue le rôle du condamné pour l’exemple. Angela Merkel a donc de nouveau mis en garde tous les pays qui ne rentreraient pas dans le rang. Comme aux premiers jours de la crise grecque, elle a ressorti les grossiers arguments contre les pays du sud qui se la coulent douce. « Il faudrait que dans des pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, on ne parte pas à la retraite plus tôt qu’en Allemagne. » « Nous ne pouvons pas avoir une monnaie commune et certains avoir beaucoup de vacances et d’autres peu, à la longue cela ne va pas. » Moins de retraite et moins de congés, voilà le programme de l’Europe allemande. Écœurante arrogance ! Sarkozy n’y oppose pas la moindre résistance. Au contraire. Sa ministre en rajoute donc bien tranquillement. Pressée à droite de se présenter à la direction du FMI, Mme Lagarde en fait des tonnes pour montrer quelle bonne élève libérale elle est. A ceux qui suggèrent de desserrer l’étau de la dette grecque et de mettre pour cela les banques à contribution, elle répond à l’unisson de la Banque centrale européenne : « c’est hors de question, qu’il s’agisse de restructuration, de rééchelonnement ou de reprofilage de la dette« .

 

La Grèce est la démonstration de l’absurdité de notre système
Extrait d’interview dans Est Éclair – Juin 2011

Est-Eclair : « Vous pensez que les électeurs s’y retrouvent et font le distinguo au sein de la Gauche? »

JLM : « Oui, s’ils regardent les programmes. Il faut expliquer, dans un débat honnête comment on peut sortir des problèmes. J’ai confiance dans l’intelligence populaire. Mais il faut aider à comprendre. Deux éléments sont là pour ça : l’école et le système médiatique. S’il en manque un, on n’est plus en société de citoyens, mais de sujets et de clients. La vie médiatique n’est pas à la hauteur. Car elle se fait avec de moins en moins de personnel pour de plus en plus de travail. Cela pousse à la simplification. Un commentaire sur une personne ne prend pas de temps. Mais une information de qualité en prend. Les gens sont alors poussés à départager les candidats sur les apparences. Le résultat, c’est que les électeurs pensent que tous les candidats se valent, avec une seule politique possible, notamment la mondialisation libérale. Regardez où cela conduit. Voyez la Grèce. »

Est-Eclair : « Puisque vous évoquez cette question, pensez-vous qu’il faille continuer à aider la Grèce? »

JLM : « Nous avons en France trois banques gorgées de papier grec. Si ce pays fait défaut, alors le choc va arriver chez nous. La Grèce est la démonstration de l’absurdité de notre système et de l’aveuglement de ceux qui l’animent. Aujourd’hui, la Grèce dépend du compte-gouttes européen, et chaque tranche de crédit est conditionnée par un abandon de sa souveraineté. Nous devrions avoir honte de ce que l’Union Européenne inflige aux grecs. »

Est-Eclair : « Que proposez-vous alors? »

JLM : « Il existe trois solutions. Tout d’abord que la banque centrale européenne rachète la dette grecque. C’est ce que font les États-Unis avec la leur. Ensuite une dévaluation. Un euro pour un dollar, ce serait bon pour la croissance. Il faut une sorte de protectionnisme aux frontières de l’Europe. Et une politique de relocalisation de l’activité industrielle et agricole. »

Est-Eclair : « Mais comment faire. Faut-il rétablir les barrières douanières? »

JLM : « Bien entendu, il faut rétablir des barrières douanières. Un protectionnisme négocié est une nécessité. Le modèle selon lequel on produit à un endroit et on consomme à un autre est une idée absurde. La relocalisation à l’échelle de l’Europe, c’est une idée de bon sens. Ce que l’on sait faire, il n’y a pas de raison d’arrêter de le faire. Je ne me réjouis pas du tout du désastre qui s’avance. Je ne suis pas un gauchiste. Le saccage de l’emploi provoque plus souvent de la résignation que de la révolte. »

 

Onzième semaine de grève générale en Grèce
Extrait de la note « Jusqu’à Stalingrad et Jaurès » – 29 juin 2011

A l’heure où je préparais la publication de ces lignes me parvinrent des messages enthousiasmants. D’abord un message de Grèce. Sur place, Laurence Pache, du Parti de Gauche, qui s’apprête à prendre le bateau pour Gaza, et nos amis de Synaspismos, nos camarades, transmettent leurs infos de cette onzième grève conti-001générale qui commence pour deux jours. De la foule qui se rassemblait montait un mot d’ordre : « nous ne nous en irons, que quand vous vous en irez », et « nous ne nous en irons pas tant que le peuple n’aura pas le contrôle » ! Ainsi, « que se vayan todos », le « Qu’ils s’en aillent tous » a pris pied sur le continent européen devant le parlement du pays où est né la démocratie. Qu’on me pardonne cette sorte de lyrisme. Il veut exprimer pour ceux qui me lisent l’enthousiasme que procure le sentiment, lorsqu’il semble que ce soit nuit noire, l’arrivée d’une puissante lumière qui troue l’ombre et éclaire nos pas. Cette irruption du peuple qui exige toute sa place, sur une place, c’est notre temps. Et je suis spécialement heureux que notre slogan pour les meetings de commencement de campagne soit ce cri du moment politique : « place au peuple !». Loin des phrases chantournées et de l’euphémisation permanente qui est la langue de bois des « amis de l’Europe », nous parlons dru et cru la langue de ceux qui savent que sans cette forme de courage, il n’y a aucune solution à leurs problèmes.

 

Papandréou a cédé sans combattre
Extrait de la note « D’Avignon vers la crise » – 18 juillet 2011

Voici donc un nouveau sommet de l’Union européenne pour « sauver la Grèce », « sauver l’euro », c’est selon. Si un citoyen lambda se risque à essayer de comprendre ce qui se passe, je lui souhaite bien du plaisir. Car les explications données actuellement sont toutes soigneusement passées par un filtre. Le voici. Il faut éviter de devoir dire qui a pris les décisions absurdes qui ont conduit à cette situation absurde, pourquoi ils l’ont fait, et pourquoi les mêmes continuent d’avoir une ligne d’action aussi absurde. Secondairement les informations données se gardent bien aussi de dire que depuis le début une autre solution a été proposée. Les lecteurs réguliers de ce blog savent qu’elle a été ici décrite sous tous ses aspects.

Si la banque centrale européenne avait prêté directement à l’État grec au taux auquel elle a prêté aux banques privées qui prêtaient à la Grèce, la spéculation aurait été immédiatement étouffée. Au point où nous voici rendus, la Banque centrale européenne rachète des titres de la dette grecque aux banques qui les ont souscrits à des taux prohibitif. Quelle gestion stupide de la situation ! N’empêche ! On pouvait encore jouer cette partie, et peut-être même absorber la dette portugaise de la même manière. Mais depuis quelques heures c’est l’Italie qui est attaquée. L’Espagne est en attente. Le tour de la France viendra. Les symptômes d’une crise d’effondrement de la zone euro se précisent.

Ce qui a créé cet effet d’entrainement c’est le sentiment d’impunité du système spéculatif. Personne n’a résisté. Le premier coupable est Georges Papandréou qui a cédé sans combattre et a ainsi validé la légitimité de l’agression dont son pays a fait l’objet. A cause de lui, de plus, les eurocrates se sont senti mains libres pour maintenir leurs dogmes les plus brutaux, pensant faire de la Grèce un exemple pour tous les peuples rebelles à leur médecine. A cause de lui, les spéculateurs se sont dit qu’ils pourraient décidément se gaver en Europe ! Le second coupable est DSK du FMI qui a validé toute la démarche punitive de l’Union Européenne et mis en place les remèdes qui ont conduit la Grèce à une récession sans précédent dans l’histoire européenne, finissant de vider les caisses et d’asphyxier le pays. Le troisième coupable c’est l’ensemble des partis et personnalités qui ont aveuglément défendu l’orthodoxie monétariste de l’union européenne, voté toutes les directives qui durcissaient cette orthodoxie et cela encore à la dernière session du Parlement européen, et encore dans le rapport voté par le PS, la droite et les verts.

Personne parmi les partis dominants l’Europe et le parlement n’a résisté aux spéculateurs! C’est aux peuples qu’on s’en est pris. Et cela a été entendu comme un signal d’encouragement par la spéculation. C’est cela l’aliment essentiel de la propagation de la crise ! Aucun des importants qui nous montrent à présent leurs faces navrées et contrites, aucun, n’a résisté ! Au contraire, tous les commentaires officiels d’hier et pour une bonne part encore ceux d’aujourd’hui consiste à répéter que la faute est aux Etats « trop dépensiers ». Jamais les spéculateurs n’ont été mis en cause. Dorénavant la situation est telle que l’opération « rachat général » de la dette par la Banque centrale européenne n’est peut-être plus jouable sans casse, comme cela aurait été le cas auparavant. Pour avoir tout laissé trainer en s’arc boutant sur le dogme des libéraux qui obligent les Etats à se financer auprès du système financier, les aveuglés qui gouvernent l’Europe vont réellement faire tomber le système. Car à partir d’un certain point la panique est contagieuse et on ne peut plus rien lui opposer.

Le plus atterrant de ce moment c’est bien cet incroyable double langage que l’on constate de tous côtés de la part de gens qui condamnent à présent ce qu’ils ont eux-mêmes mis en place. Ainsi à propos des agences de notation. Que d’indignés dorénavant ! Où étaient-ils il y a quelques mois ? En décembre dernier, le Parlement européen donnait son aval à la libre circulation des agences de notation en Europe, comme il l’avait fait quelques jours plus tôt pour les hedge funds. Sachez donc que désormais ces officines peuvent exercer leur action sans entrave sur tout le territoire européen. Il leur suffira pour cela de s’enregistrer auprès de l’AEMF, l’Autorité Européenne des Marchés Financiers, agence aux mains de la Commission européenne dont le rôle premier est de protéger la libre concurrence et les investisseurs. Le but affiché du nouveau mécanisme est de permettre une concurrence accrue entre les agences de notation. Elles qui notaient sur commande pourront désormais s’autosaisir et noter qui bon leur semble. Elles peuvent même contredire les notations des autres agences à leur guise. Elles ont obtenu le droit de pouvoir exiger toute information pertinente à cette fin ! Ce sont donc elles qui vont assurer la surveillance des notations en commun avec l’entité européenne qui les protège. Tout cela a été décidé et voté par ceux là même qui à présent poussent de grands cris !

Quand j’en ai traité sur ce blog, où avez-vous lu ailleurs quelque chose de similaire ? Nulle part ! Je ne le dis pas pour me rengorger mais pour souligner une nouvelle fois ce que vaut le système informatif des médias français sur le thème européen. Ainsi quand un journaliste couteux, pourtant oublié sur place par son journal depuis onze ans, comme Jean Quatremer de « Libération », ne souffle mot de tout cela mais prétend surveiller les mœurs des élus ! Si tout cela est possible, c’est en raison de la faute originelle qui marque tous les protagonistes. Depuis le viol du « non » au référendum, les partis du « oui » et leurs affiliés sont en quelque sorte tenus à la cécité. Tous se couvrent dans une amnésie volontaire commune. Ne rien remettre en cause qui revienne sur le contenu du traité réputé bon et mieux que bon. C’est la loi de l’omerta. Elle ne se dément jamais, et même à présent, en pleine crise. Tous ceux qui s’expriment font comme si cette question du traité qui organise et rend possible l’aveuglement fanatique des libéraux ne comptait pour rien dans la situation.

J’ai lu avec attention la tribune publiée par Martine Aubry dans le journal « Libération » sur la crise européenne. Bien sûr, les bras m’en tombent de lire des diagnostics que nous avons été si seuls à porter pendant si longtemps. Et spécialement de voir demander une révision du statut de la BCE. Bien sûr je sais lire entre les lignes et repérer les effets de balanciers entre les phrases où l’une annule l’autre. Et je sais repérer les ambigüités salvatrices. Ainsi, je doute fort que les socialistes allemands mettent le même contenu à la réforme des statuts de la BCE que celui imaginé par leurs homologues français. Comme Aubry n’en dit rien, on comprend que la proposition soit au niveau des « paroles verbales ». C’est pourquoi son propos en reste au niveau de généralité où il se trouve. D’ailleurs le texte est un plaidoyer pour la solidarité avec les grecs et ne contient pas un mot de condamnation de la spéculation. Il légitime la dette grecque en attribuant la responsabilité de son creusement au gouvernement de droite. Et surtout il ne sort pas de l’épure de la gestion néo libérale de l’Europe.

Le signe de cette marque de fabrique social-libérale n’est pas seulement dans le texte sur la Grèce. Il est surtout dans sa déclaration de surenchère, derrière Hollande, à propos de la réduction des déficits ! Je parle ici de cet engagement incroyable de réduire de moitié le déficit public français en un an à partir de la victoire de la gauche en 2012, pour parvenir à 3 % dès 2013 ! Une méga cure d’austérité en arrivant au pouvoir, voilà donc le programme socialiste ! Le sel, si l’on peut dire, de cette surenchère c’est que le projet socialiste qu’invoque sans cesse Martine Aubry prévoyait le même exploit en l’étalant cependant sur deux ans.

Pour mémoire et pour se faire une idée, je reproduis le résumé que Martine Aubry donne de son plan d’action dans cette tribune. Il résume je crois assez bien le niveau d’ambigüité et d’allégeance de son texte. « Je propose une stratégie de sortie de crise qui repose sur quatre principes simples. Le premier, c’est la solidarité : l’Europe doit stopper les attaques spéculatives contre la Grèce en assurant le refinancement durable de sa dette à des taux d’intérêts plus bas que ceux aujourd’hui consentis. Deuxième principe, c’est la responsabilité : les finances publiques doivent être assainies, les déficits et la dette réduits, c’est un devoir vis-à-vis des générations futures. Troisième principe, c’est la justice dans la répartition des efforts demandés. Le quatrième principe, c’est l’efficacité, et l’efficacité c’est trouver un chemin qui concilie croissance et réduction des déficits. » Je crois que le pompon c’est ce quatrième principe qui s’apparente à la poudre de Perlinpinpin. Que peut-il bien vouloir dire de concret ?

 

La BCE doit racheter la dette grecque
Extrait d’interview dans Libération – 20 juillet 2011

Qu’attendez-vous du sommet de l’UE sur la situation de la Grèce ??Nous payons cher le refus de punir la spéculation. Les dirigeants actuels sont aveuglés par leurs dogmes libéraux. La capitulation de Papandréou a facilité la contagion spéculative et l’aveuglement libéral. Il faut changer de méthode ! Résistons ! La BCE doit racheter la dette grecque avant qu’il ne soit trop tard. Elle doit permettre l’emprunt direct auprès d’elle pour tous les Etats de l’Union. Il faut?étouffer la spéculation, pas les peuples.

 

La dette grecque ne sera jamais payée
Extrait de la note « Le roi est nu » – 6 août 2011

Naturellement la plupart des gens ne comprennent rien à ce qui se passe et ils n’auront guère moyen de le faire compte tenu des refrains déjà mis en circulation. La propagande dominante s’arcboute sur les thèses qui ont conduit à la catastrophe : « il faut faire des sacrifices, il faut rembourser la dette » bla bla. Bien sûr, la Grèce ne remboursera jamais, bien sûr, les Etats-Unis non plus. Bien sûr que la suite va mal tourner et toutes les tensions s’aggraver dans les nations et entre elles. Sauf si ! Sauf si tout pouvait continuer comme avant. Si l’illusion pouvait durer. Si chacun voulait bien « faire semblant », comme avant. C’est à quoi ils travaillent. C’est ce qu’ils appellent « regagner la confiance des marchés ». Encore une minute monsieur le bourreau ! Mais nous, nous savons.

Ces jours-ci le monde franchit un seuil. Une nouvelle saison de l’histoire est vraiment engagée. Nous n’en serons pas spectateurs mais acteurs. Une dure séquence est à venir. Je ne l’aime pas, mais je n’en ai pas peur. L’expérience accumulée par l’examen de tant de situations dans le monde, le refus du confort de courir avec la meute des importants nous ont bien préparés. Ils me font voir ce qui vient sans surprise et bien équipé de solutions. Cependant, comme il est étrange de lire, parfois sous la plume de nos pires détracteurs, des phrases et des idées qui hier encore nous étaient reprochées comme la preuve de notre « archaïsme ». Je pense par exemple au journal « Le Monde ». Il prête à l’économiste Daniel Cohen, dont il est précisé qu’il est membre du conseil de surveillance de ce quotidien, une analyse où la BCE devrait fonctionner comme une « bombe nucléaire » pour faire « capituler les marchés ». Comment ? En achetant massivement les titres de dettes souveraines chaque fois qu’une tension anormale apparaitrait en sorte que les « marchés » sachent que la banque centrale « aura toujours le dernier mot ». C’est exactement ce que nous disons sur tous les tons, depuis le début de la crise grecque. Et qui nous vaut d’être classé à « l’extrême gauche » par ce journal. Et comme il est frappant de lire, dans la même page, une démonstration chiffrée du fait que jamais la dette grecque ne pourra être payée, même en une génération ! Avons-nous jamais expliqué autre chose ?

 

Les agences de notation sont des tigres de papier
Extrait de la note « Un devoir de résistance intellectuelle » – 14 août 2011

La lutte sera longue et il faut prendre tout de suite les bonnes habitudes. Parmi celles-ci, disqualifier la parole des autorités qui prétendent déduire de vérités révélées par des « agences » des politiques aussi cruelles que celles qui sont annoncées. Dans le moment présent c’est sur les agences de notations qu’il faut concentrer les projecteurs. C’est elle dont il faut abattre le crédit et l’autorité dans les esprits. Car face aux dangers que met en scène le système devant les peuples récalcitrant la résignation est souvent au rendez vous. Oui les gens du commun ont peur d’être traités comme des grecs. Et puis ils se représentent le budget d’un pays comme celui de leur famille. Ils se disent « on fait avec ce qu’on a ». Il faut rembourser la dette tout de suite parce que c’est dangereux. Autour d’eux on le répète à l’envie. La machine diffuse du matin au soir des arguments de soumission. Elle fait peur. Et comment se méfier quand le plus important parti d’opposition reprend à son compte les modes de calcul et les normes du système pour faire des propositions de « réduction du déficit » exactement conforme au plan de route fixé par son adversaire. Les gens en déduisent que si tout le monde est d’accord c’est que ça doit être vrai. Avoir eu raison avant l’heure ne nous servira de rien dans ce domaine. Dans un premier temps les crises n’ont jamais incité à l’audace. Cette réalité là pèse lourd sur nos épaules.

Pour autant tout est-il écrit ? Non, bien sur ! Car la réalité se moque des schémas qui la décrivent où la nient. Elle fait son chemin sur une ligne de probabilités, plus ou moins grandes, où l’impact de la liberté humaine reste décisif. Car il y a un détail essentiel. En matière de rapports sociaux, comme c’est le cas en économie, maints grands penseurs négligent de se souvenir que tout commence et tout finit par de l’activité humaine. Ce sont des êtres réels en chair et en os qui produisent, échangent, consentent ou se rebellent. Certes, leur comportement est assez imprévisible! C’est pourquoi les puissants se donnent tant de mal à bourrer les crânes ! Mais pour finir, si forte que soit la part d’illusion que les quidams nourrissent à leur propre sujet comme à propos de la société dans laquelle ils vivent, eux aussi sont pris en main par des nécessités qui parfois finissent par s’imposer à eux. Tout est dans ce détail.

Ce que l’on appelle politique de rigueur est en réalité une politique de privations. L’inconvénient des politiques de privations, pourtant si rationnelles sur le papier, c’est qu’elles s’appliquent à des gens réels qui ne peuvent pas être privés de tout, tout le temps. C’est une limite objective. Dès lors, ils sont contraints de réagir un jour ou l’autre. Leurs réactions compliquent donc tout. Mais surtout, en cela même, elles rendent irrationnelles la prévision qui n’en tient pas compte. Tout le monde connait peut-être l’anecdote qui réjouit les matérialistes de mon espèce. On raconte que des philosophes de l’antiquité discutaient de la réalité. Chacun y allait de sa chanson et brillait selon son génie propre dans l’art de la discussion. Survint Diogène le cynique, libertaire à travers les âges. Son argument fut le suivant : avec un bâton il frappa tous ceux qui passaient à sa portée parmi les faiseurs de discours. La réalité de la réalité était démontrée sans contestation possible par les cris et la fuite des bastonnés. La plupart des raisonnements qui se répètent en boucle ces temps-ci ne résisterait pas à un solide coup de bâton. Tout est rapport de force. Surtout l’économie humaine. Les gouvernements européens, de droite et sociaux libéraux marchent dans les pas de leurs homologues d’Amérique du sud en matière d’aveuglement politique. Leur culture académique, leur mode de sélection, les rend absolument incapables de penser autre chose que la bonne gestion de l’ordre établi. Ce n’est pas seulement leur attachement personnel ni leur intérêt dont je parle ici. C’est de leur conditionnement. Ils ne doutent pas un instant de la formulation des problèmes qui leur sont posés. On leur dit que les agences de notation formulent un diagnostic défavorable. Ils avalent tout rond. Ils ne se posent pas de question. Ils ne se demandent pas qui sont ces agences, quelle valeur ont leurs analyses, à quels intérêts elles sont liées. Ils ne les contestent pas davantage qu’ils n’ont contesté leur système de notation dans les grandes écoles.

Pourtant ce que nous avons tous sous les yeux ne devrait-il pas au moins les intriguer ? Par exemple, la décision de rétrogradation de la note des Etats-Unis, aujourd’hui, est absurde. En toute logique elle aurait du être prise il a bien longtemps. Par exemple ce jour d’aout 1971 où les Etats-Unis ont supprimé la convertibilité du dollar en or, avouant ainsi leur défaut de paiement. Ce sera ce quinze août le quarantième anniversaire de cette décision prise par Richard Nixon. Depuis cette date les Etats-Unis vivent à crédit du reste du monde. Ils manient la planche à billet comme ils veulent, sans contrepartie ni contrôle. Ils ont ainsi mis en circulation le poison qui gangrène depuis toute l’économie mondiale. Pourquoi alors dégrader les Etats-Unis maintenant ? Par exemple, la baisse de la note aurait pu être décidée quand la banque centrale américaine a décidé de racheter les titres de la dette de l’état pour un montant de 700 milliards de dollars. C’était l’aveu que le papier américain ne trouvait plus preneur dans la quantité voulue, non ? Et ces agences de notation. Pourquoi ne se posent-ils aucune question à leur sujet ? Même « Libération » s’en pose !

Vous en serez bien étonné tout comme je l’ai été moi-même. Mais voila : je ne saurai dire mieux que Nicolas Demorand dans son éditorial sur ces agences de notation. Ce jour là « Libération » avait titré: « enquête sur les agences de notations : triple zéro ». En dehors de « l’Humanité » ce fut le seul acte de résistance intellectuelle au rouleau compresseur des affolements de circonstances. Demorand montre quelle supercherie est la soi disant objectivité de ces agences. Je vais y ajouter, un peu plus loin, en plus de ce que j’en ai déjà dit le même jour aux « Quatre vérités » de France 2. Et comme c’est le jour des compliments, je n’en veux pas à « Libération » de n’avoir rien dit quand ces agences ont vu leur pouvoir étendu en Europe alors que son inamovible correspondant sur place préférait s’occuper de la vie privée des hommes politiques. Plus sérieusement je veux citer la conclusion de Demorand. Je crois qu’elle peut annoncer une prise de conscience dans certains milieux jusque là assez suiviste et conformiste de la presse. Ce serait une bonne nouvelle. Car dans les mois qui viennent au fond, à travers tous les courants et partis il y aura deux camps. Ceux qui décident de s’adapter en accompagnant le mouvement et ceux qui résistent.

J’en reviens à Nicolas Demorand pour citer les dernières lignes de son éditorial. « Prétendre que ces agences disent le vrai est donc une fable, voire une supercherie. Plus grave encore est de leur reconnaitre une telle légitimité et de leur accorder autant d’influence. Pourtant les états pensent aujourd’hui leurs politiques dans le seul but de complaire à ces professionnels du flou. Ici les retraites sont réformées ou les fonctionnaires non remplacés ; là des services publics seront privatisés ou des pans entiers de l’économie dérégulés. La question n’est pas de savoir comment autant de pouvoir a pu être concédé à autant d’amateurs. Mais bien d’imaginer les moyens politiques de ne plus marcher sur la tête. » En toute logique j’attends de lire, dans ses lignes à venir, compte tenu de la gravité du moment, si les propositions des socialistes, à ce qu’on en lit sous la plume de Martine Aubry ou François Hollande, sont à la hauteur de cet enjeu.

?Il reste à faire savoir que ces agences de notation ont reçu des pouvoirs étendus en Europe de la part de la commission et avec l’approbation du parlement européen. Quand ? Il y a… deux mois ! L’histoire a commencé en fait en Septembre 2010. Cette fois là, le Parlement européen validait la proposition de la Commission et du Conseil de mettre en place d’un « Système européen de surveillance financière ». Après le déclenchement de la crise grecque, la thèse des eurocrates était que « c’est de la faute des grecs » ! Strauss-Kahn les avait même accusés d’avoir pour sport national la fraude aux impôts. Donc tous les gouvernements devaient être mis sous contrôle. Le but du dispositif était évidemment de placer les gouvernements sous surveillance et les budgets votés par les parlements des états-nations sous autorité européenne. Cela pour garantir évidemment qu’ils soient toujours conformes aux dogmes libéraux. C’est dans cet ensemble de mesures que fut décidé d’autoriser dorénavant les agences de notations à agir sur tout le territoire de l’Union. Elles furent donc dispensées de l’autorisation d’agir qu’instruisaient jusque là au cas par cas, les autorités nationale. En effet, avant cela, le Comité européen de régulation des valeurs mobilières (CERVM) recevait les demandes d’enregistrement et les faisait valider par chaque Etat membre. Désormais, l’Autorité Européenne des Marchés financiers s’en charge seule. Elle délivre ce que l’on appelle un « passeport européen ». Elle est aussi la seule responsable de la surveillance de ses agences de notation! Ce système est directement recopié de celui des Etats-Unis d’Amérique où la « Securities and Exchange Commission (SEC) », organisme fédéral, valide et surveille les agences de notations étatsuniennes, c’est-à-dire les principales d’entre elles au niveau mondial. Il ne fait aucun doute pour moi que cette stricte reproduction des structures participe de la construction discrète du « grand marché transatlantique » sur lequel aucun débat public n’a jamais été possible.

Au cas précis, compte tenu des conséquences d’une notation pour un émetteur de titre d’emprunt, tout ce système aboutit à créer une autorité indépendante avec un gigantesque pouvoir arbitral. Première caractéristique : il s’agit d’un organisme privé. Deuxième caractéristique, ces agences sont juges et parties compte tenu de leur mode de rémunération. Tout cela ne trouble pas les eurocrates pour qui seul l’état et la puissance publique sont suspects. Quoiqu’il en soit, une fois de plus les protestations ne furent écoutées d’aucune façon. Les moulins à prière de « l’Europe qui protège » continuèrent à tourner en pilotage automatique et les récalcitrants furent tous repeints en « populistes anti-européens » selon les normes en vigueur depuis le référendum de 2005. Je laisse à chacun le soin d’aller demander aux autres partis de gauche ce qu’ils ont voté. Et de vérifier ce qu’ont écrit certains journalistes influents et chroniqueurs célèbres sur ces questions. Ni vu ni connu, personne n’en a plus parlé du fait qu’un règlement se transpose tel quel dans le droit national. Pour les amateurs de recherches fines voici des précisions. L’ouverture des portes de l’UE aux agences de notations est entrée en vigueur le 1er Juin 2011. Le Parlement européen l’a validée en Décembre 2010. L’acte législatif définitif, finalisé en Mai 2011, est le « Règlement (UE) n° 513/2011 sur les agences de notation de crédit. » On mesure, sachant cela, ce que valent les cris d’orfraies d’aujourd’hui de quelques uns des nobles personnalités qui pointent du doigt le rôle exagéré des agences de notation. Aucun journaliste perfide n’a encore été leur demander pourquoi dans ce cas ils l’ont rendu possible ! Je signale encore, et croyez bien que j’en suis désolé, qu’à la session où le parlement européen vota tout ce fourbi, il prit aussi la décision d’autoriser la libre circulation des « hedges funds » en Europe. Mais les eurocrates n’en sont pas restés là !

En effet, les agences de notations se sont vues attribuer de nouveaux pouvoirs le 1er Juin 2011, alors mêmes que les précédentes dispositions entraient seulement en vigueur. Ce n’est donc pas sur la base d’un bilan que la décision fut prise. Mais juste par a priori sur leur supposée bienfaisance. Et que décida-t-on ? Que les agences de notations concurrentes enregistrées sont désormais encouragées à émettre des notations même quand personne ne les leur a demandées. Et au moment même où ce pouvoir exorbitant leur était accordé, les institutions européennes diminuaient les leur face aux agences. Citons l’article 23 du règlement qui organise ce renoncement. « Ni l’AEMF, ni la Commission, ni aucune autorité publique d’un État membre » n’ont le droit d' »interférer avec le contenu des notations de crédit ou les méthodes utilisées« ! Ainsi une note est un fait réputé objectif, indiscutable ! Les esprits les mieux disposé se diront peut-être que du moment que l’on a contrôlé les méthodes de travail au moment de l’accréditation on peut être partiellement rassuré ! Ce n’est pas le cas. Au moment de l’accréditation d’une agence auprès de l’organisme européen, l’agence de notation peut refuser de donner les précisions qui lui sont demandées sur ses méthodes de travail. C’est le règlement ! Elles peuvent demander à être exemptées de certaines exigences si elles fournissent la preuve que « compte tenu de la nature, de l’ampleur et de la complexité de son activité ainsi que de la nature et de l’éventail des notations de crédit qu’elle émet, ces exigences ne sont pas proportionnées » (article premier, quatrième modification). Et comme si ça ne suffisait pas, un autre pouvoir leur a été donné, celui d’instruire elle-même leur dossier d’agrément. Jugez plutôt. Lorsqu’un groupe d’agences de notations demande à être enregistré auprès de l’AEMF, c’est l’une des agences du groupe, mandatée par les autres agences, qui fournit les informations pour chaque agence. Tout cela est à l’article 15.2 de ce nouveau règlement.

Les appréciations des agences de notation ne sont pas purement indicatives. Elles ont un pouvoir considérable. Il ne s’agit pas d’un pouvoir moral. La note des agences modifie le bilan et donc la valeur et la crédibilité des organismes qui en font l’objet. Par exemple dans les banques. Les agences de notation se sont vues attribuer en 2004, un rôle de quasi-régulateur du système bancaire par les accords dit « Bâle II » sensés garantir la solidité des établissements bancaires. Le risque qu’un emprunteur fasse défaut ou que sa situation économique se dégrade au point de dévaluer la créance que l’établissement détient sur lui est désormais inscrit au bilan des banques. Comment évaluer ce risque ? C’est le travail de notation de nos chères agences ! Les banques pondèrent donc dans leur bilan les encours prêtés selon un système préétabli. La pondération va de 0% (généralement pour les Etats souverains) à 150% pour les dossiers les moins bien notées. Le pouvoir des agences est donc considérable, et davantage encore que ce que l’on peut croire si l’on tient compte de l’effet domino que provoque la dégradation d’un établissement à l’autre. Un tel pouvoir, je l’ai montré, n’est guère encadré. Bien au contraire. Il a été augmenté et libéré de contrôle. A cet abus s’en ajoute un autre. On a des raisons de soupçonner l’impartialité de telles agences dans leurs évaluations.

Posons la question : qui les paie ? Réponses : les « entités qui veulent recevoir une note ou celles qui utilisent la note ». Aux deux bouts de la chaine de l’emprunt se tient l’agence et ce n’est pas vraiment comme un arbitre. Celui qui veut émettre un emprunt ne peut le faire sans la recommandation d’une bonne note. Et les banques qui doivent présenter des bilans doivent « évaluer les risques », ce qui leur permet de modifier leurs taux d’intérêts en fonction de la note. Selon le barème 2009 aux Etats Unis, une grande entreprise doit verser au minimum 70.000 dollars à l’agence de notation au début du processus de notation. Puis elle doit prendre un abonnement de «surveillance». Son prix s’élève à environ la moitié de la somme initiale. A chaque fois qu’elle émettra de la dette sur les marchés, elle s’acquittera en plus d’une commission de 0,045% de la transaction. Les montants sont du même ordre en Europe. Cette description permet de comprendre que ces chères agences n’ont rien d’académies scientifiques mues par le gout du savoir pur. De mauvais esprit feront aussi remarquer que plus la note est mauvaise, plus le taux d’intérêt bancaire est élevé et plus la commission de l’agence est elle aussi, élevée.

Pour moi, les agences notation ont donc partie totalement liée au système bancaire et financier. Pour celui-ci, au-delà des peurs et paniques qui sont le propre du métier de trader, un Etat en déroute est une bonne affaire qui produit du taux d’intérêt très juteux. Et le risque est nul comme l’a démontré l’exemple Grec. En cas de panique, les Etats payent l’ardoise. Ca, c’est le comique de situation. Les taux d’intérêt augmentent à cause du risque. Mais le risque est en réalité nul. Premier indice de lézard. Deuxième indice : les Etats Unis ne rembourseront jamais leur dette. Ils ne l’ont jamais fait, raison pour laquelle elle a augmenté jusqu’au point où la voici rendue. Quel est donc le sens de l’injonction qui leur est faites par « Standards and Poor’s » ? Nulle. Tout ce qui compte c’est que la confiance dans la monnaie dollar continue. Et c’est le cas. Les Etats-Unis sont endettés jusqu’au cou et mal notés mais leur monnaie s’apprécie face à l’Euro. La clef de compréhension est dans la politique pas dans l’économie pure et parfaite des manuels.

C’est la stratégie du choc. Encouragés par leur impunité face à la Grèce, au Portugal et à l’Irlande, les maitres de la finance veulent passer aux plus grosses proies. Pour cela, ils amplifient le choc de la menace qu’ils peuvent utiliser. Mais, ce faisant, ils mettent tout le système en danger de rupture et d’effondrement. La limite du test, c’est la docilité des gouvernements. De ce côté-là pour l’instant tout va bien. Partout c’est la même chanson. Il faut « rassurer les marchés ». Le monde à l’envers ! On a vu le banquier central européen donner des ordres au gouvernement italien et être immédiatement obéi ! Pour moi, il faut faire le contraire de ce que font ces gouvernements. Il faut rassurer les producteurs face aux « marchés », c’est-à-dire aux demandes des financiers. Au cas présent, il faut protéger le capital productif et les travailleurs. L’un contre l’étouffement par faute de crédit et de consommation, l’autre contre la précarisation sociale qui l’étrangle. Donc, à court terme, pour sortir de cette spirale il ne faut pas céder mais résister et contre attaquer. On peut éteindre l’incendie avec le retour de l’Etat et de la puissance publique. La banque centrale européenne doit avoir le dernier mot face aux financiers. Elle doit racheter massivement les dettes souveraines, laisser filer l’inflation, jusqu’à ce que l’attaque cesse. Faute de quoi la pente prise est sans fin. Là, je parle du court terme. A ce court terme devraient s’ajouter des décisions techniques touchant aux structures et aux moyens dont disposent « les marchés » pour faire régner leur tyrannie. Ce train de mesures serait destiné à donner le signal d’une riposte qui s’étendrait jusqu’à ce que cèdent ou crèvent les agioteurs. Ce qui compte c’est de faire un paquet de mesures de dissuasion. Et non de prendre en catimini et dans le désordre les mesures que nous recommandons depuis tant de temps. Par exemple cette décision de quatre pays d’interdire les « ventes à découvert », technique spéculative spécialement pourrie ! Ou bien aussi la séparation des banques de dépôts des banques d’investissements, comme après 1929. Et ainsi de suite. Je ne vais pas recopier ici tout le programme. Il existe. Il est applicable tout de suite. Il permet de retourner la situation. Répercuter les couts sur les peuples a une limite. Mais pour l’instant les gouvernants lâches n’ont pas l’air le croire. Ils agissent comme si la résignation des citoyens n’aura pas de bornes. On va voir bientôt ce qu’il en est.

 

Le martyr de la Grèce s’approfondit
Extrait de la note « Fillon monte dans le bateau de Papandréou » – 25 août 2011

Le martyr de la Grèce s’approfondit. Il illustre l’absurdité des remèdes qui sont infligés à ce malheureux pays. Et il prouve, s’il était besoin, quel danger représente l’application de ces mêmes remèdes aux autres pays. Où en est-on ? Le déficit de l’Etat grec a encore augmenté. Pourquoi ? Parce que la politique d’austérité a provoqué un recul de l’activité économique. Un recul plus sévère que celui prévu. Si la Grèce avait été envahie et en partie détruite cela ne serait pas pire. Le recul de l’activité, tel que prévu était de 3,8 %. Il sera supérieur à 5 %. Donc les rentrées fiscales ne sont pas au niveau attendu. Voyez : le gouvernement a réduit les dépenses de 992 millions d’euros. Mais les intérêts à verser aux banques ont augmenté de leur côté de 1,3 milliard d’euro. Ce cercle vicieux peut-il s’inverser et quand ? Non, il ne le peut pas. Il n’y a aucun horizon d’amélioration possible. La Grèce est passée d’une dette à 125 % de son PIB à une dette de 160% grâce à sept plans d’austérité !

Au cours de l’été le journal « Le Monde » a présenté une analyse montrant que, même en une génération, les Grecs ne pourraient revenir à l’équilibre budgétaire. La démonstration était sévère. En supposant que le budget grec produise un excédent de 6% avant le paiement des intérêts de la dette et cela pendant dix ans, le niveau d’endettement ne serait que stabilisé. Vous avez bien lu. Tout ce que font les Grecs ne sert absolument à rien, ni pour eux ni pour leur pays, ni pour leur futur. Ce que font les Grecs sert juste à permettre que les titres de dette qui sont dans les coffres des banques soient réputés avoir la valeur écrite dessus. Les Grecs souffrent pour garder des joues bien rouges aux bilans des banques. Le plus odieux est que du fait ces taux d’intérêts que la Grèce a du accepter, elle va rembourser plusieurs fois le capital dont elle avait besoin au départ. Elle a demandé de l’aide parce qu’il lui manquait cent. Et du fait de l’aide qui lui est apporté, il lui manque un multiple de ces cent du début. Ceux qui se souviennent de ce dessin animé reconnaitront là l’œuvre des Shadocks. Naturellement tout cela ne tiendra pas. Il n’y a pas de peuple qui puisse accepter de n’avoir aucun horizon d’amélioration de son sort. Sauf sous une dictature. Pour l’instant la contrainte et l’injonction d’obéir sans discuter est maximale. Papandréou se charge de la répercuter sur le terrain. Mais le moment venu cela ne suffira pas. Le peuple s’en mêlera de façon bien plus ample qu’à présent. Qu’il bloque les plans d’austérité et s’écrouleront dans le sillage les banques et les compagnies d’assurance européennes et mondiales qui sont engagées sur cette dette.

Et que fait la banque centrale européenne pendant ce temps ? Pour ralentir l’incendie, elle achète des titres de dettes « souveraines » sur le second marché. C’est à dire qu’elle soulage les banques de leurs papiers douteux en le payant plein pot au prix où ces banques l’ont libellé en prenant les gouvernements à la gorge. On apprend que le montant de ces achats s’élève à présent à cent milliards d’euros. C’est-à-dire autant que le montant dont aurait besoin la Grèce pour purger la totalité de ses dettes. Démonstration par l’absurde de la valeur de notre solution. Si la BCE avait prêté dès le début, comme nous ne cessons de le dire, cette somme à la Grèce au taux de 1%, comme elle prête aux banques, elle aurait éteint la spéculation. Mais elle aurait aussi dans son coffre du papier de dette solide au lieu du papier pourri qu’elle achète en ce moment. Elle n’aurait donc pas besoin de courir acheter des titres de dettes italienne ou espagnole pour obtenir que le niveau du taux des prêts à ces pays veuille bien baisser un peu et que ces deux pays ne sombrent pas à leur tour.

Pendant que cette mule de Trichet applique cette politique de gribouille et cajole les banques, la banque fédérale américaine procède tout autrement. Elle achète directement au trésor américain ses titres d’emprunt. 1550 milliards lors du choc de 2008, et 850 milliards en 2010. Et pourtant les Etats Unis sont déjà endettés à mort. Et ils ont mis en circulation une masse de dollars qui a donné des crampes à la planche à billet. Au point qu’ils ne publient plus aucune indication sur cette masse monétaire depuis 2006. Voyons le résultat. Quel est le taux d’intérêt payé pour les titres de dette des USA sur dix ans ? Le plus bas depuis 10 ans. Même pas 2 % ! Voila ce que valent tous les grands discours terrifiant sur la dette selon lesquels sa gestion relèverait des lois de la nature, de la compatibilité pure et parfaite et tutti quanti ! Le pays le plus endetté du monde, dont la dette publique et la dette privée cumulée représente 350 % de son PIB annuel (dix points de plus qu’en 1929) paye les taux d’intérêts les plus bas du monde pour sa dette. Fermez le ban. Pendant ce temps, la première puissance mondiale, l’union européenne, premier producteur, premier acheteur et vendeur du monde, qui ne doit pas un euros de dette, refuse de prêter à 1% pour un montant égal à 3% de son PIB comme ce fut le cas pour la Grèce. Tondre une telle bande de pleutres doit être un sujet de rigolade permanent chez les traders. Le paiement de la dette souveraine est juste un rapport de force. La mentalité de vieux rentier épuisé du style Trichet fait de l’Europe une proie sans défense.

Je boucle cette note en gardant sous le pied bien des choses. Mais l’heure qu’il est ne me permet plus de développer. Avant de finir, je veux revenir sur une lecture à propos de la Grèce. Je sais qu’elle ne lassera pas mes lecteurs tant ce que je veux montrer est saisissant. La Grèce ne découvre pas la situation de poignardée par des agences de notation qu’elle connait aujourd’hui. Non. J’ai lu sous la plume de Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP-Europe, le récit d’un moment particulièrement fascinant de l’histoire de ce pays. La copie de cet article du Monde du 5 avril traine sur mon bureau depuis des semaines et des semaines et j’en reporte sans arrêt le résumé qui me permettra de le garder vraiment en mémoire. Dans l’Europe des années 1930, la Grèce a déjà été la victime des agences de notation. Cela parait à peine croyable. Voici le récit de Jean-Marc Daniel. On en est saisi d’effroi! Ainsi les grands de ce monde savent tous que toute cette manœuvre a déjà été utilisée une fois ! Et ils en connaissent les conséquences !

« En 1930, en effet, le Trésor américain reproche à ces agences de n’avoir pas vu venir les faillites en chaîne des banques et la crise boursière de l’automne 1929. Celles-ci entreprennent de ce fait d’élargir leur champ d’action des entreprises aux Etats. Elles ont toutefois conscience que les dettes internes – celles exprimées dans la monnaie des Etats – ne doivent pas être notées, car les banques centrales, en tant que prêteurs en dernier ressort, sont là pour les monétiser et éviter la banqueroute. Elles notent donc les dettes en dollars et en livres sterling. Mais la chute des cours des matières premières provoque dans certains pays, notamment latino-américains, des déficits commerciaux qui assèchent leurs réserves en devises. Fin 1930, les agences baissent la note du Brésil et de la Bolivie et, en janvier 1931, la Bolivie fait défaut. Dans les couloirs des administrations de Washington, on reproche aux agences de se concentrer sur la zone américaine et d’ignorer l’Europe. Moody’s réagit au quart de tour et repère l’homme malade de l’Europe : la Grèce. A Athènes, le premier ministre est Elefthérios Vénizélos, leader du centre gauche et héros national depuis qu’il a associé la Grèce à la victoire des Alliés dans la première guerre mondiale.

Redevenu Premier ministre en 1928 dans une Grèce républicaine depuis 1923, il mène une politique de réformes économiques fondée en particulier sur la réduction du nombre de fonctionnaires et l’augmentation des investissements publics. A l’opposition monarchiste qui l’accuse de ruiner l’Etat, il répond par la distinction entre la « bonne dette qui prépare l’avenir » et la mauvaise qui sert à payer des fonctionnaires, et qu’il a su écarter. Sauf que Moody’s ne l’entend pas de cette oreille et dégrade la Grèce. Le résultat ne se fait pas attendre : les taux d’intérêt grimpent, les capitaux fuient, la Société des nations refuse son concours. Le 25 avril 1931, Vénizélos impose un strict contrôle des changes. Quelques bons esprits lui conseillent de dévaluer la drachme pour relancer la croissance, accroître les exportations et permettre à l’Etat grec de trouver les devises dont il a besoin pour honorer ses engagements extérieurs. Il s’y résout et laisse la drachme suivre à l’automne 1931 la livre sterling dans sa chute par rapport au dollar.

Le 1er mars 1932, la Grèce, dont la dette en dollars a explosé du fait de la dévaluation, fait défaut. Les victimes de ce défaut sont d’abord les banques françaises et italiennes. Puis la population grecque : gangrenée par l’inflation due à la dévaluation, l’économie fragile du pays part à vau-l’eau, les émeutes se multiplient, et Vénizélos perd les élections fin 1932.

La monarchie est restaurée en 1935 et, en 1936, le général Metaxas s’empare du pouvoir par un coup d’Etat débouchant sur une répression brutale des syndicats et de l’extrême gauche. En 1940, quand Mussolini lance ultimatum sur ultimatum à Athènes, il réclame entre autres le remboursement des sommes annulées, avant d’attaquer la Grèce le 28 octobre. Entre-temps, Moody’s a été prise d’une sorte de vertige face au drame grec. En 1936, ses dirigeants expriment leur regret sur ce qui se passe et annoncent qu’ils arrêtent de noter les dettes publiques. Fitch suit en annonçant qu’elle cesse de noter… la dette allemande. » Et voici la conclusion de la main de l’auteur et non de la mienne : « Le temps passe. En 1975, les Etats se lancent dans une nouvelle vague d’endettement : les notations de leurs dettes reprennent, et la Grèce en fait les frais… »

 

Dogmatisme et cupidité tuent la Grèce et l’Europe.
Note de blog – 1er septembre 2011

Dogmatisme et cupidité tuent la Grèce et l’Europe.

Pas de ça en France !

La dette grecque est donc désormais hors de contrôle ! Voila le bilan des « bons docteurs du FMI » et des petits génies du libéralisme européen. L’aveuglement dogmatique des gouvernements libéraux et la cupidité des banquiers spéculateurs mènent l’Union européenne au chaos et le monde à la catastrophe financière.?

Comme je l’avais annoncé il y a plus d’un an en avril 2010 (voir note de blog Le bug grec s’avance ), les plans d’austérité successifs dictés par l’Union européenne et le FMI ont complètement asphyxié l’activité du pays (avec une récession de 4,5 % contre 3,5 % prévue initialement pour cette année). Cette rigueur martyrise le peuple grec et se solde par une aggravation rapide du déficit qui est déjà au 1er semestre 2011 au niveau prévu pour l’ensemble de l’année. C’est cette médecine mortelle que le plan Fillon propose d’appliquer à notre pays. Pas de ça en France !?

Ces pompiers pyromanes doivent être stoppés. Comme je l’ai proposé depuis plus d’un an (notamment sur Europe 1 le 29 avril 2010), l’incendie peut être immédiatement éteint si la Banque centrale européenne prête directement à la Grèce aux taux réduits auxquels elle prête aux banques.

 

La crise grecque résulte de l’agression des spéculateurs
Extrait de la note « Alerte ! Les voyous de la finance attaquent la France ! » – 14 septembre 2011

La crise grecque résulte entièrement de l’agression des spéculateurs. Je ne dis pas que les problèmes de la zone euro n’existaient pas avant cela. C’est d’ailleurs de là que viennent les opportunités qui ont été données aux spéculateurs. Oui les problèmes viennent du cadre lui-même ! Et nous étions nombreux à combattre déjà le statut absurde de la banque centrale européenne depuis le premier jour. Pour ma part j’ai voté contre lorsque je siégeais au Sénat. Nous avons été nombreux aussi pour dénoncer la mise en place d’un marché intérieur socialement si dérégulé qu’il menace d’emporter toute l’organisation de nos sociétés. Pourtant quand une crise éclate dont les conséquences s’annoncent si profondes, on est en droit d’examiner soigneusement les méthodes mises en œuvre pour y faire face. On mesure alors bien la stupidité des techniques utilisées dans cette circonstance. C’est le dogmatisme libéral qui a conduit à l’application de recettes aussi éculées que ces politiques d’austérité et de privatisation généralisée imposées de force par le FMI et la Commission européenne. Le résultat était totalement prévisible puisque cette situation avait déjà été observée dans toute l’Amérique du sud. Il faut le souligner mille fois pour que la leçon porte : ce système ne marche pas. C’est cela la tare qui le disqualifie en profondeur dans l’esprit du grand nombre comme du point de vue du simple bon sens. C’est cette expérience qui permet de clamer « ça ne sert à rien de céder aux « marché » et à leurs injonctions ».

Dès lors, ce n’est pas seulement une crise bancaire ou financière ou ce que l’on voudra qu’il s’agit de régler. Ce qui est en cause c’est la légitimité d’un système et d’une orientation politique à gouverner nos sociétés. Cela saute aux yeux quand on prend la mesure de ce qui déclenche ce tsunami. La dette totale de la Grèce ne représente que quelques points du total de la richesse produite par l’union européenne en un an. Deux pour cent et demi ! Le rachat intégral de toute la dette de la Grèce, plus celles de l’Irlande et du Portugal est de … 1000 euros par habitant vivant dans la zone euro. C’est dire que cette somme est largement à la portée d’un prêt à zéro pour cent à la Grèce venant de la banque centrale européenne comme nous ne cessons de le dire depuis l’origine. A contrario, puisque cela ne s’est pas fait, on doit en déduire que le but de ce qui a été mis en place n’est pas de nature économique ou financière mais purement politique. Quoique les inventeurs de ces mesures cruelles, cupides et brutales prétendent le contraire. Ces gens ont eu les yeux plus gros que leur cerveau. Ils se sont dit qu’une orgie de pilleries était à portée de main. Leur voracité va détruire leur propre écosystème !

Il est vain de spéculer sur une catastrophe finale du capitalisme. Ce système n’aura jamais de fin tant qu’une alternative ne se sera pas mise en place. Les pires destructions sont aussi un aliment pour lui. Faut-il rappeler que c’est d’ailleurs la fonction essentielle de la guerre dans la logique capitaliste ? Pas de naïveté donc. Il n’existe pas de bonnes catastrophes qui seraient un raccourci pour les adversaires du système que nous sommes. A chaque pas il s’agit de proposer des choses raisonnables, c’est-à-dire des remèdes qui épargnent la souffrance et résolvent les problèmes. C’est cela la radicalité concrète dont je me réclame. Là, il faut refuser d’abandonner la Grèce à son sort. D’abord parce que c’est la négation de l’idée de solidarité internationale dont nous sommes les partisans. Ensuite parce que cela ne sert absolument à rien du point de vue qui semble occuper ceux qui s’angoissent. Si la Grèce se trouve expulsée de l’Euro, que se passe-t-il pour elle ? Sa dette reste libellée en Euro. La nouvelle monnaie nationale est profondément dévaluée. La dette pèse plus lourd pour la Grèce. A moins d’être reformulée dans la nouvelle monnaie nationale. C’est-à-dire perdre trente à quarante pour cent de sa valeur, peut-être bien davantage. Tant pis pour les capitalistes qui ont été pris les mains dans ce trafic dira-t-on. Ce n’est pas faux. Mais le résultat reste le même : les banques qui possèdent ces titres s’écroulent. Retour à la case départ du raisonnement. Qui peut souhaiter cela ? Encore une fois je le précise, cela peut bien finir par se passer comme ça et tout y conduit. Ce sera alors un autre débat : comment faire face. Dans l’immédiat la ligne de combat ne doit pas être abandonnée. Il ne faut pas laisser tomber la Grèce. Si ce n’est par solidarité européenne que ce soit par réalisme. Si la Grèce tombe, elle nous tombe dessus ! Que ce soit par compréhension du fait que les raisons qui conduiraient à éjecter la Grèce s’appliqueront ensuite à n’importe quel autre membre de l’Union jusqu’à ce qu’il ne reste plus sur le vieux continent qu’une sorte de grosse zone mark sous cache sexe Euro entourée de nations clochardes sans domicile bancaire fixe. Cette ligne de résistance et de proposition concrète c’est celle qui demande à la banque centrale européenne de racheter directement la dette de la Grèce à taux zéro. Cela fournit la liquidité et tue la spéculation. C’est la solution qui ne nuit qu’au dogme libéral. Son seul risque est de faire baisser la valeur de la monnaie unique face au dollar. Mais ce sera un bienfait en réalité que cette baisse qui soulage le handicap d’un euro fort pour les producteurs de la zone euro sur le marché mondial.

 

Goldman Sachs a spéculé contre la dette grecque
Extrait de la note « mieux vaudrait en rire mais on n’y arrive pas » – 4 octobre 2011

Ce matin les gugusses qui s’occupent de l’Union Européenne ont décidé de nuire encore plus à la Grèce en retardant le versement de la tranche « d’aide » dont elle a besoin. Tristes crétins ! C’est exactement avec ce genre de strangulations conditionnelles, avec ces petites menaces à deux balles qu’ils ne peuvent pourtant pas appliquer jusqu’au bout que Camdessus a fait plonger l’Argentine. C’est ce qui va se passer en Grèce. La fin est proche. Les marchés le savent. La panique grimpe à bord. Déjà 216 milliards d’euros envolés en fumée dans les cours de bourse en France. Des entreprise sont cotées moins cher que lavaleur de leurs actifs ! Trop forts les gestionnaires de ce système. Trop forte « la main invisible des marchés » pour procéder à « la bonne allocation des ressources ». Encore un effort !

On a entendu les cris déchirants de ceux qui s’opposent par principe à l’augmentation du SMIC proposée par le programme du Front de Gauche. « Comment faites-vous ? ». « Les petites entreprises vont mourir ». Bon. Je réponds aux objections, une par une, au fil des émissions. Je ne suis pas pressé d’épuiser les questions toutes faites. Mon propos est de faire en sorte que la question de la hausse des salaires entre dans le débat. Pour l’instant elle n’y est pas. Et je note que je suis le seul à qui on pose des questions « techniques ». Les autres peuvent dire ce qu’ils veulent, personne ne se donne l’inconfort de la moindre question qui dérange. Ainsi quand François Hollande déclare avec aplomb qu’il augmentera le SMIC d’un montant égal à « la moitié du taux de croissance ». Comme la formulation a un air très technique, les bons esprits baissent les yeux. Pas un n’a fait le calcul pour voir ce que donne cette formule. C’est pourtant édifiant. Voyez. En 2010 la croissance a été de 1,60 %. Donc François Hollande aurait augmenté le SMIC de 0,80 % en 2010. Nicolas Sarkozy l’a augmenté de 1,58 % ! Elire François Hollande pour avoir une augmentation de salaire moitié moins qu’avec Sarkozy, à quoi bon ? Pour autant faut-il préférer Sarkozy ? Non plus. Car l’inflation cette année-là fut de 1,8% ! Hollande augmente le SMIC moins que Nicolas Sarkozy qui, lui, l’augmente moins que l’inflation. Tels sont les termes du choix pour un citoyen payé au SMIC qui suit les sondages. Seul le Front de Gauche garantit un rattrapage et une augmentation du SMIC. Une dernière fois rappelons que le SMIC est à seulement 120 euros du seuil de pauvreté ! L’augmentation proposée par le Front de Gauche est de 25%. Les patrons du CAC 40 se sont augmentés de 23% en 2010 ! Ce sera tout pour aujourd’hui. La suite de l’argumentaire au prochain numéro !

J’accuse les Etats-Unis de jouer un rôle clef dans le déclenchement et l’aggravation de la crise financière en Europe. Je m’amuse de voir comment un sujet est l’objet d’un dédain et d’un silence total dès qu’il s’agit des Etats-Unis d’Amérique. Je ne suis pas le seul qui bénéficie de cette sorte d’omerta. Madame Parisot a eu à en connaître lorsqu’elle a évoqué cette question. Peut-être avez-vous oublié la gravité de ses propos ? En voici donc le rappel, tels que parus dans « Le Figaro » du 28 août dernier. « La situation s’est tendue quand la Chine a commencé à faire la leçon aux États-Unis sur leur dette. Les Américains ont sans doute voulu alors repasser le mistigri à l’Europe. On a assisté à une sorte de guerre psychologique et à une tentative de déstabilisation de la zone euro. Je parlerais plutôt d’une «orchestration» outre-Atlantique des difficultés de l’Europe [que d’un complot]. Voyez les rumeurs sur les banques françaises, qui se sont diffusées immédiatement alors qu’elles étaient absolument infondées. Des unes de médias américains annonçaient pourtant la mort de telle ou telle et même la fin de la zone euro. Nous sommes passés d’attaques sur l’Espagne à des attaques sur l’Italie, puis sur la France, jusqu’à des rumeurs de dégradation de l’Allemagne la semaine dernière! Quand des publications américaines très lues par les investisseurs et les analystes financiers titrent sur de fausses annonces dramatiques, des questions se posent ».

C’était peu après que Barack Obama eut accusé les européens de ne s’être « pas complètement remis de la crise de 2007« . Il oubliait de mentionner que la dite crise commença aux Etats-Unis qui en portent l’unique responsabilité. La suite de la remarque était spécialement venimeuse. Il accusait les européens de ne s’être « jamais vraiment occupés des difficultés auxquelles leurs banques faisaient face« . Venant de lui cela ne manquait pas de sel compte tenu de l’état du système bancaire nord américain. Et surtout compte tenu du fait que les banques américaines sont aux premières loges de la crise grecque. En effet plusieurs d’entre elles ont conseillé la Grèce dans la gestion de sa dette. On sait comment maintenant. Un vrai gang : Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Merill Lynch, Morgan Stanley.

Goldman Sachs a le rôle majeur. A partir de 2001, Goldman Sachs a aidé la Grèce à maquiller une partie de sa dette, en ayant recours à des produits dérivés. Notamment des « swaps » de devises qui ont rapporté 300 millions de dollars de commissions à Goldman Sachs et en servant d’intermédiaire à l’Etat grec pour placer ses titres sur les marchés non européens, notamment chinois. A partir de 2010, Goldman Sachs a spéculé contre la dette grecque. Elle utilisait à l’évidence sa bonne connaissance de la réalité de la situation, des points de faiblesse et du potentiel de pillage. Le truc pervers est d’avoir misé sur l’envolée du cours de ses titres d’assurance achetés pour faire face à un éventuel défaut de l’Etat grec. N’importe où ailleurs on appellerait ça une escroquerie à l’assurance ! Là, on appelle ça la « crainte des marchés ». Abracadabra ! Donnez du sang du peuple pour calmer le dieu marché !

Goldman Sachs est un banquier voyou très proche du gouvernement des USA. C’est le géant américain de la banque d’investissement. Il fait 30 milliards de dollars de chiffre d’affaires. La banque est étroitement liée aux gouvernements états-uniens successifs à travers ses anciens dirigeants. Le ministre des finances de Bush, Henry Paulson, qui a renfloué les banques en 2008, était auparavant PDG de Goldman Sachs. La banque a d’ailleurs reçu 10 milliards de dollars de fonds publics lors du sauvetage du secteur bancaire états-unien. Mais il y a mieux. La banque a aussi été le premier contributeur privé de la campagne de Barack Obama avec près d’un million de dollars de dons effectués par ses dirigeants. Ça crée des liens personnels. La banque continue donc d’être très présente dans l’administration Obama, à travers Mark Patterson, actuel directeur de cabinet du ministre des finances Timothey Geithner, qui était lobbyiste pour Goldman Sachs. Il y en a d’autres ! Par exemple Gary Gensler, qui était directeur financier de la banque et dirige désormais une des principales agences de régulation boursière américaine, la « US Commodity Futurs Trading Commission », chargée de « réguler » les marchés dérivés. Chacun est prié de croire que ces drogués du système sont de vertueux régulateurs amis de l’intérêt général.

A côté des banquiers voyous, il y a aussi le rôle des agences de notation américaines dans le retour de la crise à l’été 2011. Ça tout le monde l’a vu. Je me contente d’un rappel pour mémoire. Deux agences de notations américaines, Standard and Poor’s et Moody’s contrôlent 80 % du marché des notations. Ces visionnaires de la finance n’avaient rien vu de ce qui était sous leur nez. Standard and Poor’s et Moody’s avaient couvert jusqu’au bout Lehmann Brothers ou Enron, dont elles avaient maintenu la note AAA jusqu’au jour de leur faillite. A présent ces agences sont déjà à l’origine des attaques contre la Grèce, l’Irlande, l’Espagne, et le Portugal. On a voulu faire croire qu’elles ont depuis fait preuve d’une grande impartialité. La preuve ? C’est Standard and Poor’s qui a abaissé, début août 2011, la note des Etats-Unis, entraînant une panique généralisée sur les marchés financiers. Mais les Républicains avaient leur intérêt à cette manœuvre puisque c’était alors la discussion sur le niveau de la dette acceptable à voter au congrès. Une affaire interne en quelque sorte et très politicienne. Elle donne une idée de la violence dont sont capables les républicains américains. L’affaire se dénoua dans un feu d’artifice grotesque. L’agence reconnut s’être trompée de deux mille milliards dans ses calculs ! Un bras armé de la politique sans scrupule avait montré son nez.

Depuis, ces agences de notation, bons soldats de l’empire, ont recentré leurs attaques sur l’Union Européenne. Ils ne se passent plus une semaine sans qu’une note soit dégradée. A croire que les agences se sont partagées le travail. Le 14 septembre, Moody’s dégrade la note des banques françaises BNP Paribas et Société générale. Le 20 septembre, c’est S&P qui dégrade la note de l’Italie. Pour sa part, Moody’s annonce qu’elle maintient « sous surveillance » la note italienne jusqu’en octobre. Le 23 septembre, S&P menace de dégrader la note de l’assureur français Groupama tandis que Moody’s dégrade la note de la région portugaise de Madère. Bref un festival ! Le résultat finit par se produire. Le 10 août, l’action Société générale dévisse. A l’origine de la panique se trouve un article du « Mail on Sunday », un journal anglais conservateur et très critique vis-à-vis de la construction européenne, qui affirme que la banque est au bord de la faillite. Le Wall Street Journal et CNN sont parmi ceux qui répercutent « l’information » le plus rapidement. Le 13 septembre, le même Wall Street Journal indique que la BNP aurait des difficultés à se refinancer en dollars entraînant une chute de plus de 10% du cours de l’action de la banque. Pourtant, le journal américain indique que ses informations proviennent « d’une source anonyme » à l’intérieur de la banque. La BNP a formellement démenti et demandé à l’Autorité des Marchés Financiers d’ouvrir une enquête. Dans un communiqué, la banque écrit : « BNP Paribas s’étonne que le Wall Street Journal ait laissé passer, sans aucun contact préalable avec la banque, une tribune fondée sur des sources anonymes et comportant un aussi grand nombre de faits non vérifiés et d’erreurs techniques ». Nigauds ! Les agences travaillent comme à la parade puisque ces imbéciles d’européens sont incapables de se défendre. Le lendemain, le 14 septembre, Moody’s a dégradé la note des banques françaises BNP Paribas et Société générale. Leurs agents dormants refont surface. Le 29 août, Christine Lagarde, directrice générale du FMI a déclaré que les banques européennes « ont besoin d’une recapitalisation urgente ». Le 21 septembre, c’est le FMI dans lequel le poids des Etats-Unis est décisif qui a repris la demande de manière très officielle. Dans son rapport semestriel sur la stabilité financière dans le monde, il a appelé la zone euro à utiliser le Fonds européen de stabilité financière (FESF) pour recapitaliser les banques les plus fragiles. Ce qui n’était pas du tout le rôle qui lui était attribué au départ. Mais le maitre a parlé.

En Europe l’oncle Sam est désormais chez lui comme jamais. Mario Draghi, futur président de la BCE et actuel gouverneur de la banque d’Italie siège déjà au conseil des gouverneurs de la BCE. Il a été vice-président Europe de Goldman Sachs de 2002 à 2005. Il a donc trempé aussi de très près dans les montages hasardeux de Goldman Sachs en Grèce. Demain ce sera le patron de la Banque Centrale Européenne. L’Europe américaine aura commencé de se montrer au grand jour. Le 16 septembre 2011, en Pologne, Timothey Geithner, secrétaire d’Etat au Trésor des Etats-Unis a participé à la réunion des ministres des finances de la zone euro. C’est la première fois qu’un représentant des Etats-Unis assiste à une telle réunion. Qu’y faisait-il ?

Cet homme a jeté autant d’huile sur le feu de la panique qu’il a pu. Ses tirades de paniques ont contribué à l’évaporation en fumée de 216 milliards d’euros de perte de valeurs des cours de bourse des entreprises européennes. A présent des entreprises valent moins cher en bourse que la valeur de leurs actifs, murs, terrain, machines et stock ! Voilà un florilège des déclarations du monsieur du trésor nord-américain mangé aux termites jusqu’au trognon et qui fait la leçon aux autres. « Il est très dommage de constater non seulement qu’il existe des divisions dans le débat sur la stratégie en Europe, mais aussi qu’un conflit existe entre les gouvernements et la Banque Centrale Européenne« . Et ça il le dit en marge de la réunion des ministres des finances de l’eurozone à laquelle il participait ! Un comble. Et le 28 septembre il a déclaré : « durant le week-end, ils ont entendu le monde entier leur dire qu’il faut s’assurer de faire tout ce qu’ils peuvent pour rassurer les gens sur (leur) intention et (leur) capacité de contenir« . Pour lui la crise en Europe « commençait à nuire à la croissance partout, dans des pays aussi éloignés que la Chine, le Brésil et l’Inde, la Corée : (les Européens) ont entendu de nous le même message qu’ils entendent de la part de tous les autres, il est temps d’agir. On les a entendus présager dans les réunions et en public qu’ils reconnaissent cela, ils ont reconnu la nécessité de renforcer (leur action), ils vont devoir mettre en place derrière cela un cadre financier bien plus puissant« . Le patron n’a pas été en reste. Barack Obama a joué ouvertement l’incendiaire. « La crise de la zone euro effraie le monde » a-t-il gémi. « En Europe (…) ils ne se sont pas complètement remis de la crise de 2007, et ne se sont jamais vraiment occupés des difficultés auxquelles leurs banques faisaient face« . Trop cool ! Et une nouvelle couche sur la peur ? « Cela se conjugue à ce qui se passe en Grèce. Donc ils (les Européens) traversent une crise financière qui fait peur au monde« . Encore ! Encore ! « Les mesures prises par les gouvernements européens n’ont « pas été aussi rapides qu’elles auraient dû« . Et un coup pour la route ! «Nous n’avons pas vu les Européens affronter les problèmes de leur système financier et de leursystème bancaire aussi efficacement qu’il le faudrait» (28/09/2011) Comme c’est amical ! Geithner a aussi appelé à la création d’un « pare-feu » pour éviter que la crise grecque n’entraine « des défauts de paiement en cascade » On n’y avait pas pensé. C’est bon de se voir rappeler le risque du moment par quelqu’un qui l’alimente !

 

Tirer le bilan de la situation en Grèce
Note de blog Europe – 16 octobre 2011

Le bilan de la situation de la Grèce n’est jamais fait. Pourtant il le faudrait. Aprè s tout, n’est-ce pas le laboratoire des politiques de redressement souhaitée par « la troïka », la Commission européenne, le FMI, la main invisible du marché, la concurrence libre et non faussée et tous les saints du paradis néo libéral ? les plus grands esprits de la planète du Fric ne se sont-ils pas mobilisés pour faire leurs recommandations et « aider la Grèce » ? Faisons un petit récapitulatif de leurs exploits. Mais avant de le faire un rappel. L’objectif du premier plan d’austérité lu et approuvé par les grands docteurs miracles était, en janvier 2010, de ramener le déficit sous les 3% du PIB à l’horizon 2012. Que s’est-il réellement passé ? Autrement dit, examinons la médecine à ses résultats réels. Fin 2009 leur dette s’élevait à 298 milliards d’euros. Aussitôt sont appliquées les bonnes recettes du bon docteur Strauss-Kahn. Applaudissements universels. Peu importe ensuite les faits. Car au premier trimestre 2010, la dette avait déjà augmenté de 3,7% par rapport au trimestre précédent. Ce n’est qu’un début. En mars 2010 elle atteint 309 milliards d’euros. Ça n’a pas l’air de troubler les grands esprits des petits messieurs je sais tout. La suite non plus. Au deuxième trimestre de cette même année la dette augmente encore de 1,4% par rapport au trimestre précédent. Elle atteint alors 314 milliards d’euros. Qu’à cela ne tienne ! Les plans d’austérité sont exigés parfois très grossièrement et appliqués avec vigueur par les socialistes au pouvoir. Sans autres résultats qu’une aggravation de la situation. Toute l’Europe des puissants fronce les sourcils. Les plans d’austérité s’enchaînent.

Et les résultats suivent, toujours dans le même sens. Au deuxième trimestre 2011 la dette est encore en augmentation de 9,8% par rapport au premier trimestre 2010. Elle s’élève alors à 340 milliards d’euros. Soit 52 milliards de plus qu’au début de la crise. Soit 17 % de plus qu’au début. Tel est le bilan comptable des sept plans d’austérité. Le bilan économique est évidemment l’explication. L’austérité provoque une contraction de l’activité qui diminue les recettes de l’Etat et augmente le déficit. Celui-ci est financé par l’emprunt et donc la dette, laquelle coûte de plus en plus cher, non seulement du fait de son augmentation en volume mais du fait de l’envolée des taux. La baisse de l’activité en Grèce est frappante. En 2010 la richesse produite a reculé de deux pour cent, en 2011 de près de cinq pour cent encore. A partir de là, la part de la dette vis-à-vis de la production de l’année s’envole. Elle était en 2009 de 127 % du PIB, elle passe en 2010 à 143 % et en 2011 à 165 % du PIB. Bilan définitif ? Grâce aux « bonnes médecines » du FMI et de l’Union Européenne, des politiques raisonnables, les « seules possibles », la part de la dette par rapport à la richesse produite a augmenté de trente pour cent en deux ans ! Mais naturellement c’est nous qui sommes « irréalistes » !

Quelles sont les recettes qui ne marchent pas ? Telle est sans doute la question que se posent mes lecteurs réalistes. Eux sont avides de s’instruire par les faits et non par les discours idéologiques des illuminés du libéralisme, strauss-kahniens d’hier et d’aujourd’hui. Ce qu’il ne faut pas faire est donc bien résumé par le contenu des sept plans d’austérité appliqués aux grecs. La preuve est venue par les résultats. Revue de détails. Premier plan : hausse de la TVA et des embauches dans la fonction publique. Deuxième plan en février 2010 : gel total du salaire des fonctionnaires, relèvement de l’âge de départ légal à la retraite, augmentation des taxes sur les carburants. Troisième plan en mars 2010 : gel des retraites, augmentation des taxes sur la consommation. Quatrième plan en mai 2010. L’objectif annoncé c’est alors une réduction des dépenses publiques de 7% à l’horizon 2013. Nouveau coup de « rabot » comme disent les spécialiste à la langue fleurie par les euphémisme : suppression des 13e et 14e mois pour les retraités et salariés du public qui maintenaient de cette façon leur revenus au-dessus du seuil de misère, gel des salaires et retraites, non remplacement de 4 fonctionnaires sur 5, augmentation de la TVA (de 19 à 23%), augmentation des taxes sur les carburants, le tabac et l’alcool, âge de la retraite unifié à 65 ans ; augmentation progressive de la durée de cotisation (de 37 à 40 ans) ! Ce n’est pas fini. Encore deux plans de redressement définitif, les amis ! En avril dernier, voici le 5ème plan : 23 milliards d’économie supplémentaires à l’horizon 2015. Le sixième plan est venu deux mois plus tard, en juin 2011. L’objectif est alors de 28,4 milliards d’économie et 50 milliards de privatisation d’ici 2015. Avec comme garniture à ce plat principal, plusieurs coups de matraques sur la tête des gens déjà en difficulté avec par exemple un durcissement des critères pour les allocations sociales et chômage, la réduction des retraites complémentaires, l’augmentation du nombre des non remplacement de fonctionnaires à partir de 2011, l’autorisation de licencier les salariés d’organismes publics. Une nouvelle vague de privatisations est décidée pour les ports, aéroport, poste, banque, et ainsi de suite. Le 7ème plan a été adopté en septembre dernier. Routine. Mais l’Union Européenne et le FMI n’étaient pas satisfaits. Ils ont exigé de nouvelles mesures d’austérité avant le déblocage de la sixième tranche de leur « aide » ! Quel monde de mots truqués ! L’aide en question, c’est de l’argent prêté au taux de 5%. Et cet argent sert à payer le service de la dette aux banques qui, elles, ont prêté à 18 %.

 

Questions à l’étude lors du sommet européen
Note de blog Europe – 23 octobre 2011

Cette note a été mise à jour le jeudi 27 octobre à 12h.

D‘abord prévu les 17 et 18 Octobre et repoussé au 23 Octobre, ce Sommet a lieu en 3 temps :

-Sommet de l’UE (dimanche 23 Octobre. 10H)
– Sommet de la zone euro (dimanche 23 Octobre. 16H)
Nouveau Sommet de l’UE (mercredi 26 Octobre. à 27 peut-être pour proposer un amendement au Traité de Lisbonne, ce que laisse entendre le communiqué de Van Rompuy. On se dirige donc vers un gouvernement économique de la zone euro pour faire appliquer la discipline budgétaire aux Etats membres de la zone euro)
– Nouveau Sommet de la zone euro (mercredi 26 Octobre)

Il a été préparé notamment par:
-deux réunions des ministres de l’économie et des finances de la zone euro (Eurogroupe) vendredi 21 soir et samedi 22 après-midi
-une réunion des ministres de l’économie et des finances de l’UE (ECOFIN) samedi matin
-une réunion des ministres des affaires étrangères et/ou européennes (Conseil Affaires générales) samedi 22 après-midi
-une réunion entre Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, Herman Van Rompuy, José Manuel Barroso, et Christine Lagarde (samedi 22 soir)

Herman Van Rompuy (traduit librement de l’anglais) déclare dans son introduction du sommet de l’UE:

« Certaines de nos mesures ont été et sont impopulaires; le sont certaines des mesures prises dans vos pays ou nos décisions communes prises ici en tant qu’Union. Je vous remercie pour votre courage politique, souvent sous-estimé. Mais ces mesures à mener requièrent encore clairement et nettement beaucoup de travail »

Madame Merkel déclare avant le Sommet de l’UE du 23 Octobre qu’aucune décision ne sera prise:

« Pour moi il est important de répéter qu’aujourd’hui nous préparons les décisions de mercredi«  (elle doit consulter la commission du budget du Bundestag avant d’approuver toute modification du Fonds européen de Stabilité Financière en vertu de la loi du 29 Septembre validant la modification du FESF proposée le 21 Juillet)

Madame Merkel a réaffirmé lors de la Conférence de presse donnée entre le Sommet de l’UE et le Sommet de la Zone Euro que les décisions seraient prises mercredi de façon globale et pas ce dimanche.

Nicolas Sarkozy a déclaré: «Il faut que, mercredi, soit trouvé un accord qui apaise la crise financière»

Yves Leterme, premier ministre belge (PPE), tient à ce que des décisions soient prises ce dimanche:

« Il est essentiel que pour demain matin à l’ouverture des marchés, on ait assez progrès pour ne pas mettre péril la crédibilité de la zone euro »

1. La question du renforcement du FESF (Fonds UE-FMI) :

Le Fonds européen de stabilité financière :

Le 11 Mai 2010, le Conseil des Ministres des Finances (ECOFIN) décidait de mettre sur pied un mécanisme d’octroi d’une assistance financière européenne pour les Etats de la zone euro.

Cette assistance financière prendrait la forme de prêts ou de lignes de crédits à « un État membre qui connaît de graves perturbations économiques ou financières ou une menace sérieuse de telles perturbations, en raison d’événements exceptionnels échappant à son contrôle.

• Avant même de mettre en place le dit mécanisme, un Fonds Européen de Stabilité Financière est constitué:
-60 milliards d’euros d’emprunts contractés par la Commission européenne sur les marchés financiers
-440 milliards d’euros de prêts bilatéraux des Etats membres
-250 milliards d’euros de prêts du FMI

• Ces prêts et lignes de crédits ne sont pas attribués automatiquement:
-L’Etat requérant est d’abord censé présenter un « projet de programme de redressement économique et financier »
-Ce projet de programme est négocié avec la Commission, la BCE et le FMI
-Libre ensuite à la Commission de présenter ou non la demande aux gouvernements des Etats membres de la zone euro qui statuent en dernier ressort à l’unanimité

• Une fois le prêt ou la ligne de crédit octroyée, la Commission contrôle, avec la BCE, l’application du programme par l’Etat membre et le renégocie le cas échéant
-Le résultat de cette renégociation doit ensuite être validé par le Conseil des ministres des finances (ECOFIN)
-la compatibilité des conditions de tout autre prêt international octroyé à cet Etat membre doit être validée par la Commission et la BCE

Ce qui a été ratifié et qui avait été proposé par le sommet européen du 21 Juillet 2011 :

Le FESF peut désormais (depuis le vote favorable de la Slovaquie le 13 Octobre après l’avoir rejeté le 11):
« – intervenir sur la base d’un programme établi à titre de précaution (vous n’êtes pas encore en situation de crise de la dette mais on vous applique déjà un programme UE-FMI au cas où vous auriez besoin d’une aide dans le futur)
financer la recapitalisation des établissements financiers par des prêts aux gouvernements, y compris dans les pays ne bénéficiant pas d’un programme (pour recapitaliser les banques pas besoin de programme UE-FMI)
intervenir sur les marchés secondaires sur la base d’une analyse de la BCE constatant l’existence d’une situation exceptionnelle sur les marchés financiers et de risques pour la stabilité financière et sur la base d’une décision prise d’un commun accord par les États participant au FESF/MES, afin d’éviter la contagion. »

Position de Paris sur une nouvelle évolution:
Paris propose de transformer le Fonds en banque pour qu’il s’approvisionne auprès de la Banque centrale européenne (BCE) avec une ligne de crédit illimitée.
Cette proposition « n’est plus sur la table » a indiqué samedi le ministre néerlandais des Finances, Jan Kees de Jager. La France n’a pas confirmé.
François Baroin avait déjà laissé entendre vendredi que Paris pourrait renoncer à cette option, bien qu’elle soit selon lui « la plus efficace ».

Position de Berlin :

Berlin refuse cette solution contraire à l’esprit du Traité de Lisbonne. « La BCE n’est pas conçue pour financer les Etats » a réaffirmé le ministre des finances allemand Wolfgang Schaüble.
Berlin propose de permettre au FESF de garantir à hauteur de 20 ou 30 % une part des titres de dette émis par les pays les plus fragiles afin d’inciter les investisseurs à en acheter.
La France, mais aussi Rome et Madrid, redoutent que cela crée une différence entre des obligations garanties et des obligations non garanties, dont les taux s’envoleraient.

Autre proposition :

Une autre idée est en discussion : celle d’un « Fonds spécial » (ou de plusieurs fonds spéciaux) qui pourrait être créé dans le cadre du FMI et qui serait nourri par les Etats ou les fonds souverains qui le souhaitent (la Chine et la Russie notamment). Ce fonds viendrait s’ajouter au FESF pour secourir les pays européen les plus affaiblis.
Selon Angela Merkel dimanche soir, il restait deux hypothèses sur la table mais elles n’englobent pas la BCE car ce serait contraire aux Traités européens.
Nicolas Sarkozy ne l’a pas contredite et a souligné qu’il respectait l’indépendance de la BCE.
Il a indiqué qu’ « aucune solution n’est viable si elle n’a pas le soutien de toutes les institutions européennes« . De fait, la BCE est opposée à la proposition française.

Evolutions en Allemagne avant le Sommet du mercredi soir

Mardi, veille du vote au Bundestag, quatre partis allemands (unions chrétiennes, sociaux-démocrates, libéraux et Verts) se mettaient d’accord pour approuver les deux scénarios à l’étude pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF).
La motion d’accord de ces quatre partis stipule en outre que
• le plafond des garanties allemandes (211 milliards d’euros) ne doit pas augmenter
• la proposition de la Commission européenne d’une taxe sur les transactions financières doit être mise en œuvre
• tout recours à la BCE est exclu et la BCE doit stopper son programme de rachat d’obligations souveraines sur le marché secondaire

Mercredi, le Bundestag adoptait par 503 voix pour 89 contre et 4 abstentions une motion reprenant exactement ces points. Les députés de Die Linke ont voté contre ce texte.
La motion adoptée par le Bundestag vaut mandat pour Angela Merkel lors du Sommet de mercredi soir.

Le Bundestag vote suite à un avis de la Cour Constitutionnelle du 7 Septembre 2011 déclarant notamment que

– « les clauses des traités européens ne s’opposent pas à l’idée d’autonomie budgétaire nationale qui est une compétence essentielle et inaliénable des parlements légitimés par un scrutin démocratique des Etats membres, mais la présupposent« . Il s’ensuit que « le respect strict de l’autonomie budgétaire garantit que les actions des organes de l’UE se basent, en Allemagne et pour l’Allemagne, sur une légitimité démocratique suffisante« .
– toute mesure d’aide et de solidarité de l’Allemagne qui implique tant au niveau international, qu’au niveau de l’UE une aide financière de grande importance doit être approuvée au cas par cas par le Bundestag
– le gouvernement « avait l’obligation d’obtenir le feu vert préalable » de la commission budgétaire du Bundestag, la chambre basse du parlement, avant de prendre un quelconque engagement, et qu’il n’était « pas suffisant » qu’il s’engage seulement à essayer de convaincre les députés, comme prévu jusqu’ici.
– le Bundestag doit pouvoir disposer d’une marge de manœuvre pour évaluer si les garanties accordées pourraient effectivement devoir être déboursées ou pour voir si le budget pourra supporter la charge de nouveaux engagements

Déclarations de la BCE avant le Sommet de mercredi soir

Mercredi après-midi, de Mario Draghi, futur président de la BCE indiquait que celle-ci resterait présente sur les marchés obligataires tant que ceux-ci seraient instables.
Jeudi matin Jean-Claude Trichet était sur la même ligne.

Jeudi matin, Herman Van Rompuy indiquait que ces deux solutions étaient maintenues. La « démultiplication de la force de frappe par 4 ou 5 » du FESF se fera donc par
un mécanisme de garantie partielle des titres de dette des Etats en difficultés
la création d’un fonds FMI-Etats tiers-investisseurs privés, sans doute dans le cadre du FMI, adossé au FESF

Nicolas Sarkozy devrait s’entretenir dès aujourd’hui avec son homologue chinois Hu Jintao

2. La question du versement de la sixième tranche « d’aide » à la Grèce

Cette sixième tranche du plan dit « de sauvetage » adopté en Mai 2010. Il s’agit de prêts d’un montant 8 milliards d’euros.

Rappel : voici ce qui a été décidé concernant tous les nouveaux prêts versés à la Grèce à compter du 21 Juillet 2011 sous réserve de mise en œuvre des mesures d’austérité demandées :
« Nous avons décidé d’allonger dans toute la mesure du possible le délai de remboursement des futurs prêts consentis par le FESF à la Grèce en le portant des 7,5 années actuelles à un minimum de 15 ans et jusqu’à 30 ans avec un délai de grâce de 10 ans. À cet égard, nous assurerons une surveillance adéquate après la fin du programme. Dans le cadre du FESF, nous accorderons des prêts à des taux d’intérêt équivalents à ceux prévus par le mécanisme de soutien à la balance des paiements (environ 3,5 % actuellement), proches du coût de financement du FESF, sans descendre en dessous. »

La Grèce a adopté jeudi soir dans l’urgence son septième plan d’austérité pour l’obtenir (ce nouveau plan d’austérité contient entre autres : la casse des conventions collectives, la baisse du seuil d’imposition pour imposer les plus bas salaires, la réduction des pensions de retraites de plus de 1200 euros par mois).
L’Eurogroupe a donné son accord vendredi soir au versement des 8 milliards. Il l’a fait en félicitant le gouvernement grec pour l’adoption du nouveau plan d’austérité de jeudi et en lui demandant de d’avancer encore dans les réformes structurelles et les plans de privatisation.
Reste à obtenir l’accord du FMI début Novembre. Christine Lagarde a indiqué qu’elle soutiendrait ce versement.
Les 8 milliards d’euros devraient être versés pour « la première moitié de Novembre »
dit le communiqué de l’Eurogroupe (en bon anglais bien entendu).
Jeudi matin, Christine Lagarde a déclaré: «Dès à présent, j’ai l’intention de recommander au conseil d’administration du FMI le versement de la prochaine tranche de prêt» à la Grèce. Elle a déclaré néanmoins que l’application «des réformes économiques acceptées» par Athènes reste «prépondérante».

3. La question du second plan d’aide à la Grèce

Le 21 juillet dernier, les dirigeants de la zone euro se sont mis d’accord sur un nouveau plan d’aide à la Grèce de 109 milliards d’euros, après celui de 110 milliards d’euros décidé en mai 2010.
Mais il n’est pas sûr qu’ils parviennent à le finaliser le 23 Octobre. Le problème ? Le FMI qui veut proposer un nouveau programme d’austérité pluriannuel. Le FMI devrait le faire connaître fin Novembre, pas avant.
C’est dans le cadre de ce second plan d’aide qu’il a été demandé aux banques d’accepter volontairement une décote de 21% de leurs créances grecques et qu’il devrait leur être désormais demander une plus grande participation avec des décotes de 50 ou 60%.
En dehors des phrases assassines sur les Etats qui « n’étaient pas prêts à rentrer dans la zone euro », Nicolas Sarkozy a affirmé que « sur la Grèce les choses progressent »
Jeudi matin, les conclusions du Sommet de la Zone euro indiquaient qu’un plan d’ajustement UE-FMI serait prêt pour la fin de l’année et que le programme pour la Grèce serait de 100 milliards d’euros maximum (dont les aides à la recapitalisation des banques grecques) et non plus de 109 milliards.

4. La question de la décote des obligations grecques détenues par les banques privées

En Juillet, une réduction de 21% de décote des obligations de la dette grecque détenues par les banques avait été fixée. Ce chiffre pourrait être porté à 50 voire 60%.
L’idée est de ramener la dette grecque à 120% et si possible des 110% de son PIB.
Aujourd’hui elle est à 165% de son PIB et elle pourrait atteindre un pic de 186% en 2012. (Rappel: Elle était en 2009 de 127 % du PIB, elle est passée en 2010 à 143 % et en 2011 à 165 % du PIB.).
Mais les gouvernants de la zone euro sont très divisés sur le sujet ainsi que sur le caractère volontaire ou non de la participation des banques.
La France, la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) seraient opposées à une forte décote de la dette grecque. Elles craignent que cela n’affaiblissent les banques européennes et n’entament la confiance dans la solvabilité d’autres pays européens.
L’Allemagne y est elle très favorable car elle ne veut pas augmenter sa participation au second plan d’aide pour la Grèce. Or, selon un document confidentiel rédigé par la troïka, seule une décote de 60 % permet de laisser inchangée la contribution publique telle qu’elle est prévue par le plan du mois de juillet (109 milliards d’euros, apportés par l’Europe et le FMI).
En Grèce aussi c’est l’inquiétude, car les banques du pays seraient, avec les risques que cela fait craindre pour les crédits des ménages et des entreprises.
Mais la question avait déjà été envisagée dans la déclaration du Sommet européen du 21 Juillet dernier: « Le secteur financier a indiqué qu’il était prêt à soutenir la Grèce sur une base volontaire en recourant à différentes possibilités permettant de renforcer encore la viabilité globale. La contribution nette du secteur privé est estimée à 37 milliards d’euros. Un rehaussement de crédit sera fourni pour étayer la qualité de la garantie, afin d’en permettre l’utilisation continue pour que les banques grecques puissent accéder aux opérations de liquidités de l’Eurosystème. Nous fournirons des ressources appropriées pour recapitaliser les banques grecques si nécessaire« 

Vendredi soir, l’Eurogroupe s’est mis d’accord sur une décote « substantielle ». Cette décote serait de 50 à 55%. La recapitalisation des banques en contrepartie de cet effort fait que les banques seraient prêtes à accepter (selon Les Echos). On ne sait toujours pas si cet effort de la part des banques sera volontaire ou imposé. Des sources ont laissé entendre qu’il serait volontaire (selon Les Echos).
Dimanche soir, Angela Merkel indiquait« Les négociations avec les banques viennent à peine de commencer » et Nicolas Sarkozy appelait chacun à  » prendre ses responsabilités pour éviter la catastrophe ».
Les Européens marchent sur des œufs. L’enjeu est d’éviter que l’ISDA (Association Internationale des Swaps et Dérivés), association des professionnels du secteur financier basée à Londres, décrète que cette restructuration est assimilable à un « événement de crédit » (défaut de paiement). Cela déclencherait automatiquement le paiement des CDS, ces polices d’assurance souscrites pour se protéger en cas de défaut de paiement
Mercredi soir, les banques refusaient toujours de dépasser la barre des 40 % de décote des créances grecques.
Dans la nuit de mercredi à jeudi
une réunion a eu lieu entre Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Christine Lagarde, Herman Van Rompuy, et le représentant des banques, le directeur de l’Institut de la finance internationale (IIF), Charles Dallara, ainsi que le négociateur européen, Vittorio Grilli, directeur du Trésor italien.
Charles Dallara avait peu avant publié un communiqué faisant état d’un blocage complet. »Il n’y a pas d’accord sur quelque accord grec que ce soit ni sur une décote particulière« , avait-t-il indiqué.
Mercredi dans la nuit, les dirigeants européens se sont mis d’accord avec les banques sur une décote de 50%. «Les banques ont donc consenti un effort volontaire de 100 milliards d’euros», a souligné dans sa conférence de presse Nicolas Sarkozy. Mais les banques n’ont pas encore accepté…
L’objectif que s’est fixé le Sommet de la Zone Euro c’est d’arriver à une réduction de la dette grecque à 120% en 2020.
Sur les créances grecques restantes (110 milliards), les banques bénéficieront d’une garantie apportée par les Etats de l’UE à hauteur de 30 milliards d’euros.
Le Sommet de la Zone euro a tenu a rassurer le secteur bancaire: cette mesure ne sera prise que pour la Grèce qui appelle « une solution exceptionnelle et unique »

5. La question de la recapitalisation des banques

Il semble y avoir accord sur le sujet.
Pour rappel : le 21 Juillet 2011, on envisageait surtout la recapitalisation des banques grecques. (« Nous fournirons des ressources appropriées pour recapitaliser les banques grecques si nécessaire »)
Depuis, suite à la proposition du FMI début Septembre, ce sont des banques de tous les Etats membres de l’UE qui sont concernées.
Il fallait néanmoins s’accorder sur le montant : des chiffres de 80 à 100 milliards d’euros sont avancés, moins que ce que proposait le FMI (200 milliards).
Il fallait aussi définir des modalités: Quelles banques? Selon quel calendrier? Par quels moyens? Par le FESF ?
Plusieurs questions se posent: si les Etats recapitalisent les banques, ils creusent leur déficit. Pour quoi le faire pour les banques et pas pour les populations ? Vat-on exiger de nouveaux plans d’austérité des Etats suite à leur participation à la recapitalisation des banques ?
Samedi, les ministres de l’économie et des finances européens se seraient mis d’accord sur une recapitalisation pour un montant de 107 à 108 milliards d’euros pour que les banques atteignent un ratio de fonds propres de l’ordre de 9% (le FMI demandait 10%). Ce niveau de fonds propres pourrait être exigé dès juin 2012 (et non pas fin 2013 comme l’avait indiqué Madame Pécresse le 17 Octobre).
Dimanche soir Angela Merkel a expliqué la hiérarchie qui prévaudra pour ces recapitalisations:

-d’abord les banques doivent essayer de se recapitaliser elles-mêmes
-si elles n’y parviennent pas ce sont les Etats qui recapitalisent
-s’ils ne peuvent pas, c’est le FESF, en dernière option, qui recapitalise

Nicolas Sarkozy a confirmé et indiqué qu’il fallait arriver à un ratio de 9% en 2012
Ils se mettaient aussi d’accord pour fixer au 30 Juin 2012 la date à laquelle les banques devaient arriver à 9% de ratio.
Le mécanisme présenté par Madame Merkel dimanche soir (voir ci-dessus) à a été confirmé.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, la Banque de France a également divulgué les besoins de recapitalisation pour les établissements français, exposés à la crise grecque:
• 3,4 milliards d’euros pour BPCE (Banque Populaire/Caisse d’Epargne
• 3,3 milliards pour la Société Générale
• 2,1 milliards pour BNP Paribas
• Rien pour le Crédit agricole

Ce qu’en avait dit Valérie Pécresse sur RMC le 17 Octobre : « les banques françaises vont être recapitalisées, alors qu’elles sont solides. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans un climat d’une extrême nervosité. Et dans ce climat de manque de confiance, nous devons renforcer toutes les banques. Donc nous allons vers une solution collective européenne. Vraisemblablement, nous demanderons à toutes les banques européennes d’avoir 9% de ratio de capitaux propres d’ici la fin 2013. Ça veut dire renforcer leurs capitaux propres pour être plus solides face à leurs risques. Pour les banques françaises, nous souhaitons qu’elles aient d’abord recours à de l’argent privé – moins de bonus, moins de dividendes, investisseurs privée. Et ce n’est qu’en dernier ressort que l’Etat, si certaines banques ont vraiment des difficultés, sera là ».

6. La question de la mise en place d’un gouvernement économique de la zone euro

Proposé par le couple Sarkozy-Merkel en Août dernier, le projet est encore flou.
Il pourrait s’agir d’un renforcement de l’Eurogroupe (réunion informelle des ministres de l’économie et des finances de la zone euro) avec une présidence à plein temps. C’est Herman Van Rompuy qui est pressenti pour jouer ce rôle.
Ce rôle pourrait aussi être attribué à un commissaire européen. C’est en tous cas la proposition du gouvernement des Pays-Bas. Une « idée intéressante » selon Nicolas Sarkozy. Reste à décider s’il faut créer un nouveau poste de commissaire ou donner cette mission à un commissaire déjà nommé.
Mais problème : ce rôle n’est pas prévu par les traités. Selon les Pays-Bas pourrait être mis sur pied par le biais d’un mécanisme de coopération renforcée entre les Etats membres de la zone euro. Selon le Traité de Lisbonne, si 9 Etats membres au moins sont d’accord pour avancer plus vite dans certaines politiques conformes aux objectifs de l’UE, ils peuvent s’accorder pour le faire ensemble. Il leur faut néanmoins l’approbation du Parlement européen (majorité) et du Conseil (unanimité).
Difficile néanmoins : le protocole 14 au Traité de Lisbonne prévoit explicitement que le président de l’Eurogroupe soit élu parmi ses membres pour deux ans et demi.
Quant à créer un nouveau poste de commissaire, c’est impossible car selon le Traité de Lisbonne, jusqu’en 2014, il y a un commissaire par Etat membre. Par ailleurs donner ce rôle à un commissaire serait renforcer une fois de plus le rôle de la Commission européenne.

Dimanche soir, Angela Merkel a commencé son intervention en expliquant  » On ne peut exclure des modifications des traités pour avoir des politiques budgétaires plus strictes »

Dans son communiqué, Herman Von Rompuy prenait lui aussi « acte de la volonté des dirigeants de la zone euro de réfléchir à la façon d’aller plus loin dans leurs convergences économiques dans la zone euro, d’améliorer leur discipline budgétaire et d’approfondir leur union économique y compris en examinant la possibilité de modifications limitées au Traité. Le Conseil rappelle que toute modification du Traité doit être décidée par les 27. »(traduit librement de l’anglais)

Il retranscrit en fait les conclusions du Conseil européen (elles aussi en anglais). Celles-ci indiquent par ailleurs qu’un président du Sommet de la Zone Euro sera désigné par les 17 chefs d’Etat de la zone euro en même temps que sera élu le président du Conseil européen par les 27 chefs d’Etats membres de l’UE. En attendant le renouvellement de mandat (en Janvier), c’est l’actuel président du Conseil européen, Monsieur van Rompuy, qui présidera les Sommets de la Zone Euro.
Les conclusions du Sommet de la Zone euro de mercredi 26 Octobre indiquent qu’il y aura « au moins deux Sommets de la zone euro par an », que le président de la zone euro rencontrera une fois par mois le président de la Commission te le président de l’Eurogroupe.
La présidence de l’Eurogroupe pourrait devenir un poste permanent lors de la prochaine élection du président (Janvier 2012).
Le Commissaire européen en charge des questions économiques et monétaires se voit promu vice-président de la Commission en charge de l’Euro portant ainsi à quatre le nombre de personnes en charge du dossier au sein de l’UE (le président de l’Eurogroupe, le président du Sommet de la zone euro, le président de la BCE et le vice-président de la Commission en charge de l’euro).

Suite au vote de la Slovaquie du 11 Octobre qui avait fait craindre que les modifications du FESF décidées en Juillet ne soient finalement pas appliquées plusieurs voix se sont fait entendre qui allait dans le sens d’un gouvernement économique de la zone euro.
Il y a ceux qui veulent modifier le Traité de Lisbonne comme Papandréou :
« les difficultés sur la prise de décision et l’application en zone euro étaient dues aux sérieuses faiblesses des institutions européennes, c’est pourquoi il faut procéder à de grands changements du traité de l’Union européenne« .
Alain Juppé s’est pour sa part contenter de déclarer qu’il y a un « gros travail à faire pour améliorer la prise de décision et l’accélérer surtout » au sein de l’Union européenne. « Car c’est cela notre problème aujourd’hui, cela prend trop de temps alors que les marchés décident minute par minute« 
José Manuel Durao Barroso a demandé l’abandon de la règle de l’unanimité au sein de la zone euro: « n’est-il pas étrange que lorsque le FMI prend des décisions, il le fasse à la majorité qualifiée, alors que dans la zone euro les Etats membres qui partagent une monnaie commune sont liés par la règle de l’unanimité? »
Gérard Longuet a lui déclaré, après avoir fustigé la fiscalité grecque et laissé entendre que la Grèce n’aurait jamais du entrer dans l’euro, qu’il fallait « une autorité capable de dire aux Etats: vous faites partie d’un club, ce club s’appelle l’euro et la règle y est qu’on de dépense pas plus que ce qu’on gagne« .
François Hollande:« Ce n’est pas possible de laisser tout un continent sans gouvernement », a estimé M. Hollande, pour qui « l‘Europe doit constituer un gouvernement économique qui doit être fort, avec des pouvoirs et des instruments financiers qu’il doit être capable de mobiliser, ou alors ce sera la dislocation, et ce sera très grave pour chacun de nos pays ».

 

Enfin un référendum en Grèce
Communiqué – 1er novembre 2011

L‘Elysée est consterné quand le peuple est consulté. Au contraire, je me réjouis que douze grèves générales aient contraint M.Papandréou à convoquer un référendum réclamé par le peuple.

Je forme le vœu que les Grecs disent non au plan européen de dix ans d’austérité qui plomberaient leur avenir. Ils imposeront ainsi aux dirigeants européens l’obligation de sauver le peuple autant que la monnaie.

 

Le coup de tonnerre Grec
Note de blog Europe – 2 novembre 2011

C’est le coup de tonnerre. Le référendum grec, qui n’aura peut-être pas lieu tant il énerve les tout-puissants, renverse la table de l’Europe que dirige Madame Merkel. Tous ont leur mine des soirs de deuil. Pensez ! « Comment pouvez-vous parler d’une bonne nouvelle », s’angoisse le journaliste pétaradant d’Europe 1, fendu d’un indécent sourire de jubilation à l’idée de tenir entre ses mains un fou qui ne comprend pas « la seule politique possible ». Il est temps de rappeler que la démocratie n’est pas le problème mais la solution pour nous. Mais pour ces gens, si prompts à donner des leçons de démocratie à la terre entière, le reste du temps, en Europe, non, il n’y a qu’une solution possible, de gré ou de force ! Et les voilà en train de pontifier à longueur d’antenne sans même se rendre compte des énormités qu’ils profèrent contre la démocratie, la souveraineté populaire et même la dignité nationale.

Quand Papandréou propose un référendum, ils ne se demandent pas pourquoi ce type qui a tout cédé prend cette décision. Ils n’ont rien vu, rien entendu, rien compris à douze grèves générales et des milliers d’heures de manifestation. Ils ne savent pas que la revendication de référendum est là, depuis le début, dans le mouvement populaire. Sourds, aveugles ! Et aussi néo-colonialistes. Quand madame Merkel dit qu’il faut surveiller de plus près, et « chaque jour » les grecs, ils ne tiquent pas. Une telle dérive du bon sens démocratique le plus élémentaire est plus inquiétante que toutes les menaces sur l’Euro.

Le vocabulaire ordinaire des maîtres siffle comme un fouet. « La démocratie passe encore, concède en substance Nicolas Sarkozy sur le perron de l’Elysée, mais les grecs doivent payer. » On a compris. On tremble de colère. Quels grecs doivent payer ? Quand a–t-on parlé d’enquête en Suisse pour rattraper les fraudeurs du fisc grec ? Quand a-t-on parlé de faire payer l’église grecque qui ne paie pas un centime d’impôt ? Qui a pu faire croire aux puissants qu’un peuple tout entier peut s’accommoder de l’idée de dix ans d’austérité supplémentaire ? Et surtout pour arriver au point, si tout fonctionne comme prévu, où il se trouvait en début de crise ? Comment espèrent-t-ils que cette aberration puisse passer sans casse ? Voilà le problème. Les dirigeants actuels de l’Europe ne vivent plus dans le monde réel. Ils croient que leurs raisons sont la raison. Cette logique est totalitaire. Elle finira mal, très mal.

 

Les dirigeants européens contre le peuple
Communiqué – 3 novembre 2011

En annonçant qu’il est prêt à retirer sa proposition de référendum, Georges Papandréou trahit une nouvelle fois les promesses faites aux grecs.

Le Premier Ministre grec n’avait pas résisté deux heures devant les banques. Il n’aura pas résisté deux jours à Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, garants des intérêts des financiers.

En se dirigeant vers un gouvernement avec la droite, le président de l’Internationale Socialiste continue la logique mortifère des compromis pourris décidés contre le peuple.

Pourtant, face à la crise, la démocratie n’est pas le problème, elle est la solution. Place au peuple !

 

Analyse de la crise financière et nécessité d’une nouvelle répartition des richesses
Interview dans L’Humanité – 4 novembre 2011

Comment réagissez-vous à l’affirmation du couple Sarkozy-Merkel selon laquelle l’austérité est le seul moyen de sortir la Grèce et l’Europe de la crise financière ?

Jean-Luc Mélenchon. Je suis frappé par le contresens économique : une politique d’austérité généralisée conduit à une contraction de l’activité économique. Elle entraîne partout une diminution des recettes fiscales et une augmentation du chômage, donc une hausse des déficits des comptes sociaux et des comptes publics, donc le recours à l’emprunt, la dette et le service de la dette. C’est de l’argent gaspillé. C’est un constat de bon sens dont nous avons la démonstration sous les yeux avec la Grèce. L’activité économique y a reculé de cinq points et la dette a augmenté de 30 %. Cette politique ne marche pas, ni pour la Grèce ni pour aucun autre pays européen.

Pourquoi, dans ce cas, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel continuent-ils à appliquer une politique inefficace ?

Jean-Luc Mélenchon. Ils défendent un bien particulier : la rente. Le capital financier, sa profitabilité demeure leur préoccupation principale. C’est la raison pour laquelle la stabilité des prix est leur objectif. Ils sont cramponnés à la protection du coeur de ce système financier. Cette vision dominante en Europe a été institutionnalisée par le traité de Lisbonne et s’habille aujourd’hui d’un autoritarisme consternant. Les pays continuent d’accepter des transferts de souveraineté. C’est ainsi que s’applique, par exemple, le semestre européen, qui contrôle les budgets avant même qu’ils soient votés par les Assemblées nationales. Ou encore l’instauration de sanctions, d’amendes qui peuvent être de 1 à 2 points de la richesse produite pour les pays qui sortent des clous de l’endettement ou de leur déficit.

Le référendum obtenu par les Grecs est-il la bonne solution face à la situation de crise de ce pays et à celle de l’Europe tout entière ?

Jean-Luc Mélenchon. C’est déjà la solution qui permet à tout le monde de respirer. Je rappelle que l’économie est au service des humains, et non l’inverse. Nous ne sommes pas, nous, préoccupés par la monnaie mais par les êtres humains. La monnaie doit être à leur service, raison pour laquelle nous sommes partisans d’une monnaie unique en Europe comme un moyen d’avoir un étalon de mesures sociales équivalentes pour tous les peuples. L’Europe a été capable de mobiliser mille milliards d’euros pour garantir la stabilité du système bancaire. Imaginez les mêmes mille milliards d’euros mobilisés, il y a quatre ou cinq ans, pour les grands travaux en Europe. Avec cette somme, on n’aurait pas connu le début du commencement du problème de la Grèce ni d’aucun autre pays. Or, là, nous mourrons anémiés par une activité qui est sans cesse étouffée.

Comment réagissez-vous aux cris d’orfraie à l’annonce du référendum, alors que vous avez été le premier à vous en réjouir ?

Jean-Luc Mélenchon. Je suis consterné de voir que la démocratie pose problème. Un chef de gouvernement annonce qu’il va faire un référendum, et les marchés s’écroulent. La démocratie fait peur au marché ! Pour le Front de gauche, la démocratie n’est pas le problème mais la solution. Les États européens sont entrés dans une logique totalitaire : ceux qui n’appliquent pas les décisions sont punis, quand bien même n’en ont-ils jamais délibéré. Les raisons d’agir des dirigeants sont présentées comme la raison elle-même. Pour eux, il n’y a qu’une seule solution possible. N’est-ce pas un propos totalitaire ?

Pouvez-vous expliquer pourquoi vous estimez qu’en faisant jouer un rôle nouveau à la Banque centrale européenne (BCE), on sortirait l’Europe de la crise financière ?

Jean-Luc Mélenchon. L’urgence consiste d’abord à arrêter la pression du système financier sur les dettes souveraines. Sommes-nous d’accord pour dire qu’il y a une pression illégitime du système financier ? Ou estimons-nous que c’est la dette souveraine qui est insupportable et qu’il convient de contenir la dépense ? La BCE pourrait parer à l’urgence. Une solution immédiate consisterait à appliquer une batterie de mesures pour faire stopper les techniques de spéculation, dont, entre autres, l’interdiction des ventes à découvert. Surtout, la solution radicale est que BCE prête directement à l’État-nation concerné. Comme sa puissance de financement est illimitée – puisque c’est une banque centrale -, la spéculation s’arrêterait immédiatement. Cela ne servirait ainsi à rien de spéculer contre la Grèce car la BCE serait derrière.

Nicolas Sarkozy dit aux Français que, s’ils veulent garder leur modèle social, ils doivent accepter de nouvelles mesures « courageuses ». Entre 6 et 8 milliards d’économies supplémentaires vont être présentées la semaine prochaine. Que répondez-vous à ceux qui estiment que le président tient un discours de vérité, de réalisme et de responsabilité ?

Jean-Luc Mélenchon. Je réponds que ce n’est pas responsable du tout. Comment peut-il affirmer qu’il veut protéger notre modèle social, alors qu’il est en train de le démanteler complètement ? Ne propose-t-il pas moins d’écoles, moins de fonctionnaires, moins d’hôpitaux ? D’ailleurs, moi je ne parle pas de modèle social, mais d’acquis sociaux. Ceux-ci sont le résultat de hautes luttes. Comment peut-il dire qu’avec une politique d’austérité, qui contracte l’activité, on diminuerait les déficits ? C’est tout le contraire, nous allons les augmenter. Sa politique nous mène droit dans le mur.

Vos propositions, telles que le smic à 1 700 euros ou l’échelle des salaires de 1 à 20 dans les entreprises, ne risquent-elles d’être jugées irréalistes face à la crise ?

Jean-Luc Mélenchon. Les mêmes qui détruisent tout passent leur temps à nous dire que nous sommes des irréalistes. Pour eux, il n’y a qu’une vérité possible : la leur. Notre orientation est sans ambiguïté. Nous voulons augmenter les revenus du travail. Quand on élève le salaire de quelqu’un qui vit au smic de 100 euros, il les dépense en consommation donc dans la production. C’est ainsi, immédiatement, du carburant pour l’activité et l’emploi. Contrairement à l’argent capté par les pôles financiers qui se disperse dans les bulles financières, nous, nous proposons de rallumer des moteurs de l’activité. Je suis parfois stupéfait de voir, y compris à gauche, de la surprise et même de l’inquiétude. Comme si la grande question n’était pas celle de la répartition de la richesse entre le capital et le travail. En quelques années, dix points sont passés des poches des salariés à celles du capital. Cela représente 195 milliards d’euros par an.

La dette publique n’alimente-t-elle pas le doute sur la possibilité de faire autrement ?

Jean-Luc Mélenchon. On doit soit contracter les dépenses soit augmenter les recettes pour pouvoir payer ces dettes. Le Front de gauche est partisan de la seconde solution. En ponctionnant davantage le capital on remplit les caisses de l’État. La dette du pays est de 1 600 milliards d’euros, soit moins que notre produit intérieur brut (PIB) d’une année, qui est de 1 940 milliards. Les titres de la dette sont en moyenne de sept ans et trente et un jours. Durant cette période, le PIB réalisera 14 000 milliards d’euros. Donc le total de la dette actuelle, étalé sur les sept ans et trente et un jours de sa durée de vie, ne représente que 12 % de nos richesses. Pour payer la dette, il faut prendre l’argent là où il existe. Les entreprises du CAC 40 paient moins d’impôts que des PME. Les banques vivent aux crochets de l’État, alors qu’elles accumulent des milliards de bénéfices. Autant d’argent susceptible de rembourser la dette. Plusieurs personnalités et organisations de gauche demandent un audit de la dette publique française pour évaluer si elle doit être intégralement remboursée. Le Front de gauche porte aussi cette proposition.

Où en êtes-vous dans votre proposition d’offre publique de débat avec l’ensemble de la gauche ?

Jean-Luc Mélenchon. Nous n’avons pas de réponse. Peut-être, parce que les socialistes, étant en tête dans les sondages, considèrent que l’on doit s’adapter à leur projet. Et nier le nôtre. Certains, comme les Verts, font passer par-dessus bord les convictions auxquelles ils tiennent comme la sortie immédiate du nucléaire… Le PS pense que si vous êtes derrière dans les sondages, vous vous taisez et vous signez un accord pour des circonscriptions électorales et des places dans les ministères. Or, nous, nous sommes sur une stratégie de sortie de crise avec une méthode qui est la relance économique. On ne renoncera pas à ce combat.

Selon vous, la droite est-elle définitivement battue ?

Jean-Luc Mélenchon. Je ne le crois pas et je mets en garde ceux qui le pensent. On a déjà vu dans d’autres pays des retours de bâton spectaculaires. Quatre millions d’Italiens avaient désigné le candidat socialiste. C’est pourtant Berlusconi qui a gagné. L’élection présidentielle est la plus volatile de toute l’histoire de la Ve République. Il y a huit mois, DSK, Borloo et Besancenot occupaient l’actualité. Ils ont aujourd’hui disparu. Il y a peu, on ne parlait pas de crise majeure au point où l’euro pouvait exploser, l’Union européenne se disloquer. Dans cette situation, vous pouvez avoir un pays qui se coupe en deux avec deux points de vue absolument opposés. La France est à la fois un vieux pays conservateur et un jeune pays novateur. Seulement compte la bataille des idées…

C’est avec cette conviction que vous pensez surmonter le piège du vote « utile » en faveur de François Hollande ?

Jean-Luc Mélenchon. La pédagogie collective est accélérée par le spectacle que les gens ont sous les yeux. Il y a huit mois, on pouvait peut-être dire que l’austérité pouvait être une solution. Aujourd’hui, faites la même chose et l’on vous demandera ce que ça donne en Grèce. Les gens, même les plus éloignés de l’économie et du débat politique, écoutent, réfléchissent, discutent…

Vous avez déclaré que vous ne participeriez pas, personnellement, à un gouvernement de gauche. Existe-t-il au sein du Front de gauche un débat sur l’éventuelle participation gouvernementale ?

Jean-Luc Mélenchon. Pour l’instant, je ne peux pas témoigner d’un tel débat. Cependant, je comprends que la question se pose. Nous sommes candidats pour gouverner. Mais si nous ne sommes pas majoritaires à gauche faut-il participer au gouvernement ? Pour cela, il faudrait déjà savoir quel est le programme socialiste. Le candidat PS lui-même explique aujourd’hui que tout ce qui est écrit dans ce programme ne peut s’appliquer.

Est-ce a priori un « non » à une participation gouvernementale ?

Jean-Luc Mélenchon. Je suis candidat d’un front constitué de partis. C’est eux, en toute souveraineté, qui prendront leur décision le moment venu. Mon rôle est de rassembler toute la mouvance de l’autre gauche, et ceux qui aiment assez leur pays pour vouloir un changement profond. Dans cet ensemble, il y a des gens qui disent en aucun cas il faut gouverner avec les socialistes, d’autres qu’il faudra être raisonnable et accepter d’y aller. Tout le monde doit se sentir à l’aise avec ma candidature. Ceux qui veulent qu’on y aille verront avec leurs partis, ceux qui ne veulent pas pourront voter pour moi car je n’irai pas dans un autre gouvernement que celui d’une majorité du Front de gauche.

Ce discours ne risque-t-il pas d’alimenter le vote utile ?

Jean-Luc Mélenchon. Il ne tient qu’à nous de faire la démonstration de la validité de nos choix. En quoi est-ce utile, pour une personne de gauche rejetant la politique de Sarkozy, de voter pour un projet qui conduirait à la même politique. Quelle est la différence entre la règle d’or et la règle d’or ? Entre l’équilibre des comptes publics et l’équilibre des comptes publics ? Bien sûr, il ne faut pas rejeter les électeurs socialistes. Dans ce sens, nous devons mener un débat public. D’autant que les gens n’écouteront que leur propre conscience. Le Front de gauche se bat pour devenir un front de peuple. On ne peut pas faire un front du peuple autrement qu’avec une politique qui corresponde à ses aspirations. Je ne sais pas faire le front du peuple avec la TVA sociale…

Vous avez lancé votre campagne à la Fête de l’Humanité. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Jean-Luc Mélenchon. Tout ce que nous avons entrepris depuis la Fête de l’Humanité montre la cohésion du Front de gauche. Le succès considérable de la vente de notre programme témoigne de l’écho de notre campagne. Il nous faut à présent mettre en place des « assemblées citoyennes », car il n’y aura pas de résultat du Front de gauche sans mobilisation populaire. Le niveau d’exigence s’est considérablement élevé. Il sera la clé des élections.

 

Consternante chute de deux Premiers ministres en Grèce et en Italie
Note de blog Europe – 10 novembre 2011

On ne les regrette pas. Mais leur chute se fait d’une façon qui est glaçante ! Les « marchés » sont ouvertement plus forts que toute structure et institution politique. Dans le cas de Berlusconi, l’éditorial du journal « Le Monde » leur en donne acte comme d’un exploit dont « la gauche n’a pas été capable ». Etrange satisfecit. Mais la leçon se lit vite : à quoi bon une opposition si les marchés suffisent ? A quoi bon la démocratie ? Vous verrez bientôt comment les tenants de la « seule politique possible » ne se contenteront plus d’accompagner les coups de force de la finance, ni même de les justifier. Ils les appelleront ! La dérive autoritaire de l’Europe, son habituel mépris pour les votes populaires va devenir une culture politique banalisée pour la cohorte des satisfaits de droite et de la gauche social centriste. La nomination du nouveau premier ministre grec fait gagner un pari à l’un de mes proches camarades. En effet il annonçait que le tour d’un ministre « technicien », « économiste reconnu » arriverait désormais très vite en Grèce. Comment le savait-il ? Simple. Cet épisode a déjà eu lieu dans tous les pays occupés par le FMI. C’est un classique. Comme vous le voyez rien de ce qui se passe ne comporte de surprise. La suite n’en comportera pas davantage. Seul le rythme des événements est imprévisible. Pas leur contenu. Amusons-nous de constater que si la Banque Centrale Européenne ne prête pas directement aux Etats de l’Union, elle leur prête gratuitement ses membres pour être gouverné. Les socialistes grecs gouvernent avec la droite et l’extrême-droite. Où sont les protestations des Hollande et compagnie ? L’ami de Zapatero n’a pas de raison de protester. Il est d’accord. Son silence indique qu’il ferait sans doute de même le cas échéant. Ses amis du Parti Socialiste Européen ne lui laisseraient pas davantage de choix qu’ils ne l’ont fait avec Papandréou à qui ils ont fait remballer son référendum et quitter le pouvoir.

Je reviens encore un instant à la Grèce. Pour montrer une des absurdités auxquelles conduisent les montages et usines à gaz inventés pour protéger avant toute chose le cœur du système financier. Depuis des mois, le gouvernement privatise à tour de bras et à vil prix. Le dernier sommet de la zone euro a demandé au gouvernement grec de trouver encore 15 milliards d’euros et de mener fermement le plan de privatisations. Pour mémoire, en juin dernier, le gouvernement grec s’était engagé à vendre ses participations dans la Banque postale fin 2011 et dans la Banque agricole en 2012. Changement de consigne. Si tout doit être privatisé, ce ne sera pas le cas des banques. A l’inverse, le gouvernement grec est mis dans l’obligation de nationaliser les banques qui ne le sont pas ! Papandréou l’avait annoncé au lendemain du sommet : « Il est très probable qu’une partie importante des actions des banques passera sous le contrôle de l’Etat« . Car les banques grecques sont les plus « exposées » à la dette grecque. C’est normal. Elles détiennent 44 milliards d’euros d’obligations de l’Etat. Avec la décote de 50% sur la dette du pays, l’autorité bancaire européenne estime qu’elles auront besoin de 30 milliards d’euros pour se recapitaliser. Donc le gouvernement va les nationaliser pour éponger lui-même la somme manquante. Mais il n’a pas cette somme, bien sûr. Il l’empruntera. Vous avez bien compris, le gouvernement grec privatise pour payer sa dette aux banques. Mais pour sauver ses banques il les nationalise. Donc en annulant une partie de sa dette, le gouvernement grec va augmenter sa dette ! L’absurde stupidité de ce système ne s’arrête pas là. La logique du libéralisme est implacable : privatiser les profits et socialiser les pertes. Georges Papandréou ne s’en est pas caché : « Après une restructuration, nous les remettrons sur le marché, comme d’autres pays l’ont fait. C’est une procédure normale et il n’y a aucune raison d’en avoir peur. » Encore une fois, l’Etat va payer pour les erreurs du privé puis rendre au privé pour qu’il puisse recommencer à se gaver. Jusqu’à la prochaine crise. C’est très bientôt.

 

Pourquoi étendre aux autres ce qui a lamentablement échoué en Grèce ?
Tribune dans Libération – 20 février 2012

Sommes-nous condamnés au Sarkozysme à perpétuité, même si nous chassons Nicolas Sarkozy de l’Élysée ? Sommes-nous condamnés à l’austérité même si nous votons contre ? C’est ce qui se joue ces jours-ci. Deux traités européens, embrouillés à souhait, vont arriver en catimini devant le Parlement. Dès le 21 février à l’Assemblée nationale et le 28 février au Sénat, les élus sont appelés à se prononcer sur un premier traité : le « Mécanisme européen de Stabilité ». Ce « mécanisme » étend à tous les États qui auraient besoin d’aide la méthode d’assistance cruelle qui a été imposée à la Grèce ! Les citoyens n’ont reçu aucune information sur ce texte de 48 articles et 62 pages. Pourtant, c’est non seulement un modèle économique asphyxiant qu’il s’agit d’imposer à tous mais une répudiation de la démocratie qui commence. Le sort de la Grèce qui en est le laboratoire nous enjoint un devoir absolu de résistance. Pour l’amour de l’Europe, il faut rejeter les Traités Merkozy qui veulent la soumettre aux seuls intérêts cupides des banquiers.

Dans le mécanisme européen de stabilité, la France s’engage à injecter « de manière irrévocable et inconditionnelle » une contribution immédiate de 16,3 milliards. Le traité dit que la France devra donner jusqu’à 142,7 milliards en cas de besoin. Une telle somme représenterait prés de la moitié du budget de l’État. Cette hypothèse n’a rien de théorique : il suffirait que le Mécanisme ait à secourir l’Espagne et l’Italie pour que ses capacités maximales de prêts soient atteintes.

Le mécanisme d’assistance consiste à imposer aux États en difficultés « une stricte conditionnalité (…) sous la forme notamment de programmes d’ajustement macro-économiques ». Ces termes, déjà employés pour saigner la Grèce, indiquent que toute aide financière sera assortie de plans de rigueur impératifs. Je conjure ceux qui envisagent de voter pour l’application de tels plans de bien examiner leur résultat en Grèce depuis deux ans et demi. Après 8 plans d’austérité successifs imposés en vertu de la méthode qu’il est proposé de généraliser, la dette grecque a grimpé de 25 %. L’activité s’est violemment contractée et le chômage a doublé pour atteindre plus de 20 % des actifs. La démonstration concrète est donc faite que l’austérité, en comprimant la demande, fait reculer l’activité. Cela réduit les rentrées fiscales et creuse plus vite encore les déficits. Pourquoi vouloir étendre à d’autres États ce qui a si lamentablement échoué en Grèce ?

Les États concernés seront placés sous la tutelle de la cruelle troïka Commission européenne /Banque centrale européenne / FMI. Oui, le FMI basé a Washington ! Il trône dorénavant en « coopération très étroite » à toutes les étapes du Mécanisme. On lui demande une « participation active », aussi bien pour évaluer l’attribution des aides que pour infliger des plans de rigueur et contrôler leur application. Les procédures prévues pour l’intervention de cette odieuse troïka sont aussi opaques qu’autoritaires. De plus, en contradiction avec toutes les règles de fonctionnement de l’Union européenne, le Traité donne à deux États seulement, l’Allemagne et la France un droit de véto pour l’octroi des aides. Ce traité entérine donc un directoire autoritaire de la zone euro. Il impose aussi le secret sur les mécanismes de décision et le fonctionnement du Mécanisme. La France s’expose donc financièrement jusqu’à 142,7 milliards d’euros dans un fonds auquel aucun compte ne pourra être demandé par son gouvernement ou son Parlement. Quel parlementaire est prêt à ce renoncement ?

Le cocktail « austéritaire » de ce Mécanisme est enfin renforcé par une clause qui lie étroitement son application au deuxième traité européen en cours d’adoption : l’imprononçable « Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance dans l’Union économique et monétaire ». C’est dans ce deuxième traité que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel prévoient d’imposer la « règle d’or » de l’interdiction des déficits et des sanctions automatiques contre les Etats contrevenants. C’est ce second traité que François Hollande dit vouloir renégocier. Mais il se trompe lourdement quand il indique que « les deux textes sont déconnectés l’un de l’autre ». Car ils sont au contraire étroitement liés. Le traité sur le Mécanisme européen de stabilité indique qu’«il est convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du Mécanisme Européen de Stabilité sera conditionné […] par la ratification du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance». Ceux qui voteront pour le Mécanisme européen de Stabilité enchaineront notre pays au traité suivant. Dès lors, qui prétend vouloir renégocier demain ce second traité, doit commencer par s’y opposer aujourd’hui et donc par rejeter son préalable, « le Mécanisme européen de stabilité ».

Avec le Front de Gauche, je lance un appel solennel à tous les parlementaires : n’acceptez pas ce coup de force contre notre démocratie ! A gauche surtout ! Car aucune politique de gauche n’est possible dans le cadre de ces traités. Les parlementaires socialistes, écologistes, radicaux et chevènementistes doivent donc voter avec ceux du Front de Gauche contre ces textes. Puisque la France est engagée par la signature du Président sortant, alors une voix plus forte et sans appel doit s’exprimer sur le sujet. Celle du peuple ! Il nous faut un Référendum sur les nouveaux traités. Allez, monsieur Sarkozy, voilà un référendum qui ne vous déshonorerait pas comme le feraient ceux que vous proposez contre les chômeurs et les immigrés !

 

Grèce : l’insurrection civique a commencé en Europe
Communiqué – 7 mai 2012

Le peuple grec vient de mettre en minorité les politiques d’austérité imposées par l’Union européenne. Et il a clairement choisi la gauche pour affronter la finance et l’austérité.

Cette résistance populaire s’est exprimée massivement grâce aux votes pour les partis de l’autre gauche grecque, qui dépassent les 30 %. Je salue tout particulièrement le résultat de la coalition Syriza, partenaire du Front de Gauche français depuis plusieurs années. En devenant la première force politique de gauche, elle remet à l’ordre du jour en Europe l’invention de la gauche d’après la social-démocratie et le libéralisme.

Je m’insurge contre le mensonge qui consiste à mettre cette percée de la gauche sur le même plan que le score minable des néo-nazis (6,9 %). Cette fascination morbide et nauséabonde pour l’extrême droite fait écho en France à la place médiatique honteusement disproportionnée qui a été donnée à Marine Le Pen entre les deux tours de l’élection présidentielle française.

 

Grèce : la résistance populaire mise massivement sur Syriza
Note de blog Europe – 16 mai 2012

Le vote des grecs intervenait dimanche lui aussi. Le résultat a placé en tête de la gauche l’organisation sœur du Front de Gauche en Grèce. Syriza est passé de 4,5% des suffrages en 2009 à 18% cette fois-ci. Mais les néo-nazis ont recueilli 6,5% des voix. La presse libre indépendante et éthique tire donc la leçon essentielle de cette situation : c’est une percée de l’extrême droite ! La même machine à nier la réalité qui a fait en France les beaux jours de madame Le Pen s’est mise en mouvement. Pourquoi ? Parce que ces journalistes-là aiment par-dessus tout ce qui fait sensation. Et comme leur éthique et préférence personnelle, dont on devine les racines, les tournent plutôt de ce côté de l’échiquier, ils joignent l’utile à l’agréable. Il est frappant de voir comment ceux qui se sont livrés à toutes les provocations contre le Front de Gauche sont les premiers à courir devant pour faire des arpèges sur la « percée des nazis grecs ». La palme au journal « Le Parisien » qui fit une campagne assidue contre le Front de Gauche en général et contre moi en particulier. Il est vrai qu’il a, de longue main, ses tendresses pour l’extrême-droite des comptoirs de bistrot. Il titre donc dans un souffle « l’extrême-gauche et les néonazis font une percée en Grèce ». La même ? Comme ils aimeraient que ce soit le cas ! Il mentionne à la treizième ligne le score de Syriza. Mais ce sera la seule référence à son succès. Tout le reste est consacré à faire des phrases sur « les néonazis », avec photo en gros plan de l’énergumène qui les dirige. Elle n’est pas belle l’information populaire ? Parler pour ne rien dire de vrai et faire lire pour ne rien apprendre.

L’essentiel est dans la conjonction des faits. En France la majorité se tourne vers la gauche pour régler les problèmes qui résultent de la politique européenne des libéraux. Mais c’est le PS qui est préféré. Nous assurons la défaite de la droite sans contrepartie. Nous n’entrons pas au gouvernement. Exactement ce qu’a fait avant nous Syriza face à la droite et sous le pouvoir socialiste soumis aux plans d’austérité européen. Contre vents et marées. Et même au prix d’une scission du parti. Une minorité préféra en effet une ligne plus accommodante avec le Pasok, le parti socialiste grec. Cette aile vient de recueillir 6% des suffrages. Un gachis ! Il n’en reste pas moins que nous avons battu le parti socialiste grec de Papandréou. Et nous sommes à une portée de cailloux derrière la droite. La droite n’a pas de partenaire pour former une majorité. Placé en tête de la gauche, Syriza a proposé à toutes les autres formations de gauche de constituer un gouvernement ensemble. Exactement ce que nous aurions fait si nous avions été placés dans la même position. Pour passer de Papandréou à Syriza il aura fallu trois ans et de la fermeté politique. Cette trajectoire me paraît annonciatrice pour bien des régions d’Europe.

 

Une très nouvelle page d’histoire
Extrait de la note « Entracte au clavier » – 11 mai 2012

« Une très nouvelle page d’histoire. C’est l’événement. Il égale en importance avec le résultat de l’élection présidentielle en France. À certains égards, il l’est même davantage. Car, en Grèce comme en France, la politique d’austérité a été désavouée. Mais en Grèce les urnes ont placé notre parti en seconde position du résultat électoral, avec 16,80% des voix, surclassant nettement le Pasok socialiste. L’un des nôtres, Alexis Tsipras, trente-huit ans, est chargé de former le gouvernement. Prenons-nous la mesure de l’événement ? Aux élections précédentes, nos camarades ne recueillaient que 4,6% des suffrages. Trois ans plus tard, ils sont appelés à diriger le pays. Le processus politique sud-américain, dont j’ai si souvent annoncé la réplique en Europe, vient de franchir une nouvelle étape décisive. Après la phase des supplices monétaristes sans fin, voici le commencement de la phase de rejet radical. Le vieux système politique bipartisan s’est effondré et l’alternance ne peut se produire sans alternative.

L’histoire dans cette période n’est pas linéaire, elle ne suit pas les chemins habituels, elle marche par sauts et embardées. À cela on m’objecte que nos amis n’arriveront pas à former un gouvernement. Et alors ? Quelqu’un veut revenir au Pasok ou à la droite ? Non ! C’est nous qui avons la main. Les urnes nous donnerons plus généreusement les moyens dont nous avons besoin. Évidemment, le danger est bien compris par les importants et les belles personnes. Ceux-là s’arc-boutent pour sauver ce qui peut l’être. La piqûre de ciment dans l’édifice en cours d’écroulement est dorénavant partout la même. La peur du diable d’extrême droite ! On ne cesse donc d’en parler pour canaliser et rendre impuissant le mouvement de rejet si fortement engagé. Demain ils imploreront les colonels pour « sauver la démocratie » menacée par « les néonazis et l’extrême gauche » comme titrent déjà dans un même sac certains organes de la bien-pensance française. Assemblez les deux tableaux politiques, le français et le grec, et vous verrez commencer une très nouvelle page d’histoire. Le tour de notre programme approche en France comme en Europe. Je fais le pari que les législatives qui viennent peuvent raccourcir notre chemin. »

 

Meeting avec Alexis Tsipras à Paris
21 mai 2012 – Vidéo

Lundi 21 mai 2012, un meeting était organisé par le Front de Gauche devant l’Assemblée Nationale à Paris afin de saluer la venue en France d’Alexis Tsipras le dirigeant de la coalition Syriza en Grèce. Voici en vidéo les déclarations d’Alexis Tsipras et de Jean-Luc Mélenchon.

Voir la vidéo

« La Grèce n’est pas un protectorat de la zone euro »
Extrait de la note « Je marche, camarade ! » – 23 mai 2012

Autre rendez-vous extraordinaire lundi à Paris ! A l’initiative du Parti de la Gauche Européenne et de son président Pierre Laurent, nous recevions Alexis Tsipras. Je ne le présente pas. Bon, si. Il le faut bien, pour respecter les conventions d’écriture. Celles-ci imposent qu’on définisse et situe tout ce dont on parle par respect pour le lecteur. Alors faisons juste quelques mots. Alexis Tsipras est le premier de cordée de la coalition Syriza. Syriza peut être comparée au Front de Gauche. A ceci près, entre autre chose, qu’un parti communiste sur deux que compte le pays n’en est pas membre et qu’une scission a eu lieu qui en a vu partir un groupe qui penchait pour un accord avec le Pasok. Le Pasok est le parti socialiste grec. Personne ne parle du Pasok en Grèce comme d’un parti de gauche. Ni même lui. Même si son chef est bien le président en exercice de l’internationale socialiste. Ce parti-là est plutôt tribal et propriété personnelle de quelques familles où l’on se succède de père en fils. C’est le cas de Georges Papandréou, fils de Andréas Papandréou et petit-fils de Georges Papandréou, trois générations de Papandréou ayant été Premiers ministres de leur pays. Sexy, n’est-ce pas ? En Grèce, la gauche c’est Syriza. Hors des frontières grecques Syriza devient « d’extrême-gauche », de « gauche radicale » et même « d’ultra gauche » selon le degré de malveillance ou d’ignorance du commentateur. La coalition Syriza recueillait 4,6% des voix en 2009. Aux dernières élections elle a recueilli 18% des suffrages. Aux prochaines en juin prochain elle est créditée de 28% des intentions de vote. Donc elle est annoncée comme la première force politique en Grèce. Alexis devrait donc gouverner son pays dans un mois. Cette nouvelle est un cauchemar pour les gouvernements autoritaires. Toute l’Europe du fric est tétanisée. Mais que va faire cet homme qui refuse absolument le mémorandum ? Croit-il réellement ce qu’il dit ?

Dans cette ambiance, selon les jours, on le compare à moi pour mieux le stigmatiser et le rabattre plus bas que terre en qualité de dangereux irresponsable. A d’autres moments c’est l’inverse. L’espoir de garder son argent est le plus fort. Comment ce monsieur Tsipras pourrait-il croire à ce qu’il dit ? Il est assez intelligent pour savoir qu’une seule politique est possible et qu’il n’y a pas d’alternative ! Ces jours-là, les bons esprits disent qu’on l’a « abusivement comparé » à moi. Par exemple, on a rappelé dans la presse française que Tsipras, lui, est calme avec les médias, au contraire de moi. C’est admirable en effet. Cela veut dire qu’on peut parler avec lui et qu’il est raisonnable. C’est-à-dire domesticable comme tous les autres « partis de gouvernement ». Je crains pourtant que les commentateurs soient bientôt contraints de traîner dans la boue cet Alexis Tsipras, comme un vulgaire Chavez, ou Evo Morales. Il va falloir le comparer à un singe et même à moi ce qui est assez équivalent, il faut bien l’admettre.

Tsipras a dit des choses d’une formidable simplicité devant un mur de caméras et d’appareils-photos car tous les médias du pays se sont intéressés à lui. Parmi tout ce qu’il a expliqué j’ai retenu cette phrase formidable : « Il n’y a pas des propriétaires et des locataires de l’Europe. » Et aussi : « Madame Merkel n’a pas le pouvoir de nous dire comment nous devons voter ni de quelle manière. » Et encore : « Nous ne sommes pas un protectorat de la zone euro. » Je suppose que vous avez entendu ou lu tout cela compte tenu du nombre de médias qui étaient là. Pendant qu’il parlait, je calais mes phrases pour bien doser mon propos. Car, en fait, j’étais assez ulcéré par la situation. Ce type si jeune qui se débat pour tirer son pays de l’impasse, comment est-il reçu par la gauche française ? Je ne parle pas de nous, le Front de Gauche. Vous savez ce qu’il en est. Je parle du gouvernement et des partis qui le soutiennent, le PS et les Verts, les radicaux de gauche et le MDC ? Rien au gouvernement ! Aucun contact, ni officiel ni officieux. Rien. Idem au Parti Socialiste. Aucun contact. Le PS, c’est l’ami de Papandréou et du Pasok. Il ne parle donc pas à la concurrence. Misérable ! Cela me rappelle tellement ce qui s’est passé en Amérique latine. Quand le PS soutenait les voyous assassins et corrompus comme le péruvien Alan Garcia ou les escrocs de l’alliance démocratique du Venezuela. Mais là, Aubry et les autres ne le reçoivent pas. Et en plus Laurent Fabius, depuis son bureau de ministre, menace les Grecs avec ce ton de proconsul qu’il ne supportait pas des autres pendant la période du Traité constitutionnel. Fabius a mis en garde le peuple grec avec les refrains habituels de la droite allemande : les Grecs ne peuvent pas voter pour ceux qui ne veulent pas du mémorandum et demander ensuite de l’argent ! On connaît. D’où vient que c’est maintenant le ministre des Affaires étrangères qui fait la police des comptes publics chez les partenaires européens ? C’est ça la nouvelle diplomatie de gauche ? En quoi est-ce de la diplomatie de parler de cette façon au premier parti grec et à son possible futur Premier ministre ?

Bien sûr tout cela n’est que paroles verbales comme on dit. Ce que dit Fabius ou rien c’est la même chose. D’abord parce que ce n’est pas à lui de parler sur ce thème et que tout le monde le sait. Ensuite parce que ce genre de menaces ne peut impressionner que ceux qui veulent bien y croire c’est-à-dire ceux qui ne connaissent pas le dossier. Et ce n’est pas le cas de Tsipras ni le nôtre. Les menaces de refus de versement à la Grèce n’ont aucun sens. Personne en Europe ne peut s’offrir le luxe de laisser la Grèce s’effondrer. Car il en coûterait 60 milliards à la France et 300 milliards au total pour toute l’Europe. Quels sont ces milliards ? Ceux que la France et les autres pays ont garanti quand la Grèce les a empruntés. Car grâce à la gestion géniale de la crise par les grands esprits qui nous gouvernent, 60% de la dette grecque est à présent dans les coffres d’institutions publiques. Mais ce qui reste dans les mains de banques privés suffirait à les faire tomber, en domino. Et comme parmi les six banques les plus engagées il y a trois des dix premières banques du monde, l’accident systémique est garanti. Que dit de cela Fabius ? Et les autres champions de la menace ? Conclusion : au lieu de gesticuler pour peser sur les élections grecques, tous ces grands chefs feraient mieux de chercher une solution réaliste. Qu’est-ce qu’une solution réaliste ? Une solution qui ne prenne pas ses désirs pour des réalités, c’est-à-dire qui ne croit pas que le mémorandum sera quand même appliqué même si le peuple grec vote contre. Une idée simple et pratique existe. Hollande, en fin de campagne, s’en est dit convaincu « depuis longtemps » (ce qui nous avait échappé). Il s’agit bien sûr de faire prêter directement par la BCE à la Grèce au taux qu’elle consent aux banques privées. Aussitôt toute la dette pourrait être rachetée à taux faible. Est-ce remplir un tonneau percé qui continuerait à fuir, comme le disent les intelligents ? Non ! Savez-vous pourquoi ? Parce que l’examen des comptes publics de la Grèce permet une découverte extraordinaire. Le solde du budget de l’Etat grec avant paiement des intérêts de la dette est très peu en déficit. A peine 1%. Oui, sans le paiement des intérêts de la dette, le budget grec est à l’équilibre ! Donc si on ramène le coût de ces intérêts à rien ou presque, la Grèce repart, sans fuir de tous côtés. Le sachant, qui est alors réaliste ? Ceux qui menacent et veulent continuer dans l’impasse ou bien ceux qui proposent une sortie par le haut ?

 

À propos du résultat de Syriza
Extrait de la note « Après un jour de pluie » – 22 juin 2012

On m’a dit qu’Alexis Tsipras était désolé du résultat de sa coalition Syriza et s’en excusait auprès de mes camarades venus sur place participer à la soirée électorale. Et parmi les siens on en comptait autant, qui se félicitaient de la percée et de la puissance acquise, que d’amis pleurant sur l’échec si près du but. Souvent les mêmes passaient de l’un à l’autre, tantôt remplis d’orgueil, tantôt abattus. Comme souvent ce qui vient de loin donne des moyens de se mettre à distance de soi. La séquence qui s’est conclue avec le deuxième tour des législatives ne s’évalue pas en quarante-huit heures. Et certainement pas d’après les pseudo-analyses que font pleuvoir certains grands experts de la scène de la médiacratie. Cela ne signifie pas que ce qu’ils disent n’a pas d’importance. C’est tout le contraire ! Ils sont une composante essentielle du problème à traiter. Car ils contribuent, comme le reste du temps, mais à un moment décisif de la formation des souvenirs, à en déformer lourdement la perception. Pas la nôtre, bien sûr. Mais celle de tous ceux qui en sont imprégnés, contents ou pas content. En tous cas, de notre point de vue, pour comprendre ce qui se passe, discuter librement et faire des bilans utiles, il y faut une précaution de méthode. Mieux vaut discuter de ce qui a été réellement fait et voulu, pour pouvoir en faire une critique approfondie, plutôt que de partir de l’image qui en a été donnée et fabriquée. Je m’agacerais volontiers, si j’avais de l’énergie à gaspiller en ce moment, contre ces critiques sur la stratégie « Front contre Front » discutée à partir des comptes rendus lunaires de la campagne d’Hénin-Beaumont qui en ont été donnés. Le pire étant de partir des idioties que ces gens ont pu dire sur ce qu’est notre méthode de combat contre le Front national. Pour l’instant il me faut laisser passer la vague. Le clavier à la main j’ai recommencé à penser. Rien ne presse au jour près. La campagne qui commence est encore au petit pas de marche. On verra venir l’heure du trot puis celle du galop. Avant l’heure ce n’est pas l’heure !

Pour l’instant les importants glapissent de joie. Leur système fonctionne. En Grèce bien sûr ! Quelle joie ! Les menaces des puissances occupantes ont été entendues ! Cruels et nasillards, les ectoplasmes de la Commission européenne sont venus menacer à la télévision les électeurs grecs. Sans doute ces Grecs se figuraient-ils pouvoir recevoir du secours d’un pays récemment libéré d’un des deux siamois merkozistes ? Je veux dire qu’ils pouvaient croire que les nouvelles autorités françaises viendraient à la rescousse. Erreur, manants ! François Hollande en personne est venu sur leur petit écran les sommer de capituler sans condition ni gesticulation. Ouf ! La droite l’emporte d’un cheveu et la porte-parole du gouvernement de gauche en France s’en félicite ! La droite va diriger la collaboration avec l’occupant en compagnie des socialistes grecs du Pasok, et des Robert Hue locaux, Dima, une scission de droite de Syriza. Bref, tout serait parfait s’il n’y avait encore si hauts, si forts, si proches du pouvoir, si évidemment désignés pour être l’alternative, ces députés Syriza forts de près du tiers des voix. L’actuel gouvernement gère donc la faillite pendant le temps qu’il faut pour murir un scénario plus durable. Le pire, bien sûr. Pas besoin d’être grand clerc pour deviner. L’armée ou les nazis ? Je prends date. Donc nos camarades doivent eux aussi prendre des forces pour protéger la société de la catastrophe. Pour cela il leur faut être un recours gouvernemental crédible, c’est-à-dire à la fois sans compromission avec l’actuel pouvoir et très précis pour le scénario de relève. Exactement comme nous devons le faire.

 

Un nouveau Sommet ordinaire pour l’Union austéritaire
Extrait de note de blog Europe – 24 octobre 2012

Les premières conclusions du Sommet sont arrivées dans la nuit de jeudi à vendredi.

Présentée dans les médias comme un satisfecit, elle constitue en fait en fait un ultimatum. Il donne satisfecit aux « progrès accomplis par la Grèce et la troïka en vue de parvenir à un accord sur les mesures qui sous-tendent le programme d’ajustement » et au gouvernement pour sa «détermination à mettre en œuvre ses engagements » mais attend que les mesures d’austérité supplémentaires soient votées au Parlement hellénique. Le texte indique d’ailleurs clairement qu’aucune décision n’est prise concernant le déblocage de la tranche de prêt attendue : « nous attendons avec intérêt la conclusion de l’examen en cours. L’Eurogroupe examinera les résultats de cet examen à la lumière du rapport de la troïka et prendra les décisions nécessaires.» Et au cas où la Grèce n’aurait pas compris qu’il allait encore falloir consentir à plus d’ « efforts » (remarquer qu’avec un cynisme hors du commun, les chefs de gouvernements « félicitent les efforts remarquables consentis par la population grecque », entendez par « efforts » les souffrances injustifiées infligées au peuple grec qui ne peut plus se payer le chauffage, l’électricité, n’a plus accès à des soins dignes de ce nom, à un enseignement digne de ce nom etc). Il est même précisé : « nous attendons de la Grèce qu’elle poursuive les réformes en matière budgétaire et structurelle, et nous l’encourageons dans les efforts qu’elle déploie pour assurer la mise en œuvre rapide du programme. »

Pire, il explique aux grecs qui voient les investisseurs fuir le pays et les services publics se dégrader un peu plus chaque jour, conséquences des politiques d’austérité : « Cela est nécessaire pour accroître la compétitivité du secteur privé, favoriser l’investissement privé et améliorer l’efficacité du secteur public. »

Et pour finir, comble du comble, les chefs de gouvernements brandissent la menace d’une exclusion de la zone euro qui n’est pas possible sauf à ce que le gouvernement grec décide de quitter l’Union européenne : « Ces conditions (…) garantiront l’avenir de la Grèce dans la zone euro ». Bref, cette déclaration est un crachat à la tête du peuple grec qui manifestait le même jour dans les rues pour demander la fin de l’austérité et le départ de la troïka !

 

Syriza au seuil du pouvoir
Déclaration commune avec Oskar Lafontaine – 23 novembre 2012

Nous constatons avec consternation l’usage qui est fait de l’Union Européenne comme outil d’une politique d’austérité généralisée. Elle ne mène nulle part sinon à un désastre auquel aucun pays ne pourra échapper. Cette politique discrédite l’idéal européen en conduisant nos peuples dans l’impasse de la destruction de l’Etat social, la récession économique et l’indifférence écologique. Nous mettons solennellement en garde contre l’incitation aux égoïsmes nationalistes que cette politique cruelle provoque. Nous savons qu’en brutalisant partout les procédures parlementaires pour imposer aux peuples des plans d’ajustement structurels néolibéraux la démocratie elle-même est mise en cause. Imprégnés des leçons de l’histoire de notre vieux continent, nous voulons alerter les consciences en rappelant que la misère sociale, la récession et la compétition généralisée entre les peuples sont toujours des terreaux de guerre et de violence. Cette menace commence en Europe !

Nous déplorons que la social-démocratie européenne n’oppose plus aucune résistance aux injonctions du capital financier, ses agences de notation, et ses marchés. Nous avons vu Georges Papandréou en Grèce, Zapatero et Socrates en Espagne et au Portugal capituler sans condition. Puis nous avons été stupéfaits de voir le nouveau gouvernement français s’aligner purement et simplement sur les directives du traité rédigé par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Dans ces conditions, pour affronter la destruction sociale de l’Europe et garantir la paix, les salariés doivent construire de nouvelles majorités politiques de gauche et augmenter leur capacité d’initiative citoyenne. Nous connaissons bien la difficulté de mobilisation dans un tel contexte ou la peur du lendemain et la pression du chômage et de la misère paralysent tant de forces ! Nous voyons l’extrême droite progresser partout en Europe. Mais nous voyons aussi nos forces émerger avec vigueur jusqu’au seuil du pouvoir comme en Grèce avec SYRIZA. Nous affirmons notre certitude que la chaine austéritaire qui enserre les peuples européens va craquer quelque part dans l’un des pays aujourd’hui martyrisé, comme ce fut le cas après la décennie d’ajustement structurel en Amérique du sud. Une révolution citoyenne s’inscrit comme nécessité en Europe. Le peuple doit pouvoir fixer librement la politique qu’il pense bonne pour lui, sans être soumis à des procédures de contrôle préalable non démocratiques et des punitions, comme ceux qu’imposent les nouveaux traités européens. Cette exigence se vérifie dans bien des endroits dans le monde. Elle a donné lieu a des changements profonds en Amérique du sud et au Maghreb. Nulle part ils n’ont pris leur forme définitive. Mais partout ils expriment une puissante aspiration pour la démocratie sociale et politique. C’est pourquoi nous avons décidé d’unir notre action personnelle pour construire, avec les progressistes qui le veulent sur les cinq continents, un cadre commun de rencontre et de propositions, un Forum Mondial de la révolution citoyenne. Nous voyons avec espoir la Confédération Européenne des Syndicats (CES) organiser l’action de résistance des salariés. Nous saluons le travail du Parti de La Gauche européenne pour soutenir la coopération active des partis de la nouvelle gauche européenne dans la lutte des peuples. Nous affirmons notre confiance dans notre capacité, le moment venu à diriger les nouveaux gouvernements progressistes qui sont nécessaires pour changer le cours de l’histoire et éviter la catastrophe ! Nous appelons toutes les consciences progressistes à entrer dans ce combat.

 

Hollande a appelé à ne pas voter Syriza
Extrait de la note « La semaine du choc » – 20 février 2013

On se souvient du discours historique de François Hollande devant le parlement européen. Non ? Ce n’est pas grave. Il n’a rien dit de particulier. Une enfilade de mots creux. Et, bien sûr, ses bobards habituels sur la grande relance de la croissance en Europe grâce à son plan. La quinzaine a sonné le glas de sa stratégie économique. Bien des persifleurs avaient demandé à Hollande devant le parlement européen où était ce plan dans le prochain budget de l’Europe. Et moi ici, j’avais montré que sur les cent vingt milliards que notre général en chef avait prétendu avoir réussi à faire attribuer au dit plan de croissance, soixante avaient été déplacés de lignes budgétaires déjà existantes. Cela voulait dire que son fameux plan n’était en réalité que de moitié. Puis je m’étais bien moqué de lui en faisant un calcul qu’aucun des fact-checkers qui me pistent n’avait pensé à faire : soixante milliards de plan de croissance moins la réduction du budget européen de soixante-quinze milliards que le même sieur Hollande a proposé, égal : un plan de croissance de moins quinze milliards. Evidemment ça faisait rire. Mais comme entre temps le général en chef a accepté une capitulation souriante avec un budget européen en recul de trois pour cent, c’est l’heure de pleurer. Car, récapitulons : ces merveilleux stratèges ont fait entrer chaque pays d’Europe en décroissance. Et ils ont aussi éteint le moteur collectif qu’est le budget de l’Union Européenne. Le pire est donc à venir. Il est là. Le 14 février, Eurostat a publié les chiffres de la croissance en 2012. La zone euro est en récession depuis mars 2012 : 3 trimestres consécutifs, avec un recul supplémentaire de 0,6% de la richesse produite au dernier trimestre 2012. Même le PIB allemand a reculé au dernier trimestre 2012 de plus d’un demi-point. Et les soi-disant bons élèves de la classe austéritaire s’enfoncent dans la crise. L’Italie baisse de 3,7 point de croissance en 2012 ce qui fait 10% de perdu depuis 2009 ! Et le Portugal baisse de 3,2% en 2012. On se souvient comment furent moqués les projets de décroissance contrôlée et différenciée, celles des « objecteurs de croissance ». Eux, les libéraux, pratiquent la décroissance sauvage. Celle qui combine les reculs de la production globale, le chômage de masse avec l’accroissement de la pollution globale, la mal bouffe et le creusement de la dette écologique.

Mais pendant ce temps François Hollande continue de débiter ses petites phrases sans aucun rapport avec ses actes. Mais il ne reste plus que « Libération », le grand quotidien anti Front de Gauche, pour applaudir en cadence sous le titre « François Hollande refuse l’Europe de l’austérité ». Lisez plutôt le monument d’hypocrisie auquel se réfèrent ces applaudissements : « En Grèce les sacrifices demandés à la population ont été plus douloureux qu’ailleurs. L’assainissement des finances publiques est nécessaire mais ne peut suffire. C’est pourquoi des mesures de soutien à la croissance sont indispensables (…) Je refuse une Europe qui condamnerait les pays à une austérité sans fin. Chaque Etat doit contribuer à la compétitivité et à la croissance, par la gestion rigoureuse de ses comptes publics et par des réformes. Chaque Etat doit également savoir qu’une solidarité existe ». Hollande déclare ces sornettes en Grèce mardi 19 février. Le lendemain, les syndicats appellent à une journée de grève générale contre l’austérité. C’est que Hollande, ils connaissent. Il est déjà venu leur faire le coup des phrases à triple sens pour les inviter à ne pas voter pour Syriza, nos camarades, aux dernières élections législatives afin de « sauver l’euro ». Mais les numéros d’enfumage, qui marchent encore en France, buttent là-bas sur une réalité que les mots ne peuvent effacer. La Grèce a connu une sixième année de récession avec une perte de six points de croissance en 2012. Ainsi depuis 2009, 30% de la richesse du pays sont restés dans les bras et les cerveaux inemployés du pays. Le chômage atteint désormais 27%.

 

La Gauche européenne rejette le cadre financier pluriannuel du Conseil européen
Déclaration co-signée par Alexis Tsipras et Jean-Luc Mélenchon – 13 mars 2013

Le projet d’accord du Conseil européen sur le futur cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour les sept années à venir (2014 – 2017) est inacceptable.

Cet accord ouvre la voie à sept années d’austérité et de ralentissement économique en Europe et renie la notion de solidarité européenne.

Contrairement aux déclarations officielles, les chefs d’Etat et de gouvernement proposent des coupes dans des domaines tels que le Fonds Social Européen, qui concernent principalement les vies des citoyens européens en temps de crises.

Nous remarquons avec consternation que les chefs d’Etat européens ont choisi de frapper fort sur les citoyens les plus démunis : le budget dédié à l’aide alimentaire qui était d’environ 3,5 milliards d’euros pour la période 2007-2013 sera drastiquement réduit. Il ne sera que de 2,5 milliards d’euros pour les années 2014-2020 ; en sachant qu’il couvrira alors 28 et non plus 27 Etats. La solidarité est une fois de plus sacrifiée sur l’autel de l’austérité budgétaire alors que le nombre de personnes vivant en-deçà du seuil de pauvreté dans l’Union européenne est passé de 18 à 25 millions entre 2008 et 2012. C’est un dommage qui ne peut qu’alimenter le rejet croissant de l’Union Européenne par ses peuples.

Les violentes coupes budgétaires prévues pour la politique de cohésion et la politique agricole commune, respectivement amputées de 8% et de 16%, sont la conséquence directe de cet abandon. En délaissant ces politiques, qui constituent les politiques redistributives par excellence de l’Union Européenne, la décision est prise d’oublier une fois pour toutes le projet d’une Union basée sur la solidarité.

Nous sommes totalement opposés à la direction qu’ont prise les politiques européennes. Nous rejetons sans réserve les coupes budgétaires généralisées qui pénalisent tous les citoyens européens mais d’abord et avant tout la jeunesse, les agriculteurs, les pêcheurs, les chercheurs, les universités, les collectivités locales, les projets environnementaux.

Les aides d’Etat à l’agriculture, la pêche, l’industrie, et bientôt aux collectivités territoriales sont réglementées et, dans la plupart des cas, interdites par les dispositions des Traités établissant les règles du marché intérieur. La réorientation vers l’agriculture paysanne, plus respectueuse de l’environnement et des agriculteurs est totalement absente. La PAC continuera de bénéficier aux plus grandes exploitations et à celles qui polluent le plus. Sans les programmes européens financés à la hauteur des besoins et des enjeux, tout ce qui concerne la vie quotidienne des citoyens européens sera gravement atteint s’il n’y a pas de possibilité d’octroyer une aide budgétaire nationale supplémentaire.

Dès à présent, nous appelons tous les membres du Parlement Européen à poursuivre les efforts amorcés pour rejeter les politiques d’austérité sur lesquelles se sont entendus les chefs d’Etats et de gouvernement. L’Union européenne ne saurait et ne peut se résumer à une Europe libérale ayant pour unique objectif le seul marché commun. A ce rythme, l’idéal d’une Europe unie est condamné.

Nous ne pouvons accepter que des compétences étatiques soient systématiquement transférées des Etats à l’Union européenne pour que les politiques confiées se retrouvent sans cesse budgétairement affaiblies.

Nous militons avec fierté, unité et cohérence, pour un cadre financier pluriannuel de l’Union européenne qui ne prolonge pas l’austérité imposée aux Etats membres parce que nous savons que l’austérité ne mènera jamais à rien de positif, quel que soit le niveau auquel elle est appliquée.

Le vote sur la résolution du Parlement européen sur les Conclusions du Conseil européen sur le cadre financier pluriannuel ira au-delà de la dimension économique et sociale qui nous est si chère. De manière plus discrète mais tout aussi sérieuse, il en va aussi du respect du peu de démocratie européenne existant. Si le Parlement européen valide la décision des chefs d’Etats, il renoncera du même coup à ses pouvoirs de décision.

En effet, les dispositions des traités accordent au Conseil européen, qui rassemble les chefs d’Etats et de Gouvernement nationaux au niveau européen, le droit de déterminer le montant global du cadre financier pluriannuel et les montants globaux de chaque rubrique (cohésion, agriculture, etc.). Mais le Conseil a pris en otage les quelques instruments légaux de la démocratie européenne existant en définissant le cadre financier pluriannuel de l’Union Européenne 2014-2020 dans ses moindres détails. Le Parlement européen est donc mis devant le fait accompli et ne peut que l’accepter ou le rejeter en bloc ; cela excède largement les compétences des chefs d’Etat et de Gouvernement. C’est tout à fait inacceptable.

Nous rejetons totalement le cadre financier pluriannuel 2014-2020 proposé comme nous avons rejeté tous les mécanismes austéritaires, du Semestre européen au « Two pack », en passant par le « 6 pack », le MES et le traité Merkozy.

Nous avons besoin d’une autre Europe, refondée pour devenir une vraie démocratie. Une Europe dotée d’un budget redistributif, sans l’austérité en contrepartie, afin de permettre à tous ses citoyens de bien y vivre. C’est pour cette Europe-là que nous nous battons.

Nous adressons une solennelle mise en garde. La politique d’austérité sans fin et le pouvoir autoritaire des chefs d’Etat et de Gouvernement sur les budgets nationaux font coïncider reculs sociaux, recul de la souveraineté et recul de la démocratie. La résistance du peuple est inéluctable. Elle ne connaîtra pas de limite.

 

À propos du blocus financier de Chypre
Communiqués de Jean-Luc Mélenchon et Alexis Tsipras – 20 mars 2013

La décision du banquier central Mario Draghi de ne plus alimenter Chypre en euros jusqu’à ce que Chypre capitule intervient pourtant après un vote souverain du parlement national.

C’est un acte d’agression inacceptable. Il montre que l’euro est non seulement un luxe Merkelien coûteux mais aussi un dangereux moyen d’action contre la souveraineté d’un peuple. Il s’agit d’un abus de pouvoir, certes mais aussi d’une alarme qui doit être entendue.

La France ne peut cautionner cette violence sauf à l’autoriser contre elle-même le cas échéant. S’il faut désormais choisir entre la souveraineté du peuple et celle de l’euro, la France doit choisir le peuple.

La décision du banquier central est un tournant dans l’histoire de l’union européenne. Elle impose un choix : soit changer le statut de la banque centrale et donc celui de l’euro pour sécuriser la souveraineté des peuples, soit renoncer à l’euro Merkel.

Déclaration d’Alexis Tsipras, Président du groupe parlementaire SYRIZA-USF

Traduction : Marin Aury (pôle traduction du Parti de Gauche)

Athènes, le 19/03/2013.

 

Il est à présent clair que les dirigeants européens sont désormais engagés sur une voie ouvertement orientée contre les peuples d’Europe. La stratégie du gouvernement allemand, soutenue en Europe par le capital financier spéculatif, est une stratégie de colonisation de l’Europe du Sud en général, et de la Grèce et de Chypre en particulier.

Elle s’appuie principalement sur une forme d’extorsion dont la dette est le levier. Si la dette n’existait pas, ils l’auraient inventé pour pouvoir arriver à leurs fins. Qui plus est, la décision prise vendredi dernier par l’Eurogroupe met en danger la stabilité du système financier dans l’ensemble de la zone Euro.

Il s’agit d’une bombe à retardement menaçant les fondements du système bancaire, non seulement à Chypre, mais partout en Europe. Cette décision doit être annulée, avant qu’elle ne cause des dommages irréversibles.

Le gouvernement grec, représenté par MM. Stournaras et Samaras, n’a pas hésité, quant à lui, a apporté son soutient à des mesures inacceptables, véritables provocations, consistant à ponctionner directement les dépôts des citoyens chypriotes, créant un précédent dangereux pour tous les pays de la zone Euro dont la situation financière est précaire.

Il s’agit bien d’un tournant historique, que le gouvernement grec s’est permis de prendre dans le plus grand secret, sans tenir informé ni le peuple grec, ni même son parlement.

C’est pourquoi j’ai demandé hier, dans une lettre au Président du parlement, que le gouvernement vienne s’expliquer immédiatement devant l’assemblée nationale de sa position lors de la réunion de l’Eurogroupe vendredi dernier. Malheureusement sans succès, et sans que le gouvernement ne daigne motiver sérieusement son refus. Pourtant, le gouvernement grec n’a aucune légitimité à engager le pays dans la voie de la désintégration du système financier chypriote, mettant le système financier de la Grèce lui-même en danger, sans en référer au parlement.

Nous demandons au Premier ministre, qui est le principal responsable de cette situation, de convoquer de sa propre initiative, et dès demain, une session extraordinaire du parlement, comme il en a le droit, et surtout le devoir. Pour nous, il est évident que le but ultime du choix politique acté par l’Eurogroupe n’est pas le sauvetage de l’économie chypriote, mais la mise en place d’une domination économique absolue dans une région géopolitiquement sensible.

Il s’agit clairement de mettre la main sur les ressources énergétiques de la République, à commencer par les hydrocarbures. Et le Gouvernement grec a une responsabilité écrasante dans la décision qui a été prise. En effet, le Premier ministre grec a enfermé le pays dans le carcan voulu par Mme Merkel, après avoir ruiné l’opportunité d’obtenir des avancées offerte après les dernières élections, oubliant toutes ses promesses de renégociation, et allant jusqu’à affirmer que « tout le monde a quelque chose à se reprocher » ; et il ne s’est pas arrêter en si bon chemin, qualifiant la zone d’influence économique de la Grèce d’ « européenne », avant d’accepter, sinon d’appeler de ses vœux, la mise sous tutelle de la République de Chypre.

Une fois encore, il ignore et méprise la nécessité de mettre en œuvre une politique étrangère multidimensionnelle, en même temps que la nécessité de l’implication populaire dans les affaires de la Grèce comme de Chypre. Mais la patience des peuples a ses limites. C’est pourquoi nous exhortons le gouvernement :

– A revenir sur une décision qui consiste à acter la colonisation de Chypre et à détruire son économie.

– A demander la convocation immédiate d’un sommet extraordinaire de l’UE, où la Grèce pourra exposer clairement son refus d’entériner une telle option.

La décision du Parlement chypriote, qu’elle advienne dans quelques heures ou dans les prochains jours, sera déterminante non seulement pour l’avenir de Chypre, mais sans doute aussi pour celui de l’ensemble de la zone Euro. Un NON fier et fort du parlement chypriote à la volonté de dissoudre la République de Chypre serait en même temps un NON de tous les peuples d’Europe à l’impasse mortifère dans laquelle l’Union s’engouffre. Il signalerait aussi que la résistance et la négociation ont leur place dans les moments même les plus difficiles. D’autant plus que ces trois derniers jours, la simple perspective d’un tel refus a déjà entraîné un premier recul des dirigeants européens. Que ceux qui pensent pouvoir sans cesse recourir au chantage et n’en finissent pas de jouer avec le feu, prennent désormais la mesure de leurs responsabilités.

Et qu’ils prennent conscience, surtout, qu’au-delà des gouvernements qui se laissent docilement contrôler, à l’instar des gouvernements grecs de ces dernières années, il y a des peuples qui ne sont pas prêts à se déclarer vaincus sans même s’être battus. Les peuples d’Europe n’ont pas dit leur dernier mot. Les peuples grec et chypriote seront à l’origine d’une réaction de l’ensemble des peuples d’Europe contre les projets destructeurs des dirigeants européens, ouvrant la voie à une autre Europe : une Europe démocratique ; une Europe de la solidarité et de la cohésion sociale.

 

L’extrême droite ou nous
Extrait d’interview dans Sud Ouest – 22 mars 2013

La révolution citoyenne est-elle inévitable ?

Elle est commencée, par la grève des urnes que montre l’abstention. Et aussi par la force des mouvements sociaux dans les entreprises privées. Au total, nous avons le sentiment d’être dans une course de vitesse avec l’extrême droite. Le peuple qui rejette le système choisira entre notre réponse et la leur. Le phénomène est présent dans toute l’Europe. Avec nos collègues grecs de Syriza et les Espagnols, nous sommes les plus avancés dans l’opinion de nos pays. En termes de réponse politique. Face au ronron politique de la caste dominante, notre devoir est d’être en position de rupture. C’est pourquoi je dis à mes camarades qu’on ne peut dissocier le programme de la fonction tribunicienne.

 

Hollande est bien un Hollandréou
Interview dans le journal grec Eleftherotypia – 3 mai 2013

Il y a un peu moins d’un an tu étais aux côtés de Pierre Laurent et d’Alexis Tsipras pour une conférence de presse mémorable, ici à Paris, à laquelle j’ai eu la chance de contribuer en tant qu’interprète. Lors de cette conférence Tsipras a repris le terme d’ « Hollandréou » que tu avais utilisé pendant la campagne présidentielle, au grand dam des médias grecs qui y avaient vu une -marque d’irrespect vis-à-vis du président fraîchement élu. Un an après, au vu du bilan de ce début de mandat de Hollande, penses-tu que ce terme était justifié ?

Commençons déjà par refuser aux commentateurs des médias le rôle de gardien des bonnes manières. Sur le fond maintenant, un après la preuve est faite que Hollande est bien un « Hollandréou ». Qu’est-ce qui a caractérisé en effet Papandréou ? Un programme électoral plutôt social-démocrate de gauche, ensuite un gouvernement néolibéral féroce, qui ne tient compte dans la mise en œuvre de sa politique d’aucun fait, d’aucune opposition et qui avance à la manière d’un illuminé. C’est ce qu’a fait Papandréou, qui est allé au désastre et a organisé le dépeçage de sa patrie, avant d’avoir, suite à un nème plan d’austérité, un ultime sursaut de dignité en demandant un référendum. En 48 heures, il a été congédié par les maîtres de l’Union Européenne, auxquels il ne résiste pas davantage qu’il n’avait résisté au départ aux marchés financiers et à la troïka.

Nous nous savions qui était François Hollande. Nous l’avons vu peser sur les élections grecques, pour appeler, quelques jours avant le scrutin décisif du 17 juin, les électeurs à se soumettre au Mémorandum de la troïka . Donc nous n’avions pas d’illusion sur lui. Pourtant, aucun d’entre nous n’avait imaginé qu’il ferait en si peu de temps et avec autant de violence autant de dégâts, notamment en faisant adopter deux plans d’austérité d’un montant quadruple de celui de la droite. Mais surtout aucun parmi nous n’avait imaginé qu’il aurait divisé avec autant d’acharnement les forces sociales et politiques qui l’ont porté au pouvoir. D’abord le Front de gauche a été écarté, puis les Verts ont été humiliés, puis les radicaux de gauche, qui avaient déposé une loi pour modifier le mode de scrutin européen. Plus récemment, Hollande fait voter, au prix de brutalités parlementaires à l’encontre de sa propre majorité, un accord sur l’emploi qui est directement écrit par le MEDEF, puis il fait rejeter, sans même consulter son propre parti ou les parlementaires socialistes, l’amnistie sociale (des personnes condamnées du fait de leur activité syndicale) qui avait été pourtant adoptée auparavant par le Sénat.

C’est donc face à cet acharnement néolibéral que le Front de gauche décide de riposter en appelant à une manifestation à Paris le 5 mai. Quels sont ses objectifs ?

Il s’agissait au départ d’offrir une issue positive à la situation malsaine créée lorsque ce gouvernement a explosé en plein vol avec le scandale Cahuzac. L’idée était donc de manifester contre le système, contre cette Vème République qui permet en France la collusion du pouvoir d’Etat et du pouvoir de l’argent. D’autres échéances sont venues entretemps s’ajouter : le 16 mai, sera déposée la proposition de loi du Front de gauche sur les licenciements boursiers, que le gouvernement refuse. Le même jour il y aura le vote en plénière sur l’amnistie sociale et deux jours avant il y aura le deuxième vote sur l’accord sur l’emploi. La manifestation a donc pris une nouvelle signification : construire le rapport de forces concernant des lois qui touchent aux intérêts fondamentaux des salariés. Mais cette manifestation est aussi une réponse à la mobilisation de rue permanente de la droite depuis plusieurs mois à l’occasion de la loi sur le mariage pour tous. Je fais donc le pronostic qu’elle sera massive et très puissante.

Voilà qui nous amène à une question plus stratégique. Depuis le début de ton combat à la tête du Front de gauche, tu soulignes le fait qu’il ne s’agit pas simplement de jouer le rôle d’une force de protestation ou d’opposition mais bien celui d’une force d’alternative. Le Front de gauche, dis-tu, aspire à gouverner, à proposer une orientation différente au pays. C’est le grand défi auquel se trouve confrontée la « gauche de gauche » aujourd’hui. Mais, jusqu’à présent du moins, seul Syriza paraît en mesure de le relever. Comment pourrait-on y arriver en France ?

En utilisant la méthode utilisé par Syriza, c’est-à-dire en faisant vivre une large coalition qui trouve en elle-même l’énergie et les modalités pour faire fonctionner ensemble des gens qui ne l’ont pas fait auparavant et leur proposer un horizon de pouvoir et pas simplement un rôle de témoignage. Il faut ensuite que la population comprenne que nous sommes candidats au pouvoir, que nous représentons une alternative. C’est quelque chose que beaucoup dans l’autre gauche et dans l’extrême-gauche ont perdu de vue, parce que l’histoire longue a été cruelle pour eux et que, écartés de toute responsabilité, ils ont fini par perdre de vue que ce pays est aussi le leur et qu’ils en ont la responsabilité. C’est cette culture majoritaire que j’ai voulu introduire dans le Front de gauche.

Bien sûr, nous ne sommes pas au même point que Syriza, parce que, heureusement, la France n’a pas été frappée aussi durement que la Grèce et que les forces politiques ne se sont pas désintégrées comme en Grèce, en particulier le PASOK. Il n’en reste pas moins que tout le monde sait que le gouvernement de JM Ayrault est à bout de souffle et que la politique de Hollande s’est effondrée face à des taux de chômage record. C’est dans ce contexte que j’ai dit « je suis candidat pour être premier ministre », pour changer de cap. Cette candidature prend bien sûr aujourd’hui un caractère symbolique, mais c’est un symbole fort parce qu’il va s’appuyer sur un mouvement de rue et des votes croisés au parlement qui verront converger le Front de gauche avec les Verts et certains socialistes.

Dans la foulée de la crise chypriote, et du chantage exercé par Draghi à l’encontre de la décision du parlement chypriote de rejeter le plan européen, tu avais déclaré que l’ « euro n’est pas seulement un luxe merkelien coûteux mais aussi un dangereux moyen d’action contre la souveraineté d’un peuple ». Tu poursuivais en disant que « la France ne peut cautionner cette violence sauf à l’autoriser contre elle-même. S’il fait désormais choisir entre la souveraineté du peuple et celle de l’euro, la France doit choisir le peuple ». Tu es le premier à gauche en France à ouvrir le débat sur l’euro. Est-ce que tu peux préciser ta pensée sur cette question ?

C’était le débat que je souhaitais en effet ouvrir après le congrès du Parti de Gauche, en mars dernier. Mais le système médiatique en a décidé autrement et il n’a retenu de ce congrès que le terme de « salopard » utilisé à juste raison par François Delapierre à propos de Pierre Moscovici qui a accepté au nom de la France le mémorandum contre le peuple chipriote. Il faut donc souligner ce point : l’affaire chypriote marque un franchissement de plus dans la dégénérescence autoritaire de l’Union Européenne. Le parlement venait de prendre une décision unanime et la Commission et la BCE y ont répondu par ce que nous pouvons considérer comme un acte de guerre en menaçant de couper l’offre de liquidité à Chypre. A partir de là, ma réflexion est d’abord celle d’un homme d’Etat. Je ne peux pas accepter pour un autre quelque chose que je n’aurai pas accepté pour mon pays. Imagine-t-on que le parlement français prenne une décision et que la BCE vienne dire « si c’est comme ça, nous coupons l’approvisionnement en euros » ? Je préfère dire à l’avance que, si je suis aux responsabilités, les mesures de représailles de mon pays seraient considérables, dans la logique que j’ai utilisé de façon un peu exagérée de la dissuasion nucléaire. Je rappelle que la France a une dette publique de 1800 milliards d’euros qu’elle peut décider de ne pas rembourser ce qui provoquerait une crise mondiale.

Nous ne mourrons donc pas pour une monnaie. Mais notre situation est différente de Chypre, parce que nous sommes la 5ème puissance mondiale et la deuxième économie européenne. On ne fait donc pas l’Union Européenne sans nous. Je pense donc que nous pouvons changer la nature de l’euro maintenant que la démonstration est faite de l’échec total de l’austérité est et que la Commission a montré qu’elle pouvait aller jusqu’à nier la souveraineté d’un peuple.

Dans un texte récent, le responsable de la commission économie du Parti de Gauche, Guillaume Etievant, dessine une stratégie qui consiste d’abord à désobéir aux traités européens existants et à se battre pour changer le statut de la BCE mais en prévoyant, en cas d’échec, la création monétaire unilatérale pour lutter contre l’euro surévalué. Il poursuit en disant que si cela conduisait certains pays à vouloir exclure la France de la zone euro, c’est une « possibilité que nous abordons avec sérénité » et il évoque des solutions comme celles d’un « eurosud » ou d’un double système combinant monnaie nationale et monnaie commune pour les échanges extra-européens. L’objectif du Parti de Gauche est donc bien d’ouvrir le champ des solutions alternatives.

Pour rendre crédible notre stratégie de construction du rapport de forces, il faut que nos éventuels adversaires sachent que nous sommes prêts à aller au bout d’une logique parce que nous en avons prévu tous les instruments. Il ne servirait à rien d’essayer d’intimider des dirigeants français tels que nous en utilisant les méthodes qui ont été utilisées pour les Grecs, en les menaçant tous les deux jours d’asphyxie. Je le dis avec un profond sentiment de fraternité vis-à-vis du peuple grec : nous avons de meilleures armes et si nous nous mettons en mouvement, nous aurons les grecs, et d’autres peuples européens, avec nous.

Dernière question : la gauche chypriote, en particulier le PC, qui est le premier parti du pays, s’oriente vers une position qui combine le rejet du Mémorandum et un plan alternatif qui inclut la sortie de la zone euro. Comment vois-tu un tel positionnement ?

Les dirigeants politiques du peuple chypriote ont toujours raison quand ils cherchent à sauver le peuple. Il n’y aucune abstraction qui vaille en face de la condition à laquelle Chypre se voit contrainte. Chypre, tout comme la Grèce, ne se redressera jamais sur la base du Mémorandum, pas plus que le France si elle poursuit dans la voie de l’austérité. Alors pourquoi souffrir et détruire un pays quand tout le monde sait que la dette accumulée ne sera jamais payée ? Je le dis très solennellement : jamais dans l’histoire une dette de cette nature a été remboursée.

Entretien réalisé par Stathis Kouvélakis.

 

 

Europe : La Grèce, modèle de l’Europe austéritaire
Vidéo – 9 décembre 2013

Retour sur les conséquences des « remèdes » de la Troïka avec un cas d’école : la Grèce.

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A propos de l’annulation de la dette
Extrait de la note « Stopper la reculade au point Macron » – 8 décembre 2014

On me met régulièrement au défi à propos de l’annulation de la dette. Jean marc Ayrault lui-même s’était indigné : « Mélenchon propose de ne pas rembourser la dette, ce n’est pas sérieux ! » Outre que je n’ai jamais dit les choses de cette façon, je veux bien regarder de plus près cette hypothèse de travail très intéressante. Ce ne serait pas une première dans l’Histoire. Nos chers amis allemands le savent bien. Annuler la dette publique, l’Allemagne l’a fait ! Pour mémoire, ce fut le 27 Février 1953 ! La Conférence de Londres, réunie pour tirer d’affaire l’Allemagne vaincue et détruite, décida l’annulation de près des deux tiers de la dette allemande (62,6%) par ses créanciers étrangers ! L’accord a été signé par la RFA et 22 pays créanciers. Et parmi les 22 créanciers généreux, on trouve les États-Unis, la Grande Bretagne, la France, mais aussi la Grèce ! On ne peut pas dire que la reconnaissance étouffe les Allemands. Pourtant, l’addition était salée. La dette allemande d’avant-guerre a été réduite de 22,6 milliards à 7,5 milliards de Marks. Et celle d’après-guerre de 16,2 milliards à 7 milliards de Marks. Valeur de l’époque. Faites les multiplications pour trouver ce que ces montants veulent dire à présent ! Quand à l’ardoise des dégâts allemands, on l’a remise aux peuples qui ont reconstruits leur pays ! En lisant ces arguments vous constatez quelle extrême retenue fut la mienne face à l’odieuse député de la droite allemande qui nous parlait si mal sur ce plateau de télévision !

Qu’en est-il aujourd’hui de la dette de pays étranglés par les méthodes comptables de l’Europe Allemande ? Le cas d’école est celui de la dette grecque. Selon les calculs du FMI cités par Le Figaro, le bilan est ridicule. Le montant de la dette grecque, début 2010, avant les plans d’austérité qui devait « sauver » le pays, était de 298 milliards. Après six ans d’austérité, le plan de sauvetage s’est élevé à 350 milliards, entre remise de dette, rééchelonnement et nouveaux crédits. 110 milliards de 1er plan de sauvetage de 2010, 140 milliards de nouveau plan 2012 en cours d’application, 100 milliards de dettes annulées par les banques. Je reviens dans un instant sur ces « annulations ». Restons-en aux comptes globaux. On connaît la solution proposée par le Front de Gauche : que la BCE prête directement à la Grèce pour éponger sa dette. Si on l’avait fait au début, on aurait donc déjà économisé 42 milliards ! Et la Grèce n’aurait pas été martyrisée comme l’a été et comme elle l’est chaque jour sous l’administration allemande de la troïka présente à Athènes. Et maintenant, apprenez ceci que beaucoup d’entre vous ignorent. Quand une banque achète des titres de dette elle ne les range pas dans son coffre. Elle les revend ou les intègre dans des fonds de placement. Les titres de dettes grecs ont été revendus jusqu’à 25 % seulement de leur valeur faciale. La valeur faciale, c’est celle qui est marquée sur le titre. Un titre de dette de cent euros a donc pu être vendu jusqu’à 25 euros seulement à mesure qu’il circulait de main en main. En cous de cycle, une banque a pu racheter 25 euros un titre et le revendre à la banque centrale européenne qui lui achetait 30 ou 50. A chaque tour de piste du même titre, les banques se sont gavées. Et maintenant, ces titres sont dans le bilan de la Banque centrale européenne. Laquelle encaisse les intérêts et réclame le remboursement à la valeur faciale, acheté 25 et exigé à 100, comme un vulgaire fonds vautour.

Cette comédie se vérifie pour chacun des plans de sauvetage décidés depuis 2010, pour l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et l’Italie. 1 100 milliards d’euros ont été dépensés sur ce mode ubuesque soit l’équivalent d’une année de production de l’Espagne ! Et pendant ce temps, pendant que les peuples étaient saignés, les rentiers en toute impunité pouvaient continuer à sortir leurs capitaux du circuit économique national. Entre juin 2011 et juin 2012 en Italie, 235 milliards se sont enfuis, soit 15 % du PIB et, en Espagne, 296 sont sortis sans laisser d’adresse, soit 27 % de la production annuelle du pays ! C’est tout ça que je voulais mettre sur la table dans la discussion sur la dette. Mais les façons médiatiques rendent ça impossibles. Et tout cela pour poser toujours les mêmes questions, réciter toujours les mêmes couplets, couper la parole et commenter des graphiques pipeautés.

 

Aide à la délocalisation : le cas grec
Explication de vote au Parlement européen – 15-18 décembre 2014

Aide à la délocalisation : le cas grec

VANA (verts) A8-0063/2014

Je me suis abstenu sur ce texte

Voici mon explication de vote
Le fond d’aide à la mondialisation joue bien son rôle destructeur. Ici la demande concerne 1 100 travailleurs grecs dont 551 licenciés par l’entreprise de commerce de détail Odyssef Kokas et 500 jeunes sans emploi et sans formation. Le gouvernement grec a bien analysé que cela était dû à la baisse du revenu disponible des ménages – imputable à l’augmentation des impôts, à la baisse des salaires (tant dans le secteur public que dans le secteur privé) et à la hausse du chômage –, avec pour conséquence une forte chute du pouvoir d’achat. Mais bien sûr il ne propose pas une politique alternative à l’austérité. Je m’abstiens pour ne pas priver les travailleurs grecs de ce fond.

 

Enfin ! La chaîne va craquer.
Note de blog – 29 décembre 2014

Enfin ! La chaine va craquer. La Grèce va se libérer de l’odieuse Troïka européenne.

Depuis 2010, sous prétexte « d’aide européenne » la Grèce est pillée, la récession est permanente et le quart du PIB du pays est perdu chaque année, tout le système public est dévasté, les biens du pays sont bradés, la population martyrisée.

Pendant ce temps le système financier s’est gavé à coup de taux d’intérêts insupportables. La banque centrale européenne, qui a refusé ses prêts à taux zéro, a racheté aux banques leurs titres de dette grecque et encaisse des intérêts payés par un peuple exsangue ! La France et l’Allemagne elles aussi encaissent des intérêts sur les sommes prêtées par le mécanisme européen de stabilité. Ce honteux pillage peut maintenant cesser si le peuple grec le décide, en donnant à Syriza la majorité parlementaire.

Un nouveau mémorandum européen devait être infligé début février sous la férule de la Troïka. La finance ne lâchera pas sans lutter par tous les moyens. Nous devons être conscients qu’un terrible bras de fer va commencer. Merkel et Hollande ne vont pas lâcher leurs alliés grecs de droite et du Pasok sans lutter de toutes leurs forces. La finance mondiale va s’arcbouter. Si rude que soit l’épreuve que les Grecs vont affronter, elle sera toujours moindre que l’agonie sans fin infligée par l’Union Européenne. La lutte va impliquer tout le vieux continent.

Enfin ! La chaîne va craquer. 2015 peut être le commencement de la libération du vieux continent ! Merci la Grèce ! Aujourd’hui Athènes demain Madrid. Vivement Paris !

 

Meeting de soutien à Syriza
Vidéo – 19 janvier 2015

Le 19 janvier 2015, Jean-Luc Mélenchon participait au meeting de soutien à Syriza. Il a affirmé que la dette grecque ne serait jamais payée et que le peuple grec souffrait pour rien, du fait de l’application de l’absurde politique d’austérité européenne.

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Dimanche, ma gauche peut gagner en Grèce
Vidéo – 20 janvier 2015

Le 20 janvier 2015, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFMTV. Il était notamment interrogé sur la situation politique en Grèce et la possible victoire de Syriza au scrutin du 25 décembre. Jean-Luc Mélenchon a ensuite parlé de la dette publique grecque, qui pourrait, être rayée « d’un trait de plume » s’il y avait pour le faire une volonté politique. Ont également été discutées les élections départementales, la loi Macron et la marche du 11 janvier suite aux attaques de Charlie Hebdo, Montrouge et Vincennes.

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Message de soutien à Syriza et Tsipras
Vidéo – 22 janvier 2015

Dimanche 25 janvier, le peuple grec vote. Une victoire de Syriza pourrait changer la situation non seulement en Grèce mais dans toute l’Europe, et en France en particulier, en rompant pour de bon la chaîne de l’austérité.

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Les banques n’animent pas l’économie réelle
Vidéo – 22 janvier 2015

Invité de i>Télé le jeudi 22 janvier, Jean-Luc Mélenchon a parlé des mesures du gouvernement concernant la laïcité et le terrorisme. Il a appelé à ne pas supprimer les postes de douaniers, qui permettent le contrôle des marchandises et donc potentiellement des armes de guerre. Interrogé sur la politique économique de la Banque centrale européenne, Jean-Luc Mélenchon a expliqué qu’elle finançait, au final, l’économie financière et non l’économie réelle. Il a enfin expliqué pourquoi il espérait une victoire de Syriza le dimanche 25 janvier.

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Victoire de Syriza : c’est un grand soir démocratique
Vidéo – 25 janvier 2015

Le dimanche 25 janvier, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de BFMTV. Il était interrogé sur la victoire de Syriza en Grèce, qu’il a qualifiée de « grand soir » démocratique et a appelé à changer le modèle économique de l’Europe, en cessant la politique d’austérité et en arrêtant de faire peur aux gens avec la dette publique.

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Victoire de Syriza : c’est un moment historique !
Vidéo – 25 janvier 2015

Le 25 janvier, au soir de la victoire de Syriza en Grèce, Jean-Luc Mélenchon réagissait au 20H de France 2. Il a appelé à un moratoire sur la dette.

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Syriza : c’est une page qui se tourne en Europe
Vidéo – 25 janvier 2015

Invité de i>Télé le 25 janvier 2015, Jean-Luc Mélenchon s’est félicité de la victoire de Syriza en Grèce et a appelé à ce que la France soit porteuse d’un moratoire sur la dette grecque.

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L’Histoire de l’Europe est en train de basculer

Vidéo – 26 janvier 2015

Le 26 janvier 2015, Jean-Luc Mélenchon était l’invité des 4 vérités sur France 2 pour parler de la victoire de Syriza en Grèce. Il a expliqué que la dette grecque ne serait jamais payée parce qu’elle est tout simplement impayable.

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L’effet domino, vite !
Note de blog – 26 janvier 2015

La victoire de Syriza est un évènement historique. L’ère de la toute-puissance arrogante des néo-libéraux en Europe commence sa fin. Une occasion extraordinaire se présente pour refonder l’Europe, c’est-à-dire une occasion d’abolir les traités qui en ont fait ce monstre libéral monétariste. A partir de notre victoire en Grèce on peut imaginer un effet domino. Ce serait comparable à celui qui a touché l’Amérique latine. Là bas c’est ce qui s’est passé après qu’un premier pays se soit débarrassé de son gouvernement du PS ou de la droite, ou des deux en coalition, qui obéissaient au doigt et à l’œil du FMI. En effet, les mêmes le font ici avec la Troïka et madame Merkel ! La vague commencée là-bas vient d’arriver en Europe en passant par le sud de celle-ci qui en est le plus proche culturellement.

Evidemment, les puissants et le système cherchent la parade. L’opération de la BCE en est une illustration dont je parlerai la prochaine fois. Dans l’immédiat, un premier barrage idéologique se met en place. Son objectif est de dénaturer le sens de ce qui vient de se passer. Hier infréquentable et qualifié de « Mélenchon grec » pour mieux le diaboliser, Tsipras semble faire désormais l’unanimité. La description à présent veut en faire un quasi membre du PS quand bien même les électeurs grecs ont pourtant envoyé dans les poubelles de l’Histoire le lamentable président de l’Internationale socialiste Georges Papandréou et son parti clanique, le PASOK.

En France, comme madame Le Pen était absente du tableau une fois de plus, les commentateurs ont repris leur ritournelle pour la ramener dans le débat à n’importe quel prix. Elle soutient la victoire de Syriza ! Pas un commentateur qui ne relaie la question stupide qu’elle a réussi à leur imposer : « ça ne vous dérange pas ? ». Avec le gros sous-entendu : « les deux extrêmes se rejoignent gnagnagna… ». Il y a même eu un commentaire joyeux pour dire qu’elle avait réussi à me « couper l’herbe sous le pied » et que cela expliquerait l’annulation de mon séjour prévu à Athènes et au meeting d’Héraklion ! Naturellement, le rédacteur n’en croit pas un mot. Il s’agit seulement de provoquer une réaction outrée de ma part et une de ces bonnes indignations créatrices de buzz sans lequel les médias ne peuvent plus vivre. En fait, les enquêtes montrent que personne ne croit à cette thèse. « L’opinion » mesurée par les sondages y voit plus clair que les perroquets du système !

 

Le cirque est à son comble chez les solfériniens. Ils n’ont jamais reçu une seule fois Tsipras ! Ils ont toujours appuyé à tous les niveaux le PS grec, le PASOK, ce parti de voyous corrompus qui a appliqué huit plans d’austérité et gouverné sans interruption depuis 2010, y compris avec la droite et l’extrême droite ! Hollande est allé sur place embrasser sur la bouche Papandréou, encourager la coalition de la droite et du PS/PASOK, y compris dans la séquence commune avec l’extrême droite des lepénistes locaux ! Il a recommandé aux entreprises françaises de participer au dépeçage des biens publics grecs et fait leur publicité sur place ! Depuis que le PASOK est devenu enfin un groupuscule, les mêmes bouches en cœur décrivent dorénavant Tsipras comme un des leurs ! Et même, excusez du peu, un « appui pour François Hollande » ! On a le droit de bien rire ! Les voilà en train de nous courir derrière ! Le peuple grec a dit non aussi à ces faux amis, perfides et opportunistes. Maintenant ceux qui disent « respecter le choix des Grecs » (c’est quoi l’alternative ? L’intervention punitive ?) doivent en tirer la leçon. Ils doivent capituler et renoncer à leur part du pillage de la Grèce.

Les solfériniens ne tiendront pas un mètre sur le terrain de leur nouvelle affection. Voici ma mise au pied du mur : la France de Hollande et du PS doit être la première à proposer le moratoire sur la dette grecque ! Elle doit renoncer à toucher les intérêts sur les titres de dette grecque. Elle doit proposer la négociation de la dette. On verra bien alors que comme d’habitude le PS ment dans son prétendu soutien et que Hollande est juste un adversaire de son soi-disant nouvel ami grec !

Le sort de la dette de la Grèce est évidemment le cœur du futur de ce pays ! Syriza l’a emporté par ses propositions sur la gestion de cette affaire. Beaucoup de commentateurs sont absolument paralysés devant cette question. Pour eux, cette dette est une sorte de fétiche dont la réalité ne peut être mise en cause. Voyons cela. Vous qui me lisez, venez faire provision d’arguments… Âmes sensibles s’abstenir…

Certains prétendent même que son annulation provoquerait une catastrophe financière majeure. « Payez ou ce sera le désastre », disent-ils. En réalité c’est payer qui est le désastre. Tout le monde peut le constater en regardant l’état dans lequel se trouvent les pays qui payent. En réalité, tout le monde sait que cette dette est impayable. Je demande que l’on prenne cette expression au pied de la lettre. On ne peut pas la payer. Dire qu’elle sera payée est absurde. Cela revient à annoncer au peuple concerné qu’il devra consacrer toutes ses ressources, à perpétuité, à payer la dette. Car ce genre de dette est une boule de neige. Elle représentait 120 % de la richesse annuelle de la Grèce au début de la crise. Après 5 ans de cure d’austérité totale elle représente 190 % de la richesse produite en une année ! La discussion ne peut donc avoir qu’un objet : comment effacer la dette sans casse, c’est-à-dire sans que le système bancaire s’effondre. Aujourd’hui, dans ce post, je veux d’abord donner des arguments qui montrent pourquoi la question de la dette grecque ne se pose pas dans les termes simplistes dans lesquels nombre de commentateurs la posent. Je veux montrer que l’Histoire récente donne des arguments forts pour contester la prétendue intangibilité de cette dette.

Dans mon prochain post, je présenterai mon analyse sur ce que cette dette est déjà actuellement et comment l’effacer techniquement sans précipiter tout le système dans un bug géant.

La dette ? Quelle dette ?

Avant d’examiner les questions techniques, il faut bien réfléchir à la philosophie de cette affaire. Les puristes disent « une dette est un accord entre deux parties, il faut le respecter » : donc il faut la payer. C’est ce qu’a répété en Grèce Pierre Moscovici, le commissaire européen du PS, ces jours derniers : « Une dette n’est pas faite pour être effacée, elle existe, elle doit être remboursée ».

Il va de soi que la vie en société repose sur le respect des conventions signées. Car annuler unilatéralement un accord c’est s’exposer à ce que les parties adverses en fassent autant sur d’autres accords et il n’est pas certains que le bilan final soit positif pour celui qui prend l’initiative de la chaîne des ruptures. Mais un premier débat porterait évidemment sur la légitimité de l’accord conclu. Un bon accord suppose l’égalité des parties et donc la liberté d’agir de chacune d’entre elles. Exemple : une signature donnée sous la contrainte n’entre pas dans cette catégorie. Ensuite, on distinguera ce qui est dû au titre du capital et ce qui est dû au titre des intérêts. Le capital peut être considéré comme une propriété, même si dans le cas du prêt bancaire sa valeur n’existe pas puisque la banque n’a pas dans ses coffres l’argent qu’elle prête. Au moment de la discussion sur la dette, on pourrait vérifier si la valeur du capital emprunté a été ou non remboursée. La surprise, ce sera de constater que dans la plupart des cas, le capital initial est largement remboursé. Ainsi quand on entend dire « il faut rembourser la dette » la phrase est souvent un mensonge. Il faudrait dire « il faut payer les intérêts ». On comprend pourquoi cela n’est pas dit de cette

 

façon… Car tout le monde serait tenté de s’interroger sur le taux d’intérêt payé et sur sa justification. Ce fait banal touche aussi au cœur de la doctrine financière. Car les taux d’intérêt usuraires sont imposés au nom du « risque de défaut », non ? Bien sûr, ces taux augmentent le risque de défaut, c’est bien pourquoi ce système est absurde. Mais ce n’est pas le plus important ! Le plus important, c’est que si l’on fait payer un risque c’est donc qu’il est prévu aussi qu’il puisse se réaliser. Ceux qui ont saigné la Grèce au nom du risque ne peuvent protester quand il se concrétise !

Une fois posé ceci en général, voyons les cas concrets. Car en sens inverse, il arrive que les prêteurs soient conscients du fait que leurs exigences sont insoutenables et que, s’ils les maintiennent, tout le système qui les contient eux-mêmes pourrait s’effondrer. C’est ce qui s’est produit au lendemain de la seconde guerre mondiale à propos de l’Allemagne vaincue. Sa dette à l’égard des autres pays fut effacée en quasi-totalité. Il s’agissait d’empêcher que le martyr du remboursement des immenses dégâts et carnages dus aux armées allemandes dans toute l’Europe pousse les citoyens dans les bras des communistes et de l’Allemagne de l’est. Le 27 Février 1953, la Conférence de Londres aboutit à l’annulation de près des deux tiers de la dette allemande (62,6%) par ses créanciers étrangers ! La dette d’avant-guerre, qui avait été une des causes directes de la victoire des nazis fut radicalement réduite de 22,6 milliards à 7,5 milliards de Marks. La dette d’après-guerre est réduite de 16,2 milliards à 7 milliards de Marks. Ce sont des effacements considérables. L’accord fut signé entre la toute nouvelle RFA et pas moins de 22 pays créanciers. Parmi les 22 créanciers, on trouve les États-Unis, la Grande Bretagne, la France, mais aussi la Grèce elle-même ! Cet exemple montre comment parfois on peut décider d’une annulation radicale pour sauver l’équilibre d’un système !

J’ai un exemple de ce que je viens d’énoncer que je juge encore plus parlant. C’est celui de la dette… de l’Irak. Après la deuxième guerre du Golfe, celle que ne firent ni la France, ni l’Allemagne, ni le Canada et ainsi de suite, les États-Unis dénoncèrent la dette contractée par le régime de Saddam Hussein. Bush fils la nomma « dette odieuse », reprenant un terme que seuls utilisaient déjà les altermondialistes. Ces derniers l’avaient eux-mêmes emprunté à une doctrine du 19e siècle. Elle est apparue lors du conflit opposant l’Espagne et les États-Unis en 1898. A cette date, Cuba, jusque-là colonie espagnole, passe sous le protectorat musclé des États-Unis. L’Espagne exige alors des États-Unis le remboursement la dette de Cuba auprès d’elle. Les USA refusent. Ils déclarent cette dette « odieuse », c’est-à-dire contractée par un régime despotique pour mener des politiques contraires aux intérêts des citoyens. « Ce qui est important, c’est que cette déclaration, finalement reconnue par l’Espagne, est inscrite dans un traité international, le Traité de Paris, qui fait donc jurisprudence. » note Eric Toussaint à qui j’emprunte ce savoir.

Peu importe à cette heure les démêlées sur le sujet de cette dette en particulier. En suivant le lien mes lecteurs en apprendront davantage et je leur demande de le faire pour fortifier leurs arguments quand ils devront les porter dans leur environnement. Au final, la dette irakienne fut annulée à 80% ! Cela représentait 120 milliards de dollars ! Retenez ce chiffre. C’est plus du tiers du montant de la dette grecque au début de la crise ! Suivez le raisonnement. Chacun s’accorde à dire que les comptes publics étaient maquillés par les gouvernements de droite sur la base des conseils donnés dans ce sens par Goldman-Sachs ! On peut donc qualifier cette dette de « dette odieuse » dans le sens que Bush lui donnait à propos de l’Irak !

L’Allemagne doit payer

Mais pour l’instant, faisons comme si nous acceptions la thèse du remboursement obligatoire indépendamment de toutes circonstances. Dans ce cas, si la Grèce doit payer la dette, ne doit-on pas lui rembourser d’abord celle qu’elle détient auprès des autres, de façon à lui permettre de payer la sienne ? C’est exactement ce que dit Tsipras. Les Allemands ont occupé la Grèce au cours de la seconde guerre mondiale et ils se sont livrés dans ce pays à plusieurs massacres de masse en plus des destructions habituelles. Le comble du cynisme, c’est qu’ils ont fait payer à la Grèce les « frais d’occupation ». Cela représente 168 milliards d’euros actuels. Tsipras a donc prévu de les réclamer à l’Allemagne. « Dès que notre gouvernement sera en fonction, cette question fera l’objet d’une demande officielle » a-t-il déclaré. C’est en effet l’équivalent de la moitié du montant de la dette actuelle. Est-il légitime de réclamer cette somme ? Tenons compte du fait que l’Allemagne actuelle se sent assez comptable des exactions de l’Allemagne nazi pour servir des rentes aux survivants de la Shoah et même pour avoir fait des dons conséquents à Israël, non pour réparer ce qui restera à jamais irréparable, mais comme reconnaissance de sa culpabilité. Cette culpabilité ne peut être ignorée en Grèce et la responsabilité de l’Allemagne dans l’extorsion de fonds violente en Grèce, bien signalée par le terme de « frais d’occupation », ne peut être abrogée. Peut-être dira-t-on que c’est de l’histoire ancienne et qu’il faut savoir tourner la page. Soit. Mais alors la règle doit s’appliquer dans tous les cas.

Ce n’est pas ce qu’a fait la France quand elle a réclamé au nouveau pouvoir russe de monsieur Poutine le paiement des emprunts russes contractés à la fin du dix-neuvième siècle par les Tsars de Russie. Cette dette avait été annulée par le gouvernement des bolchevicks. Cette question des emprunts russes a été réglée par un accord signé en 1997 entre la France et la Russie. Il a consisté en un versement par la Russie à la France 400 millions de dollars ! Les Russes ont donc payé à la fin du vingtième siècle pour une dette dont les premiers titres datent de 1898 ! Mais l’affaire n’est pas close pour autant. Des arrêts du Conseil d’État, déclarent que cet accord entre États n’éteint pas les droits des porteurs privés vis-à-vis de leur débiteur (Conseil d’État n° 226490 à 236070 séance du 12 mars 2003, et Conseil d’État n° 229040 séance du 7 janvier 2004). Peu avant son élection Nicolas Sarkozy avait confirmé cette position. Il l’a fait par écrit. Il s’agit d’une lettre signée le 19 mars 2007 adressée aux porteurs privés réunis en association. En voici le passage clef : « L’accord franco-russe signé le 27 mai 1997 a eu pour effet la renonciation mutuelle des réclamations respectives des gouvernements français et russe. Néanmoins, il n’a pas pour autant éteint les droits de créance des ressortissants français sur le gouvernement russe. La situation n’est donc pas figée ». On ne peut être plus clair. Dès lors, ce qui est vrai face aux Russes cent vingt ans plus tard cesse-t-il d’être vrai face aux Allemands soixante-cinq ans après les faits ? Doit-on rappeler que les crimes des nazis sont imprescriptibles ?

Tout ce qui précède est destiné à donner l’environnement historique et culturel de la question de la dette grecque, qui est présentée comme une sorte de fait indiscutable avec la dose de terrorisme intellectuel habituelle dans ce type de situation. Voici ce qui me frappe le plus : on considère comme un fait d’évidence qu’il y aurait une sorte de « responsabilité collective » des Grecs vis-à-vis de la dette. Pourquoi imputer à tout un peuple les pillages de quelques-uns ? Surtout quand ce petit nombre maquillait les comptes publics pour cacher ses turpitudes. Et cela avec l’aide d’une banque, Goldman-Sachs, que nul n’a inquiétée depuis pour ces faits ? Et pourquoi imputer aux Grecs cette responsabilité collective vis-à-vis d’une telle question alors que l’on se refuse à juste titre à établir une responsabilité collective du peuple allemand dans les crimes du nazisme, alors même que ceux-ci furent commis avec une participation individuelle assez massive, que les moindres images d’archives rappellent sans contestation possible.

 

La France doit passer de la résistance à la libération
Interview au JDD – 1er février 2015

Vous avez applaudi à la victoire de Syriza en espérant dans toute l’Europe un effet domino. Mais la Grèce a un taux de chômage de 25% et la France de 10% !

Ce qui est commun à toute ­l’Europe, ce sont les politiques d’austérité qui détruisent nos sociétés. Et elles aggravent le problème de la dette en prétendant le résoudre. François Hollande nous a enfermés dans cette impasse.

La Grèce doit-elle « payer » sa dette?

Elle ne le pourra jamais. « Effacer la dette », la « rééchelonner » : peu importe le mot qu’on utilisera : c’est inévitable. Cette dette n’est pas payable. Ce n’est pas la seule. Les solutions techniques existent pour que cela ne coûte rien. Hollande est maintenant au pied du mur : il doit donner des preuves concrètes de son affection tardive pour Tsipras ! À lui de prendre l’initiative d’un moratoire sur la dette grecque. Assez joué au couple Thénardier avec Merkel !

Vous demandez donc aux Français de payer pour les Grecs?

Personne ne paiera ! La Banque centrale européenne doit faire comme celle des États-Unis et racheter toute la dette. Les Français devraient plutôt se demander comment une dette contractée auprès des banques privée est à présent à 80 % dans des caisses publiques ! Une commission d’enquête parlementaire sur la dette en Europe serait très utile.

Votre situation en France n’est pas celle d’Alexis Tsipras en Grèce…

 

En effet. La situation n’est pas aussi mûre. Et nous nous heurtons à un obstacle majeur : le mode de scrutin. En Grèce, la « caste » a perdu grâce à la proportionnelle. En France, elle résiste grâce à la monarchie présidentielle. C’est pourquoi je veux mobiliser pour la VIe République. J’annonce qu’à partir du 20 février et jusqu’au 18 mars, nous allons organiser des élections pour former une assemblée représentative du Mouvement pour la VIe République. Une partie sera tirée au sort, l’autre élue à partir des milliers de signataires du site M6R. Cette assemblée doit représenter tous ceux qui veulent renverser ce système qui permet à la « caste » de se maintenir au pouvoir en dépit de ses parjures.

En Grèce, Tsipras a noué une alliance avec des nationalistes de droite…

Il manque deux sièges à Syriza pour être majoritaire. Le parti communiste orthodoxe grec a refusé de soutenir Syriza. Le PS qui a gouverné avec la droite et l’extrême droite est haï. Que devait faire Tsipras ? Retourner aux urnes.

Pourriez-vous imaginer, vous, de faire alliance avec Nicolas Dupont-Aignan ?

Idée politicienne ! Laissons la « caste » mélanger les étiquettes de gauche et de droite pour faire pareil, M. Macron d’un côté, Mme Lagarde de l’autre ! Quand la droite et le PS tournent le dos à leur histoire et deviennent des partis purement libéraux, le vrai clivage change : le peuple d’un côté, l’oligarchie de l’autre. La finance n’a plus peur de la gauche officielle : elle a peur du peuple. C’est lui qu’il faut fédérer.

En France, de quoi rêvez-vous ? D’un rassemblement, d’une alliance ?

Le Front de Gauche a atteint sa limite : il faut voir bien plus grand. Quand nous, les Verts, les socialistes dissidents, Nouvelle Donne ne votons pas le budget et ne participons pas à la majorité gouvernementale, nous avons le devoir de proposer autre chose aux Français. Nous rassembler est une exigence morale. Les couteaux sans lame ne servent à rien ! Ne perdons pas de temps. Car il faut mettre le peuple en appétit ! Il a montré de quoi il est capable seul avec la manif Charlie ! Alors le temps des simples cartels de partis est fini. Je souhaite une alliance citoyenne où le peuple commande. Aujourd’hui, le peuple est grand, mais la politique est petite ! Avec la Grèce commence un nouveau cycle. Et la France aussi doit passer de la résistance au libéralisme à la libération.

Vous faites l’impasse sur le PS ?

Le PS est un astre mort. Ses cadres sont totalement coupés de la société française. Son logiciel est périmé. Productivistes aveuglés, ils comptent sur une croissance infinie dans un monde qui ne l’est pas. Sociaux-libéraux, ils cajolent la finance. Leur seul argument, c’est le « vote utile » ! Les citoyens sont seuls juges par leur vote. Pas d’arrangements au sommet !

Le PS vous accuse de diviser la gauche et ainsi d’ouvrir la voie à la droite et à l’extrême droite…

Ce chantage odieux ne marchera plus ! Si quelqu’un a mis le camp progressiste en danger, c’est le PS. Il veut obliger tout le monde à reboucher le trou qu’il a lui-même creusé. En 2012, on n’est pas monté sur le pédalo, ce n’est pas pour aller aujourd’hui sur le Radeau de la méduse.

Diriez-vous que Marine Le Pen menace la République ?

Elle n’est pas la seule ! Et les autres, quand ils acceptent de ­déposséder le peuple de sa souveraineté pour aller la remettre aux mains de la Commission européenne ? Et quand ils détruisent l’État et vendent les services publics ? Où est le danger pour la Ve République puisqu’elle s’en réclame ? Ce qui est un danger, c’est bien cette Constitution : elle permet à un tel personnage, avec une telle doctrine politique, d’exercer un pouvoir aussi considérable !

Vous dites que, pour 2017, vous ne voulez pas être un « obstacle » au rassemblement de cette gauche alternative…

 

Ma situation est simple : je suis disponible. De bon cœur, j’irai au poste de combat que l’on m’assignera. Je ne suis pas un simple protestataire. Si nous devions gouverner, je saurais le faire. Je veux notre victoire. Je crois qu’il faut travailler à une candidature commune. Pour cela, il faut un programme partagé. Nous avons commencé avec les Chantiers de l’espoir. Avec Cécile Duflot, Pierre Laurent, Clémentine Autain et bien d’autres, nous venons de signer un texte pour un programme partagé en affirmant vouloir gouverner ensemble. Mais l’essentiel pour moi est que cette élection-là serve à changer la règle du jeu politique. Si à la prochaine présidentielle est resservi le potage habituel, les Français se détourneront de l’assiette. La meilleure candidature en 2017 c’est la VIe République, celle où les citoyens refondent leur pays en définissant une nouvelle Constitution! L’idée peut rassembler de tous côtés. Sinon, le désastre est certain.

Au nom de cette nouvelle alliance, Emmanuelle Cosse peut-elle être votre candidate commune en Île-de-France?

Pourquoi pas ? Si l’on s’entend au niveau national sur un accord dans toutes les régions ? La force de notre alliance, ce sera sa diversité, sa clarté, et surtout le pouvoir qu’y aura le rassemblement des citoyens. La méthode, c’est celle de Grenoble, où un raz-de-marée citoyen a tout changé aux municipales.

 

Syriza, Podemos : les sept jours qui changent l’Europe
Note de blog – 4 février 2015

Ce post traite de la première semaine du gouvernement Syriza et de la marche de Podemos en Espagne. Je suis donc en pleine crise de « tourisme révolutionnaire » comme le dit le podagre de la pensée en chambre close Jacques Julliard. Sa pensée pétillante et nuancée est en effet invoquée contre moi sur ces mots par un grand reporter de hall d’hôtel dans « Le Monde ». Une semaine délicieuse où les cris de rage de la caste résonnaient comme une musique suave. Mais surtout comme une information sur l’ampleur du désastre qu’elle subit et qu’elle veut parer par tous les moyens. « Y compris par les moyens légaux », comme aurait dit Léon Blum.

Cette semaine s’est déroulée dans l’onde de choc de la victoire de Syriza en Grèce. Elle a été celle du début de la contre propagande la plus classique en pareil cas. Celle-ci a fonctionné sur des registres classiques pour nier l’identité du parti et de l’action de Tsipras, brouiller les signaux venus de Grèce et confondre les attributions. À la fin Syriza serait une sorte de parti solférinien soutenu par le Front national et nous serions de vils récupérateurs. Hilarant ! Le plus grotesque et sans vergogne est l’accusation de « récupérer » Syriza. Comme si Tsipras n’avait pas été notre candidat commun pendant les élections européennes pour la Commission Européenne ! Comme si nous n’étions pas membre du même parti européen, le PGE, que préside l’un d’entre nous : Pierre Laurent ! Comme si nous ne siégions pas au même groupe au Parlement européen, la GUE ! Mieux inspiré d’habitude, Ruquier a lui aussi passé ce sketch dans son émission ONPC. Cela fonctionne comme d’habitude en boucle, en mouton de Panurge.

Telle a été la construction séance tenante d’une ligne de défense contre la contagion en France. De soudains puristes ont alors surgi pour s’indigner de l’alliance avec la droite nationaliste, eux qui n’avaient rien à dire quand les socialistes gouvernaient avec l’extrême-droite. D’autres la jouait sur un registre de ravi de la crèche : « en fait ce sont de bons réformistes et même nos meilleurs amis depuis toujours ». Puis ce fut l’annonce que les Grecs mettraient de l’eau dans leur vin. Tout cela est excellent car cela n’a rien à voir avec la réalité. Il est important pour nous que l’ennemi se leurre sur ce qu’il affronte. Nous voyons donc bien qu’il est encore pris par surprise. Il n’a pas compris que le mouvement était engagé dans un vrai rapport de force. Il a cru que des gesticulations médiatiques suffiraient pour attendre le moment où ce gouvernement grec capitulera enfin comme les autres. Dès lors, la première manche a été gagnée par les Grecs. En chassant la troïka et en sortant du mémorandum, les Grecs ont agi comme l’avait fait Rafael Correa en Equateur dès son arrivée au pouvoir. Ils ont mis la bande à Merkel dans l’obligation de faire le pas de plus : soit refuser la discussion et provoquer la crise de l’euro, soit négocier et ouvrir la brèche. Dans cette affaire nous n’avons rien à perdre. Eux beaucoup.

Les premiers pas du gouvernement Tsipras ont été un concentré de ce que nous-mêmes nous avons connu en mai 1981. De très rudes coups ont été portés au système de la caste. Les symboles eux-mêmes sont très puissants. Le fait pour l’intronisation du Premier ministre de ne pas jurer sur la Bible est une broutille vu d’ici. Là bas, c’est d’une violence symbolique terrible. Mais quand on passe à l’expulsion de la Troïka ! Puis à l’affirmation de la souveraineté nationale en affichant que la Grèce ne signera pas le Traité sur le Grand Marché Transatlantique, ce qui ruine cette affaire ! Ou bien que le gouvernement grec désapprouve les déclarations anti-russes de la Commission ! Bref, l’explosion a commencé. L’ennemi ne le réalise que par bribes. Du peu qu’il comprend, il en tire l’idée stupide de rouler les mécaniques et d’entrer en escalade. Excellent pour nous car il n’a pas les moyens de ses mouvements de menton. Quand le banquier central menace de couper la circulation monétaire en Grèce, il pose un acte de guerre tout à fait vain, mais extraordinairement dangereux. La Grèce n’est pas Chypre ! Poussée à se mettre en défaut, la Grèce provoquera la disqualification de l’Euro. Je doute que cela soit du gout des Chinois ou des Russes, détenteurs de réserves considérables dans cette monnaie ! Ainsi est validée dans les faits la stratégie que j’ai mille fois expliquées sur des dizaines de plateau, avec pour toute réaction des sourires niais ou des yeux de merlans frits ! Je jubile ! Ils ne connaissent pas la suite. Nous, si !

Si notre rôle est bien de repérer tout ce qui peut permettre un effet domino, pour autant nous aurions tort de croire qu’il sera mécanique ou qu’il nous donnera la main en France sans autre effort qu’être au bon endroit au bon moment. D’abord parce que comme chacun le sait trop bien, l’existence d’un mouvement comme le FN perturbe sérieusement les comparaisons. Ensuite parce que la suite de la séquence grecque va remodeler le contexte. En premier lieu parce que le sort de la dette va peser sur toutes les consciences. Au demeurant, il n’est pas exclu que l’arrogance de Merkel sur ce sujet ne provoque une catastrophe, non seulement en Grèce mais sur tout le vieux continent. Je nomme catastrophe un effondrement sans contrôle de la zone euro. En second lieu, parce que dorénavant les puissants se savent en danger en Europe. Les chiens vont se lâcher. La propagande va se débonder. L’habituelle panoplie va être déployée. Je pense que l’accusation d’antisémitisme ne va tarder. N’a–t-elle pas commencé quand un journaliste vedette de « Libération » accuse Syriza d’être un « gouvernement rouge-brun » ? Ou quand un Daniel Cohn-Bendit crache sa haine de caste sur des dizaines de lignes qui ont donné le ton à tous les perroquets sociaux-libéraux ? La suite va être répugnante, croyez en ce que j’ai vu à ce sujet en Amérique latine. Certes, la police des esprits a été prise de court. Mais elle va bientôt redisposer ses batteries. Accompagnée, suivie, ou précédée de « révélations » de tous ordres dont le facteur commun sera de dénigrer, avilir les personnes qui incarnent le changement. On connait la musique. Dans ce contexte la lettre ouverte de Tsipras aux lecteurs allemands est un petit chef d’œuvre de ce que nous savons faire dans l’Histoire. Cela ne garantit rien, comme le précédent de la lettre du premier gouvernement de Lénine aux Allemands l’a montré. Mais à l’ère des réseaux sociaux, cela permet un contact direct avec l’argumentaire du principal protagoniste, sans l’intermédiaire des décryptages des embrouilleurs professionnels.

Le choc en retour pour nous est bien visible. Je m’amuse d’observer le flot de lazzis qui m’accable dans les colonnes du parti médiatique ces temps derniers et même à l’écran. Plantu me montre ivre, bière à la main, devant l’écran de télé. Madame Fressoz dans « Le Monde » m’appelle « Méluche » et, après avoir dit que je « clame » ceci ou cela à trois reprises, elle me voit « ivre » de mes meetings de 2012, puis « ivre » de notre victoire en Grèce. Avant d’annoncer que le résultat de la Grèce montrait que je pouvais faire gagner le Front National. En lisant ça, évitez de fumer la moquette, ça ferait double emploi ! Tout le reste est à l’avenant. Même « Le Canard enchaîné », de façon bien inattendue, sous la plume d’Anne Sophie Mercier, nous accable de railleries dans la pure veine des bien-pensants. Avant de traiter notre victoire électorale de « farce ». Rien de moins.

Pourquoi une telle entreprise de démolition, et pourquoi une telle confusion dans les méthodes de dézinguage ? Tous ces gens n’ont rien vu venir. Ils ne connaissent toujours rien à cette famille politique en construction depuis les premières réunions du forum de San Paolo en 1991. Là-bas aussi nous étions considérés comme un ramassis folklorique. Nous sommes aujourd’hui au pouvoir, avec des histoires et des programmes différents, dans dix pays où la droite et la social-démocratie se sont effondrés dans la corruption et les programmes d’austérité du FMI et de la banque mondiale. Pris de nouveau par surprise sur le vieux continent, ils tirent dans le tas de ce qu’ils ressentent comme un grand danger. Et nous le sommes en effet. Pas comme ils le disent ni pour les raisons qu’ils donnent. Mais pour leurs mandants, la finance mondialisée. Mais le parti médiatique pourrait-il être moins grossier ? Juste par élégance. Pourquoi ne raffinerait il pas son argumentaire ? Pourquoi les mêmes injures, les mêmes clichés depuis un demi-siècle contre tout ce qui bouge ? Parce que la classe moyenne à laquelle ils s’adressent est puissamment lobotomisée politiquement, après trente ans de drogues dures libéralo-libertaires. Dorénavant précipitée dans le déclassement elle se cramponne à des certitudes de pacotilles que le parti médiatique lui sert à grosse louche. Ce régime alimentaire ne suffira pas à faire cesser le mal qui les ronge.

Mais déjà, commençons par le commencement de nos tâches. D’abord éviter de répercuter les ragots et calomnies des trolls de tous poils sur la scène médiatico-politique. Ensuite, il faut s’armer d’une doctrine d’action stable. Celle de la « solidarité raisonnée ». Pas d’adulation ostentatoire. Mais pas de critiques pour prouver qu’on est libre de dire du mal et comme si dire du bien serait de la complaisance ! Pas de suivisme au jour le jour, non plus. Nous ne sommes pas, nous, les répétiteurs de l’ambassade du pays que nous soutenons. Nous ne devons jamais partir d’autre chose que de notre propre intérêt à soutenir et défendre la Grèce dans son choc avec les institutions malfaisantes de l’Union européenne. Exemple dans l’affaire de la dette. Quoi que négocie le gouvernement grec, nous devons interpeller le nôtre sur le fond du sujet. Notre travail doit être d’expliquer ce qu’est une « dette odieuse ». Et de mettre tout le monde pédagogiquement au pied du mur : du côté du peuple grec ou du côté des créanciers?

En Espagne, la caste prend les devants

Pablo Iglésias est en train d’en faire l’expérience. Le système médiatique écume de haine. Ce n’est pas pour autant qu’il modifie ses méthodes. Ainsi avec la marche de Podemos à Madrid. J’y étais. J’ai vu un de ces évènements qui marquent un mouvement politique jusqu’au point de figurer dans les pages de l’Histoire d’un pays. Madrid en marche a fonctionné comme une réplique de la victoire d’Athènes. Mais loin de moi l’idée qu’elle soit seulement cela. Les moteurs sont allumés en Espagne depuis bien longtemps. La façon avec laquelle Podemos a capté, canalisé et mis en mouvement cette énergie est bien sûr un objet d’étude très important. Je ne l’entreprends pas ici, quand bien même l’ai-je commencé depuis la percée de Podemos aux européennes. La pente générale des évènements en Espagne va vers le point « qu’ils s’en aillent tous ». Nommer le processus ce n’est pas le dire accompli. C’est pour cela que je parle de « pente ». Cette pente est prise en France aussi. Elle prend la forme d’une abstention massive à présent. Le dernier député élu l’a été dans l’Aube avec 9% des inscrits ! Celui qui le sera dans le Doubs le sera avec à peine 12 % des inscrits. Pour l’instant, l’abstention est la ligne d’expression de la grève du peuple. En Espagne, tout est beaucoup plus avancé du fait de la violence du programme de la Troïka et de l’étalage de la corruption qui gangrène les deux partis institutionnels, le PSOE et la Droite au pouvoir. Le contexte est celui d’une turbulence plus aboutie politiquement. Mais encore balbutiante, il faut le savoir.

Je dois dire que l’analyse du mouvement qui a conduit à l’émergence de Podemos ne commence pas avec les européennes. Il est la conséquence d’un débat commencé avant cela dans les rangs mêmes d’Izquierda Unida, l’équivalent alors du Front de Gauche en France. La question était celle de la ligne stratégique entre l’ancienne conception traditionnelle de la gauche du « rassemblement à gauche » et celle visant à « fédérer le peuple ». Je viens d’ailleurs de compléter ma compréhension du débat par quelques heures de discussions sur place avec plusieurs responsables de notre gauche en Espagne, aussi bien Pablo Iglésias de « Podemos » qu’Alberto Garzon de « Izquierda Unida ». Il y a un paradoxe de la situation à propos de ces deux hommes. Pablo Iglésias était membre d’Izquierda Unida. Il l’a quitté pour affirmer Podemos sur la ligne de l’esprit du mouvement des marées citoyennes. Il a pris sa décision après que la vieille garde des dirigeants communistes ait composé une liste jugée très fermée sur eux-mêmes aux européennes. À l’inverse, l’actuelle tête de liste aux élections législatives d’Izquierda Unida, Alberto Garzon, vient lui du mouvement de la Puerta del Sol. Il a rejoint IU pour donner une expression politique à ce qu’il faisait socialement. Les deux se connaissent et se respectent mutuellement. Ce chassé-croisé montre que l’essentiel n’est ni le look, ni la personnalité, ni la sincérité mais la justesse de l’analyse, la capacité d’ouverture et l’art de porter une idée jusqu’au bout qui font la décision. Je recommande sur ce thème la lecture de l’article de François Ralle Andréoli sur le site du PG. Vivant sur place, élu consulaire Front de gauche, membre du comité du PG à Madrid, il est davantage qu’un observateur, j’en conviens. Mais comme le disait Camus, journaliste de parti pris, « l’engagement n’exclut pas le goût de la vérité ». Son résumé fait débat et réflexion. Il a été écrit pour ça. Beaucoup de ceux qui découvrent la situation ne connaissent pas les racines des mouvements en présence et les difficultés qu’ils affrontent dans la mise en œuvre de leurs conceptions. Ni les références des protagonistes. Ainsi en est-il de la part singulière d’Ernesto Laclau dans la construction du nouveau cadre de référence de nombre de mouvements influencés par les expériences latino-américaines. De la présentation que j’en ai donnée au malheureux journaliste du « Monde », celui-ci en a déduit ma « fascination romantique » pour l’Amérique latine. A quoi bon expliquer de la philosophie politique à de tels cerveaux imperméabilisés !

S’agissant d’Ernesto Laclau, les habitués de ce blog savent que j’ai été son invité à une conférence à Buenos Aires. C’est à cette occasion que j’ai prononcé un discours sur les « trois bifurcations dans notre époque » qui est la matrice de mon livre « L’Ère du peuple ». On trouve ce texte sur ce blog. Il intègre une séquence sur des concepts tels que la conflictualité comme stratégie, y compris dans sa dimension médiatique, et une réflexion amorcée sur « le parti sans mur ». Après coup, je crois ce document toujours d’actualité pour décrire sommairement ce que « L’Ère du peuple » détaille. Avis aux amateurs d’idées et de construction de références idéologiques.

Divers journalistes m’ont accompagné en Espagne. Ce qu’ils en tireront se verra à mesure. On a juste vu le début pour l’instant, comment « Le Monde » m’assassine ligne après ligne. En titrant finement « le pari de l’étranger », le rubricard intérimaire veut gagner ses galons auprès de ses chefs en narguant mon « tourisme révolutionnaire ». De son côté, le service photo, déjà bien connu de nous, publie une photo de la marche ou l’on voit aux côtés de Pablo Iglésias la représentante du « polo démocratico » portugais, mais pas moi. Et ainsi de suite. Le grand reporter de hall d’hôtel est présent, grâce à moi qui ai demandé l’accès pour les journalistes français dans le cercle ou on attendait le départ de la marche, quand Pablo dit « nous sommes heureux que Mélenchon soit avec nous aujourd’hui ; il est une référence pour nous ». Mais il se gardera bien de rapporter cet épisode qui pourrait renforcer mon « romantisme révolutionnaire ». Sur place, ses collègues espagnols pratiquent la méthode française avec ardeur : pas d’images au JT du soir. Juste des commentaires aberrants. Le même soir, en France, Claire Chazal, qu’on ne peut soupçonner d’être incompétente, présente la marche de Madrid en quelques secondes : « En Espagne le parti anti-libéral Podemos veut profiter de la nouvelle vague en Europe » On voit Iglésias mais son nom n’est même pas mentionné. Ainsi va le monde vu par les médias. Excellent. Ils ne savent pas ce qu’ils affrontent.

En toute hypothèse, une nouvelle page s’écrit en Europe depuis la victoire de Tsipras. Le début du script espagnol se passe bien. Nos amis ont la main. Mais leur chemin est périlleux. Arrivent les élections locales, nid à magouilles bien connu de nous. Iglésias a pris, à temps, la bonne décision. Podemos n’a pas de listes locales. Donc pas d’alliance, pas d’arrangements locaux à assumer nationalement. On note cependant l’émergence de liste nommée « Ganamos » un peu partout avec une forte connotation du style « Podemos ». Pour autant la route n’est pas dégagée. Une élection de la communauté andalouse va intervenir. Un Espagnol sur cinq est concerné. Ce rendez-vous peut être une difficulté. Podemos et IU partent séparés. A deux, ils n’atteignent pas la majorité, loin de là. Cet « échec » peut être exploité pour « percer la bulle » comme disent déjà goguenards les partis de la caste. Nous la surmonterons car le PSOE est en train de préparer un modèle ibérique de grande coalition. Avant d’être son cimetière électoral, cette formule semble être aujourd’hui l’ultime rempart pour barrer la route à Podemos. Grande coalition, union nationale, d’un bout à l’autre de l’Europe c’est la même musique sur le modèle allemand. La moitié des pays de l’Union ont un tel gouvernement. La poubelle de l’Histoire n’est pas pleine.

 

Lettre au président de la République
4 février 2015

Monsieur le Président,

J’ai eu l’honneur de répondre à votre invitation pour évoquer les sujets qui vous semblaient engager l’intérêt général de notre pays.

Dans cet esprit je souhaiterais vous rencontrer dans le contexte de la situation ouverte par le nouveau gouvernement grec.

L’avenir de l’Europe et donc celui de la France semble engagé. L’arrêt de la politique d’austérité en Grèce donne lieu à une interpellation des gouvernements européens. La France peut et doit y jouer un rôle essentiel. En même temps la menace inadmissible faite par la Banque centrale européenne de coupure des liquidités à la Grèce fait peser un risque inacceptable de déflagration. Pouvons-nous échanger à ce sujet ?

Vous avez reçu le Premier ministre Alexis Tsipras. Vous vous souvenez qu’il a été notre candidat à la présidence de la Commission européenne. Comme de très nombreux Français, je suis intéressé au succès de son action et à la refondation de l’Europe qu’elle porte. Vous êtes en situation de jouer un rôle décisif dans la discussion qui va s’ouvrir au Conseil du fait de l’importance de notre pays dans l’espace politique, économique et culturel européen. Je sollicite donc l’opportunité d’être reçu par vous à ce sujet.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.

Jean-Luc Mélenchon.

 

À quoi servent les élections ?
Question à la Commission européenne co-rédigée avec Kostas Chrysogonos (Syriza) – 4 février 2015

À l’initiative de mon camarade Kostas CHRYSOGONOS, député de Syriza au Parlement européen nous avons déposé la question suivante à la Commission européenne

Le mercredi 28 Janvier 2015 le Commissaire Jurki Katainen a déclaré publiquement que « nous » (ce qui signifie évidemment les institutions européennes en général et avant tout la Commission européenne) « ne changeons pas de politique en fonction des élections », après les élections grecques du 25 Janvier, 2015. Toutefois, l’article 2 du Traité sur l’Union européenne prévoit que « l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la démocratie ».?

Nous demandons à la Commission :

1. Partage-t-elle l’opinion exprimée par M. Katainen selon lequel les résultats des élections devraient être considérées comme sans importance pour la conception ou la modification des politiques européennes ?

2. Si la Commission partage les vues de M. Katainen, considère-t-elle les élections (parlementaires) comme une partie nécessaire et intégrante de la démocratie, tels qu’indiqué à l’art. 2 TUE, ou non ?

3. Si les résultats des élections doivent être considérées comme non pertinents pour les politiques européennes, comme M. Katainen l’a suggéré, alors quelle est la raison de la tenue d’élections ?

Neoklis SYLIKOTIS, Lola SANCHEZ CALDENTY, Emmanouil GLEZOS, Barbara Spinelli, Tatjana ZDANOKA, Takis HADJIGEORGIOU, Paloma LOPEZ BERMEJO, Kosats CHRYSGONOS, Fabio DE MASI, Jean-Luc MELENCHON, Marisa MATIAS,Nessa CHILDERS, Sofia SAKORAFA, Dario TAMBUR RANO, Marios PAPANDREOU

 

Grèce : refuser le coup d’État financier de la BCE
Note de blog – 5 février 2015

La décision de la BCE (Banque centrale européenne) à l’encontre de la Grèce entraîne l’Europe dans une direction autoritaire inouïe et l’Euro vers une crise majeure. Couper les liquidités d’un pays a déjà été fait contre Chypre. Ce pays avait été mis à genoux par la violence d’un procédé qui s’identifiait comme un acte de guerre. A présent, c’est sur la base d’une « présomption » de blocage de la discussion, appréciation politique qui n’est pas dans ses statuts, que la BCE menace le système bancaire grec d’effondrement.

Par cette décision et la sinistre déclaration de Junker selon laquelle « Il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens » est donc proclamée une théorie de la souveraineté limitée des peuples européens. Ce jour est donc un jour sombre dans l’Histoire de l’Union européenne !

Notre solidarité avec le nouveau gouvernement grec qui veut respecter son mandat doit être très active. Je demande au président de la République François Hollande de s’opposer à la décision de la BCE et d’organiser à Paris un sommet européen pour régler, avec la Grèce, le problème que pose l’austérité sans fin imposée par la Troïka. J’ai demandé à être reçu par lui à ce sujet.

Je propose qu’une initiative de mobilisation dans la rue soit prise. Je crois qu’il ne faut pas tarder à proposer au peuple français d’exprimer sa solidarité avec les Grecs et de défendre sa propre indépendance avant qu’elle soit à son tour mise en cause frontalement comme l’est celle de la Grèce.

D’un mal peut-on tirer un bien ? La violence de la réaction de la BCE contre la Grèce surligne surtout l’impasse du modèle actuel de construction européenne. Il semble se faire comme une raison supérieure à la volonté des peuples et maintenant des nations. Il s’identifie à un modèle imposé de force.

Un tel modèle n’est pas viable. Dans l’immédiat, il menace de faire exploser la zone euro et l’Union européenne elle-même. Face à cela, une autre Europe est possible. Le blocage actuel en est l’occasion. La France peut en être le déclencheur. C’est son intérêt. Car le moment où elle se verrait contester sa souveraineté se voit trop nettement profiler, si l’on tient compte du ton et des méthodes déjà utilisées par la Commission, pour exiger sans cesse de nouveaux tour de vis budgétaires et structurels. François Hollande peut donc faire beaucoup.

Notre pays est membre fondateur de l’Union, il en est la deuxième économie et bientôt la première population. Il ne peut limiter son ambition à être le « bon élève de la classe européenne ». On va voir si la conférence de presse de François Hollande élargit l’ambition et la capacité d’initiative de notre pays.

 

L’Europe passe au détecteur de mensonges
Extrait de la note « Contre les coups de force, la sixième République » – 20 février 2015

Le révélateur de ce qu’est devenu l’Union européenne, c’est ce qui se produit depuis la victoire de Syriza et la formation du gouvernement d’Alexis Tsipras. Le nouveau gouvernement grec peut-il tenir ses engagements conformément au mandat reçu des électeurs ou bien les pays membres de l’Union européenne sont-ils désormais sous « souveraineté limitée » ? On a déjà compris la réponse. Mais il est important de mesurer à chaque étape si notre raisonnement est le bon. Et par-dessus tout d’examiner comment les choses se passent pour en tirer de l’expérience pour le futur. C’est-à-dire pour savoir comment nous y prendre, le moment venu, à la tête du pays.

Côté théorie, le premier à avoir donné une réponse, c’est le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, quatre jours à peine après la victoire d’Alexis Tsipras. Dans Le Figaro du 29 janvier, Jean-Claude Juncker affirme sans sourciller : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». C’est l’expression crue et drue de ce que vivent les Français et les Néerlandais depuis les votes bafoués de 2005 contre le traité constitutionnel européen. En fait, la formule de Junker, c’est l’adaptation à l’Union européenne du principe de la « souveraineté limitée », inventé par le soviétique Brejnev en 1968 pour justifier l’écrasement du printemps de Prague.

Côté pratique, aujourd’hui c’est la Banque centrale européenne qui tient le manche du gourdin. Elle peut décider la mise à mort économique d’un État sans qu’aucun responsable élu n’ait à se prononcer. Comment ? En décidant que les banques de cet État ne puissent plus se refinancer auprès d’elle. C’est-à-dire de venir chercher les liquidités dont elles ont besoin pour faire fonctionner la vie quotidienne. La conséquence serait quasi-immédiate. Premièrement, la panique bancaire, les épargnants se ruant sur les guichets pour retirer leurs économies. Deuxièmement, l’effondrement du système bancaire du pays en question sous la pression de ces retraits massifs et de l’impossibilité d’obtenir des liquidités auprès de la BCE pour y faire face. Troisièmement, l’obligation pour le gouvernement du pays de céder aux exigences de la BCE ou de voir toute son économie s’effondrer faute de circulation monétaire et faute de délai pour mettre en circulation une monnaie de remplacement, ce qui équivaudrait de toute façon à une expulsion de fait de la zone euro.

Cette méthode, c’est celle d’un véritable coup d’État financier : la BCE, instance indépendante et non-élue, est en position d’imposer ses vues à un gouvernement issue du suffrage universel. C’est ce qui a déjà fait contre l’Irlande en 2010 et contre Chypre en mars 2013. Le Parlement chypriote avait refusé d’adopter le plan d’austérité et de restructuration des banques du pays en échange de l’aide de l’Union européenne. Un refus sans nuance : il ne s’était pas trouvé une voix favorable au plan européen lors du vote solennel. La BCE a menacé de couper l’accès aux liquidités s’il n’obtempérait pas. Et le Parlement a fini par céder devant la menace.

C’est la même démarche qu’a entamée la BCE contre le gouvernement d’Alexis Tsipras. Il s’agit d’un chantage aux effets progressifs. Cette démarche est faite de seuils destinés à faire monter la pression, jusqu’à l’ultimatum final. La Banque centrale européenne a décidé de serrer une première fois le nœud autour du cou de la Grèce le mercredi 4 février. Elle l’a fait avant que les discussions aient commencé entre la Grèce et les autres pays de la zone euro. Sa seule justification pour agir aussi violemment fut sa « présomption » que le désaccord persisterait ! On ne pouvait énoncer plus clairement le caractère politique menaçant de cette décision.

Qu’a fait la BCE ? Je vais le décrire de façon assez détaillée pour que chacun puisse bien comprendre le mécanisme qui est présenté souvent d’une manière opaque ou dans un vocabulaire spécialisé assez impénétrable. Elle a décidé de couper l’accès des banques grecques à l’un des deux principaux canaux grâce auxquels elles accèdent aux liquidités que leurs clients leur réclament. Le résultat sur le terrain, dans la vie ordinaire ? L’usager/client d’une banque va chercher de l’argent liquide au guichet ou à la tirette. La banque est dans l’obligation de fournir la somme demandée si elle correspond aux avoir du client ou au découvert autorisé. D’où la banque tire-t-elle ces sommes ? De ses réserves, qu’il vaut mieux peu abondantes car la fonction essentielle de la banque est de faire circuler la monnaie, pas de la bloquer pour en faire des tas ! C’est donc la banque centrale, seule à avoir le pouvoir de fabriquer de la monnaie qui les lui remet. Mais elle ne le fait qu’en échange de dépôts de toute nature garantissant la somme qu’elle lui avance en liquide. Au cas précis, dans ce type de programme, le dépôt accepté était fait de titres de la dette de l’État grec que les banques privées grecques possèdent. Le 4 février, la BCE a décidé d’arrêter d’accepter les « obligations » d’État grec comme garantie apportées par les banques grecques pour obtenir des liquidités au taux habituel de 0,05%. Cet accès particulier couvrait 15% des besoins de refinancement des banques grecques.

Ainsi la BCE, a frappé le gouvernement Tsipras deux fois : une fois via ses banques comme on vient de le voir. Et une fois encore plus directement. Car concrètement, cela revient à priver le gouvernement Tsipras de la possibilité de financer sa dette par des emprunts à court terme auprès des banques grecques, celles-ci n’ayant plus la possibilité d’obtenir ensuite du cash auprès de la BCE en contrepartie de ces obligations de l’État grec. Cela revient aussi à obliger les banques grecques à recourir à un autre programme de la BCE pour obtenir des liquidités.

Cet autre programme, c’est le programme ELA pour Emergency liquidity assistance. Les banques peuvent le solliciter lorsqu’elles doivent faire face à une besoin de liquidités urgent (emergency) ou exceptionnel. Il est moins facile d’accès car il est plus cher. Au lieu d’emprunter à la BCE à 0,05%, les banques empruntent à 1,95%. Cela renchérit donc le coût de leur prêt, que ce soit au gouvernement, aux ménages ou aux entreprises grecques. Dans le cadre du programme ELA, la BCE fixe le principe du droit pour un pays d’en bénéficier, le taux d’intérêt (1,95% donc), le montant total auquel a droit un pays (65 milliards d’euros pour la Grèce) et doit autoriser toute sortie supérieure à 2 milliards d’euros. Mais c’est la Banque centrale nationale, en l’occurrence la banque de Grèce, qui accorde les liquidités et fixe les règles d’acceptation des garanties qu’elle accepte en échange. La banque de Grèce accepte, elle, toujours les titres de dettes publiques grecque comme garantie. Mais cela coûte plus cher ! Bilan : d’une part la BCE aggrave les coûts de la dette pour la Grèce, de l’autre elle crée un doute sur l’accès au liquide si bien que les gens se précipitent préventivement au guichet de leur banque, provoque un asséchement des fonds disponibles et cela conduit tout droit au bug.

Ce mercredi 18 février, le conseil des gouverneurs de la BCE devait décider s’il maintenait l’accès des banques grecques à ce programme malgré l’absence d’accord entre la Grèce et les autres pays de la zone euro. Les banques grecques ont un besoin vital de ce programme pour faire face aux retraits massifs de leurs clients. Ces retraits ont été supérieurs aux dépôts de 5 milliards d’euros en décembre, et probablement de 11 milliards d’euros en janvier selon les premiers chiffres. La banque américaine JPMorgan estime que les dépôts des banques grecques fondent de deux milliards d’euros par semaine du fait de l’incertitude sur les discussions entre le gouvernement grec et l’Eurogroupe. Incertitude créée de toutes pièces par la BCE. A ce rythme, les banques grecques se retrouveront à court de garanties pour de nouveaux prêts dans 14 semaines. Si la BCE coupait aussi ce programme, les banques grecques s’écrouleraient plus rapidement du fait de la panique qui ne manquerait pas de se produire.

L’Union européenne n’est pas faite pour les peuples et leur démocratie. Cette situation en est une preuve de plus : une institution indépendante et non-démocratique dispose du pouvoir de vie ou de mort sur l’économie grecque. Il y a pire encore. Toutes ces décisions de la BCE se prennent sans l’accord du gouverneur de la Banque de Grèce pourtant membre du conseil des gouverneurs de la BCE. En effet, en 2003, les gouvernements européens ont décidé que les droits de vote au sein du conseil des gouverneurs deviendraient tournants dès lors que 19 pays auraient l’euro comme monnaie. Or, il y a 19 pays dans la zone euro depuis… le 1er janvier dernier. Et le hasard du tirage au sort a fait qu’en février la Grèce fait partie des pays dont le représentant ne vote pas. C’est aussi le cas de Chypre, allié historique de la Grèce, et de l’Irlande, deux pays qui ont déjà subi les mêmes menaces. C’est aussi le cas du gouverneur de la Banque de France. Certes, au conseil des gouverneurs, les pays sont représentés par le gouverneur de leur banque centrale et non par des représentants de leur gouvernement. Les gouverneurs des banques centrales sont eux aussi « indépendants » de leur gouvernement. On ne peut donc pas déduire leur attitude de leur nationalité ni de leur fidélité à leur gouvernement. Mais si la BCE décide d’expulser la Grèce de la zone euro, l’histoire se souviendra que cela aura été décidé sans que les représentants de la Grèce ni de la France ne participent au vote. Notre pays ne peut accepter ni les menaces de couper les liquidités, ni ce mode de prise de position. Car demain, ce sera notre tour d’être sous le pistolet de la BCE si nous prétendions agir souverainement contre un plan imposé par le gouvernement allemand ou ses marionnettes de la Commission.

 

Le problème en Europe, c’est l’Allemagne de Merkel
Note de blog – 25 février 2015

Maintenant nous entrons dans une bataille de propagande contre la Grèce de Tsipras. Une troupe composite de droitiers écumant de rage, de gauchistes toujours prompts à excommunier qui ne se plie pas à leur mantras abstraites, et d’ancien gauchistes pour qui l’échec des autres doit justifier leur propre mutation libéralo-libertaire, se coalisent pour chanter sur tous les tons la « capitulation de Tsipras ». Que dis-je : « la première capitulation » comme titre « Médiapart ». Car bien-sûr, il y en aura d’autres ! C’est acquis d’avance ! Il est temps de se démoraliser promptement ! Il est juste de rentrer à la maison, de ranger les banderoles pour en faire des mouchoirs, d’éteindre les lampions et de se couvrir la tête de cendres froides. Jean Michel Aphatie a immédiatement posé le diagnostic : Tsipras a promis n’importe quoi, et maintenant, comme tous les autres, il doit « s’incliner devant les réalités ». Les réalités c’est la politique des intérêts allemands avec lesquels nous sommes appelés à collaborer dans notre propre intérêt ! Cette vision de la réalité n’est pas conforme aux faits. Elle est seulement une pièce dans le jeu de nos ennemis. Le but de notre lutte est la victoire. La partie se joue dans un délai qui n’est pas de huit jours. Deux rythmes sont à concilier. D’abord celui de l’opinion grecque parce qu’il engage la survie du gouvernement de Syriza. Ensuite celui des élections en Europe dans les pays où la brèche peut s’élargir : Espagne, Irlande et nous, aux régionales françaises de fin 2015. Imagine-t-on cette séquence ouverte par l’effondrement d’un pays qui est censé commencer notre cycle en Europe ?

L’Allemagne a joué un rôle hideux en créant une crise avec la Grèce. L’atrabilaire Schäuble a été si odieux avec les Grecs que le ministre Varafoukis a été mis dans l’impossibilité de traiter directement avec ce fanatique dominateur et insultant. La baudruche sociale-démocrate, Sigmar Gabriel, vice chancelier de Merkel, s’il vous plait, a confirmé que seule la capitulation serait acceptée par le gouvernement de droite et du PS d’Allemagne. Du coup « El País », le quotidien espagnol proche du PSOE titre fièrement « l’Allemagne impose sa loi ». Célébrer l’Allemagne avec ces mots, c’est politiquement correct ! Sans oublier la presse allemande qui adresse à la une des « danke ! Herr Schäuble », « merci, monsieur Schäuble » avec des trémolos dans la voix comme seuls les larbins « éthiques et indépendants » savent le faire quand il s’agit d’argent. Que tout cela soit la démonstration de ce que j’affirme sur l’arrogance du parti allemand en Europe est évidemment indifférent aux rédacteurs enthousiastes de ces coups de mentons. Le parti Merkel n’a pas besoin de se soucier des formes. Leurs petits amis français regardent ailleurs. Il veille, le parti bisounours pro-n’importe quoi du moment, que cela porte le tampon « Europe » et « économie de marché » ! Critiquer l’Allemagne est considéré ici comme du racisme selon Cohn-Bendit et ses répétiteurs de la meute des libéralo-libertaires. Qu’un Allemand défende l’Allemagne est toujours sympathique, n’est-ce pas, Jean-Patou ? Qu’un Français défende son pays et les peuples qui souffrent, à commencer par les douze millions d’Allemands pauvres c’est du chauvinisme, n’est-ce pas Marie-Syphilde ? On connaît. Parce qu’on a déjà connu.

Donc, pour l’essentiel il s’agit d’une bataille de communication et de propagande dont l’enjeu est la capacité de contagion de la rupture grecque ! Une bataille. Le but des eurocrates politiques et médiatiques, une fois passé le temps de la rage et de l’injure, passé leur déception de ne pas avoir vu l’extrême droite être au niveau qui permet le chantage au vote utile de tous les moutons affolés, c’est d’isoler la Grèce de Tsipras. L’isoler diplomatiquement et l’isoler dans le peuple en déconsidérant l’alternative Tsipras pour dissuader les autres pions du domino. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le numéro du gros quotidien espagnol « El País » qui encense la « victoire » de l’Allemagne sur la Grèce soit également largement consacré à une série de calomnies et d’insinuations fielleuses contre Podemos, sur la même une. Avec reprise sur deux pages entières à l’intérieur, dont un ténébreux titre sur « la face occulte de Pablo Iglésias ». Quoique beaucoup plus vendu que « Le Monde », qui se confidentialise, « el Pais » est bien son homologue en Espagne. Evidemment, Podemos étant un danger électoral plus élevé que nous et « El Pais » n’ayant pas d’extrême droite à valoriser comme son homologue français, le « bashing » de Podemos occupe une place beaucoup plus large que le dénigrement du Front de Gauche dans le journal de Plantu et des publi-reportages lepénistes.

Voyons plutôt à présent où nous en sommes réellement. Une assemblée d’organisateurs de la fraude fiscale en Europe, hier encore présidée par un homme qui en avait fait une spécialité dans son pays, Monsieur Junker, se réjouit du plan grec et se sent « notamment encouragée par l’engagement fort à combattre l’évasion fiscale et la corruption ». Ha ! Ha ! À ces mots, on devine la comédie qui se joue. Ce qu’ils ont dû céder, ils veulent donner l’impression de l’organiser. L’idée est d’humilier la Grèce et de présenter son gouvernement comme traître à son peuple. Que le traité d’armistice ne soit pas à notre goût, cela va de soi. Pour autant, faut-il aboyer avec la meute et nous transformer en procureurs ? Faut-il ne tenir pour rien qu’en pleine Europe de l’austérité et dans un pays martyr une liste de « réformes progressistes » soit maintenue ? Car outre la lutte contre l’évasion fiscale et contre la corruption, la liste de réformes comprend, selon un aperçu fourni par le gouvernement grec, une série de mesures en faveur des plus démunis, conformément au programme électoral de Syriza. Il s’agit notamment de la fourniture d’électricité gratuite à des familles dans le besoin, d’accès gratuit aux services de soins, de distribution de coupons d’aide alimentaire et de transport pour les plus dépouillés. Sans oublier les quatre mois de gagnés pour préparer le round suivant !

Aucun des aboyeurs contre Tsipras n’ayant dénoncé la manœuvre de la Banque centrale européenne pour étrangler la Grèce en la privant de liquidités, aucun ne pouvait donc rendre compte du fait que toute la négociation s’est faite sous la contrainte. Avec un délai. Le gouvernement grec ne pouvait « tenir » que jusqu’à ce mardi, compte tenu du niveau des retraits de fonds opérés par les Grecs à l’annonce de la manœuvre de la banque centrale pour les spolier de leurs avoirs. Mon précédent post explique comment fonctionne cette mécanique. Gagner du temps sans renoncer à rien, c’était l’objectif. Il a mobilisé tous les amis du gouvernement grec actuel par tous les moyens dont chacun disposait. C’était aussi le sens du rapport de force qu’essaient de construire nos manifestations de soutien dans les rues. Désigner le gouvernement allemand comme responsable de l’étranglement de la Grèce est non seulement conforme à la réalité mais nécessaire pour la préparation idéologique des étapes suivantes de notre lutte. Voyons lesquelles.

Commençons par la Grèce. Tsipras ne doit pas perdre le soutien populaire. Il doit l’élargir. Syriza a gagné avec 36 % des voix. Une large majorité continue à croire aux « bienfaits de l’Europe » ou aux menaces de la propagande libérale sur le sujet. Il est impossible d’infliger un effondrement du système bancaire moins d’un mois après avoir gagné une élection. Nous, Français, nous le savons, qui avons subi quatre dévaluations, un contrôle des changes et un emprunt forcé dans les premiers mois du gouvernement du Programme Commun à partir de 1981. Il faut que le peuple grec comprenne dans sa profondeur la responsabilité de l’Allemagne, la responsabilité du gouvernement Merkel pour expulser la Grèce de la zone euro pour que, dans le cas ou tout ceci finirait par avoir lieu, l’actuelle majorité ne se voie pas imputer la responsabilité des aspects désagréables qui en résulteraient. Le bras de fer, les négociations à rebondissements, sont un élément de la pédagogie de masse d’un pouvoir populaire. Il doit devenir clair pour tous que le problème de l’Europe, c’est l’Allemagne qui le concentre. Evidemment, le jeu de l’adversaire est de proclamer une défaite quand les mesures de violences n’ont pas eu raison du courage des Grecs.

Voyons la ligne de brèche en Europe. Imagine-t-on ce que seraient des élections en Espagne, Irlande, chez nous et ailleurs si le bilan du changement en Grèce était l’effondrement en un mois ! Je n’en dis pas davantage. Mon intention est seulement de faire comprendre qu’une partie comme celle-là ne se joue pas sur le mode gentillet d’une alternance à la papa. Le continent européen entre en ébullition ! La guerre gronde à la frontière de l’est en Ukraine, dans les mains d’irresponsables provocateurs néo-nazis et d’agents Nord-Américains. Les pays récemment annexés par l’union européenne ou ceux qui entrent dans la catégorie des candidats à l’entrée dans l’Union connaissent tous de violentes secousses sociales qui remettent en cause tous les équilibres et petits calculs. Plus de 50 000 personnes du micro prétendu État croupion du Kosovo quittent leur pays pour aller essayer de travailler en Allemagne, sur la base d’une simple rumeur de visa facile. On voit que rien ne tient par soi-même des constructions absurdes de cette « Europe » qui protège. Quand plus de la moitié des immigrations en Europe viennent des pays européens eux-mêmes, le chaos s’avance. Quand, dans une vision étroitement marchande de type post-colonial, le gouvernement allemand pense compenser le vieillissement accéléré de la population par des vagues géantes de migration, il joue avec le feu qui est déjà allumé dans un pays dont les remugles ethnicistes sont en pleine résurrection.

Dans ce contexte européen, le gouvernement de Tsipras obtient une victoire. Cela parce que le rapport de force lui était totalement défavorable. Alexis Tsipras est Premier ministre depuis moins d’un mois. Il a dû mener cette négociation en même temps que l’installation de son nouveau gouvernement et avec un pays au bord de l’asphyxie financière. Il était seul à la table de négociations, sans alliés, avec seulement quelques États jouant un rôle de médiateurs. Il dirige un pays d’à peine 11 millions d’habitants sur les 334 millions d’habitants de la zone euro. La Grèce représente à peine 2% de la production annuelle européenne. Que tous les docteurs en sciences révolutionnaires méditent ce que veut dire un rapport de force national !

Le gouvernement grec a négocié avec le pistolet sur la tempe. L’accord est intervenu 8 jours avant la fin du plan de « sauvetage » actuel, alors que l’Union européenne et le FMI doivent verser 7,2 milliards d’euros. Surtout, la Grèce avait sous la gorge le couteau de la BCE. On sait que depuis le 4 février, la BCE a coupé le canal essentiel de refinancement des banques grecques. Elle ne renouvelle l’autre canal de refinancement que par périodes de 15 jours selon la méthode d’un chantage permanent. Dans ce contexte, les retraits aux guichets des banques grecques s’envolaient ces derniers jours. Certaines sources indiquent que le gouvernement grec aurait été obligé de limiter les montants retirés dès ce mardi, voire que certaines banques n’auraient pas pu ouvrir. Dans ce contexte, combien de gouvernements auraient passés par-dessus bord tous leurs engagements ? Pas Tsipras.

L’accord prévoit le prolongement du financement européen pour 4 mois, jusqu’à fin juin. Cela inclut le versement de 7,2 milliards d’euros : 1,6 milliard d’euros de la part du Fonds européen de stabilité financière, 1,6 milliards d’euros de la BCE qui reversera les intérêts perçus sur la dette grecque, et 3,6 milliards d’euros du FMI. Le gouvernement grec a aussi obtenu une prolongation du fonds destinés à la stabilisation du système bancaire. Certes, il n’a pas obtenu de pouvoir récupérer les 11 milliards d’euros concernés pour le budget grec. Mais l’Allemand Schäuble n’a pas obtenu non plus que ce fonds soit dissout et que les 18 autres pays récupèrent cet argent comme il le réclamait.

Le gouvernement grec a obtenu plusieurs choses. Tout d’abord, donc, un financement pour 4 mois qui lui permettra de rembourser 1,4 milliards d’euros au FMI en mars et de faire face aux rentrées fiscales jusqu’ici moins importantes que prévues par le précédent gouvernement. Ce versement ainsi que le temps gagné vont permettre au gouvernement de commencer à appliquer son programme. Ce prolongement n’est pas une fin en soi comme l’exigeait l’Allemagne puisque le communiqué de l’Eurogroupe indique clairement que « cette extension comblera également le temps nécessaire pour les discussions sur un éventuel accord de suivi entre l’Eurogroupe, les institutions et la Grèce ». À mes yeux, la perspective d’une période de transition est une nette victoire des Grecs.

Tsipras a obtenu plus que cela. Il a obtenu de ne pas augmenter la TVA, ni durcir les conditions de départ à la retraite, ni baisser les pensions de retraites comme l’exigeait la Troïka et comme le prévoyait l’ancien gouvernement de droite. Il a également obtenu une levée partielle de la tutelle sur son pays. L’accord prévoit en effet que c’est le gouvernement grec qui proposera désormais des réformes et que « les institutions », c’est-à-dire la BCE, le FMI, la Commission européenne et les autres États de la zone euro devront les accepter, en partie dès ce mardi 24 février, en partie d’ici fin avril. Comme l’a dit le ministre Varoufakis, la Grèce cesse d’être un élève soumis à la Troïka pour proposer « son propre script ». C’est ainsi que le gouvernement grec a fait savoir que les réformes du droit du travail relevaient de la « souveraineté nationale ». Il a donc maintenu sa promesse de rétablir les conventions collectives protégeant les salariés.

Le gouvernement grec s’engage en contrepartie à payer ses créanciers ? Rien d’autre que ce que Tsipras avait dit dans sa campagne électorale. Le gouvernement grec s’est aussi engagé à ne pas prendre de mesures unilatérales ayant « un impact négatif sur les objectifs budgétaires, la reprise économique, la stabilité financière ». Le gouvernement Tsipras a toujours dit qu’il ne souhaitait pas remettre en cause l’équilibre budgétaire ni procéder par des annonces unilatérales. Il est décisif pour lui de montrer que s’il a été contraint à des annonces unilatérales ces derniers jours, c’est en réponse à l’agression unilatérale de la Banque centrale européenne le 4 février et à l’arrogance du ministre allemand tout au long de la négociation. La liste des « réformes » qu’a proposée le gouvernement grec a été adoptée. Si elle avait été rejetée, le ministre Varoufakis a déjà fait savoir qu’il considérerait l’accord de vendredi comme « nul et non avenu ». Cette liste de réformes que propose le gouvernement prouve sa détermination. Il entend utiliser les quatre mois qui viennent pour commencer à appliquer son programme. L’essentiel, on l’a dit, a habilement porté sur la lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Que pouvaient objecter les eurocrates qui sont ici sur leur point faible ! Et il y a aussi une réforme fiscale pour « que les impôts soient réparties de manière plus juste socialement ». On voit bien ici que le simple mot de « réforme » ne veut rien dire. Qu’y a-t-il de commun entre exiger une hausse de la TVA, impôt injuste, et lutter contre la fraude fiscale des oligarques grecs ? Rien sinon le mot « réforme » et, éventuellement, la recette fiscale qu’on peut en attendre. Il est d’ailleurs stupéfiant de voir que le communiqué de l’Eurogroupe reconnaît qu’en la matière, « les priorités politiques grecques peuvent contribuer à un renforcement et une meilleure mise en œuvre de l’arrangement actuel ». La zone euro découvre ainsi que Syriza est mieux armé pour lutter contre la corruption que les partis corrompus qui dirigeaient la Grèce jusqu’ici ! C’est sans doute l’hommage du vice à la vertu.

Voila où nous en sommes. Si Schäuble refuse les réformes grecques, il portera la responsabilité de la rupture. Il en va de même pour le Bundestag, le Parlement allemand, qui doit se prononcer sur l’accord, comme les Parlements néerlandais, estonien et finlandais. Si tout se passe sans encombre, la bataille va se poursuivre. Celle visant bien sûr à « préciser et valider » la liste des réformes pour valider les versements d’ici fin avril. Mais surtout, la discussion de fond d’ici fin juin sur la renégociation de la dette grecque. Comme l’a dit Tsipras, la Grèce tourne le dos à l’austérité mais des difficultés restent à venir. La bataille se poursuit. Elle sera rude. Les menaces et le chantage risquent de reprendre au fur et à mesure qu’on se rapprochera de la fin juin. Tsipras a donc 4 mois pour faire grandir la capacité du peuple grec à tenir le choc et pour trouver des alliés, y compris hors de l’Union européenne. Pour notre part, nous avons 4 mois pour faire grandir la solidarité avec le peuple et le gouvernement grecs.

Je conclus ce chapitre par un extrait du discours de Tsipras du samedi 21 février. J’estime que sa parole a davantage d’importance et de crédibilité que celle d’une poignée de commentateurs intéressés à sa défaite. Le gouvernement grec n’a pas l’intention de céder. Le discours d’Alexis Tsipras, samedi 21, le dit clairement. Je vous en livre quelques extraits pour que vous notiez la tonalité combative et la place de la bataille pour la souveraineté dans son combat. « Nous avons franchi une étape décisive, laissant l’austérité, le mémorandum et la Troïka derrière nous. Une étape décisive qui autorisera le changement dans la zone euro. [Vendredi] n’était pas la fin des négociations. Nous allons entrer dans une nouvelle étape, plus substantielle, dans nos négociations jusqu’à atteindre un accord final pour la transition des politiques catastrophiques du mémorandum vers des politiques centrées sur le développement, l’emploi et la cohésion sociale. Certes, nous allons faire face à des défis. Mais le gouvernement grec s’est engagé à aborder les négociations qui auront lieu entre maintenant et juin avec encore plus de détermination. Nous nous engageons à la restauration de notre souveraineté nationale et populaire. Ensemble, avec le soutien du peuple grec, qui sera le juge ultime de nos actions. Comme partisan et participant actif, le peuple grec nous aidera dans nos efforts pour parvenir à un changement politique. Notre lutte commune continue. »

Merci Alexis !

 

GMT : la bataille continue avec Syriza !
Extrait de la note de blog Europe « GMT : les négociations se poursuivent malgré l’opposition citoyenne » – 26 février 2015

Le nouveau gouvernement grec, de nos camarades de Syriza, s’est lui aussi opposé publiquement à l’accord transatlantique. Avant l’éléction Georgios Katrougkalos, depuis ministre adjoint pour la réforme administrative, déclarait «Je peux vous assurer qu’un parlement où Syriza détient la majorité ne ratifiera jamais l’accord de libre-échange». En effet à l’issue des négociations (fin 2015, début 2016), le traité devrait être validé par le conseil des chefs d’états européens. A cette étape le gouvernement grec, pourra utiliser son droit de véto et refuser le traité. Et à juste titre, Georgios Katrougkalos ajoute que « C’est un grand service que l’on rend non seulement au peuple grec mais aussi au peuple européen dans son ensemble ».

 

La BCE contre la Grèce
Note de blog Europe – 10 mars 2015

« La BCE est une institution fondée sur la règle. Ce n’est pas une institution politique. »

C‘est avec ces termes et en arguant des statuts de l’institution que Mario Draghi a rejeté toute aide nouvelle de la BCE à la Grèce. Alors que la Grèce pourrait se trouver en situation de défaut de paiement dès les prochaines semaines à cause de la baisse persistante des recettes fiscales. La BCE ne restaurera un régime permettant aux banques grecques de se refinancer auprès d’elle qu’à condition, bien sûr, qu’Athènes mette en oeuvre les réformes demandées. Et selon Mario Draghi, ces conditions ne sont évidemment pas réunies. Refus également du relèvement du plafond, actuellement fixé à 15 milliards d’euros, et qui a déjà été atteint, des émissions de bons du Trésor rachetables par les banques grecques, c’est à dire de dette à court terme. La Grèce ne sera pas éligible non plus aux rachats massifs de dette publique que la BCE s’apprête à lancer cette semaine. Pas question de revenir non plus sur la décision du 4 février dernier d’annuler la dérogation qui permettait d’utiliser les obligations d’État grecques comme garantie pour ses opérations de refinancement, privant ainsi les banques du pays de leur principale source de liquidités. Enfin pas un mot sur le remboursement des intérêts de la dette grecque, c’est à dire le re-versement par la BCE à la Grèce des intérêts qu’elle a elle même prélevés. Prévue pour un montant de 1,8 milliards d’euros, pas un centime n’a été versé à ce jour.

Mais si la BCE ne veut pas aider la Grèce, serait-ce parce que elle aurait tout dépensé ?

Car, hasard du calendrier, dans quelques semaines l’institution inaugurera en grande pompe son nouveau siège construit à Francfort pour 1,3 milliards d’euros.

Lancés en 2010, pour une fin prévue en 2011, les travaux ne devaient pas dépasser 500 millions. Avec 4 ans de retard et 700 millions en plus, le bâtiment de deux tours de verre et d’acier subissant une torsion, et reliées par des jardins suspendus, est enfin prêt. Symbole de la toute puissance de la BCE, principal acteur du diktat de l’austérité, ce bâtiment-forteresse symbolise parfaitement la distance qui sépare les élites politiques et financières des peuples. Car en s’opposant récemment au refinancement des banques grecques, la BCE, avec l’aval des dirigeants européens, piétine le choix démocratique du peuple grec.

Mais des mouvements luttent à travers l’Europe pour renverser ces politiques, tissent des liens et des solidarités. Aussi ce 18 mars, à l’appel de Blockupy et de nombreuses organisations, des citoyens de toute l’Europe ont prévu de venir gâcher l’inauguration, en prenant les rues et les places de Francfort dès l’aube dans le cadre d’une action massive de désobéissance civile.

Il n’y a rien à célébrer dans les politiques d’austérité. Le 18 mars passons à l’action !

 

Fond d’aide à la délocalisation : le cas des médias grecs
Explications de votes au Parlement européen – 25 mars 2015

Fond d’aide à la délocalisation : le cas des médias grecs 1
Rapport : Georgios Kyrtsos (PPE) A8-0050/2015

Je me suis abstenu sur ce texte

Voici mon explication de vote

La Grèce a subit de plein fouet l’austérité des précédents gouvernements, fidèles compagnons de l’infâme Troïka et de ses « réformes structurelles ». La demande concerne les 1000 salariés des télévisions locales de la Région de l’Attique. En effet les dépenses publiques dans les mass media ont chuté de 57 % entre 2008 et 2012. Depuis son arrivée au pouvoir, Syriza a déjà présenté un projet de loi pour réembaucher les salariés de la TV publique ERT. Des méthodes surement plus efficace que les propositions d’auto-entreprenariat et de déménagement contraint contenue dans ce rapport. Je m’abstiens néanmoins pour ne pas priver les travailleurs grecs de ce fond.

Fond d’aide à la délocalisation : le cas des médias grecs 2
Rapport : Lefteris Christoforou (PPE) A8-0051/2015

Je me suis abstenu sur ce texte

Voici mon explication de vote

La Grèce a subit de plein fouet l’austérité des précédents gouvernements, fidèles compagnons de l’infâme Troïka et de ses « réformes structurelles ». La consommation des ménages a baissé de plus 32 points de pourcentage, tandis que le chômage a augmenté de 20,6 points de pourcentage. Le peuple grec devait surtout survivre et les abonnements annuels et l’achat de la presse quotidienne s’en est trouvé gravement atteint. Les journaux ont connu une réduction de 60 % de leurs ventes mettant en péril une quarantaine d’entreprises du secteur de la région de l’Attique. Ce fonds d’aide à la mondialisation vient en aide aux quelques 700 licenciés dans ces entreprises. Je dénonce ces fonds d’aide à la mondialisation, véritable outil d’encouragement des actionnaires et des Etats à adhérer à l’irresponsabilité sociale du capitalisme. Je m’abstiens sur ce cas particulier afin de soutenir les possibilités de réembauche de ces salariés et de relance d’une presse de qualité grâce à la politique régionale et nationale de Syriza.

 

Grèce : la BCE agit-elle sur ordre de l’Allemagne ?
Communiqué – 26 mars 2015

La Banque centrale européenne vient d’exiger des banques grecques qu’elles arrêtent d’acheter la dette publique du pays.

La BCE serre ainsi un peu plus la corde autour du cou du peuple grec.

Cette décision aggrave le coup d’État financier à l’œuvre contre le gouvernement d’Alexis Tsipras, élu démocratiquement par le peuple grec.

En imposant un blocus monétaire et financier à la Grèce, la BCE veut asphyxier l’espoir né en Grèce. Elle cherche une victoire politique quel qu’en soit le prix économique et social.

Ces décisions sont un alignement sur les dogmes et les exigences de la droite allemande. L’Allemagne doit cesser de prendre l’euro en otage. L’euro n’est pas le Mark.

 

Unis pour une alternative de gauche en Europe. Solidarité avec Syriza !
Appel de parlementaires – 30 mars 2015

En avant, et ne jamais oublier, En quoi consiste notre force! En étant affamé et en mangeant, en avant, ne pas oublier, la solidarité!

Bertolt Brecht, Chanson de la solidarité

La population de Grèce a élu avec Syriza et Alexis Tsipras un parti de gauche au gouvernement. Ils y associent un espoir fort : l’espoir d’une vie meilleure et de l’abandon d’une politique de restrictions souvent décrite comme sans alternative (la politique d’austérité), qui réduit drastiquement les dépenses publiques et épargne dans le même temps les millionnaires sur le plan fiscal.

Cette politique imposée par Merkel et la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) a conduit en Grèce à une crise sociale et humanitaire. Des millions de personnes ont été condamnées au chômage, à la pauvreté et à la faim. 30% de la population grecque vit sous le seuil de pauvreté, le chômage touche plus d’un quart de la population et est monté à plus de 50% parmi les jeunes. Pendant que la grande majorité des Grecs souffrent, les millionnaires et milliardaires ne paient presqu’aucun impôt et n’ont souvent aucun compte à rendre en matière d’évasion fiscale.

La victoire de Syriza a une grande importance au-delà de la Grèce. Avec le gouvernement Tsipras, il y a une chance pour une autre politique, qui replace la population au premier plan. L’espoir renaît de voir un renouveau démocratique et un changement de direction de l’Union européenne. Une chose est sûre : on peut transformer les rapports de force politiques, une alternative à la politique dominante est possible – si nous le voulons et nous battons pour cela.

Au cours de ses premières semaines au gouvernement, a d’ores et déjà engagé des mesures pour l’amélioration de la situation sociale et pour la reconstruction de l’économie grecque dans l’intérêt public. Cependant, les défis sont déjà à leur porte.

Nous, députés et députées de différents pays européens,

• Nous sommes solidaires de la lutte du peuple grec et soutenons les revendications du nouveau gouvernement grec contre la politique d’austérité et pour la réappropriation de leur dignité et leur auto-détermination.

• Nous nous opposons aux préjugés et aux diffamations à l’encontre de la population grecque de la part de nos gouvernements et des médias de nos pays. Les négociations avec le nouveau gouvernement doivent être entreprises sérieusement et sans tentative de déstabilisation, pour que s’ouvre pour la Grèce une perspective économique et sociale, au-delà de l’échec de la politique d’austérité.

• Nous nous engageons par des initiatives dans et hors de nos Parlements contre la voie austéritaire. La référence de la politique économique européenne doit être le développement pacifique, durable, social et écologique, l’emploi et la sécurité sociale.

• Nous plaidons pour une politique, qui constitue non seulement une alternative au modèle libéral, mais aussi le rejet net de la politique à caractère raciste et nationaliste des partis de droite. La base de notre politique est la solidarité.

• Nous aspirons à renforcer les initiatives culturelles et politiques communes par-delà les frontières nationales. La frontière ne se déroule pas entre les peuples, mais entre le haut et le bas.

 

La Grèce étranglée par l’Allemagne
Extrait de la note « Bon pont » – 4 avril 2015

La stratégie de Tsipras vise à essayer d’avancer en milieu hostile avec le but de « réussir à avoir une stabilité des finances publiques pour renverser le climat négatif, réduire les pressions sur les liquidités et promouvoir la croissance » pour réduire le chômage et la pauvreté. Le 18 mars, il a ainsi fait adopter sa première loi au Parlement. C’est la loi de lutte contre la pauvreté et la « crise humanitaire » : donner de l’électricité et à manger à ceux qui ne peuvent plus payer. Même ça, c’était trop pour la Commission européenne. Jusqu’à la veille du vote du Parlement grec, elle a essayé d’empêcher le gouvernement grec de faire voter cette loi. Le représentant de la Commission pour la Grèce, Declan Costello, a transmis au gouvernement Tsipras une lettre arrogante et menaçante comme l’a révélé le journaliste du « Guardian » Paul Mason sur son blog. Entre l’Union européenne et la démocratie, la force reste, pour l’instant et en dépit de tous les obstacles, du côté de la démocratie. Alexis Tsipras agit du mieux qu’il peut jour après jour, cherchant à éviter les pièges et les provocations. Mais si les menaces contre la Grèce devaient avoir raison du vote des Grecs, ce serait évidemment une rupture historique pour l’Union européenne. De notre côté, nous ne devons pas baisser la garde de notre solidarité. Ni être frivole et nous désintéresser de ce qui se passe là-bas parce que c’est trop technique ou parce que des journaux à la mode disent que de toutes façons le nouveau gouvernement grec a déjà « capitulé ». Avez-vous vu aussi comment Bourdin m’a interrogé sur le sujet de cette « capitulation » ? Il ne savait pas ce qu’il y avait dans la liste des réformes mais il répétait ce que disait la communication de l’Allemagne et des agences de presse hostiles au nouveau gouvernement.

Donc, le gouvernement grec d’Alexis Tsipras a proposé aux 18 autres gouvernements de la zone euro un paquet de réformes lundi dernier, le 30 mars. Une nouvelle fois depuis le début, le gouvernement Tsipras tient parole, propose, discute, négocie, sans rien lâcher des lignes rouges fixées par le vote du peuple grec le 25 janvier. Il est bien le seul à assumer le dialogue. En face, derrière les sourires mielleux, la Banque centrale continue son étranglement et le gouvernement allemand serre le garrot. La poigne allemande sur cette discussion est si visible ! Tsipras a passé six heures de discussion avec Angela Merkel. Six heures. Sans doute a-t-elle compris qu’elle se démasquait trop puisqu’elle s’est sentie obligée de préciser « ce n’est pas un conflit avec l’Allemagne mais avec les dix-huit autres pays de la zone euro ». Naturellement ce n’est pas vrai. L’Allemagne décide, les autres suivent. Parce qu’ils n’ont pas le choix.

La liste de ce que propose le gouvernement grec n’est pas encore complètement connue. Mais on sait déjà ce qui n’y figure pas. Le gouvernement grec a d’ores et déjà annoncé que les mesures « ne seront en aucun cas le produit d’une réduction des salaires ou des retraites ». C’était pourtant l’une des principales exigences de la Troïka avant la victoire de Syriza ! Pour le reste, on sait notamment que le gouvernement grec propose une série de « réformes » pour augmenter les recettes de l’Etat grec de 3 milliards d’euros cette année. Par quelles mesures ? Des hausses d’impôts pour les plus riches. Et aussi une lutte acharnée contre la fraude fiscale et la corruption. Et aussi en faisant appliquer la loi obligeant les chaines de télévision à payer une licence pour pouvoir émettre ! Ces réformes n’ont rien à voir avec les « réformes structurelles » exigées par l’Union européenne, Angela Merkel, le FMI etc. Le mot « réformes » est trompeur. Mais le contenu non. Certains l’ont bien compris, notamment les Allemands et la Banque centrale européenne.

La Banque centrale européenne serre chaque jour un peu plus son nœud coulant autour du cou de la Grèce. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le journaliste Romaric Godin du journal économique en ligne latribune.fr. La BCE mène une guerre ouverte au gouvernement Tsipras. Son but est clair : asphyxier financièrement et monétairement le gouvernement et les banques grecs pour obliger Tsipras à capituler et à renier ses engagements électoraux. C’est la méthode testée contre Chypre en mars 2013. Pour cela, la BCE ne renonce à aucune barbouzerie contre la Grèce. Bien sûr, elle est obligée de le faire progressivement. D’abord parce que chercher à empêcher un gouvernement nouvellement élu d’appliquer sa politique s’apparente à un coup d’Etat financier et n’est pas bon pour l’image de « l’Europe démocratique qui protège ». Ensuite, parce que la BCE agit en contradiction avec son objectif premier. Elle est censée veiller à la stabilité de la monnaie. Or, si la Grèce ne cède pas, les agressions de la BCE contre elle peuvent conduire à l’éclatement de la zone euro et à une instabilité monétaire généralisée. C’est pour cela que la BCE a choisi la technique du nœud coulant plutôt que le putsch pur et simple comme contre Chypre.

Ce nœud coulant prend des formes techniques. Je les résume sans trop entrer dans les détails pour ne pas assommer mon lecteur. Le 4 février, la BCE a annoncé qu’elle coupait l’accès des banques grecques au principal canal de refinancement. C’est-à-dire qu’elle oblige les banques grecques qui ont besoin d’argent frais pour leur activité à s’adresser à un mécanisme spécial. Ce mécanisme d’urgence s’appelle ELA, anagramme anglais de Emergency liquidty assistance (aide de liquidités d’urgence). J’ai déjà expliqué que ce mécanisme était plus cher et plus contraignant pour les banques grecques. Je sais c’est très technique. Mais il faut apprendre pour comprendre ce à quoi nous sommes nous-mêmes exposés. En agissant de cette façon, le cynisme est total. Je récapitule : ce sont les banques grecques qui prennent le risque et si la BCE réussit à étrangler la Grèce, c’est elles qui recevront le choc de la faillite. Et comme c’est prévisible, la BCE peut à tout moment interdire aux banques grecques elles-mêmes d’accepter d’acheter des titres de l’Etat grec. Vous suivez ? La BCE garde le manche tout le temps. C’est elle qui relève le plafond de ces prêts d’urgence autorisés pour les banques grecques tous les 15 jours. Elle le fait au compte-goutte. Comme le tortionnaire qui simule plusieurs de fois de suite la noyade pour faire parler sa victime.

Ici, dans un précédent post, j’ai détaillé le mécanisme bancaire qui permet à la BCE de faire tous ces coups bas. Puis, après l’accord du 20 février, on pensait que la BCE desserrerait l’étau. C’était logique puisque les gouvernements avaient accepté de le faire. Mais la BCE a refusé de laisser respirer la Grèce. Exemple : en vertu du programme d’assistance, la BCE doit reverser à la Grèce les intérêts qu’elle perçoit sur ses prêts à ce pays. Car dans cette histoire de fous, la BCE n’a pas le droit de prêter directement à la Grèce mais elle reçoit des intérêts des titres de la dette grecque qu’elle a rachetés aux banques privées pour les soulager de la possession de « papier pourri »! La BCE doit actuellement reverser 1,8 milliards d’euros à la Grèce ! Mais elle refuse de le faire tant que la revue générale du programme n’est pas achevée. Alors que le gouvernement Tsipras avait fait un pas en acceptant le compromis du 20 février, et alors que la situation budgétaire de la Grèce est dans le rouge, la BCE refuse de remplir sa part du contrat. Il ne s’agit pourtant pas d’un nouveau prêt à accorder. Il s’agit seulement de rendre à la Grèce ce qui lui revient de droit en vertu des textes existants ! Pour refuser, la BCE s’abrite derrière l’Eurogroupe, réunion des ministres des Finances, où l’Allemagne fait la pluie et le beau temps et où la France de Hollande accepte de compter pour du beurre. Ce même Eurogroupe qui a aussi refusé de rendre à la Grèce 1,2 milliards d’euros de trop perçu sur le remboursement d’un autre prêt destiné à alimenter le fonds hellénique de stabilité financière. Et qui refuse toujours de verser la tranche de 7,2 milliards d’euros promise depuis des mois et toujours repoussés en guise de chantage aux « réformes ».

Depuis quelques jours, les menaces de la BCE se font plus fortes. Mardi 25 mars, la BCE a décidé de franchir une étape. Cette fois-ci, elle assume clairement qu’à travers les banques, c’est le gouvernement grec qu’elle vise. Par une lettre, la BCE a exigé des banques grecques qu’elles arrêtent d’acheter des titres de dettes publiques à court terme émis par l’État grec. Ces achats sont pourtant la seule manière pour le gouvernement grec de se financer sans passer par les prêts européens ni ponctionner la sécurité sociale grecque. Il s’agit donc d’une stratégie d’étranglement très précisément pensée. Pour l’appliquer, la BCE a allègrement mélangé ses deux casquettes. Elle a utilisé à des fins politiques les nouveaux pouvoirs de supervision des banques que l’UE lui a confié l’an dernier. C’est en effet au nom d’une prétendue trop grande exposition des banques grecques au risque d’un défaut de l’État grec que la BCE a pris cette décision. Mais qui fait courir le risque sinon la BCE en n’assumant pas son rôle de prêteur en dernier ressort à la Grèce ? Et la BCE n’est donc pas juge et partie ?

Je n’exagère pas. Vendredi 27 mars, le président de la Bundesbank, la banque centrale allemande, a posé ses exigences. Jens Weidmann s’est exprimé dans le magazine Focus. Qu’a-t-il demandé ? Qu’on arrête de simuler la noyade et qu’on noie la Grèce pour de bon. En langage monétaire, ça se traduit par « je suis contre une augmentation des crédits d’urgence ». Cela reviendrait à faire s’effondrer le système monétaire grec, laissant au gouvernement grec le seul choix entre sortir de l’euro ou accepter toutes les exigences néolibérales de la BCE et de la Commission européenne. Jens Weidmann le sait. Il le dit : « si un État membre de la zone euro décide de ne plus remplir ses obligations et cesse d’honorer les paiements à ses créanciers, alors une faillite désordonnée est inévitable ». La semaine dernière, son institution a fait figurer dans son rapport annuel l’exigence de se préparer à une « faillite » d’un des États membres de la zone euro. On voit à quel point l’Allemagne joue un rôle particulièrement violent et déstabilisateur dans ce processus. Que ce soit par ses représentants comme l’arrogant et intransigeant ministre des Finances Wolfgang Schaüble ou ce monsieur Weidmann. Ou que ce soit par les institutions de l’Union européenne façonnées à sa main.

Le but est simple. La nouvelle doctrine de l’Union européenne, et donc de la BCE est énoncée clairement désormais : « Il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens » comme l’a dit le président de la Commission Jean-Claude Juncker au Figaro fin janvier. On pourrait préciser l’esprit : il ne peut y avoir de choix démocratiques contre la volonté du gouvernement allemand et de la finance, les deux formant les deux faces d’une même pièce. Je ne suis pas le seul à le penser. C’est ce que dit aussi la une de l’hebdomadaire allemand de référence Der Spiegel en date du 21 mars. Son titre : « La domination allemande ». L’illustration est encore plus claire : une incrustation d’une photo d’Angela Merkel au milieu d’une photo d’officiers allemands au pied de l’acropole à Athènes pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le titre du dossier est du même acabit : « das vierte Reich » : le quatrième Reich. C’est dit en allemand, par des Allemands, dans un journal allemand.

Alexis Tsipras a bien cerné le danger comme le montre son discours au Parlement grec le 18 mars : « la Grèce a servi pendant cinq ans de cobaye à des expérimentations économiques. Certains désirent l’utiliser maintenant comme cobaye politique afin de couper court au grand changement politique qui est en train de naître dans d’autres pays européens et afin de continuer à appliquer le modèle néolibéral de l’austérité à toute l’Europe, et ce parce que ce modèle profite à certains – les peuples souffrent mais quelques-uns y gagnent –, en construisant une société européenne sans droits, sans sécurité, sans aucun contrôle social ». Il a également dénoncé « les puissances qui représentent des intérêts précis et qui souhaitent la rupture ».

Face à cette situation, le gouvernement grec est dans une situation très difficile. Il est isolé et son économie a été ravagée par l’austérité. Il est au milieu d’un jeu géopolitique complexe : membre de l’OTAN, ce qui lui assure la paix avec son voisin turc mais désireux de liens étroits avec la Russie où Alexis Tsipras se rendra le 8 avril. Dès lors, le gouvernement Tsipras cherche d’abord à ne pas se faire étouffer. Et à faire porter la responsabilité d’une éventuelle rupture avec l’UE sur ceux qui dirigent l’UE eux-mêmes. C’est une stratégie de pédagogie de masse. A destination du peuple grec d’abord, qui a voté en janvier pour le programme de Syriza qui prévoyait de refuser l’austérité mais pas de sortir de l’euro. Cette pédagogie vaut aussi pour tous les Européens : elle nous en apprend beaucoup sur l’agressivité de la BCE et de l’Allemagne. Nous n’avons plus le droit de nourrir des illusions sur ce que cette forme de l’Union européenne peut produire depuis que le traité budgétaire l’a verrouillée dans l’ordolibéralisme, la doctrine d’outre Rhin.

Si nous voulons refonder l’Europe, il faudra rompre avec ses traités. Et en toute hypothèse, nous devons nous préparer à toutes les éventualités. En France, la situation est paradoxalement plus avancée qu’en Grèce, car le peuple Français a déjà dit « non » à cette Union européenne en 2005. Sans compter que la puissance économique, politique et démographique de notre pays nous donnerait des atouts bien plus grands qu’aux Grecs à cette heure.

 

Tsipras n’est pas sorti de son cap
Vidéo – 25 avril 2015

Le 25 avril 2015, Jean-Luc Mélenchon était invité au « Bureau Politique » sur LCI. Il a parlé d’Alexis Tsipras, du général de Gaulle, de François Mitterrand, de François Hollande et de Salvador Allende avant d’évoquer Paris, cratère du volcan révolutionnaire européen.

Voir la vidéo

 

Arrogance impériale des dirigeants allemands
Extrait de la note : « Révélation : qui contrôle les comptes de la Cour des comptes européenne ? » – 30 avril 2015

Cette arrogance vient encore de se manifester à plusieurs reprises depuis une semaine. Une étrange accélération qui ressemble à de la surenchère. Un signe de la tutelle qu’ils considèrent exercer sur la Commission européenne. Ainsi quand plusieurs d’entre eux ont rappelé à l’ordre le Commissaire français Pierre Moscovici pour ses prises de position internes au congrès du PS français. Le président du groupe PPE au Parlement européen, Manfred Weber, par ailleurs membre de la CSU pro Merkel, a ainsi déclaré : « que le commissaire français européen aux affaires économiques et monétaires se joigne à cet appel idéologique est une provocation ». Et il a ajouté cette phrase énigmatique : « nous attendons de lui un engagement clair pour la stabilité politique de la Commission ». Comme si le fait d’être membre d’un parti politique dans son pays d’origine était un facteur d’instabilité ? Cette expression renvoie directement à l’ordolibéralisme dont l’Allemagne impose la doctrine partout en Europe par-delà les élections. Pour les dirigeants allemands, la Commission étant un des centres d’application de l’ordolibéralisme, elle doit être étrangère à toute influence politique autre que celle de la doctrine libérale. Quoi que disent les urnes. Un autre député européen allemand, Markus Ferber a d’ailleurs parlé à propos de Moscovici de « précédent choquant ». Comme si un dogme avait été ébranlé. Bien sûr l’acte politique de Moscovici n’ébranle en rien l’édifice libéral européen. Les Allemands le savent bien, mais ils ont saisi ce prétexte pour donner à voir la laisse par laquelle ils tiennent Moscovici. Loin de leur tenir tête ou de les ignorer, Moscovici a d’ailleurs fait acte de contrition en regrettant d’avoir signé un texte dans le congrès du PS. Puis il prétendit n’avoir pas lu le texte. Enfin il alla même jusqu’à rappeler servilement que sa candidature au poste de Commissaire avait été soutenue par l’Allemagne.

La Grèce a aussi subi une nouvelle salve d’arrogance allemande. La charge était destinée à préparer le nouveau chantage fait au gouvernement Tsipras lors de la réunion de l’euro-groupe tenue vendredi 24 avril. Le commissaire européen Günther Oettinger, membre de la CDU d’Angela Merkel a ainsi accusé la Grèce de retarder les négociations. Et il a dénoncé « L’attitude peu coopérative du gouvernement grec vis-à-vis des représentants de la Troïka, qui sont actifs à Athènes ». C’est appuyer une fois de plus sur un point dont tous les dirigeants allemands savent qu’il est en tête des engagements de Syriza : ne plus subir à domicile les injonctions de la Troïka. Le rappeler est une manière de continuer à nier le résultat des élections grecques et des précédentes discussions. Et le Commissaire allemand de conclure en forme d’ultimatum : « le temps pour la Grèce arrive à expiration », « en mai Athènes sera financièrement de manière définitive au pied du mur ». La tactique allemande est toujours la même depuis que Tsipras a été élu le 25 janvier : intimider et faire pression jusqu’à la capitulation.

Cette arrogance est d’autant plus insupportable que chaque jour amène son lot de révélations sur le rôle de l’Allemagne dans la descente aux enfers de la Grèce depuis 2010. La chaîne Arte a diffusé dimanche 26 avril une enquête qui montre comment la Troïka européenne est intervenue en Grèce au profit des entreprises allemandes.

Ceux qui avaient encore des illusions sur l’indépendance de la Commission européenne et de la Banque centrale verront à quel point elles sont enchaînées aux intérêts allemands jusque dans les détails de leur action. A ainsi été révélé qu’en l’échange d’un des premiers plans d’aide de mai 2010, la Grèce avait été forcée d’acheter des armements allemands. Et en particulier deux sous-marins pour la somme de 175 millions d’euros. Un comble pour un État au bord de la faillite. Et une preuve absolue de cynisme de l’aide européenne, dont les versements ont donc servi à acheter du matériel allemand. Les mémorandums accompagnant les plans « d’aide » ont aussi été orientés pour profiter à l’Allemagne. Ainsi la privatisation des aéroports régionaux grecs a-t-elle bénéficié pour un prix dérisoire à la société allemande Fraport dont l’État allemand est actionnaire à plus de 50 %. On mesure ici à quel point l’intérêt financier allemand est contradictoire avec l’objectif d’aider la Grèce à rembourser sa dette ! On avait déjà observé le même circuit cynique avec l’argent injecté par la Banque Centrale Européenne pour racheter des titres de dette grecque et ainsi permettre le remboursement des banques allemandes qui les détenaient !

A ces manipulations cyniques de l’aide européenne se sont ajoutées d’énormes malversations de grandes entreprises allemandes en Grèce. Mercedes et BMW ont bénéficié de fraudes massives à la TVA sur les grosses cylindrées. Cela a facilité leurs ventes en faisant perdre une somme estimée à 600 millions d’euros à l’Etat grec. Des pots de vin versés pour l’obtention d’un contrat de télécommunication pour la firme Siemens ont aussi alimenté un vaste système d’évasion fiscale et de blanchiment. Les responsables de ces fraudes sont aujourd’hui protégés par le gouvernement allemand qui refuse de les extrader ou même juste de transmettre les listes de fraudeurs au gouvernement grec. Que savons-nous de tout cela dans la grande presse française ? Rien. Rien sinon le cynisme consternant de « Libération », presse vautour, qui titre sur « les cent jours qui n’ont pas changé la Grèce ».

 

Tsipras parle au nom de son peuple
Extrait d’interview dans Le Progrès – 7 mai 2015

Vous dites avoir décidé d’écrire votre livre « après avoir vu de quelle manière odieuse la nomenclature allemande a traité le gouvernement grec d’Alexis Tsipras ».

Tsipras parle au nom de son peuple. Le mépris de Merkel pour la souveraineté de la Grèce est intolérable. La zone euro peut exploser ! Ou bien les Allemands comprennent qu’ils ne peuvent pas continuer à imposer leur loi aux autres, ou bien c’est l’Europe tout entière qui va dans le mur du chômage, des menaces de guerre comme en Ukraine et de la violence sociale. Il faut soutenir Tsipras face à l’arrogance de Berlin. Je préfère protester à la frontière grecque qu’à la frontière française. Car la cible finale, c’est la France ! L’Allemagne ne veut pas d’interlocuteur capable de remettre en cause sa vision, qui est celle d’un pays vieillissant qui a pour priorité de maintenir le niveau de vie de ses rentiers. Avec la Grèce, elle veut faire un exemple. Ne nous laissons pas faire ! Le pire serait de se coucher devant le nouveau Diktat allemand.

 

La Grèce, étouffée petit à petit
Extrait d’interview dans Politis – 7 mai 2015

Qu’est-ce que cet ordolibéralisme [dont vous parlez dans votre livre]?

Cette doctrine politique date des années 1920. Elle affirme que l’économie répond à des lois à considérer comme des lois de la nature. Vieille histoire ! Le capitalisme veut présenter toute contestation de son ordre comme une violence contre l’ordre naturel. Dans cette vision, la politique, parce qu’elle est en proie aux intérêts électoraux et personnels, ne peut être qu’une perturbation irresponsable.

Ainsi depuis le traité de Maastricht, la construction européenne se confond avec la mise en place d’un ordolibéralisme devenu violent. En témoignent la coupure des liquidités à Chypre, qui est un acte de guerre, et la répétition avec la Grèce, étouffée petit à petit, et brutalisée sans qu’en Europe quelqu’un dise autre chose que « les Grecs doivent payer ».

L’Allemagne n’a jamais été autant détestée dans les pays du sud de l’Europe depuis 1945. Ne surfez-vous pas un peu sur cette vague ?

Je ne surfe pas j’élucide. Clairement il y a une légitime détestation de ce pays parce qu’il agit avec une brutalité incroyable. Songez que les représentants de la Troïka en Grèce étaient tous Allemands…

Il y a aussi une germanophobie…

Elle se fonde sur de mauvais souvenirs réels et récents. Mais tout ce qui vise à essentialiser des cultures humaines est stupide. Reste qu’il faut éclairer les raisons d’agir des autres. Surtout ne pas recommencer la même erreur qu’avec la question de l’immigration où la gauche, par angélisme, a considéré que tout débat sur le sujet, même éclairé, était immoral et plutôt xénophobe. Quel désastre ! L’éthnicisation du débat public a avancé sans obstacle. A présent Maintenant elle nous submerge.

L’Europe du sud est révoltée contre cette Allemagne qui se porte garante des pires brutalités et cruautés sociales. Quand l’Andalousie vote une loi pour refuser qu’on expulse les gens qui ne peuvent plus payer, qui intervient immédiatement pour dire qu’il n’en est pas question ? L’Allemagne. Quand Alexis Tsipras fait passer une loi pour répondre à l’urgence humanitaire en Grèce, qui crie au viol des « décisions collectives » ? A nouveau l’Allemagne. L’utilité de mon livre est d’éclairer leurs raisons d’agir. Ils n’agissent pas de cette manière parce qu’ils sont allemands, mais parce qu’ils appliquent de manière absolument rigoureuse leur vision de la vie en société : l’ordolibéralisme.

(…)

Avant on aurait parlé de substituer une Europe de gauche à une Europe de droite…

Autrefois ces mots désignaient des choses claires. C’est qui la gauche en Europe ? Le parti social-démocrate qui gouverne dans plus de la moitié des pays avec la droite ?

La gauche est devenue une étiquette suspecte. Si nous gouvernions le pays, sur quoi nous appuierions nous ? Sur notre pays. Qu’est-ce qui formerait une volonté assez forte pour pouvoir se proposer aux autres ? Notre peuple. Aujourd’hui, Alexis Tsipras ne parle pas au nom de la gauche grecque, il parle au nom du peuple grec et sa principale préoccupation c’est de garder le peuple grec groupé dans une compréhension de ce qu’il doit faire pour se libérer. C’est pourquoi il a une méthode où se combinent la pédagogie politique et la ruse. Il a été élu avec 37 % des voix, c’est remarquable. Mais 63 % ne voulaient pas de sa politique. Son premier objectif, celui d’un démocrate et républicain, est donc de convaincre la majorité. Il n’y a qu’en France qu’on croit pouvoir gouverner contre la majorité et qu’on n’en a rien à fiche de ce que pensent les gens, parce que nous vivons sous le système de la monarchie républicaine de la Ve république. J’adjure la gauche de cesser de vivre dans des abstractions. La nation républicaine est une force que nous aidera à entraîner notre peuple et les autres.

 

La première tâche de Tsipras est pédagogique
Extrait d’interview dans Marianne – 8 mai 2015

Comme Alexis Tsipras, vous refusez de plaider pour la sortie de l’euro…

J.-L.M. : D’un côté, il y a l’analyse théorique, qui montre en effet la limite absolue atteinte par cet euro. Les analystes ont raison. Ils peuvent en déduire que l’euro finira par s’effondrer, et cela pourrait se produire à n’importe quel moment, notamment si l’Allemagne provoque, comme elle dit, la sortie «imprévue» de la Grèce. Mais il y a l’ordre de l’action. Je me positionne comme un homme qui aurait à gouverner un pays. Voyez Alexis Tsipras : pouvait-il, trois semaines après avoir été nommé Premier ministre, effondrer l’économie de son pays en sortant d’un coup de l’euro ? Il n’a été élu qu’avec 37 % des voix. Sa première tâche est pédagogique : il doit entraîner tout le peuple dans la compréhension de la nécessité de désobéir à l’Europe. Car, comme chez nous, il y a là-bas une fascination pour l’Europe même allemande. Moi, je plaide pour un euro «français», c’est-à-dire un euro politiquement piloté, au service de la jeune génération et des investissements publics pour elle, un euro à l’inverse de l’euro libéral allemand. Evidemment, si c’était impossible à faire admettre, on ferait autrement… Pour le présent, je le redis solennellement, les Grecs ne paieront jamais leur dette. Il faut l’écrire en majuscule. Les Français non plus d’ailleurs. Personne ne paiera jamais sa dette, c’est impossible. Il nous faudrait un siècle au taux de croissance actuel !

 

La Grèce ne paiera pas
Extrait de la note « Si, Podemos » – 26 mai 2015

La question grecque entre dans une période cruciale en Europe. Le porte-parole du groupe parlementaire de Syriza a fait savoir que le gouvernement grec ne rembourserait pas les 300 millions d’euros que le pays doit au FMI le 5 juin. En tous cas pas s’il n’y avait pas d’accord auparavant avec les autres pays de la zone euro, la Banque centrale européenne et le FMI lui-même. Chacun est désormais au pied du mur. Tsipras a fait la preuve de sa bonne volonté et à présent, les autres pays de la zone euros doivent choisir entre une banqueroute qui les percutera tous et un accord raisonnable, c’est-à-dire respectueux de la souveraineté des Grecs. Dans ce débat, un homme joue un rôle particulièrement odieux et pervers. Je parle du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. Depuis 2010, il a toujours été partisan de l’expulsion de la Grèce de la zone euro. Il n’en finit pas de multiplier les provocations irresponsables. Ce jeudi 21 mai, il a donné une interview bouffie d’arrogance et pleine de brutalité dans « Les Echos ». Il y suppute ouvertement sur un défaut de la Grèce, affirmant : « je réfléchirais longuement avant de répéter qu’il n’y aura pas de faillite de la Grèce ».

Schäuble jette de l’huile sur le feu dans le but d’humilier les Grecs. Il foule ainsi aux pieds l’accord intervenu entre les gouvernements de la zone euro lors de l’eurogroupe le 20 février dernier. Cet accord ne faisait ainsi pas référence au « mémorandum » imposant les mesures d’austérité à la Grèce. C’était une victoire de Tsipras. Mais Schäuble se moque des décisions communes. Dans « Les Echos », il se permet d’affirmer « nous avons rappelé ensemble à la Grèce qu’elle devait remplir les conditions du mémorandum. Et nous en sommes toujours là ». Puisque Schäuble ne reconnaît même pas le dernier accord en date, on comprend qu’aucun accord durable entre la Grèce et les autres pays ne soit trouvé. Comment pourrait-il en être autrement avec tant de mauvaise foi et de mauvaise volonté de la part du ministre allemand ?

Il en va de même à propos de l’idée d’un référendum en Grèce. La rumeur de l’organisation d’un tel référendum a été relancée par Schäuble lui-même. C’était le 11 mai, en marge d’une réunion de l’Eurogroupe. Schäuble avait alors déclaré « si le gouvernement grec juge nécessaire un référendum sur la question de la dette, alors qu’il le fasse. Ce serait peut-être une bonne chose de laisser le peuple grec décider s’il est prêt à accepter ce qui est nécessaire ou s’il veut autre chose ». Evidemment, les médias Pavlov ont relayé le propos en commençant même à spéculer sur ce que donnerait ce vote. Mais pourtant, personne en Grèce n’a parlé d’un tel référendum ! Certes, la Grèce est quasiment sous protectorat allemand dans le cadre des inquisitions et contrôles de la Troïka. Mais Schäuble et ses passe-plats médiatiques feraient bien d’apprendre que la convocation d’un référendum est une compétence strictement nationale. Quel autre gouvernement que celui de Merkel se permettrait une telle intrusion dans la vie politique de ses voisins ?

Surtout, la sortie de Schäuble ne manque pas de sel quand on sait que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont empêché l’organisation d’un référendum au début de la crise grecque en novembre 2011 ! Ils ont même mis à la retraite d’office de ce néant ambulant de Papandréou, alors Premier ministre PS et a présent président de l’internationale socialiste. Aujourd’hui, le ministre allemand fait mine de le regretter. Son but est clair : déstabiliser le gouvernement Tsipras, en essayant de faire croire qu’il n’a pas de soutien populaire ou parlementaire pour gouverner. C’est évidemment faux. On voit bien au contraire comment le gouvernement grec tient bon sur ses « lignes rouges » que sont le refus du report de l’âge de la retraite ou de la facilitation des licenciements. D’ailleurs, dans « Les Echos », Schäuble n’évoque le référendum que pour mieux avancer une alternative plus cruelle : réduire le choix des Grecs à la sortie de l’euro ou la capitulation totale. Pour lui, en 2015 comme en 2011, la question ne pourrait être que « le peuple grec accepte-t-il le contenu du programme de réformes ou préfère-t-il sortir de la zone euro ? ».

Schäuble est un autocrate. Son arrogance est sans limite. Il va même jusqu’à inventer une nouvelle institution européenne : lui-même, « le ministre des Finances allemand » ! Tel quel ! Lisez ! C’est à propos du débat sur un éventuel troisième programme pour la Grèce dans les mois qui viennent : « c’est tout à fait légitime d’avoir une opinion et de l’exprimer. Mais il y a beaucoup de parties prenantes : les trois institutions (BCE, FMI, Commission européenne), le gouvernement grec et même le ministre des Finances allemand – de par la Constitution – ont des responsabilités spécifiques, par exemple au sein du Conseil des gouverneurs du Mécanisme européen de stabilité (MES) ». Vous avez bien lu. L’arrogant Schäuble ne dit pas « les ministres européens dont le ministre allemand », seulement « le ministre allemand ». Et les autres ? Ils comptent pour du beurre dans l’Europe allemande que dénonce avec nous pour une fois Cohn-Bendit !

Schäuble déroule une vision de l’Europe emprise de brutalité et d’inégalité tout au long de cette interview. Pour être plus perfide et masquer la domination allemande, il le fait en parlant de la France. Et il finit par un rappel à l’ordre contre notre pays. Voyez : « les ministres des Finances de l’Union européenne ont accepté à l’unanimité les propositions de la Commission (NDLR : sur le budget de la France). Bien sûr, je connais l´inquiétude des petits États membres à propos d´une application des règles différente selon la taille des pays-membres. Certains sont même encore traumatisés des méthodes employées par Gerhard Schröder et Jacques Chirac. Nous sommes tout à fait résolus à ne pas répéter une telle impression auprès de nos amis et partenaires en Europe. Mais naturellement, il faut tenir compte du fait qu’une décision dans un grand pays a une répercussion économique réelle plus importante que dans un pays-membre plus petit. Il est donc normal que la Commission européenne applique les règles avec intelligence. Bien sûr, si on veut garder et renforcer la confiance de la population dans l’Union européenne, il faut respecter ses engagements et éviter de signer des accords avec l’intention de ne pas les respecter ».

J’invite tous ceux qui pensent « qu’une autre Europe est possible » à bien lire l’interview de Wolfgang Schäuble. Ils verront ainsi quel danger pour l’Europe est le gouvernement allemand actuel et son ministre des Finances. Surtout, dans les quelques lignes ci-dessus, Schäuble reconnaît un fait décisif. C’est qu’on ne fait pas l’Europe sans la France. En cela, il me donne raison. Et il reconnaît aussi à demi-mot que seule la France a les moyens politiques et économiques de s’opposer à l’ordolibéralisme arrogant du gouvernement allemand. Il ne s’agit pas pour notre pays de faire le bonheur des autres à leur place. Mais de prendre en charge l’intérêt général des peuples européens au nom de nos principes universels pour les aider à se libérer par eux-mêmes. Voilà la différence entre la veulerie euro-béate et mon patriotisme internationaliste.

De ce point de vue, les commentaires de Schäuble sur les Français actuellement au pouvoir en Europe sont une humiliation de plus pour notre pays. Schaüble distribue les bons points à Pierre Moscovici et Michel Sapin pour avoir bien aboyé dans le même sens que lui contre le gouvernement grec. Il remercie le commissaire Moscovici : « Pierre Moscovici a averti la Grèce de façon très ferme qu’il faut un changement substantiel, et nous sommes sur la même ligne ». Quant au ministre Sapin, voici ce qu’en dit son homologue : « pour citer mon ami et collègue Michel Sapin, la décision souveraine et démocratique du peuple grec nous place devant une situation très différente de celle de 2012. La Grèce souveraine a voté en faveur d’un changement de politique. Les autres collègues de la zone euro, y compris Michel Sapin, ont attiré l’attention sur le fait que le peuple grec n’est pas le seul souverain et que les peuples d’autres États membres de la zone euro le sont aussi ». Je mets au défi Schäuble et Sapin de nous dire quand la Grèce à chercher à porter atteinte à la souveraineté de la France ou de l’Allemagne ? Jamais ! Dans l’autre sens, on ne peut pas en dire autant. Le dire serait faire du nationalisme ?

 

Les dessous du tapis grec
Extrait de la note « Une crise peut en cacher une autre » – 3 juin 2015

J’écris ces lignes quand se dessine une nouvelle dernière ligne droite dans la gestion du dossier grec par les brutes qui dirigent l’Union Européenne. Mais à présent, la situation est retournée. Tsipras a mis un point final. Il n’ira pas plus loin. Bien joué. Si ses propositions sont rejetées, la Grèce sera en banqueroute. Alors il est vraiment très peu probable que cela reste un problème grec. L’euro lui-même joue sa peau. Nous allons voir quelle dose d’amour la monnaie unique engendre chez ses thuriféraires habituels. Une crise peut en cacher une autre, en quelque sorte. C’est tellement évident qu’on peut et doit se poser des questions. Celles que ne se posent jamais les partisans de la sortie « sèche » de l’Euro. À qui profiterait aussi l’effondrement de l’euro dans ces conditions? Aux USA et à l’Allemagne, à mon avis. J’y viens à partir des faits tels que je les décris sur ce blog depuis la crise commencée en 2010. J’ai pensé aussi qu’un petit récapitulatif de la signification du non de 2005 et de ses conséquences pourrait être utile à mes lecteurs. En effet j’ai appris que certains d’entre eux se servent de mes textes ici pour introduire des réunions ou faire leurs rapports politiques dans les assemblées qu’ils animent. Après quoi je veux évoquer un évènement politique et personnel.

Ce samedi tourne une page pour moi. La première assemblée représentative du M6R va se réunir et elle va diriger elle-même l’avenir du mouvement. Mon rôle d’initiateur va s’interrompre. Nous allons vérifier si la formule peut vivre par elle-même sur sa seule dynamique de communication horizontale. Et si elle peut tenir ses objectifs c’est-à-dire être le moteur qui rend progressivement majoritaire dans le pays une idée révolutionnaire : convoquer une assemblée constituante pour fonder une nouvelle république. C’est-à-dire refonder la France elle-même. Je rends donc toutes les clefs de ce réseau de 86 000 personnes à ceux qui ont été élus désignés ou tirés au sort pour cela. Ce moment est partie intégrante du projet lui-même. J’en parle dans ce post.

Le dessous du tapis grec

Il ne manquait plus qu’eux. Les États-Unis remettent leur nez dans le dossier grec. La dernière fois qu’ils étaient à la manœuvre, c’était justement lors du déclenchement de la crise grecque en 2010. Pendant plusieurs années, les gouvernements grecs pourris de la droite et de la social-démocratie étaient conseillés et financés par les banquiers états-uniens de Goldman Sachs mais aussi Meryll Linch et Morgan Stanley. Les cadors de Wall Street directement liés au pouvoir états-unien et plus largement européen, comme en atteste leur présence oligarchique à la Maison blanche, dans les ministères des finances des deux rives de l’Atlantique et à la Commission européenne. Une fois la crise déclenchée, on découvrit notamment que Goldman Sachs avait aidé à maquiller les comptes et à monter divers circuits frauduleux de financement et de pillage du pays. On savait donc au sommet où étaient les failles. N’oublions pas l’action de l’agence de notation Standard and Poors, autre cador de Wall Street, dont le rôle déclencheur et aggravant a été particulièrement direct et désastreux dans le déclenchement de la crise.

Au secours ils sont donc de retour ! Leur principale arme dans le dossier est le FMI. C’est lui le principal créancier de la Grèce à court terme. Et c’est lui que la Commission européenne est allée chercher en 2011 pour être l’opérateur des plans de « sauvetage » des pays en difficultés de la zone euro. Il me parait important de souligner que cela fut à la demande d’Angela Merkel elle-même, approuvée aussitôt par son porte serviette français de l’époque.

Et c’est donc logiquement le FMI qui est le premier à bloquer toute restructuration de la dette grecque. C’est l’exigence première du gouvernement Tsipras et la solution pour sortir durablement de cette crise, comme nous l’avons dit depuis 2010. Et qui a la main sur le FMI ? Officiellement, son comité directeur représentant ses actionnaires. En réalité un seul État dispose d’un droit de véto dans cette institution néo-impérialiste : les USA. C’est la raison pour laquelle nous plaidons depuis des années pour en sortir. Et c’est pour ça que les BRICS lui tournent le dos. En complément de leur droit de véto, les USA ont toujours pu compter au FMI sur le directeur général. Christine Lagarde ne fait pas exception à la règle, elle qui dirigea un cabinet d’affaires défendant les firmes états-uniennes et qui faisait travailler son cabinet en anglais quand elle était ministre des finances de la France.

Si la Grèce est donc aujourd’hui dans l’impasse c’est donc en premier lieu à cause du FMI avec lequel la Commission européenne fait cause commune. La Grèce a tout fait pour manifester sa bonne foi et sa volonté de négocier : elle a déjà remboursé 2,9 milliards au FMI depuis février. À juste titre, le gouvernement grec dit aujourd’hui que ça suffit et que la dette et les plans d’aide doivent être renégociés. Cette fois c’est directement le secrétaire d’Etat américain au Trésor, Jack Lew qui a demandé jeudi 28 mai à la Grèce de « prendre des décisions très difficiles ». Il l’a fait lors d’une réunion des ministres des finances du G7 accueillis à Dresde par Wolfgang Schaüble. Le dossier grec est donc désormais discuté par une instance, le G7, dont la Grèce n’est même pas membre ! Le ministre français Michel Sapin y a joué son rôle de caniche habituel en psalmodiant que « les résultats grecs sont encore insuffisants ». Relayant cette pression, Christine Lagarde, qui était présente à la réunion, a surenchéri. Dans une interview au Frankfurter Allgemeine Zeitung, organe de la finance allemande, elle a ouvertement évoqué la « possibilité de sortie de la Grèce » de la zone euro. Avant d’ajouter cyniquement que l’euro s’en remettrait « probablement ». L’adverbe est admirable. Cette probabilité n’a pas l’air d’effrayer le capital allemand. Curieux non ?

Que les Etats-Unis et leurs organes, notamment le FMI, ne fassent aucun cadeau à l’Europe et à l’euro, rien de surprenant à cela. Surtout quand il pourrait s’agir pour l’euro de contester la suprématie du dollar comme monnaie de réserve et d’échange. Et davantage encore quand dans une guerre des changes l’euro joue à la baisse et déstabilise le mécanisme nord-américain de financement gratuit de son économie par une planche à billets devenue vaine. Mais le désastre actuel réside dans le fait que c’est l’Allemagne de Merkel qui aide désormais directement les Etats-Unis à conspirer contre l’Europe. Déjà manifestée avec l’espionnage des services secrets allemands pour le compte de la NSA, la trahison du gouvernement allemand en Europe élargit son action. On avait eu un avant-goût de la duplicité d’Angela Merkel quand on avait appris quelle condition avait posé le gouvernement allemand pour donner son accord pour « l’aide à apporter » à la Grèce au premier plan d’austérité : que le gouvernement grec s’engage sur l’achat de sous-marins allemands ! Et on a vite compris quel genre d’effort ne demanderait pas Monsieur Schäble aux Grecs quand il a refusé de donner la liste des Allemands impliqués dans les évasions de fond de la Grèce vers l’extérieur. Je suppose que le fait de reprendre à mon compte ces faits parus dans la presse étrangère me vaudra d’être traité de germanophobe.

 

Tsipras joue fin et bien
Extrait de la note « L’union européenne prise à son propre piège grec » – 9 juin 2015

Magnifique semaine européenne. Tsipras joue bien et fin. Les matamores de l’Union européenne et les faces de pierre de la Troïka se sont pris à leur propre piège. On les voit une fois de plus piétiner eux-mêmes les absurdes traités européens en se réunissant à quelques-uns avec le banquier central européen alors qu’une telle concertation est formellement interdite par les traités. Ils sont dans la nasse. La crise qu’ils ont provoqué par leur intransigeance menace de leur exploser à la face ! D’un côté ils refusent de relâcher leurs exigences barbares. Car c’est bien de cela dont il est question. Relever la TVA à 23% dans un pays en état de sous-consommation vertigineux de pauvreté de masse est une exigence barbare. Retarder l’âge de départ à la retraite et l’accès aux retraites complémentaires dans un pays ou les retraités sont les soutiens de familles entières, c’est barbare. Et ainsi de suite.

Car telles sont bien les violences que « l’Europe qui protège » veut infliger aux Grecs en plus de toutes leurs souffrances actuelles ! Mais de l’autre côté, Tsipras refuse de leur céder. Alors ? De quel côté est la dissuasion nucléaire ? Ah ! Ah ! Du côté de Tsipras évidemment. Car l’Union européenne n’a pas les moyens d’éjecter la Grèce de la zone euro ! La banqueroute qui en résulterait obligerait immédiatement à payer les engagements du mécanisme européen de stabilité (MESF). Le truc voté pendant la présidentielle de 2012 par le PS et l’UMP en plein débat sur la viande hallal (merci à France 2 pour avoir été l’agent actif de cet enfumage magistral !). Alors, ce serait ruineux pour qui, je vous prie ? Oui, ruineux pour qui ? C’est trop drôle. Et de surcroît, la monnaie européenne serait totalement ébranlée au point de menacer l’équilibre de toute la zone euro. À quoi s’ajouterait une onde de choc sur le marché mondial gigantesque. Qui sera ruiné ? Pas la Grèce. Elle l’est déjà ! Ici se vérifie l’hypothèse que je n’ai cessé de rappeler : dans le rapport de force entre créancier et débiteur, la faiblesse du créancier augmente avec la masse de sa créance. Obama s’en rend compte à présent. Il demande aux européens de surveiller leurs actes et de ne pas augmenter la volatilité du marché financier. Il faudra passer la consigne au FMI et madame Lagarde, cher Barack ! Je vais y venir.

Pour l’instant, comme je l’ai déjà dit ici, à la fin, le peuple grec reste groupé parce que son gouvernement ne le trahit pas. A l’inverse le camp adverse se désunit et se dispute sur la façon d’agir. Il faut intégrer le fait que le front des durs n’a jamais été homogène et ne peux pas l’être tant les intérêts particuliers qui le composent sont divers et divergents et tant les appréciations sont controversées entre chacun. Tant que tout le monde cédait, la ligne dure pouvait gagner sans problème. Tout le monde suivait puisque ça marchait. Mais depuis que ça ne marche plus… la discussion est ouverte.

Le problème posé est entièrement politique. Exclusivement. Sur le plan technique, il n’y a aucune difficulté à effacer la dette grecque par des moyens de procédure comptable. Exemple : étaler la dette grecque sur cent ans ! A 1% d’inflation par an, elle a fondu à la fin. En reportant les dates de paiements, on facilite encore la manœuvre. Pendant ce temps, les titres restent inscrits dans les bilans à leur valeur faciale et tout reste en ordre puisque personne ne perd rien. Surtout que 80% de la dette grecque est en main des organismes publics dorénavant. C’est un exemple et rien de plus. Mais cela montre que la question n’est pas technique. Elle est politique. Si cela est fait pour la Grèce, alors pourquoi pas pour les autres ? Autrement dit, tout le système de l’ordolibéralisme s’effondre. Les traités budgétaires deviennent des chiffons de papier, le blabla austéritaire s’enroue. Et ainsi de suite.

A mes yeux, le plus frappant est l’incohérence grandissante dans le camp des créanciers. Le FMI mène le bal des faucons. Souvenons-nous que c’est madame Merkel qui a demandé et obtenu que le Fonds soit intégré dans la Troïka où, normalement, il n’a rien a faire. Dans le cadre de la pagaille grandissante le FMI est en train de se vriller. Les derniers jours ont confirmé ce que je disais dans ma précédente note à propos du rôle du Fonds Monétaire International dans le cas grec. Avec l’Allemagne de Mme Merkel, le FMI de Christine Lagarde est le principal obstacle à un accord honnête entre le gouvernement grec et ses créanciers. Alors que les créanciers avaient fini par se mettre d’accord entre eux mardi dernier, le FMI a menacé unilatéralement de ne pas assumer sa part de responsabilité en cas d’accord avec le gouvernement grec. Il a menacé de ne pas verser sa part d’aide ! Un nouveau raidissement dans l’intransigeance.

Première intransigeance : le refus de la renégociation de la dette grecque. Certains de mes lecteurs ont attiré mon attention sur le fait que le FMI s’est dit, il y a quelques mois, favorable à une restructuration de la dette grecque. C’est vrai. Mais cela ne doit tromper personne. Premièrement, comme les autres créanciers, le FMI refuse catégoriquement d’ouvrir la discussion sur la restructuration avant le bouclage du programme actuel. Sa promesse n’engage donc que ceux qui la croient. Dans ce domaine, l’expérience est très instructive. Les créanciers ont déjà fait des promesses de ce type sans les tenir. Ainsi avaient ils juré que si la Grèce parvenait équilibrer son budget au point de dégager un excédent avant le paiement annuel de sa dette (cela s’appelle un « excédent primaire »), ils accepteraient de renégocier. Le ministre de droite Samaras y parvint. Aucune renégociation de la dette n’eut pourtant lieu. Deuxièmement, le FMI a évoqué assez vaguement un allongement de la durée de la dette. Mais en aucun cas une annulation, cela va de soi. Mais surtout pas la seule mesure réformiste raisonnable : une indexation des remboursements sur la croissance comme le réclame le gouvernement grec.

La provocation, dans l’histoire, c’est que le FMI envisage de restructurer la dette détenue par la Banque centrale européenne et les États européens. Mais pas celle qu’il détient lui-même ! Chacun pour soi ! Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! Or, depuis son élection en janvier dernier, c’est au FMI que le gouvernement Tsipras a versé l’écrasante majorité de ses remboursements. Près de 3 milliards d’euros. Et c’est encore au FMI que sont dus 1,6 milliards d’euros ce mois de juin. Or, la Grèce ne peut pas payer cette somme. Il ne suffirait pas de renégocier les échéances futures auprès de la BCE. Il faut que le FMI accepte la restructuration immédiate de la dette grecque. Or, le dernier épisode montre le contraire. Le FMI a bien accepté que la Grèce regroupe ses 4 échéances du mois de juin en une seule, à la fin du mois. C’est une micro-restructuration en quelque sorte. Mais Mme Lagarde n’y est pour rien. Elle a été mise devant le fait accompli par l’ingéniosité du gouvernement grec. En effet, Tsipras et les siens ont trouvé et exploité une phrase du règlement du FMI qui prévoit une telle action. Mais j’ai lu que Mme Lagarde a découvert la demande grecque et son caractère automatique seulement quelques minutes avant que les dirigeants du FMI n’en soient officiellement saisi. Le site internet boursorama.fr écrit ainsi : « Dans la matinée de jeudi, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, affirmait ainsi ne pas « être informée de ce genre de choses »… quelques minutes seulement avant que le Fonds ne prenne acte de la requête grecque. Le FMI a tenu à préciser que la requête n’avait même pas à être approuvée par ses soins. En clair, le pays demandeur a juste à « informer » le FMI ».

La deuxième intransigeance du FMI porte sur l’exigence d’une nouvelle baisse des pensions de retraites. Mme Lagarde ne cesse d’exiger une nouvelle réforme des retraites incluant des baisses dans les pensions, et un nouveau report de l’âge de la retraite. Le FMI exigerait même la suppression de l’EKAS, une prime versée en complément des retraites inférieures à 700 euros par mois, et qui va 30 à 230 euros par mois, selon les revenus. Le journaliste de France 2, François Beaudonnet, a même affirmé dans le journal de 20h du 3 juin à ce sujet que « le FMI est intraitable ». Et il a précisé « On me raconte qu’à chaque début de réunion avec la Grèce, le FMI dit : “bon alors, cette réforme des retraites’’ » en guise de provocation. Il parait que même le président de la Commission européenne Jean-Claude Junker serait prêt à lâcher sur les retraites. Mais le FMI impose une ligne dure, empêchant toute discussion constructive. Le Monde du 4 juin écrivait ainsi que « l’institution internationale a contribué à bloquer les négociations sur une liste de réformes contre des prêts supplémentaires à Athènes. Il exigeait encore, le week-end dernier, une réforme des retraites avec des baisses supplémentaires du niveau des pensions ». Quoi ? Les négociations étaient bloquées à cause du FMI ? Mais alors pourquoi accuser sans cesse le gouvernement grec ?

Tsipras et les Grecs ne peuvent accepter une nouvelle baisse des retraites. Le journaliste de Latribune.fr, Romaric Godin, a très bien démontré pourquoi dans un de ses récents articles. Des raisons économiques et sociales évidemment et des raisons politiques. Les retraités grecs ont déjà été saignés avec des baisses massives. Alors que le chômage est massif, particulièrement chez les jeunes, les retraités sont devenus un pilier financier indispensable à la vie quotidienne d’une large part des familles du pays. Couper dans les retraites à nouveau frapperait l’ensemble de la société grecque ! Politiquement enfin, Tsipras a toujours combattu les mesures d’austérité en général et les coupes dans les retraites en particuliers. Et même le gouvernement de droite précédent avait refusé ces coupes. Ce que le FMI exige, c’est ce qu’il n’a pas pu obtenir de la droite grecque ! Accepter ces coupes, serait un suicide économique pour la Grèce et un reniement suicidaire pour Tsipras.

Le FMI sait tout cela. Mais il continue. Par sadisme ? Par dogmatisme idéologique ? Ou par panique ? Il aurait pourtant toute les raisons de faire profil bas. La Grèce aura été un nouveau fiasco pour les docteurs Diafoirus du FMI. Leur cure d’austérité devait remettre le malade sur pied ? C’était la formule de Strauss-Kahn ! Elle a aggravé la crise, fait exploser le chômage, la pauvreté mais aussi la dette ! Echec total ! Les économistes du FMI ont même dû reconnaître, piteux, cet échec. Ils ont avoué avoir sous-estimé l’impact négatif des mesures d’austérité sur l’économie. Il n’y avait pourtant pas besoin d’être un aigle pour s’en douter. L’histoire des années 1930 en Europe et plus récemment en Amérique latine a démontré de manière foudroyante la nullité de ces théories économiques. L’Amérique latine, surtout. La suite de ces sottises était écrite d’avance.

Mais le FMI ne recule pas. Il assume son rôle de gardien des exigences de la finance et des partisans de l’ordolibéralisme. Ce rôle, c’est celui que lui a confié Angela Merkel, la chancelière allemande au début de la crise grecque. En 2010, c’est elle qui a imposé aux autres Européens le recours au FMI. Il parait que Nicolas Sarkozy, alors président français, et Jean-Claude Junker, alors président de l’Eurogroupe étaient contre. Mais ils ont cédé à Mme Merkel. Pourquoi Mme Merkel tenait-elle tant à la présence du FMI ? D’abord sans doute pour intégrer les États-Unis d’Amérique dans la discussion. Car au FMI, les États-Unis, et eux seuls, ont un droit de veto. Et l’alignement de Mme Merkel sur les États-Unis n’est plus à démontrer. Les scandales de l’espionnage de la France par les services secrets allemands au profit des agences de renseignements américaines ont peut-être décillé quelques yeux.

Le blocage en cours c’est, en quelque sorte, une application poussée un peu plus loin de l’ordolibéralisme allemand. Que les peuples et les politiques ne se mêlent pas d’économie. Le FMI, par son statut, est hors de portée de tout changement populaire. C’était donc l’allié parfait. Ce que Le Monde écrit clairement : « le Fonds est aussi régulièrement critiqué à Bruxelles pour son approche, jugée insuffisamment politique et peu adaptée à la réalité de la Grèce. Plus récemment, le fait que le FMI, fin 2014, ait contribué – déjà – à bloquer les négociations qui s’étaient engagées entre [le Premier ministre de droite] Samaras et les créanciers du pays, sur la fin du deuxième plan d’aide à la Grèce, ne passe pas non plus à la Commission européenne. De fait, si un accord avait été trouvé à ce moment-là, le psychodrame de ce printemps n’aurait probablement pas eu lieu ». En 2010, l’arrogant ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble était contre l’appel au FMI, paraît-il. Il souhaitait que le gouvernement allemand garde seul le dernier mot. Mais l’expérience l’a fait changer d’avis. Il a récemment salué le coup de maître de sa cheffe Merkel. C’était dans sa récente et stupéfiante interview aux Echos. Il a dit « j’étais de l’avis que les Européens pourraient régler entre eux. La chancelière était d’un autre point de vue et depuis, les faits lui ont donné raison ». Le FMI remplit son rôle au-delà même des espérances de cet ultra ! Et tant qu’il n’y a pas d’accord sur la fin du programme, il n’y a pas de discussion sur la restructuration de la dette grecque. Le FMI est le meilleur allié de Schäuble à cette étape. Il ne fait aucun doute que si la discussion devait s’engager sur une restructuration de la dette grecque comme c’est indispensable, Schäuble reviendrait à sa position de départ. Il prépare d’ailleurs le terrain en rappelant que Christine Lagarde, lorsqu’elle était ministre française, était également contre l’intervention du FMI. Si jamais le FMI ne tient plus la ligne dure de Berlin, c’est l’Allemagne de Merkel et Schäuble qui reprendra la main.

Peut-être me dira-t-on encore que je surligne trop les faits. Ecoutez ceci. Depuis plusieurs mois à l’initiative de l’Argentine, un comité technique de l’ONU a été constitué pour préparer des propositions en vue d’un règlement universel pour les banqueroutes « légitimes » des États. Enfin ! Qui s’y oppose ? Onze pays de l’Union européennes ! Dont la France et l’Allemagne ! Ah les braves gens ! Ce n’est pas tout. Le comité en question s’est officiellement plaint de l’attitude méprisante de l’UE qui le tient à l’écart de toute discussion et concertation à propos du problème des dettes souveraines en Europe ! Après quoi les mêmes feront des gargarismes sur la mondialisation hélas « incontournable » et autres blabla pédant pour enfumer les naïfs ! La mondialisation n’est en rien une nouveauté dans l’histoire humaine ! Ce que nous affrontons c’est la globalisation financière et ses chiens de garde qui empêchent la politique et les peuples de s’en mêler et d’y mettre de l’ordre !

J’achève sur un point de mémoire active et politique. Mme Lagarde s’était montré bien moins exigeante avec les banques qu’avec la Grèce. En 2010 lorsqu’elle était ministre des Finances, elle n’a pas hésité à débloquer des dizaines de milliards d’euros d’argent public pour renflouer les banques frappées par la crise des subprimes. De même qu’en atteste la louche rapidité avec laquelle une banque en particulier a pu bénéficier de 1,7 milliards d’euros de réduction fiscale en accusant le trader Jérôme Kerviel. Mme Lagarde s’est aussi montré très conciliante avec les banques lorsqu’en 2010 et 2011, les Etats européens, le FMI et la Banque centrale européenne leur ont racheté les titres de dettes publiques grecques qu’elles détenaient. La crise d’aujourd’hui vient de là. Si la Grèce fait défaut, les Etats, le FMI et la BCE perdront leurs créances. Mais ce ne sera pas la faute de Tsipras. Ce sera la faute de Lagarde, Merkel, Sarkozy et les autres qui ont décidé de collectiviser les dettes privées des banques plutôt que de laisser leurs actionnaires assumer les conséquences de leurs « risques ».

Cette logique est à la base de la nouvelle campagne d’affiches du Parti de gauche. Le slogan est « si la Grèce était une banque, elle serait déjà sauvée ! ». Mme Lagarde s’en serait certainement occupée dans la minute. En attendant, le bilan est écrasant. Ce que nous, les « rêveurs », les « irresponsables », nous annoncions, se réalise sous nos yeux. Leurs solutions, même du point de vue capitaliste, sont absurdes et dangereuses. Tout cela finira comme c’est évident : personne ne paiera la dette ! Comment régler cette situation inéluctable : par la crise ouverte ou par les solutions en sifflet que nous proposons depuis le début ? À ce point de la situation, nous pourrions bien gagner sur tous les tableaux. Qui pleurera sur l’Union européenne actuelle si elle va au fossé ? On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif.


Allez vous faire voir chez les Grecs
Extrait de note de blog – 19 juin 2015

J’avais annoncé que l’Eurogroupe se prendrait au piège d’une catastrophe pour lui-même en croyant que la menace de faire sortir la Grèce de la zone euro puisse ne nuire qu’à la Grèce.

Nous y sommes. Le banquier central, le gouvernement allemand et le FMI serrent méthodiquement la gorge à la Grèce. En vain, selon moi.

Ici, les médias pavlov hurlent à la mort. En Allemagne, c’est l’hystérie. Le social-débris Sigmar Gabriel hurle depuis le balcon du PS allemand à l’endroit de Tsipras : « ca suffit ». Tu l’as dit bouffi ! « Le Monde » me rend Tsipras, qualifié de « mélenchoniste radical » après l’avoir peint quelques semaines comme un François Hollande rougi par un coup de soleil.

Comédie ! La bombe grecque a été installée et allumée par ceux-là mêmes qui comptaient la jeter sur la colère des peuples. Le naufrage grec est une création des passagers du navire et les costumes sont de Donald Tusk ! Suave impéritie des stratèges.

En Grèce, les ânes ont encore soif

J’ai apprécié de voir, en fin de parcours, Arnaud Leparmentier du journal « Le Monde » prendre la mesure du piège grec, énoncer clairement les dégâts pour tous de ce qui se passe en cas d’expulsion d’un pays hors de la zone euro ! Evidemment, il ne conclut pas du tout dans le même sens que moi. Mais ce qui me fascine, c’est que les commentateurs les plus pointus ne se demandent pas pourquoi leurs alertes et conseils ne sont jamais pris au sérieux par ceux-là même qu’ils pensent défendre ou soutenir. Leparmentier annonce depuis des mois l’impasse de l’Union européenne, le rôle asphyxiant de la politique allemande et ainsi de suite. Mais il ne se passe rien. Pourquoi ?

Il voit bien lui-même que les décideurs européens font exactement ce qu’il faut pour tout détruire avec leurs méthodes de travail. Les plus aveuglés qui sont-ils ? Ce que monsieur Leparmentier ne comprend pas c’est que si lui veut faire l’Europe, les autres veulent faire des affaires. Dans ce jeu, les premières victimes sont ceux qui se dupent eux-mêmes. Leparmentier le sait bien, qui ironise avec amertume sur les dirigeants qui s’étaient appropriés Tsipras pour se parer eux-mêmes de l’éclat de sa victoire. On se souvient que du jour au lendemain l’homme qu’on présentait la veille comme « le Mélenchon grec » était devenu le parfait ami et voisin de table de chacun des importants sans aucun rapport avec l’odieux diable rouge français. Un galonné de la nomenclature du PS souligna même que « Tsipras est bien plus prêt du pragmatisme de Hollande que d’un excessif comme Mélenchon ». Le PS passa de l’ostracisme à la labélisation. Ah ! Ah ! Qui cela a-t-il trompé ? Ceux qui l’ont dit et cru. C’est tout. Cruel retour au réel. Dans son éditorial, monsieur Leparmentier me rend Tsipras : « un mélenchoniste radical ne devient pas en quelques mois un social-démocrate réformateur digne de confiance ». C’est dire si la situation est grave ! Elle l’est. Leparmentier le résume mieux que je ne l’ai expliqué dans mon précédent post. Lisez :

« Hébétés, nous marchons droit vers le désastre. C’est l’Europe qui est cette fois menacée, car le blocage des négociations entre le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, et ses créanciers est aussi grave que spectaculaire. Une faillite d’Athènes, destructrice pour les Grecs, mais aussi pour l’Europe, est désormais dans toutes les têtes. Prenant la mesure de la gravité de la situation, peut-être serait-il nécessaire que les dirigeants grecs cessent leur jeu de poker perdant pour sortir de l’impasse dans laquelle ils se sont fourvoyés. Avant qu’il ne soit trop tard.

Après ce plagiat taquin d’une récente tribune enflammée publiée par Le Journal du dimanche, interrogeons-nous : comment en est-on arrivé là ? On se rappelle le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, décelant fin janvier dans la victoire de Syriza « un raz-de-marée contre l’austérité », qui allait renforcer le camp de ceux qui voulaient « réorienter la politique européenne ». En réalité, l’impasse actuelle n’est guère une grande surprise pour qui savait ouvrir les yeux sur le Premier ministre grec et son parti Syriza. Il y eut maldonne sur tout, ou presque.

Premièrement, un mélenchoniste radical ne devient pas en quelques mois un social-démocrate réformateur digne de confiance. Le mandat que lui ont confié les électeurs abusés par des promesses intenables est depuis le début incompatible avec les exigences des Européens et du Fonds monétaire international (FMI). (…)

Le blocage est total. Et si aucune solution n’est trouvée, l’enchaînement risque d’être fatal, de faillite en panique des épargnants, jusqu’au « Grexit ». Une catastrophe. Pour la Grèce, d’abord. Le pays verrait sa devise dévaluée de plus de moitié et le coût de ses importations s’envoler. Le résultat est connu : pénurie de médicaments, d’énergie, de produits high-tech, et une terrible récession comparable à celle de l’Argentine.

Pour les Européens ensuite. Les responsables politiques assurent que la crise serait limitée à la Grèce. En réalité, ils n’en savent rien. Nul ne peut jurer qu’un « Grexit » n’entraînera pas une attaque sur l’Italie, l’Espagne, et, de fil en aiguille, un démantèlement de la zone euro.

Dans ce contexte, la Grèce doit trouver un accord avec les Européens. »

À ce point du récit, voici comment le journal « modéré » « Le Monde » envisage l’accord qu’il appelle de ses vœux entre « l’Europe » et la Grece. Rien moins qu’un putch déclenché de l’extérieur ! Car monsieur Leparmentier dit que cet accord doit être « Signé par Alexis Tsipras ou un autre, peu importe. Il existe des précédents peu reluisants. C’était en novembre 2011, au G20 de Cannes, au plus fort de la crise de l’euro : le Premier ministre grec, Georges Papandréou, et l’Italien Silvio Berlusconi avaient comparu au « tribunal de l’euro » devant Sarkozy, Merkel et… Obama. Bien sûr, ils ne furent pas renversés par un putsch comme de malheureux démocrates sud-américains victimes de la CIA. Mais, de retour dans leur pays, ils ont comme par miracle perdu leur majorité. Papandréou fut remplacé par le banquier central Loukas Papademos, et Berlusconi, par l’ex-commissaire européen Mario Monti. Imaginons donc un scénario de crise : 30 juin, constat de défaut de la Grèce ; 1er juillet, panique bancaire et instauration d’un contrôle des changes par Tsipras, contraint et forcé ; 2 juillet, mise en minorité du gouvernement Tsipras par les irréductibles de Syriza ; 3 juillet, constitution d’un gouvernement d’union nationale, avec ou sans Tsipras ; 4 juillet, retour des négociateurs à Bruxelles-Canossa. Odieusement antidémocratique ? Les Grecs jouent au poker. Pourquoi pas nous ? » Chers lecteurs, vous n’oublierez pas n’est-ce pas ! Ces lignes vous avaient échappées. Vous ne le saviez pas. Mais maintenant vous le savez. Vous savez de quoi ils sont capables, ceux-là. Ne me dites plus jamais que je devrais « savoir composer » avec eux !


Appel au président de la République
Lettre – 21 juin 2015

Le 4 février 2015, juste après l’accession d’Alexis Tsipras au poste de Premier ministre en Grèce, j’avais été recu à ma demande par le président de la République sur la situation européenne ouverte par l’élection grecque. J’ai, depuis, alerté régulièrement sur le coup d’État financier de la BCE, l’intransigeance du FMI et des autres créanciers ou encore l’arrogance du gouvernement allemand. Je suis donc naturellement signataire de cet appel interpelant Francois Hollande quant à la position de la France et à la nécessaire solidarité de la France avec la Grèce.

Monsieur le Président de la République,

La crise grecque s’exacerbe de façon alarmante. Chaque jour qui passe peut, soit nous rapprocher d’un accord utile à toute l’Europe, soit d’une rupture dont personne ne peut prévoir les conséquences. L’intransigeance des principaux dirigeants européens peut nous conduire alors au bord de l’abîme. Il est aussi vital que pressant de sortir de ce piège. Le moment est crucial. La responsabilité de chaque acteur concerné est directement engagée. Il serait sordide – et au demeurant parfaitement vain – d’escompter une capitulation du gouvernement grec. La fidélité de celui-ci au mandat que lui a confié son peuple n’est pas un défaut mais un exemple à suivre. S’il refuse la compromission, il s’est, en revanche, montré prêt au compromis. Une solution à la fois digne et réaliste est donc à portée de la main. Le moment ultime est venu pour la concrétiser.

C’est dans ce contexte que nous vous lançons un appel solennel : la France ne peut, dans un tel moment, apparaître inerte sinon suiviste des puissants. Son message ne peut se réduire à un rappel docile des « règles » à respecter quand la maison brûle. D’autant que ces règles sont aujourd’hui massivement récusées par les peuples et reconnues contre-productives par nombre de leurs anciens protagonistes eux-mêmes.

Aujourd’hui, alors que la crise de confiance entre les citoyens et les institutions européennes est à son comble, c’est en se montrant capable d’entendre l’exigence de justice, de dignité et de souveraineté d’un peuple debout qu’un pays comme le nôtre sert la cause européenne bien comprise. A l’inverse, qui humilie la Grèce obère l’avenir de la construction européenne. Car le refus de l’austérité et l’aspiration démocratique sont aujourd’hui en Europe les attentes les plus partagées.

C’est pourquoi nous attendons de vous, que vous preniez une initiative politique de nature à débloquer les négociations entre l’« Eurogroupe » et les autorités grecques. Nous n’évoquerons pas ici les transformations profondes à promouvoir en Europe qui font débat entre nous. L’acte urgent que nous vous demandons d’accomplir est de refuser de participer à la stratégie d’isolement de la Grèce, concernant en particulier le chantage financier et la nature des « réformes » exigées du gouvernement et du Parlement de ce pays. Apportez un soutien explicite aux mesures saines prises par les autorités grecques, telles que celles qui s’attaquent à la crise humanitaire en Grèce, ou qui permettent enfin de lutter contre l’évasion fiscale. Désolidarisez-vous en revanche nettement des exigences insoutenables de l’« Eurogroupe » en matière de dérégulation du marché du travail, de révision du système des retraites ou de privatisations. Acceptez enfin le principe d’une renégociation de la dette grecque, dont une large part est notoirement illégitime.

Cette situation est sans précédent dans l’Union européenne. La France doit prendre la place qui est la sienne dans l’Histoire, celle-ci est aux côtés du peuple grec et de son gouvernement.

Les signataires :

Dominique Adenot, PCF, président de l’ANECR, Maire de Champigny,
Pouria Amirshahi, député PS
François Asensi, député de Seine St Denis GDR, maire de Tremblay en France
Eliane Assassi, Présidente du groupe CRC au Sénat
Isabelle Attard, députée Nouvelle Donne
Clémentine Autain, porte parole d’Ensemble
Guillaume Balas, député européen PS
Julien Bayou, porte parole EELV
Michel Billout, Sénateur CRC
Eric Bocquet, Sénateur CRC
Jean-François Bolzinger, mouvement social
Marie George Buffet, députée GDR
Fanelie Carrey-Conte, députée PS
André Chassaigne, Président du groupe GDR,
Laurence Cohen, députée GDR
Eric Coquerel, coordinateur général du PG
Catherine Coutard, Vice présidente du MRC
Karima Delli, députée europénne EELV
Bernard Devert, mouvement social
Jean Pierre Dubois, mouvement social
Pascal Durand, député européen EELV
Hervé Falcciani, mouvement social
Elisabeth Gauthier, PCF, responsable Transform
Liem Hoang Ngoc, socialiste affligé
Frédéric Hocquart, conseiller PS de Paris
Nordine Idir, secrétaire général Jeunes communistes
Michel Jallamion, Convergences des Services Publics
Eva Joly, députée européenne EELV
Pierre Khalfa, mouvement social
Pierre Larrouturou, Nouvelle Donne
Jean-Luc Laurent, député MRC, maire de Krémlin Bicètre, Président du MRC,
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, président de la PGE
Marie-Noelle Lienemann, Sénatrice PS
Patrick Le Hyaric, député européen GUE, directeur de l’Humanité
Emmanuel Maurel, député européen PS
Gus Massiah, mouvement social
Jean-Luc Mélenchon, député européen GUE
Alain Obadia, PCF, Président fondation Gabriel Péri
Younous Omarjee, député européen GUE
Christian Picquet, Gauche Unitaire
Barbara Romagnan, députée PS
Anne Sabourin, PCF – responsable Europe
Lydia Samarbakhsh, PCF, responsable international
Laura Slimani, Présidente MJS
Marie-Christine Vergiat, députée européenne GUE
Francis Wurtz, PCF, député européen honoraire


Grèce : les institutions européennes font preuve de cruauté
Vidéo – 23 juin 2015

Invité de Jean-Michel Aphatie le 23 juin 2015, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé le comportement des institutions européennes et du gouvernement allemand sur le dossier grec. Il a souligné la cruauté « politique » de ces institutions dont les demandes n’ont aucun sens sur le plan économique. Jean-Luc Mélenchon s’est également dit opposé à la tenue des jeux olympiques à Paris en 2024 afin de ne pas engager de dépenses inutiles quand celles-ci pourraient être investies dans un secteur comme la mer, qui entraînerait l’économie du pays tout entier.


Référendum en Grèce
Discours d’Alexis Tsipras – 27 juin 2015

Discours prononcé par Alexis Tsipras, Premier ministre grec, à la télévision, le 26 juin 2015.
Citoyens grecs,
Au cours des six derniers mois, le gouvernement grec a mené une bataille sous une asphyxie économique sans précédent, dans le but d’appliquer le mandat que vous lui avez donné le 25 janvier.
Le mandat de négocier avec nos partenaires pour arriver à mettre un terme à l’austérité et pour faire revenir dans notre pays la prospérité et la justice sociale.
Pour un accord durable qui respectera la démocratie, les règles européennes, et qui conduira à une sortie définitive de la crise.
Durant les négociations, il nous a été demandé de manière répétitive de mettre en œuvre les politiques du mémorandum que les précédents gouvernements avaient accepté, en dépit du fait que ce mémorandum avait été condamné sans équivoque par le peuple grec lors des récentes élections.
Nous n’avons jamais envisagé d’abandonner – pas même pendant un instant. Ni de trahir votre confiance.
Après cinq mois d’âpres négociations, nos partenaires ont soumis une proposition-ultimatum à la rencontre de l’Eurogroupe, menaçant la démocratie et le peuple grec.
Un ultimatum qui contrevient aux principes et aux valeurs qui ont fondé l’Europe. Les valeurs de notre projet européen commun.
Il a été demandé au gouvernement grec d’accepter une proposition qui ajoutera un poids insupportable sur les épaules du peuple grec, et qui minera le rétablissement de l’économie et la société grecques – pas seulement en alimentant l’incertitude, mais aussi en aggravant les inégalités sociales.
La proposition des institutions[1] inclut des mesures qui vont augmenter la dérégulation du marché du travail, les coupes dans les pensions de retraite, et inclut de nouvelles réductions de salaires le secteur public – mais aussi une augmentation de la TVA sur la nourriture, les restaurants et le tourisme, tout en éliminant les exonérations d’impôts sur les îles grecques.
Ces propositions – qui violent directement les acquis sociaux européens et les droits fondamentaux à travailler, à l’égalité et à la dignité – prouvent que certains partenaires et membres des institutions ne veulent pas trouver un accord viable qui bénéficierait à toutes les parties, mais cherchent plutôt l’humiliation du peuple grec.
Ces propositions illustrent principalement l’insistance du FMI pour des mesures d’austérité sévères et punitives. Il est maintenant temps pour les pouvoirs dirigeants européens de se montrer à la hauteur de l’occasion et de prendre l’initiative pour mettre un terme définitif à la crise grecque, une crise qui affecte également d’autres pays européens, en menaçant le future proche de l’intégration européenne.
Citoyens grecs,
Nous faisons face à la responsabilité historique de ne pas laisser les luttes et les sacrifices du peuple grec rester vains, et de renforcer la démocratie et notre souveraineté nationale – cette responsabilité pèse sur nous.
Notre responsabilité pour le futur de notre pays.
Cette responsabilité nous oblige à répondre à l’ultimatum sur la base de la volonté souveraine du peuple grec.
Plus tôt ce soir, le Conseil des ministres était convoqué et j’ai proposé d’organiser un référendum afin que le peuple grec puisse décider.
Ma proposition a été unanimement acceptée.
Demain, le Parlement tiendra une session extraordinaire pour ratifier la proposition du Conseil des ministres pour qu’un référendum soit mis en place dimanche prochain, le 5 juillet. La question posée sera de savoir si la proposition des institutions doit être acceptée ou rejetée.
J’ai déjà informé le président français, la chancelière allemande et le président de la BCE de ma décision ; demain, je demanderai aux leaders de l’UE et des institutions une courte extension du programme – en cours d’écriture – pour que le peuple grec puisse décider sans pression et sans chantage, comme il l’est disposé dans la Constitution de notre pays et dans la tradition démocratique européenne.
Citoyens grecs,
Je vous appelle à choisir – avec la souveraineté et la dignité que l’Histoire grecque exige – si nous devons accepter l’exorbitant ultimatum qui appelle à une stricte et humiliante austérité sans fin, et qui ne donne aucune perspective de pouvoir un jour nous tenir debout sur nos deux pieds, socialement et financièrement.
Nous devrions répondre à l’autoritarisme et l’austérité sévère par la démocratie – dans le calme et la fermeté.
La Grèce, lieu de naissance de la démocratie, devrait envoyer un retentissant message démocratique aux Européens et à la communauté mondiale.
Et je m’engage personnellement à respecter la conséquence de votre choix démocratique, quel qu’il puisse être.
Je suis absolument certain que votre choix fera honneur à l’Histoire de notre pays et enverra un message de dignité à travers le monde.
Dans ces temps critiques, nous allons devoir rappeler que l’Europe est la maison commune de tous ses peuples.
Qu’en Europe, il n’y a ni propriétaires, ni invités.
La Grèce est et restera une partie intégrante de l’Europe, et l’Europe une partie intégrante de la Grèce.
Mais une Europe sans démocratie sera une Europe sans identité et sans boussole.
Je vous appelle tous à agir avec sang-froid dans l’unité nationale et à prendre une décision digne.
Pour nous, pour les générations futures, pour l’Histoire grecque.
Pour la souveraineté et la dignité de notre pays.
Alexis Tsipras,
le 26 juin 2015

[1] Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI)


Grèce : c’est un coup d’État financier
Vidéo – 27 juin 2015

Le 27 juin 2015, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de BFMTV. Il est revenu sur les attentats survenus en Tunisie et a appelé à un moratoire sur la dette tunisienne afin de soutenir la démocratie. Jean-Luc Mélenchon a également dénoncé le coup d’État financier en cours contre le peuple grec.


Les gens de l’Eurogroupe sont des imbéciles
Vidéo – 28 juin 2015

Le 28 juin 2015, Jean-Luc Mélenchon était l’invité du « Supplément » de Canal+. Il est revenu sur ce que représente pour lui François Delapierre puis a parlé de la situation de la Grèce, dénonçant le comportement de l’Eurogroupe. Jean-Luc Mélenchon a appelé les gens à « se saisir de leurs affaires » par une Constituante pour refonder nos institutions.


Cette semaine, l’Union européenne pourrait mourir
Vidéo – 28 juin 2015

Le dimanche 28 juin, Jean-Luc Mélenchon participait à une manifestation de soutien au peuple grec après l’annonce par Alexis Tsipras d’un référendum.


La Grèce résiste pour nous
Extrait de note de blog – 29 juin 2015

Il est vrai, cette fois ci, que les heures qui viennent seront décisives pour l’avenir de l’Union Européenne et pas seulement pour la zone euro. L’ultimatum prononcé contre le gouvernement grec et la réplique décidée par Alexis Tsipras constituent un seuil franchi dans la brève histoire de l’Union européenne. Dorénavant, la suite à venir de cette Union européenne sera à l’image du vainqueur de ce bas de fer. Soit « la règle d’or » et l’ordo-libéralisme en général, soit la démocratie tout simplement.

Le gouvernement allemand est à l’évidence le chef de file du coup d’État financier en cours contre la Grèce, comme il l’a été contre Chypre et le sera demain contre chacun des pays de l’Europe du sud. Où est passée la France ?

Je viens donc sur le cas grec une fois de plus, à l’heure où ce pauvre pays est agressé par une faillite planifiée depuis Bruxelles et Berlin de son système bancaire. La Grèce réplique par un vote de son peuple. Une fois de plus, la caste médiatico-politique n’avait rien vu venir et aucun de ses plans de marche ne prévoyait autre chose que la capitulation des Grecs. Sa rage est décuplée. La Grèce doit s’attendre à une élévation croissante du niveau des violences contre elle ! Ceux qui ont déjà exclu son ministre des Affaires étrangères de la réunion où se décidait le plan de guerre financière contre la Grèce vont redoubler d’esprit de vengeance et de punition. Où est la France ? Ses chefs n’ont toujours pas compris que sa frontière se défend sur celle des grecs !

L’agression contre la Grèce

Sans Tsipras, il n’y aurait aucune résistance gouvernementale en Europe face à l’absurde étranglement de tous décidé à Bruxelles et Berlin. Pour autant, la Grèce ne dispose d’aucun des moyens matériels du choc qu’elle doit subir sinon sa volonté de ne pas se laisser faire. Ici se signale le courage dont elle fait preuve. Et cela nous apprend aussi la pente que prendront les évènements à venir.

La Grèce ne peut se défendre que par l’intervention de son peuple. C’est ce que signifie le recours au référendum. Pour contrer ce mouvement, si les Grecs choisissent la résistance, alors leurs ennemis devront recourir à la force non par goût mais parce que c’est le seul moyen que l’on connaisse, depuis que l’Histoire s’écrit, pour briser la volonté collective d’un peuple. La logique de situation est si forte ! C’est pourquoi Arnaud Leparmentier dans le journal « Le Monde », qui n’a rien d’un violent en temps normal et qui a l’habitude d’argumenter ses passions, a pu préconiser un putsch en Grèce pour trouver « peu importe qui » capable de signer le mémorandum de l’Eurogroupe.

Car les « mémorandum », les « plans d’ajustements structurels », et autres variantes de l’annexion économique au nouvel ordre européen, c’est l’Europe actuelle, celle qui existe réellement, celle du traité de Lisbonne et du traité budgétaire. Il n’y a aucune autre Europe en dehors de ce cadre. Et la preuve devait en être administrée aux yeux de tous. C’est ce que signifie l’agression contre la Grèce depuis le premier jour ! Je le répète : après la Grèce, la totalité des moyens de force employés contre elle seront légitimés pour être appliqués à n’importe quel récalcitrant. Donc aux pays de l’Europe du sud dont les dettes publiques sont insoutenables, donc à la France.

Dans ce contexte, on mesure quel crime est l’absence politique de la France sur la scène européenne et le prix qu’il faut payer du fait du lamentable alignement de ses dirigeants sur la politique du gouvernement allemand. Ma conviction est que le gouvernement français est tout simplement en état de sidération. Dans la bonne logique traditionnelle de la présidence actuelle chacun espérait que « ça finisse par s’arranger ». Et si l’intransigeance allemande était bien perçue, l’idée que les grecs et Tsipras ne céderaient pas n’était même pas envisagée.

D’ailleurs chacun se souvient comment les médias n’ont cessé d’annoncer la « capitulation » de Tsipras à chacun de ses voyages à Bruxelles. Cette jubilation morbide a même atteint une bonne partie de la mouvance d’extrême gauche. D’ailleurs, sur place, le parti communiste grec a même voté contre le référendum sous le prétexte que cela ouvrait la voie à une possible acceptation du mémorandum !

Quoiqu’il en soit, une fois de plus, l’aveuglement médiatique et son incapacité à penser autrement que par et dans le conformisme est aveuglant. Ils n’avaient pas vu venir la victoire de Syriza. Ils n’ont pas vu arriver le refus grec, quoique nous l’ayons annoncé des dizaines de fois ! En temps de lutte, il faut admettre que c’est pour nous un précieux atout car ces gens croient à leur propre propagande. Dans ces conditions, il est possible encore de nombreuse fois de les prendre par surprise et d’effondrer leurs plans les plus certains.

Je ne me lance pas ici dans l’appréciation de cette propension de toute la caste à prendre ses désirs pour des réalités. J’en reste à la face sombre de la situation. Les soi-disant défenseurs de l’Europe, les faiseurs de discours sur « l’Europe qui protège », sont les accoucheurs d’un monstre : l’Europe qui exclut, l’Europe qui frappe les faibles, l’Europe qui pille les pauvres, l’Europe de la CDU/CSU, l’Europe Merkel. Rien de tout cela n’est viable. Le scénario grec est la fin d’un monde. Pour assumer les conséquences de ce crime, les dirigeants européens rangés derrière le gouvernement allemand vont faire de la surenchère de violences et de contraintes. Il faut qu’ils déchaînent le chaos pour faire très peur, et dissuader les imitateurs de la résistance grecque.

C’est peut-être la fin de l’Europe

Le dernier épisode des sommets de l’Eurogroupe et le contenu de « l’accord » proposé à la Grèce est stupéfiant de clarté politique. C’est caricatural. C’est à tout point de vue extraordinaire de violence et d’irresponsabilité. Tout le système « d’aide proposé à la Grèce » consiste à lui prêter 15 milliards au compte-goutte mensuel pour qu’elle rembourse… les mêmes qui lui ont prêté les sommes précédentes ! Pas un euro n’irait dans l’économie réelle du pays ! Le FMI, la BCE prêtent lundi l’argent pour être remboursé mardi de la somme qu’ils ont prêté dimanche !

En échange de ce jeu d’écriture, le peuple grec serait soumis à une série de mesures cruelles dans un pays déjà dévasté et en état de catastrophe humanitaire : augmentation de la TVA, baisse des retraites, « déréglementation du marché du travail ».

Tsipras convoque le peuple grec pour qu’il décide s’il doit ou non accepter ce plan. Ça c’est la démocratie. Aussitôt, l’Eurogroupe a décidé d’exclure le ministre grec Varoufakis de sa réunion ! De quel droit ? Aucun règlement ne prévoit une telle possibilité ! D’ailleurs, la Grèce est toujours membre de la zone euro ! Là-dessus, la Banque centrale européenne accentue l’étranglement : elle refuse de relever le plafond des liquidités d’urgence et peut couper le robinet à tout moment ! Elle sait parfaitement ce qu’elle fait ! Elle sait qu’elle provoque immanquablement l’effondrement du système bancaire de la Grèce. C’est ici le retour du précédent impuni du sort réservé à Chypre ! D’aucuns pensent que les peuples cèdent sous les coups. La France ayant approuvé ces mauvais traitements du temps où Moscovici était ministre de l’économie, elle a de nouveau applaudi avec Michel Sapin ce nouveau coup de force.

De fait, le référendum va avoir lieu dans un pays en état de choc à cause de l’effondrement du système bancaire, délibérément provoqué. Mais ce ne sera pas le seul. Si la Grèce est mise en banqueroute le mécanisme européen de stabilité financière se retournera vers ses bailleurs de fonds : la France devra payer 40 milliards et l’Allemagne 60 ! Comme c’est intelligent ! Ce n’est pas tout. Tous ceux qui ont des avoirs en Grèce perdent tout. C’est le cas d’un certain nombre de banques en Europe…

On ne peut exclure donc un effet domino sur tout le système bancaire européen. Quelle habileté ! Quant au reste du monde, tous ceux qui détiennent des avoirs en euros vont sans doute vouloir se réfugier sur une monnaie moins exposée. On peut donc là aussi envisager un effet de contagion des paniques car si on est certain qu’il y aura beaucoup de vendeurs d’euros jusqu’à dimanche, il est moins sûr qu’il y ait des acheteurs. Et parmi les vendeurs, on peut penser qu’il doit déjà y avoir un certain nombre d’entités qui n’allaient pas si bien avant cette aventure qui dégrade leur bilan.

Bref, le « modèle allemand » de décision égoïste est en train de démontrer sa stupidité et son irresponsabilité. Et le modèle du suivisme des Français derrière les gouvernements allemands inauguré par Sarkozy et prolongé par Hollande montre sa dangerosité totale : quand la France et ses intérêts sont absents, l’Europe va très mal.

La planète financière pourrait bien recevoir un très gros coup de grisou. Les finances de la France aussi. Les dirigeants allemands espèrent-ils que les gros détenteurs d’euros se précipiteront pour acheter de la monnaie européenne dans le but d’empêcher son effondrement ? Les Chinois et la planche à billet des USA viendraient à la rescousse ? Encore faudrait-il que le monde marche sans panique ni autre chose que des calculs rationnels. Encore faudrait-il que les USA soient réellement embarrassés des difficultés de l’Europe.

Naïfs, alors, ces gouvernants allemands ? Ou juste des cyniques qui ont trouvé le moyen de recomposer l’ordre des choses à leur main avec la Grèce? Tous ceux qui ont brocardé la prétendue germanophobie de mon livre sur le « poison allemand » se regardent-ils tranquillement dans leur glace désormais ?

En toute hypothèse, une chose meurt cette semaine : l’idéal européen. Cette chose qui dévaste la Grèce, met le monde en péril après avoir provoqué autant de catastrophes humanitaires par ses politiques commerciales qui remplissent la Méditerranée de cadavres, cette chose est à l’évidence une chose nuisible. De toute façon, ce n’est plus la même que celle du début. Depuis le traité budgétaire l’ordo-libéralisme allemand est la nouvelle constitution européenne, aggravant le pourtant déjà très libéral traité de Lisbonne. Mais une nouvelle Union européenne, sous la direction de la CDU-CSU allemande, est officiellement née de la guerre financière actuelle contre le peuple grec. Elle n’est pas davantage viable qu’aucune autre formule d’Europe de la violence tentée dans le passé.


Grèce : la France doit prendre l’initiative
Vidéo – 30 juin 2015

Le 30 juin 2015 sur France Info, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé le « coup d’État financier » en cours contre la Grèce et a appelé François Hollande à ne pas gérer cette crise comme un Congrès du PS. Jean-Luc Mélenchon est également revenu sur la candidature de Marine Le Pen aux régionales en Nord-Pas de-Calais, expliquant qu’elle avait « envie d’une carrière de cumularde ». Alors que Charles Pasqua était décédé la veille, Jean-Luc Mélenchon a parlé de cet homme « ambigu », qui était ministre au moment de la mort de Malik Oussekine, mais qui a été aussi un Résistant et « un républicain sans peur ».


L’Eurogroupe veut étrangler la Grèce
Vidéo – 30 juin 2015

Le 30 juin 2015, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé la stratégie de l’Eurogroupe consistant à étouffer la Grèce et à discréditer politiquement Alexis Tsipras. Jean-Luc Mélenchon est également revenu sur les évènements terroristes survenus en Isère et en Tunisie. Il a condamné l’espionnage de la France par les États-Unis d’Amérique et a appelé à cesser les négociations sur le marché transatlantique.


Le peuple grec subit une agression
Vidéo – 2 juillet 2017

Le 2 juillet 2015, Jean-Luc Mélenchon participait à la manifestation de soutien au peuple grec organisée à Paris. Il explique en quelques mots les raisons de sa participation à cette manifestation.


Discours de clôture du Congrès du Parti de Gauche
Vidéo – 5 juillet 2015

Le 5 juillet 2015, Jean-Luc Mélenchon clôturait le Congrès du Parti de Gauche par un discours. Il a notamment parlé du coup d’État financier en Grèce, de l’islamisme, de l’unité du genre humain, du lien qu’entretiennent entre elles les Révolutions citoyennes de la Méditerranée et de la souveraineté du peuple.


Pour nous, le peuple est la solution
Vidéo – 5 juillet 2015

Le 5 juillet 2015, Jean-Luc Mélenchon a parlé de la victoire du «NON» au référendum en Grèce. Défaite de l’Eurogroupe et du gouvernement CDU/CSU de Madame Merkel, ce référendum doit pousser François Hollande à être à l’initiative d’une conférence européenne des dettes souveraines. Jean-Luc Mélenchon a enfin plaidé pour que l’asile politique soit accordé à Julian Assange et Edward Snowden.


La chanson du peuple grec
Vidéo – 5 juillet 2015

Place de la République, le 5 juillet 2015, après la victoire du « NON » au référendum en Grèce. Voici les paroles :
– Il a la classe ! Il a la classe ! Il a la classe notre Tsipras !
– Et qu’est-ce qu’il glande ? Et qu’est-ce qu’il glande ? Et qu’est-ce qu’il glande François Hollande ?
– À la poubelle ! À la poubelle ! À la poubelle Madame Merkel !
– Il est parti ! Il est parti ! Il est parti le FMI !
– Elle est plus là ! Elle est plus là ! Elle est plus là la Troïka !


Le peuple grec ouvre une nouvelle page en Europe
Vidéo – 5 juillet 2015

Discours de Jean-Luc Mélenchon le 5 juillet 2015 place de la République au soir de la victoire du « NON » au référendum en Grèce. Improvisé, ce discours a été relayé sur la place par des camarades répétiteurs, comme au temps de Jaurès.


Le coup d’État contre Tsipras a échoué
Extrait de note de blog – 7 juillet 2015

Mis à jour le 8 juillet à 8h00

Je rédige ces lignes dans l’urgence après une fin de semaine spécialement occupée : le congrès du Parti de Gauche et le vote en Grèce ont mobilisé tout mon temps nuit et jour depuis jeudi dernier ! Je me trouve à présent à Strasbourg où le Parlement européen va devoir se prononcer sur le projet de Grand Marché Transatlantique. Je survole tout cela. Les vidéos de mes diverses interventions permettent à ceux qui veulent en savoir davantage sur mon point de vue de disposer d’un ample matériel. Je n’insiste donc pas. Mais je veux dire quelques mots d’ambiance à présent.

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Cette semaine s’est joué un bras de fer terrible. Les dirigeants de l’Eurogroupe ont essayé de faire tomber le gouvernement grec. La réplique est venue : un appel au vote ! Et malgré un véritable blocus, le peuple grec a voté « non ». Désormais la situation est retournée. Si les puissants mettent la Grèce en banqueroute ils devront payer eux-mêmes la dette grecque en application des traités ce sujet ! Tel est pris qui croyait prendre !

En tous cas, je ne suis pas prêt d’oublier cette soirée de dimanche. De retour de l’émission sur RTL « Le Grand Jury », nous fîmes halte au « Y Grec », rue Godot de Mauroy, où Syriza-Paris a ses habitudes. Une petite foule joyeuse s’y était rassemblée et des chansons furent inventées sur place dans les rires et les embrassades à mesure que l’ampleur de notre victoire s’affirmait. Une nouvelle fois, les sondages truqués, les médias serviles et la foule de catéchumènes mercenaires se sont ridiculisés ! Leur haine et leur mauvaise foi a éclaté aussitôt passées les premières heures de stupeur, déchaînant de nouveaux torrents d’injures et de mensonges contre les grecs. Jubilatoire ! On se sentait revenu en 2005 !

D’ailleurs, depuis plusieurs jours, la matinale de France Inter et les éditos de Libération sentaient déjà à plein nez la hargne de cette époque, et le bourrage de crâne battait son plein ! J’avais appelé à se retrouver place de la République pensant relayer une consigne de Syriza Paris. On se retrouva donc à plusieurs centaines et sans doute plus d’un bon millier à l’heure dites, serrés au pied de la statue de la République. Après qu’on ait épuisé la répétition de nos chansons, j’improvisais un discours sans micro.

C’est alors que des jeunes gens décidèrent de répéter chacune de mes phrases ! Quelle scène inouïe pour nous tous ! C’est la première fois de ma longue vie militante que je vis une situation comme celle-ci. Si jamais la fonction de tribun du peuple a jamais eu un sens concret ce fut bien à cet instant où la foule et l’orateur parlent ensemble avec les mêmes mots ! Je veux dire que selon moi, à cet instant, la véritable Europe était là : celle de gens se sentant solidaires les uns des autres, émus les uns par le sort de autres et en communion avec leur combat. L’autre Europe, celle du fric et des postures médiatiques, se tortillait dans son venin seule et triste dans les salles de rédaction et les palis d’impuissance ! Le coup d’État contre Tsipras a échoué, la mobilisation populaire en est venu à bout, comme hier les pauvres du Venezuela ont sauvé Chavez du coup d’État fomenté par les USA et les élites sociales corrompues de ce pays.

Je ne veux pas oublier de vous recommander de ne tenir aucun compte de ce qui se dit que j’ai dit à propos de ma candidature pour 2017. C’est du manger pour la foire médiatique. Si la question vous intéresse, je vous renvoie à la vidéo de mon discours pour que vous puissiez bien comprendre la portée de mon raisonnement sur la stratégie que nous devons déployer dans le proche avenir sur ce sujet !

Le coup d’état contre Tsipras a échoué

La semaine qui vient de s’écouler dans le cas grec doit être étudiée avec soin et méthode. Je ne prétends pas le faire en quelques lignes et aussi près des évènements. Mais il faut partir de ce qui s’est passé en le regardant en face. L’Eurogroupe a essayé de faire tomber un gouvernement démocratique de l’union européenne. Il s’agit d’une tentative de coup d’état en vue de soumettre un pays en détruisant son gouvernement et l’idée qu’il incarne aux yeux d’un peuple qui l’a choisi librement. Dès lors, en mesurant la gravité du sujet nous devons étudier avec soin toute la séquence en pensant à nous et à notre futur possible après le jour où nous aurons commencé notre libération en France. Etudier et apprendre car nos adversaires n’ont pas une imagination très importante. Ils agissent d’une façon assez mécanique et avec reproduisent toujours les méthodes qui leur ont réussi une première fois. Ainsi quand la CIA et les USA organisent des complots pour abattre un gouvernement, ils suivent presque à l’identique d’un pays à l’autre leur méthode de travail de sape. On l’a bien vu aussi dans la vague des soit disant « révolutions » contre les gouvernements réputés pro-russes à l’est. Le folklore, le matériel distribué (autocollants, drapeaux, affiches), les campagnes internationales dans les médias liés aux agences d’influence sont les mêmes pour chaque « révolution », orange, violette et ainsi de suite. En Amérique latine la technique des putschs s’est elle aussi reprécisée et uniformisée d’un pays à l’autre passant partout par les mêmes phases et les mêmes rebonds sur place et dans les médias en Europe. En Europe dorénavant, il en va de même.

Le sort réservé à la Grèce est à l’identique de ce qui fut fait contre Chypre. Je rappelle que ce pays a voulu résister à l’application d’un « mémorandum » austéritaire après l’effondrement en vue du système bancaire sous le poids de spéculations semi maffieuses. Il ne s’était pas trouvé un seul député chypriote pour accepter le transfert sur le dos du peuple de l’apurement de ces comptes. Le mémorandum fut repoussé à l’unanimité. La réplique fut foudroyante. L’Eurogroupe se réunit. Le verrouillage quasi instantané du circuit financier réussit en quelques jours à faire céder le parlement chypriote. Il accepta le mémorandum. Le peuple ne fut pas consulté. François Delapierre avait qualifié de salopards les ministres des finances qui avaient voté ce dispositif de contrainte et les mesures qui suivirent. Grosse émotion médiatique, non sur les faits mais sur ce qu’en avait dit Delapierre ! Les mêmes montèrent une campagne de diffamation contre moi parce que j’avais dit « Moscovici ne parle plus que la langue de la finance ». Le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, à la suite de plusieurs journalistes socialistes, m’accusa d’antisémitisme ce qui en dit long surtout sur leurs propres associations d’idées. Mais chacun comprend mieux à présent comment ce genre de campagnes sur « le ton » « le style » fonctionnent comme des diversions pour bloquer la parole et même la réflexion sur le fond !

Cette méthode de la diffamation et de la disqualification des protagonistes par des arguments ad hominem est une constante dorénavant. On a vu comment a été disqualifié de cette façon Yannis Varoufakis. Et bien sûr Alexis Tsipras de même. Il faut admettre que cela fonctionne bien dans la fraction boboïde la plus influençable de l’opinion. Il y a là un secteur très soucieux des apparences et des « bonnes manières ». C’est typique de l’obsession des parvenus ou des gens qui ont peur du déclassement social. Ceux-là répercutent directement sur nous la pression de l’ennemi sur un mode personnel extrêmement insidieux. Il est intéressant aussi de noter qui reprend ce genre de campagne dans les médias. Car par là même, elles nous montrent que ce sont des personnes agissent sous l’emprise des agences d’influence qui orchestrent des campagnes générales. Et quand ils font une campagne, ils les font toutes. Les amis des putschistes au Venezuela sont évidemment pour le oui en Grèce, favorable au gouvernement « européen » de l’Ukraine et ainsi de suite.

Commençons par le commencement. En Grèce, l’Eurogroupe a tenté de reproduire le coup de force qui avait fonctionné à Chypre. Paul Krugman, prix Nobel d’économie en 2008 fait le constat : « La Troïka a choisi de faire une offre à Tsipras qu’il ne peut pas accepter. Elle l’a fait en connaissance de cause. L’ultimatum est fait pour remplacer le gouvernement grec, ce qui devrait être perturbant pour tous ceux qui croient aux idéaux européens ». Je pense exactement la même chose. La proposition des créanciers était inacceptable. Elle était absurde sur le plan économique : la poursuite de l’austérité aurait aggravé la crise empêchant toute reprise de l’activité en Grèce. Et le principe d’un déblocage des versements par tranches mensuelles jusqu’en novembre actait la poursuite d’un chantage permanent sans donner aucun horizon de long terme à l’économie grecque. La proposition ne menait nulle part. En refusant de renégocier la dette grecque globalement, les créanciers empêchent un règlement durable de la situation financière de la Grèce. De toute façon si l’on met de côté les gesticulations et les effets d’annonce un examen même superficiel de la proposition de l’Eurogroupe se résume vite : le seul but des créanciers était de se sauver eux-mêmes. La quasi-totalité des sommes promises par les créanciers dans leur dernière proposition devaient servir à … rembourser les créanciers eux-mêmes ! Une fuite en avant qui reporte tous les problèmes liés à la nature et à l’importance de la dette ! J’ai montré ici comment les vivres furent coupés graduellement avec la raréfaction de l’argent liquide en circulation. L’asphyxie devait culminer à la date de refus de payer la traite du FMI. La stupeur de l’Eurogroupe fut que Tsipras convoque un référendum.

Puis les manœuvres de désinformation ont commencé pour annoncer tantôt que le vote n’aurait pas lieu tantôt que le oui semblait l’emporter. La propagande a marché à plein régime. Sur les télévisions grecques, le « oui » avait portes ouvertes et le « non » portes closes. La guerre médiatique repose d’abord sur des armes de désinformation massive. Il est intéressant de voir comment les bruits les plus absurdes ont été répercutés en France sans aucune vérification. Alors que tous pariaient sur l’annulation du référendum, Tsipras a parlé. Et là, « coup de théâtre ! » comme l’a écrit le site internet du Point : « Tsipras confirme son appel à voter non » et le référendum ! Diantre, un dirigeant qui ne change pas d’avis en trois jours, comment est-ce possible ? Heureusement, Libé à trouvé la parade. Il suffit de garder le même article qu’avant mais en changeant seulement le titre ! Toute la semaine un nombre considérable de médias français ont purement et simplement recopié les éléments de langage de leurs homologues grecs dont même le journal le Monde dit qu’ils « assument leur subjectivité ». Ainsi quand le site internet de BFMTV a écrit le mardi 30 juin que « « le gouvernement grec pourrait appeler à voter « oui » au référendum » ! Rien de moins ! A peine plus mesuré, le site internet de 20 minutesécrivait le lendemain matin que « Athènes n’exclut en tout cas pas de suspendre le référendum prévu dimanche ». La palme revient comme souvent à Libération qui a passé la journée du 1er juillet à écrire que « Alexis Tsipras est prêt à accepter la plupart des demandes des créanciers ».

Pourtant on aurait tort de croire, selon moi, à une véritable organisation de campagne en bon ordre. L’effet de système fonctionne ici à plein. Sous l’effet de la doxa dominante et sous le prisme de la vision allemande (pour faire court) du problème posé, les médias se sont surtout intoxiqués eux-mêmes. Et ils ont intoxiqué les dirigeants qui se sont pris à croire à leur propre propagande sans tenir aucun compte des alertes reçues de longue date sur le sujet. Pourtant, selon moi, dès cet instant le ver est dans le fruit. Je crois que, pris de court, les chefs de l’Eurogroupe se sont affolés au pire moment pour eux. Je le crois au vu de l’activité de François Hollande. Il a pris conscience seulement cette semaine de la gravité de la crise qui s’ouvrait. Il avait longtemps pensé qu’elle n’aurait pas lieu et que tout finirait par s’arranger comme d’habitude. Lui, comme les autres, n’ont pas cru que Tsipras résisterait. Et encore moins qu’il se dégagerait du piège en le retournant contre ses auteurs avec ce referendum. Ils ne pouvaient pas croire à un referendum convoqué pour une semaine plus tard ! Rappelez-vous que ces gens ont détruit sans coup férir deux gouvernements dans le passé, celui de Berlusconi et celui de Papandréou en nommant à leur place dans les deux cas un « technocrate » directement issue du sérail de la bureaucratie européenne. Dès lors ils se croient tout possible. C’est Arnaud Leparmentier, éditorialiste du journal Le Monde qui a en quelque sorte vendu la mèche. S’il en est ainsi c’est parce que cela lui paraissait tellement évident ! Il l’a écrit dans son journal le 18 juin : « La Grèce doit trouver un accord avec les Européens. Signé par Alexis Tsipras ou un autre, peu importe. Il existe des précédents peu reluisants. C’était en novembre 2011, au G20 de Cannes, au plus fort de la crise de l’euro : le premier ministre grec, Georges Papandréou, et l’Italien Silvio Berlusconi avaient comparu au  » tribunal de l’euro  » devant Sarkozy, Merkel et… Obama. Bien sûr, ils ne furent pas renversés par un putsch comme de malheureux démocrates sud-américains victimes de la CIA. Mais, de retour dans leur pays, ils ont comme par miracle perdu leur majorité. Papandréou fut remplacé par le banquier central Papademos, et Berlusconi, par l’ex-commissaire européen Mario Monti. Imaginons donc un scénario de crise : (…) constitution d’un gouvernement d’union nationale, avec ou sans Tsipras ; (…) retour des négociateurs à Bruxelles-Canossa. Odieusement antidémocratique ? Les Grecs jouent au poker. Pourquoi pas nous ? ».

Aucun de ces beaux et grands personnages ne se donne le mal de penser et de s’informerautrement qu’ils ne le font dans leurs cercles et réseaux habituel parmi les animaux domestiques de la ferme, gras et dodus. Il y a longtemps qu’ils n’ont plus rencontré quelqu’un qui fait de la politique en mouvement en se servant des règles du jeu pour mieux les rendre inopérante. Pour eux, les dix années qui viennent d’avoir lieu en Amérique latine pour sortir des mêmes problèmes de « politique d’ajustement structurel » n’ont pas eu lieu. Ils ne se sont intéressés à rien. C’était une affaire de latinos ! Et les répondeurs automatiques de la presse me rabâchaient « oui mais la Bolivie, (le Venezuela, l’Equateur, l’Argentine, etc.) ce n’est pas la France, gna gna gna !». Leur souci était de nuire, pas de comprendre. Nous avons survécu, ils ont gardé leur poison en eux. Ils en payent aujourd’hui tout le prix ; ils sont totalement aveuglés. Rien ne s’est passé comme prévu parce que tous ces gens ne fréquentent plus depuis longtemps personne qui soit capable d’audace. Ni de ruse avec des actions qui utilisent une situation pour la retourner contre ses inventeurs. Je pense qu’au moment où le referendum est lancé c’est déjà panique à bord dans l’Eurogroupe. Ils ne s’y attendaient pas. L’espionnage ne pouvait rien leur apprendre d’avance compte tenu des conditions de la prise de décisions. Car évidemment ils croient aussi que nous nous nous répandons par mails et téléphones comme si nous n’avions rien appris. Et tout le monde n’est pas aussi pleutre que Hollande pour accepter de discuter dans la portée des grandes oreilles de l’ambassade des Etats-Unis.

A partir de là il n’y a plus eu de pilote dans l’avion chez les eurocrates. Les uns ont joué la désinformation (« le referendum est annulé », « Tsipras accepte les conditions » etc. Campagne circulaire en Europe qui en dit long sur la nature des réseaux à l’œuvre. Le but constant semblait être de désamorcer la crédibilité du référendum lui-même soit pour l’annoncer annulé soit promis à un résultat « serré ». Au point sans doute d’y croire eux-mêmes. Les autres ont joué la campagne pour le « oui ». C’est d’abord le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, demandant au peuple grec « de voter oui, quelle que soit la question » ! C’est ensuite François Hollande faisant pression insidieusement en agitant les épouvantails, comme il l’avait déjà fait à l’élection législative précédente: « si c’est le « oui », la négociation peut très facilement s’engager. Si c’est le « non », on rentre dans une forme d’inconnu ». Ou bien, comme Merkel, il y a eu ceux qui ont essayé de changer la question pour faire croire que le référendum ne portait pas sur l’acceptation de la proposition des créanciers mais qu’il « est évidemment lié au maintien dans l’euro ».

Les sociaux-démocrates allemands se sont particulièrement illustrés dans ces basses œuvres. C’est le prix à payer en tant qu’allié de Mme Merkel au gouvernement de l’Allemagne. Ainsi Martin Schulz, président du Parlement européen. Pour lui « Alexis Tsipras est imprévisible et manipule les gens en Grèce, cela a presque un caractère démagogique ». Relevez au passage que les mots sont les mêmes pour cet ami de François Hollande que chez Sarkozy. Martin Schulz a surtout confié qu’il espérait la victoire du « oui », permettant « la fin de l’ère Syrisa » et l’arrivée d’« un gouvernement de technocrates pour que nous puissions continuer à négocier» ! Là encore, comme Sarkozy qui avait appelé Tsipras à démissionner en cas de victoire du « oui » ! Au parti social-démocrate allemand, Martin Schulz n’est pas le seul sur cette ligne. Le président de son parti, Sigmar Gabriel avait donné la consigne. Il est aussi vice-chancelier d’Allemagne et ministre de l’Economie de Mme Merkel. Il appelait carrément à ce que Tsipras « annule le référendum ». Les sociaux-démocrates n’étaient déjà plus sociaux, désormais ils ne sont même plus démocrates ! Il est même allé plus loin que Mme Merkel dans la désinformation. Alors que Merkel disait que le référendum était « lié au maintien dans l’euro », Sigmar Gabriel ne s’est pas embarrassé d’une telle subtilité. Pour lui, la question était « oui ou non au maintien dans la zone euro« . Son hostilité l’a conduit à un aveu de taille. Il a en effet déclaré que le problème tenait au fait que le gouvernement grec veut en fait « politiquement, idéologiquement une autre zone euro » que celle qui existe. Or pour eux, les sociaux-démocrates européens, notamment allemands, sont convertis à l’ordo-libéralisme. Pour eux, le peuple est le problème. Il ne doit pas se mêler d’économie, ni même de politique d’ailleurs ! C’est ce qu’a dit crument le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker en affirmant qu’ « il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens » quatre jours après l’élection de Tsipras en janvier !

Rien n’a marché. Comment ont-ils pu passer à côté de la perception d’un peuple qui s’apprêtait à voter aussi massivement de cette façon ? 61 % de non constituent une victoire immense et sans appel. Elle explose la situation en retournant le piège du chantage contre ses auteurs. Que peuvent-ils faire à cette heure ? Tsipras a rassemblé tout son pays et enfoncé sa propre opposition interne qui dorénavant fait bloc au moins dans cette phase avec lui face à l’union européenne.

Mais avant de venir au moment présent, faisons le bilan et le résumé de la méthode du coup d’état qui a été tenté et qui a échoué. Premier temps a l’approche d’une échéance de remboursement, créer une crise de petite ampleur bien maitrisable mais dramatisée à l’extérieur. Là, la crise est déclenchée pour 1,5 milliards dus au FMI alors qu’il y a 19 milliards encore en réserve pour la Grèce à la banque centrale européenne ! A ce moment-là ils savent que les prochaines traites arrivent en juillet et qu’il faut en finir avant avec Tsipras. De cet instant date le durcissement de l’étranglement financier. Deuxième temps, après un premier niveau d’étranglement financier, le second vient par un resserrement brutal de l’accès à l’argent liquide pour créer la panique et les effets d’effondrements partiels qui impressionnent et terrorisent. Troisième temps une campagne de doute sur la détermination de l’adversaire pour ébranler ses soutiens. Quatrième temps jeter dans la balance toutes les émetteurs médiatiques pour disqualifier et inverser le sens du tableau. Je pense que dans un tel processus si nous ne nous laissons pas gagner par la peur nous pouvons trouver dans les méthodes de nos adversaires l’aliment essentiel de notre rebond. Le pays se sent en état de guerre et les élites semblent liées à l’ennemi, les médias sont vite vomis et ce qu’ils disent est transformé en indication du contraire de ce qu’il faut croire. Enfin nos adversaires n’ont pas de plan B. Dès que la situation leur échappe, à condition qu’ils s’en rendent compte à temps, ils ne savent plus que faire. A ce moment-là commence la discorde chez l’ennemi. Car si tous suivaient pour la victoire acquise d’avance, il en va tout autrement lorsque se dessine un désastre qui peut atteindre le système en profondeur. Dans ce moment, eux sont dans la position de défensive et nous à l’offensive. Et dans ce cas l’important est de creuser les divergences pour disperser l’énergie de l’adversaire. Les premiers propos de Hollande et de Junker montrent qu’on peut compter sur des débandades productives pour nous.

Pour nous, le peuple est la solution. Cette victoire éclatante ouvre donc une nouvelle page en Europe. Le choix est désormais entre l’austérité et la démocratie. Le peuple grec a choisi son camp. Et nous avec lui !

Les créanciers sont obligés à présent négocier pour trouver une solution qui ne les ruine pas. Ils doivent donc céder et peu importe la forme que prendra leur capitulation ! Il faut organiser la restructuration de la dette grecque. Commençons par décréter un moratoire pour discuter calmement des moyens techniques pour alléger le fardeau pour la Grèce. Mais le problème est plus global. La dette publique grecque n’est pas la seule dette illégitime et insoutenable en Europe. J’ai donc proposé que l’on organise une conférence européenne sur les dettes souveraines pour discuter du problème dans son ensemble et tenir compte des implications des décisions à prendre pour chaque pays sur ses voisins et l’équilibre financier en Europe. Evidemment, la France s’honorerait de prendre une telle initiative.

La balle est désormais dans les mains de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne. La situation est la suivante : la Grèce ne veut pas sortir de la zone euro et aucun mécanisme n’existe dans les traités pour l’en exclure. Les discussions sur une éventuelle sortie de la zone euro sont donc de la propagande. Sauf à vouloir préparer les esprits à un coup de force supplémentaire, d’une ampleur inédite. La BCE peut techniquement éjecter de fait la Grèce de la zone euro. Il « suffit » pour cela de couper définitivement tout accès aux liquidités en euros aux banques grecques. Celles-ci s’écrouleront alors en quelques heures, obligeant le gouvernement grec à les nationaliser ou la banque de Grèce à leur fournir d’autres liquidités que des euros. Les conséquences sur le système bancaire et financier européen et mondial sont imprévisibles. Surtout, aucun traité ne prévoit ce droit pour la BCE ni pour personne dans l’Union européenne. L’euro est aussi la monnaie de la Grèce. Il lui appartient autant qu’aux autres. Le blocus monétaire déjà en vigueur est déjà une agression. L’éjection de la Grèce serait un acte de guerre. Une guerre dont les perdants principaux seraient le reste de l’Europe ! Sans oublier la commotion du capitalisme mondial que cela peut contenir. Je pense que le point n’est plus loin ou bien des gens vont se dire que mieux vaut changer de place madame Merkel que monsieur Tsipras !


Grèce : Madame Merkel est en train de tuer l’Europe
Vidéo – 8 juillet 2015

Le 8 juillet 2015 au Parlement européen, Jean-Luc Mélenchon a parlé de la crise grecque, alors qu’Alexis Tsipras allait s’exprimer devant l’hémicycle. Il a dénoncé l’intransigeance du gouvernement allemand sur la Grèce et a appelé les belles personnes à trouver une solution à la crise qu’ils avaient délibérément provoquée.


Avec Tsipras, soutien à la Grèce
Note de blog – 11 juillet 2015

Dans les heures qui passent se joue une partie en Europe dont la signification est avant toute chose géopolitique. Pour être plus clair, disons que la mise en place de la hiérarchie des puissances et des capitalismes en Europe prend la forme d’une compétition entre les deux points de vue que les sociétés française et allemande commandent à leurs gouvernements. Si la politique de l’euro fort et des gros dividendes plutôt que des salaires et des investissements commande en tout et pour tout dans l’Allemagne de la CDU-CSU, il en va tout autrement en France et dans l’Europe du sud. L’Espagne, l’Italie, la Grèce et la France sont écrasées sous une dette d’État qui épuise toute possibilité de reprise et de relance de l’activité domestique et européenne, sur laquelle s’appuie l’essentiel des grands groupes et la totalité des entreprises moyennes et petites de ces pays.

Dans ce tableau, l’arrogance du gouvernement allemand est dorénavant perçue par tout le monde. Il reste à en comprendre la signification pour ne pas en rester aux clichés habituels sur la prétendue rigueur du modèle allemand, cette imposture ! Une partie des bisounours qui flétrissaient ma prétendue germanophobie, dans le style de Cécile Duflot et de quelques autres, doivent peut-être s’apercevoir de l’ampleur de leur manque de discernement et de leur inculture politique et économique. Je prolonge ma parenthèse sur ce point en disant combien je trouve choquant que l’on soupçonne les critiques de l’Allemagne d’alimenter de « mauvaises braises » bla-bla-bla. Cette accusation contient une thèse infâme. Non pas seulement contre moi, comme le croient ceux qui s’en réjouissaient. Mais c’est surtout un contresens historique majeur.

melenchon iglesias tsipras

 

La guerre n’a pas eu lieu à cause de la mauvaise humeur ou de la xénophobie populaire ! Ce ne sont pas les peuples qui ont déclenché les guerres mais les puissants. Et ceux-là non plus ne l’ont pas fait par mauvaise humeur ou xénophobie, mais parce qu’il y allait de la hiérarchie des puissances et des intérêts à l’intérieur même du système dominant ! Que de telles évidences puissent être oubliées au profit de purs enfantillages déclamatoires est un signe supplémentaire de l’effondrement de la pensée dans la gauche. Je dis bien de gauche, car à droite il n’y a aucune naïveté dans l’air. À l’exception d’une mince frange de résistants, comme d’habitude, toute l’élite est trop heureuse de se débarrasser sur l’Allemagne du soin de faire du maintien de l’ordre social !

Cette question géopolitique européenne présente dorénavant des composantes nouvelles du fait que l’euro est devenu une monnaie de d’échange et de réserve mondiale. Dès lors, les bras de fer traditionnels de l’Europe impliquent l’ordre du monde d’une façon plus directe et violente que dans le passé où la contagion se faisait à un autre rythme et par des canaux différents. Quand 25 % des réserves de la Chine sont en euros, quand la Grèce pourrait se préparer à basculer en cas d’échec vers le pôle de puissance que représentent les BRICS, on comprend mieux l’étrange coalition contre le Grexit que l’on observe à cette heure. On peut dire que les raisons de fond s’ajoutent aux causes conjoncturelles. Ainsi pour les Chinois lorgnant avec angoisse sur la fonte éventuelle de leurs réserves au moment d’un crack boursier majeur à Shanghai ! Ainsi pour les Nord-Américains entrant en année électorale et craignant comme la peste le retour d’une déflagration financière du type des surprimes en 2008.

Il faut avoir tout ceci présent à l’esprit pour mener notre barque, évaluer les rapports de force et soupeser les compromis.

Dans le cas de la Grèce, l’inertie française a permis au gouvernement allemand de se croire tout permis au-delà du raisonnable et du supportable. Qu’il ait fallu attendre cette semaine pour que les experts français soient venus à la rescousse du gouvernement grec et que François Hollande s’implique pour freiner la violence de Merkel et Schäuble aura été un dommage considérable. À présent, à cette heure, du point de vue du bras de fer en cours, il faut le comprendre : jusqu’à un certain point, la position du gouvernement français, actuellement, est un renfort pour le gouvernement grec dans la mesure où elle brise le mur du « couple franco-allemand » qui maintient l’ordre des traités budgétaires en Europe. Dès lors, une nouvelle géographie politique européenne est dessinée. Elle préfigure le point que nous voudrions atteindre dans l’avenir. C’est-à-dire retourner l’ordre des alliances en Europe pour donner la priorité aux peuples et nations intéressés au redémarrage de l’investissement et des politiques publiques liées à la demande. Dans cette optique, le bras de fer actuel à propos de la Grèce confirme notre thèse selon laquelle, face à la politique impériale allemande, la « frontière française » est défendue sur « la frontière grecque ». C’est exactement ce que vient de dire Yannis Varoufakis au Guardian : « l’Allemagne veut le Grexit pour faire le maximum de peur aux Français ! »

Il est donc logique que le gouvernement allemand et ses satellites de l’Europe de l’Est soient vent debout contre les propositions de Tsipras adoptées par le Parlement grec. L’accord proposé n’est pas une reprise des propositions de l’Eurogroupe du 26 juin, rejeté par le « non » au référendum, mais une reprise des propositions de Syriza du 22 juin

Les États de l’axe Berlin-Bruxelle vont donc s’arcbouter ce week-end pour faire échec aux points clefs de ce document. Quels sont-ils ?

Premièrement, le rééchelonnement de la dette. Une première en Europe. Il permet à la Grèce de commencer à gouverner dans la durée puisque son horizon ne sera plus borné par la date du prochain remboursement. Deuxièmement, la mise sous condition de la relance économique pour procéder aux remboursements en les rendant proportionnels aux progrès économiques constatés. Troisièmement, le versement de sommes pour opérer la relance hors quotas de « l’aide » assortie de la surveillance de la troïka. Ce seront des crédits souverains, affectés à la relance et non plus des sommes pré-affectées aux seuls remboursements de la dette antérieure. Si tout cela passe dimanche, nous pouvons dire que nous aurons arraché une magnifique victoire. Elle ne règlera pas tout, cela va de soi. Mais elle ouvre une brèche. La Grèce pourra respirer.

Il nous restera à faire notre part de travail avec les élections en Espagne et en France. Tout le monde sait dans nos rangs, surtout chez les syndicalistes, qu’une lutte se mesure en rapports de force. Je rappelle que la Grèce négocie sous État de blocus financier. Je rappelle que la Grèce est l’équivalent en population de la Région Île-de-France mais que son revenu est celui du département de l’Essonne ! La Grèce, c’est 2% du PIB de l’Europe ! C’est avec ces données à l’esprit qu’on peut mesurer l’ampleur de ce qui a été arraché avec ce programme.

S’il est bien normal que bon nombre de nos amis ne soient pas heureux de ces propositions, il est bien normal que nous disions de notre côté pourquoi c’est un devoir de soutenir Tsipras à cette heure sans faiblir. Nous luttons sur deux fronts. D’abord résister, comme à chaque étape, à l’utilisation qui est faite de toute proposition de Tsipras pour la convertir en « capitulation », « trahison » et ainsi de suite, dans le but de démoraliser et dissuader toute confiance dans l’esprit de résistance. Si vous avez un doute sur le fait que c’est là une dimension cruciale de la situation actuelle, demandez-vous pourquoi les médias et les perroquets de droite répètent à longueur de colonnes et de diffusion le message de la trahison et de la capitulation !!! Depuis quand ces gens-là se soucient-ils de demander aux gouvernants de gauche d’être fidèle à leur parole ? En tous cas, contre le pilonnage sur ce thème, notre devoir est de tenir bon et d’expliquer ce qui se passe vraiment. Comme depuis le début ! Le deuxième front, c’est celui de l’Europe. Nous ne sommes pas des commentateurs mais des acteurs de la situation. La France est intéressée directement et concrètement à l’échec du Grexit voulu par le gouvernement allemand et ses satellites de l’est de l’Europe. Notre gauche est directement intéressée au succès de Tsipras ! Notre gauche est directement intéressée à un échec de Merkel et Schaüble, comme notre pays.

Je partage l’avis de mon camarde Guillaume Etievant lorsqu’il écrit : « J’irais même plus loin en affirmant que les choses vont dans le bon sens si on reprend l’historique des négociations depuis le début : on est maintenant proche d’un accord sur trois ans avec rééchelonnement de la dette, sans aucune attaque contre le droit du travail (bien au contraire, il sera amélioré sur la base des recommandation de l’OIT), aucune attaque contre les salaires ni les pensions de retraites, ni la protection sociale. Et toute la progression de l’excédent budgétaire vient de nouvelles recettes fiscales et non pas d’une baisse des dépenses ! Rappelons-nous d’où on est partis ! Au départ, les créanciers voulaient tout décider et imposer toutes leurs réformes structurelles. Certes, on est loin du programme de Syriza, mais vu la situation d’étranglements financiers, et la faiblesse d’un petit pays comme la Grèce dans les négociations, et du fait que, contrairement à ce qu’on pensait, l’Allemagne souhaite la sortie de la Grèce de l’euro, le rapport de force mené par Tsipras est considérable. »

Certains de nos amis confondent ce que nous proposons pour la France dans le programme du Parti de Gauche avec le plan A (désobéissance et construction d’un rapport de force européen pour en finir avec les traités) et le plan B (sortir de l’euro et de l’Union européenne) et ce qu’il faudrait faire en Grèce ! C’est absurde ! Les deux situations sont très éloignées, les deux rapports de force tout autant : sans la France, il n’y a plus de zone euro et plus d’Union européenne ! Il va de soi que nous pourrons donc mener une autre stratégie que celle de Tsipras. On n’imagine pas l’Allemagne organisant le blocus financier de la France, tout de même ! Mais dans ce cas aussi, nous saurions quoi faire.


Pour la troisième fois de l’Histoire, un gouvernement allemand détruit l’Europe
Vidéo – 12 juillet 2015

Le 12 juillet, Jean-Luc Mélenchon a parlé de la négociation de l’Eurogroupe sur la Grèce. Il a dénoncé l’obstination du gouvernement allemand à humilier le peuple grec.


Grèce : un révolver sur la tempe
Communiqué – 13 juillet 2015

Telle est dorénavant l’Union européenne. Un revolver sur la tempe, une nation déjà asphyxiée et placée sous blocus financier doit conclure un « accord » après treize heures de « discussion ».

Cet « accord », négocié dans un cadre restreint, sans aucune existence dans les institutions européennes. En apparence, il y a trois présents du côté des bourreaux mais Donald Tusk et François Hollande sont de simples assesseurs d’Angela Merkel. Le gouvernement d’Alexis Tsipras a résisté pied à pied comme nul autre ne l’a aujourd’hui fait en Europe. Il accepte donc un armistice dans la guerre qui lui est menée.

Nous condamnons cette guerre, ceux qui la mènent et leurs objectifs. Nous condamnons les sacrifices encore demandés au Grecs et la violence qui leur est imposée. Nous soutenons Alexis Tsipras et son combat pour permettre la résistance du peuple grec. Nous savons que le meilleur atout de la Grèce serait la victoire de Podemos en Espagne et la nôtre en France. Nous y travaillons !


Le gouvernement allemand est le problème de l’Europe
Vidéo – 13 juillet 2015

Le 13 juillet 2014, Jean-Luc Mélenchon tenait une conférence de presse suite à l’accord trouvé sur la Grèce à l’Eurogroupe. Il a dénoncé la brutalité et l’arrogance du gouvernement allemand et a déploré que l’Italie et l’Espagne aient été exclues des négociations. Il a affirmé que la Grèce avait négocié avec un revolver sur la tempe et que la France n’aurait pas dû accepter un tel accord.


Grèce : un accord contraint qu’il ne faut pas soutenir
Note de blog – 13 juillet 2015

« Un revolver sur la tempe », selon ses propres termes : Tsipras a signé un « compromis ». Aussitôt, les trompettes des louanges relaient la traditionnelle propagande gouvernementale pour célébrer le rôle de facilitateur de Hollande, la force du « couple franco-allemand » et réciter les refrains, les mantras et les calembredaines habituelles des eurolâtres. La vérité toute crue est, une fois de plus, à des lustres des pseudos analyses de commentateurs qui ne comprennent pas ce qu’ils voient, parlent de textes qu’ils n’ont pas lu et font réagir des « responsables politiques » sans autres informations que celles données par ces plus que douteux intermédiaires.

Sur tous les écrans la même image : madame Merkel face à Alexis Tsipras flanquée de Donald Tusk et de François Hollande. Un spectacle inacceptable. Pas seulement pour un Français à qui il est pénible de se voir de ce côté de la table et de surcroît assis en bout de banc ! Mais surtout pour un Européen. Car cette réunion devenue, faute de critique des commentateurs, une « instance », n’a aucune légitimité. Il y a un Conseil des gouvernements, il y a un Eurogroupe. Il n’y a pas de tandem faisant office d’audit ! La proposition issue de cette réunion n’a donc aucune légitimité. D’ailleurs, les Italiens (troisième économie du continent) ont lourdement protesté. Et le gouvernement finlandais où règne la coalition de la droite et de l’extrême droite a déjà déclaré que cet accord n’était pas le sien ! Voilà qui devrait au moins faire réfléchir les eurolâtres français. Quelle genre d’Europe est-ce là ?

Quant à la discussion dans ce cadre, quelle valeur a-t-elle ? La partie grecque n’y était pas du tout libre. Le pays est en état de blocus financier depuis quinze jours ! L’asphyxie est amplement commencée. Que vaut dans ces conditions une discussion de treize heures sans pause ? Et comment accepter le genre de pression que signifie la présence d’un côté des experts des deux premières économies, appuyés par les assistants du président du Conseil des gouvernements face à un gouvernement seul ? Est-ce ainsi que l’on traite ses partenaires en Europe ? Asphyxie financière du pays et asphyxie physique des négociateurs comme cadre d’échange ?

Après quoi je me dis mal à l’aise du fait du soutien apporté dans notre gauche ici ou là a cet « accord ». Je veux croire qu’il n’aura pas été lu ou lu trop vite… En effet, le texte signé prévoit par exemple l’abrogation de toutes les lois votées depuis février dernier, la remise en cause du code du travail jusque dans des détails comme le travail du dimanche, la surveillance rétablie de la Troïka sur chaque ministère et le devoir de son approbation préalable avant chaque proposition de loi. Quand au rééchelonnement de la dette, question prioritaire, il est, d’une part, mis au conditionnel et, d’autre part, subordonné à l’approbation préalable de tout ceci par le Parlement Grec !

La presse allemande comme le « Spiegel » parle de cet accord comme d’un « catalogue de cruauté ». Le journal « L’Humanité », sous la plume de son directeur Patrick Apel Muller, parle de « la dictature froide de l’Allemagne ». « Angela Merkel, écrit-il, réclame la capitulation sans condition sous peine d’exclusion, accompagnée par quelques gouvernements servile. » La veille, Matéo Renzi, le président du Conseil italien, avait fini par éclater face au gouvernement allemand : « Ça suffit ! ». De toutes part, l’indignation est montée. « Le Monde » rapporte que même les hauts fonctionnaires européenns sont outrés. Il montre Tsipras épuisé et humilié.

Telle est pourtant dorénavant l’Union européenne. Le gouvernement d’Alexis Tsipras a résisté pied à pied comme nul autre ne l’a aujourd’hui fait en Europe. Il doit accepter un armistice dans la guerre qui lui est menée. Notre solidarité lui est due. Mais rien ne doit nous obliger a accepter de participer à la violence qui lui est faite. Si j’étais député, je ne voterais pas cet accord à Paris. Ce serait ma manière de condamner la guerre faite à la Grèce. Ce serait ma manière de condamner ceux qui la mènent et les objectifs qu’ils poursuivent.

En France, nous devons condamner de toutes les façons possibles les sacrifices encore demandés aux Grecs et la violence qui leur est imposée. Comme d’habitude, cela commence par le sang-froid face à la meute médiatique et son rouleau compresseur de fausses évidences. Ne jamais perdre de vue qu’ils mettent en mots la réalité pour la faire correspondre à leurs formats de diffusion et que la vérité n’est pas leur première exigence, même au prix de l’absurdité. Dans cette ambiance, il est impossible de retourner la tendance du commentaire, car elle est dans la folie panurgique. Mais, en allumant des signaux et en faisant circuler des analyses documentées, on empèche la débandade intellectuelle et on donne des points d’appui. Dans quarante-huit heures, les ravis de la crèches vont dessaouler. Toutes sortes de gens intellectuellement exigeants vont lire le texte. La résistance va se reconstituer. Certes, personne ne viendra dire merci à ceux qui auront tenus la première ligne de tranchée. Mais ce qui importe le plus sera acquis : une résistance va exister.

Les gens de bonne foi qui cherchent à se faire une opinion libre n’y comprennent rien, en vérité, tant l’accumulation des bavardages transforme en « bruit » toute question. Ils sentent bien qu’on veut leur faire penser quelque chose et ils ne veulent pas se laisser faire. Notre devoir est de tenir bon en tenant tous les bouts du problème posé. Il faut soutenir Alexis Tsipras et ne pas s’ajouter à la meute de ceux qui veulent le déchirer et se rendent complice du coup d’état tenté contre lui et les Grecs. Mais il ne faut pas soutenir l’accord pour ne pas cautionner la violence dont il est issu et qu’il prolonge.

Nous savons que le meilleur atout du peuple grec serait la victoire de Podemos en Espagne et la nôtre en France. Nous y travaillons ! Pour cela, il ne faut pas commettre l’erreur d’approuver aujourd’hui des méthodes appliquées demain aux Grecs, dont on ne supporterait pas qu’elles soient appliquées à la France. En laissant faire le putch contre Chypre, la France a validé une méthode qui a été depuis étendue à la Grèce. Nous fûmes trainés dans la boue pour l’avoir dit et même traité d’antisémites pour cela par Harlem Désir, alors premier secrétaire du PS, absent total de la partie européenne qui vient de se jouer alors même qu’il est le ministre français des affaires européennes !

Mobilisés en équipe et avec traducteurs, mes amis et moi nous n’avons pas lâché les devoirs de la froide analyse et de la « solidarité raisonnée » qui est notre règle éthique et politique. Cette discipline, nous la pratiquons depuis la période où nous avons accompagné et soutenu les révolutions citoyennes de l’Amérique latine. En effet, elles posaient déjà à chaque instant le problème de la façon de combiner le nécessaire soutien face à l’ennemi et le droit de ne pas partager une position prise par nos amis sur place. C’est d’ailleurs pour maintenir la possibilité de cette attitude que nous avons refusé à Chavez la construction d’une « cinquième internationale » comme il l’avait proposé, en nous prévenant à juste titre que le refus de sa proposition nous laisserait sans alternative collective. Nous avons mis en veilleuse nos critiques de François Hollande, même si nos encouragements à bien faire ont comme d’habitude été utilisés sans scrupule pour faire croire à notre adhésion.

Cette attitude est celle de la responsabilité devant notre pays et devant nos amis grecs. Sans surprise, une fois de plus, nous avons vu l’exécutif français deux mains en dessous des évènements et revenant de Bruxelles comme d’autres de Munich, le sourire aux lèvres et les fleurs au plastron, acclamé par des meutes hallucinées. Je dois évidemment souligner que je ne fais cette comparaison que pour éclairer une scène. Je ne compare jamais l’Allemagne actuelle à celle des nazis. Je ne l’ai jamais fait. On m’a évidemment reproché une phrase pour mieux dépolitiser toutes les autres. J’ai dit que pour la troisième fois, l’Allemagne était en train de détruire l’Europe. C’était le titre ce matin du quotidien proche de Syriza. Avant cela, c’était déjà une appréciation de Joska Ficher, l’ancien ministre écologiste des affaires étrangères de l’Allemagne du temps de Schröder…


Députés, ne votez pas l’accord Merkhollande
Note de blog – 15 juillet 2015

J’ai déjà dit ici pourquoi je voterais contre si j’étais député national. Je veux récapituler mes arguments au moment où tant de faits sont venus confirmer mes raisonnements et ceux de mes camarades du Parti de Gauche. Je prends la question par son bout le plus simple, « hors de toute idéologie ».

1) Il ne faut pas signer l’accord car il ne règle rien et aggrave tout. Il va amplifier la récession et accélérer le pillage du pays. Dorénavant, cette thèse est confirmée par le FMI lui-même. Cet organisme dit que la dette est devenue « insoutenable » et qu’elle va produire un effondrement de l’économie du pays. Le raisonnement est le même. Naturellement, je ne suis pas dupe du fait que si le FMI écrit cela après avoir dit et fait le contraire dans la réunion de l’Eurogroupe, c’est essentiellement pour peser sur les votes des pays récalcitrants. Dans cette partie, les coups tordus et le billard à deux bandes sont rois. Cependant il faut constater que la proposition du FMI est exactement ou peu s’en faut ce que nous n’avons cessé de dire et d’expliquer : la dette est devenue impayable, il faut en effacer une bonne partie, il faut un délai de grâce pour relancer l’activité. Dès lors, si cet accord ne règle rien, pourquoi l’adopter ? Pourquoi alors qu’il coûte si cher aux Grecs, qu’il valide les méthodes si violentes pour l’obtenir et qu’il implique une telle soumission à la domination de l’Allemagne ?

2) Voter l’accord c’est valider les méthodes qui l’ont permis : le blocus financier, la réunion d’un directoire franco-allemand sous l’autorité de madame Merkel, la négation de toutes les institutions européennes humiliante pour tous nos partenaires européens et spécialement pour les grandes économies de l’Europe du sud.

3) Je ne suis pas d’accord avec le fait de reculer devant le choix en s’abstenant. Il faut impérativement se prononcer car il s’agit de dire ce que l’on serait capable de supporter pour notre propre pays ! Dire que l’on soutient Tsipras en s’abstenant ou en refusant de voter est d’autant plus étrange qu’à la même heure, celui-ci dit lui-même qu’il ne croit pas à l’accord qu’il a signé ! Nous serions donc ici les seuls à « y croire » ? La solidarité avec Tsipras ne peut justifier que l’on abandonne ses propres objectifs et convictions. On a vu ou ce type de solidarité internationale a déjà conduit d’aucuns dans le passé ! Notre solidarité avec Tsipras est acquise. Elle n’est pas en jeu. Mais nous votons ici dans notre Parlement représentatif du peuple français. Voter contre, c’est tracer une limite. C’est agir pour faire vivre concrètement cette limite. S’abstenir ou refuser de voter, c’est renoncer à l’action et à l’affirmation de ce qui est juste et bon pour tous. Dans cette circonstance, l’abstention est un point de vue de neutralité sans existence concrète sur la scène ou se joue la partie et les rapports de force réels. Moi je vote contre. Mais hélas, je ne vote pas à l’Assemblée nationale.


L’accord Merkhollande est inacceptable
Vidéo – 15 juillet 2015

Le 15 juillet 2015, Jean-Luc Mélenchon participait à un rassemblement devant l’Assemblée nationale contre l’accord Merkhollande sur la Grèce. Il a appelé à conserver une distance critique vis-à-vis de la manière dont les médias traitaient cet accord et a dénoncé les conditions de sa négociation.


Le poison allemand identifié depuis la Grèce
Extrait de note de blog – 21 juillet 2015

La conclusion de l’accord à propos de la Grèce est une très mauvaise nouvelle pour nous. La méthode de violence employée, le contenu inique du document, l’échec assuré en vue, la signature de notre ami Alexis Tsipras, tout cela va entièrement dans le sens inverse de ce qui serait nécessaire pour tirer le vieux continent de l’impasse morbide dans laquelle il est entrainé. Cette période a été encore un paroxysme de désinformation permanente extrêmement instructif qui nous montre comment fonctionne le système de normalisation mentale de notre temps. C’est évidemment un grand dommage pour qui a le goût de savoir. Mais c’est aussi une belle avancée de savoir comment cela fonctionne, pour être capable d’aider à envoyer dans le mur la machine à désinformer, le moment venu. Mais l’essentiel est ailleurs.

Un nouveau paysage européen est dessiné sous les yeux de tous. De tous côtés est pointée la responsabilité du gouvernement-allemand-de-droite (je fais attention à écrire toutes ces précisions pour éviter autant que possible les foudres bruyantes et hallucinogènes des récitants de mantras européistes et de leur vis-à-vis, les récitants de l’internationalisme prolétarien mécaniste). Dans cette ambiance, mon livre sur « le poison allemand » (qui se vend très bien, merci) fera bientôt figure de documentaire modéré. Quand je me souviens de l’accueil outré que me réservèrent certains à son sujet ! Du silence méprisant des autres ! Heureusement qu’il y a eu l’émission de Ruquier pour me consacrer cinquante minutes d’entretien sur le sujet sous les feux croisés de ses chroniqueurs. Trois millions de téléspectateurs eurent contact avec mes raisonnements. Pourtant il était minuit moins le quart. Les journalistes « sérieux », eux, pissaient de la copie contre le titre de mon livre, mes expressions et mauvaises manières et ainsi de suite. A présent voici la une de « Marianne » où l’on voit une Merkel en casque à pointe, Politis qui titre « la nation est-elle ringarde », Pierre Laurent dans « l’Humanité » qui déclare « la France a laissé l’Allemagne dicter ses conditions », après que Patrick Apel-Muller, d’abord regardé de haut par ses confrères, ait titré sur la « dictature froide » qui règne en Europe ! Voici Cambadelis pasticher Albert Camus (il faut quand même oser !) et présenter une « lettre à un ami allemand » pour rappeler l’annulation de la dette allemande en 1953 ? Sujet qui était avant cela un symptôme évident de mon mauvais goût et de l’irresponsabilité de Tsipras. J’en passe et des meilleures.

Donc j’ai eu raison d’écrire et d’alerter comme je le fais dès les premières pages de mon pamphlet. Non contre « les Allemands » en général mais sur le monstre né sous nos yeux de l’autre côté du Rhin dans le mariage de la finance mondialisée avec la plus grande maison de retraite par capitalisation du monde. Vous devinez ma jubilation. Pour un intellectuel politique il n’y a pas de plus grand bonheur que de comprendre ce qui se passe pour y trouver la place appropriée de son action. Une Europe rêvée est morte et enterrée dans cet épisode grec. Un discours sur l’Euro comme fétiche est mort de même. Le fond de notre stratégie de rapport de force est validé par le comportement caricatural de Schauble et Merkel. La nation fait retour dans la compréhension des stratégies économiques et géopolitiques. Peut-être peut-on espérer que celle-ci entre dans la compréhension des stratégies révolutionnaires de notre époque. On entend même François Hollande parler de « patrie » à plusieurs reprises le 14 juillet. Mais comme il ne comprend pas mieux ce concept que les autres abstractions de la pensée du mouvement socialiste depuis un siècle, il oublie l’adjectif « républicaine », ce qui fait de lui un nationaliste sans qu’il le sache et même sans qu’il s’en soucie. Pour l’instant la place de la « Nation » est moins comprise à partir des atouts progressistes de la nôtre que par sidération devant ceux si réactionnaires de l’Allemagne actuelle. Mais la pente est prise et les idées feront leur chemin. Il est important que nous ayons été prêts à temps car bientôt vont déferler ceux qui n’auront ni les précautions de langage ni les explications méthodiques que des gens comme moi ont déployé sous les insultes et les mépris. Viendra aussi le temps des rustres et des germanophobes, les vrais. Dans ce contexte penser clair est décisif.

J’en viens donc au Congrès du PG. Voici ma carte postale de Villejuif où il s’est tenu.

Commençons par l’accessoire. Chacun des quatre congrès de notre jeune parti a été l’occasion d’un dénigrement médiatique méthodique. Comme nous avions observé la méthode aux précédents congrès nous avons subi la traditionnelle giclée de boue avec davantage de calme et beaucoup moins d’aigreurs. Au précédent congrès, François Delapierre avait été mitraillé pour avoir traité Moscovici de « salopard » dans l’affaire du blocus financier de Chypre. De mon côté j’avais dû subir un procès en antisémitisme de la part d’Harlem Désir et de quelques autres, moi pour avoir dit que ce Moscovici parlait la langue de la finance. Aucun des « commentateurs » ne s’était intéressé à notre discussion sur l’euro ni sur le précèdent créé par Chypre qui nous a pourtant préparé aux évolutions ultérieures du parti sur ces thèmes… En fait ne nous plaignons pas trop. Cela permit que nous passions sans dommage une crise spécialement virulente de basisme qui passa sous les radars des ragots. De même cette fois ci les ragots médiatiques ont servi de coagulant pour la dernière phase du congrès. La lettre de deux prétendus « ex cadres » du PG répandue de tous côtés avec la récitation des mantras contre moi et les militants du parti assimilés à des zombies hallucinés dans la dévotion d’un gourou a absolument exaspéré tout le monde. L’intention de nuire et de se faire briller le nombril dans la presse était si visible que personne ne l’a pris autrement que comme une provocation. Comme d’habitude, les scribouillards que le thème de « la crise du PG » a excités, se sont contentés de recopier un article paru ailleurs. Il s’agit ici de la revue « Regards » et de la plume d’un dirigeant d’un groupe du Front de gauche nommé Guillaume Liegeard. Mais aucun de ces grands enquêteurs ne se demande si une source concurrente et systématiquement hostile peut être considérée comme fiable sans autre vérification. Pas plus qu’ils ne se sont davantage demandés si les deux autos proclamés « ex-cadres » l’étaient vraiment et si aucun n’adhérait déjà à un autre parti…

Bref, aiguillés sur la fausse piste du ragot sans contenu réel les nocifs nous ont fichu une paix royale pour discuter de certains sujets autrement plus délicats. Nous n’avons donc pas été gênés par leurs intrusions qui auraient pu crisper les positions et bloquer le débat. C’est donc sans drame que nous avons pu trancher la question du plan B sur l’Euro et l’union européenne, la question du vote au second tour des élections et la place du mouvement citoyen par rapport aux partis. De tels problèmes sont tout simplement hors du champ de pensée de ces gens. Pour nous tous, c’est l’essentiel et le plus passionnel et donc le plus explosif. Tout cela fut surmonté et mis à plat dans le calme et l’écoute mutuelle. Quelques platitudes à propos de ma candidature en 2017 ont permis de clore le ban sans histoires inutiles.

Mais le congrès a fait davantage, comme c’est dorénavant notre ligne de conduite. Il a été aussi le temps d’une affirmation de sa doctrine en construction. Pour nous c’est central. Je veux résumer ce parcours en prenant la précaution de vous dire qu’il écarte bien des sujets concomitants. Ainsi par exemple l’histoire de la parité dans tous les organes du parti a été aussi un fil rouge dans la trame que je peins ici sommairement. De même que l’histoire de l’amalgame des anciennes familles politiques qui ont créé le PG. Cependant il est utile de voir comment une organisation construit sa vision commune du monde en même temps qu’elle se dit non dogmatique et « parti creuset ». Au premier congrès ce fut l’affirmation de la ligne de « rupture » et d’alternative à la social-démocratie avec le combat pour la création du Front de gauche. Puis ce fut, au deuxième congrès, en gros, « le bruit et la fureur » résumant cette ligne d’action avec comme méthode la stratégie de la conflictualité. Ces aspects voyants s’intégraient à une discussion théorique alors naissante, celle qui postulait « la révolution citoyenne » comme cadre d’analyse de notre temps avec la stratégie révolutionnaire de la Constituante. Mon livre « qu’ils s’en aillent tous » est inscrit directement dans ce fil. Au troisième congrès ce fut l’adoption de l’éco-socialisme comme « programme » et des 18 thèses qui le résument. Mon livre « l’ère du peuple » est dans cette prospective qu’il cherche à relier aux diverses dimensions qui constituent notre cadre de pensée.

Je cite mes livres parce que je suis directement impliqué et très vigilant sur les questions de doctrine et de construction théorique. A chaque étape de notre travail commun, j’écris pour résumer nos discussions antérieures sur le sujet et proposer des barreaux de plus sur l’échelle du savoir commun. Mais je ne suis pas le seul à écrire, loin de là. Toute cette période a été marquée par une intense activité éditoriale de nombre de dirigeants du parti. Ils ont écrit au total soixante livres en quatre ans dans les divers domaines concernés par cette mise en ligne. C’est sur cette base qu’ont commencé les travaux du quatrième congrès. Celui-ci s’est centré sur le thème des « mouvements citoyens » comme base de l’action de transformation de la société. Il va de soi que la question soulevait celle de l’acteur de l’histoire et de la notion de « peuple ». Ma contribution sur le thème fut mon livre « L’ère du peuple » que je considère comme le plus important que j’ai écrit depuis « A la conquête du chaos » en 1991 ou bien « Enquête de Gauche » réalisé en 2007 avec le journaliste Michel Soudais. Pourtant dans ce congrès la question de l’Europe et de l’euro était, semblait-il, le point le plus difficile de compréhension commune entre nous. Il s’est finalement résorbé assez vite dans une approche bien discutée et tranchée par un vote. Le but de cette discussion n’était pas de figer des camps mais de prendre une décision sur le cap à suivre. Ce point intéressera les connaisseurs. Notre parti s’est évité le luxe hors de prix des factions et des fractions. Il n’y a ni majoritaires ni minoritaires au PG. Il a des sujets qui ont été tranchés et chacun d’entre nous sait très bien que les décisions les plus importantes seront celles à prendre dans l’action à venir devant des circonstances qui n’ont pas fini de dessiner.

Après cela l’autre fait marquant a été le renouvellement de la direction du parti à plus de cinquante pour cent. Dans ce cadre, l’abaissement spectaculaire de la moyenne d’âge des dirigeants poursuit le mouvement d’autofondation du parti. De sa base initiale, faite de beaucoup « d’ex » et de quinquagénaires blanchis sous le harnais, on passe, avec l’appui de toutes les générations, à un renouveau où ceux qui dirigent n’ont jamais eu d’autre appartenance politique que celle au Parti de gauche. Au demeurant la relève d’une équipe épuisée par six ans menés au galop devenait urgente. Cette transition a été gérée de façon totalement ouverte puisque chaque congressiste classait la liste des candidats selon son gré. Chaque candidat avait déposé une profession de foi et proposé ses services pour une tâche. Autant dire, à lire tout ceci, combien on était loin du récit des habituels persiflages médiatiques sur « le parti en crise » et blablabla.

En toute hypothèse, il est normal que nous ayons toutes sortes de difficultés. Nous sommes un parti neuf, sans histoire, peuplé de têtes dures sans passé militant et de grands blessés de la politique. Tout est à homogénéiser tout est à inventer. De plus nous agissons dans une période de ressac de la gauche le plus profond connu depuis un demi-siècle. Il faut avancer. On va voir bientôt toute une réorganisation de la gauche sur de nouvelles lignes de force. Les organisations traditionnelles et nous même allons connaitre des fusions et des scissions selon des lignes de clivages sérieux dont vous ne connaitrez dans la presse que les aspects personnels les plus médiocres. Pour autant il ne faut pas que cette réorganisation pulvérise « l’autre gauche » si elle veut être le centre de gravité de la recomposition qui suivra l’élection présidentielle de 2017, quel qu’en soit le résultat. Les progrès du PG sont donc à mes yeux des atouts essentiels. Ce parti est destiné à être le squelette ou le point d’ancrage des constructions du futur.

Au bout du compte, notre congrès a été un nouveau départ. En atteste l’extraordinaire vitalité de notre présence militante à Paris et dans les régions lors de la séquence sur la Grèce depuis son achèvement et le retour des adhésions qui s’est constaté en dépit de la période creuse estivale. L’élection des deux coordinateurs du parti ne doit rien à aucune faveur du prince ni désignation par intrigue. A la quasi-unanimité des esprits (cent pour cent serait stupéfiant) et pour la totalité des votes, il s’agit des deux personnages les plus évidents dans le poste qu’ils occupent à cet instant. Rien de plus mais rien de moins. C’est notre plus beau titre de gloire que d’avoir des dirigeants respectés pour eux-mêmes. Ceux-là ont gagné leurs galons au combat dans la société et non dans les intrigues de palais qui caractérisent tant de formations politiques et jusqu’aux plus proches ! De mon côté, mon retrait des organes opérationnels permanents du parti se fait de façon maitrisée pour que nous soyons bien assurés de la viabilité du tout.

Cette attention, nous la devons au futur. Le PG n’a pas pu construire le « die Linke » avec le PCF dont il rêvait. Puis sa proposition de fusion adressée aux autres partis est également restée sans suite. Et enfin la proposition faite en janvier dernier de faire des assemblées représentatives du Front de gauche à la base, avec élection d’une assemblée nationale, n’a été suivie d’aucune réponse, ni du PCF, ni du groupe « Ensemble », pourtant d’habitude très porté à demander bruyamment une telle représentation. On perdrait son temps à jouer davantage de mandoline. Et nos partenaires pourraient y voir une insupportable mise au pied du mur. Nous avons donc mis de côté en attendant que l’ambiance y soit plus propice. Dès lors le PG reste l’outil précieux d’où partira en plus de l’action les rassemblements du futur, espérons-le. Sa conservation n’est certes pas une fin en soi. Sa dissolution dans un ensemble plus vaste reste l’horizon souhaité. Mais pour l’action audacieuse que nous préparons, il est notre point d’appui léger, souple, actif plus efficace que les interminables palabres sans suite qui caractérisent si souvent l’autre gauche !

Là-dessus voici l’heure d’une citronnade bien fraîche que je vais boire sous un laurier ami qu’agitent des tourterelles.


Du poison allemand à la pagaille générale
Extrait de note de blog – 16 août 2015

Comme chacun le sait, nous sommes les « irréalistes » et « ils » sont les très intelligents. Nous rêvassons et eux font fonctionner le meilleur et seul système possible. Sous nos yeux éclatent les bienfaits de leurs prouesses. Au cours de l’été, le monde global a fait un grand pas vers le désordre généralisé. Je laisse de côté pour aujourd’hui les aspects militaires du désordre mondial et le chaos qui s’étend d’un pays à l’autre dans tout le Moyen-Orient comme en Afghanistan, ce nid de guêpes insubmersible ou dix ans de bienfaits « des alliés » prend la tournure d’une débâcle totale. Rien sur l’Afrique non plus ou le renforcement du dispositif militaire français au Niger n’annonce rien de vraiment bon. Et rien non plus sur la nouvelle offensive putschiste qui déferle sur l’Amérique latine et à présent notamment au Brésil.

Je veux seulement pointer un enchaînement qui va nous toucher bientôt tous de très près. Grèce, Allemagne et Chine entrent en turbulence combinée. Voyons. La Grèce va bientôt s’effondrer dès que les bienfaits du prochain cocktail de tortures adopté au parlement grec lui auront été appliqués et que la récession prévue en toutes lettres dans celui-ci sera venue aggraver le mal incurable dont elle est déjà atteinte. Tsipras a cru bien faire en acceptant les humiliations dictées sous le fouet du « gouvernement-allemand-de-droite-CDU-CSU-et-du-PS » que, par confort de langage et respect pour la patience de qui me lit je nommerai « gouvernement allemand » ou « Merkel » ou « Schaüble ». Je fais cette précision dans l’espoir de ne pas brutaliser les oreilles délicates de Cécile Duflot pour qui l’Allemagne éternelle et intemporelle « n’est pas notre ennemie » davantage que je ne suis son ami. Je ne dis pas ça pour me moquer de son extraordinaire sens de l’à-propos lorsqu’elle a décidé d’inventer un motif de rupture avec moi. Le fait est qu’il lui faudrait désormais traiter de « germanophobe » aux « accents déroulédiens » la moitié de l’Europe de gauche, inclus Syriza et Podemos, sans oublier le Sinn-Fein et la plupart des verts européens à commencer par une bonne partie de ceux d’Allemagne !… Mieux vaut en rire ! Mais je crois que le moment est celui où il faut convaincre.

Cela demande des efforts supplémentaires pour ceux qui ont le plus de mal à comprendre qu’une époque est finie en Europe. Et bien finie. D’ailleurs le débat est vif sur ce sujet aussi entre écolos. En atteste la tribune de Karima Delli sur ce point. Pourquoi y insister ? Parce que si nous voulons faire l’union de l’opposition de Gauche il va bien falloir s’entendre sur les questions clefs qu’affronterait notre gouvernement. Notamment celle de la limite que nous donnerions aux injonctions allemandes. La leçon donnée par le choix de Tsipras doit être tirée sans naïveté ni angélisme eurolâtrique. Il ne sert à rien de céder quoique ce soit dans la négociation avec l’Eurogroupe. On connaît la formule « jusqu’ici mais pas plus loin ». Un engrenage mortel. Si ce n’était pas pour aller plus loin pourquoi seraient-ils venus jusqu’ici ? Tsipras le subit à présent. Le maintien de l’ordre du traité budgétaire européen est assuré sans faille par Merkel/Schaüble. C’est-à-dire par l’Allemagne quasi unanime de la CDU-CSU au SPD, même si nos amis de « die Linke » et maints écolos allemands sont sur la ligne de dénonciation de « l’Europe allemande », expression qui fait s’évanouir la gauche française « prout prout et grandes écoles » réunie dans un même angélisme irénique. En France, les députés de l’opposition de gauche ont voté contre le plan à l’Assemblée nationale comme ceux de « die Linke » en Allemagne et toute la gauche de Syriza en Grèce. D’autres « frondeurs » de circonstances ont voté pour ou bien se sont abstenus ou bien sont allés faire pipi au moment du vote. On ne fait pas une alternative de gouvernement avec des crises diurétiques et des abstentionnistes quand viennent les questions essentielles ! Il faut regarder ce sujet en face, car l’Allemagne va déclencher une crise majeure en Europe, sociale politique et culturelle. L’Europe allemande est impossible. Même Romano Prodi le déclare dans une tribune parue dans « Le Monde ».

Mais il faut maintenant prendre la mesure de ce qui s’avance. La politique d’austérité est en réalité une politique de dévaluation salariale pour augmenter la compétitivité des produits sur le marché international. Elle suppose que celui-ci reste très dynamique pour absorber les productions proposées par l’Europe. Une autre piste dans la même direction aurait été d’obtenir une dévaluation progressive mais ferme de l’euro et une inflation qui permette d’absorber les dettes souveraines et surtout privées. Mais cela percute les intérêts fondamentaux des rentiers allemands qui font la loi en Europe ! Quoi qu’il en soit, patatras, le marché mondial ralentit et va bientôt ralentir davantage encore. En cause, notamment, la crise boursière chinoise et la dévaluation de sa monnaie. De la première, il n’y a rien à dire. Sinon qu’elle a volatilisé en une semaine dix fois le montant de la dette totale de la Grèce pour les trente prochaines années… De la seconde, rions-en tant qu’on peut encore le faire. Les chinois dévaluent leur monnaie sous cotée pour rendre leur salaires compétitifs ! Bref les Chinois jouent aux Allemands… Les Allemands vont déguster. Car leurs chères grosses bagnoles vont couter là-bas bien plus cher et les machines-outils seront bien moins remplacées si la production baisse. Résultat les Chinois font aux Allemands ce que l’Allemagne fait à l’Europe tout entière. La pagaille générale est garantie. Un terrible coup de froid sur le moteur absurde de la croissance mondiale sans fin se dessine à horizon rapproché. L’Europe va trinquer. La Grèce va couler. Car la nouvelle récession de deux ou trois points, prévue par les génies allemands de la Troïka, c’était avant que le frein chinois n’ait commencé à fonctionner ! Génial. De toute façon Chine ou pas la dette est impayable, tout le monde le sait, et tout le système va passer au fossé. Schaüble finira par avoir sa petite zone « Euromark », cet ultime avatar de l’Europe allemande à la Bismarck !

Dans ce contexte, il est temps de se réveiller ! Un gouvernement de l’opposition de gauche ferait-il la politique de Tsipras ou romprait-il le cadre ? Entre l’euro et la démocratie, entre l’euro et la souveraineté, entre l’Eurogroupe et l’indépendance que choisirions-nous ? Je veux dire : que choisirions-nous si nous y sommes contraints parce qu’on aurait refusé nos solutions raisonnables ? Jacques Généreux a planté dix fois ce décor devant nous et il l’a fait une nouvelle fois au dernier congrès du Parti de Gauche. J’avais dit au précédent congrès « entre l’euro et la souveraineté, nous choisissons la souveraineté ». Nous lancions l’alerte. C’était alors Chypre qui servait de cobaye et de cahier de brouillon à l’Allemagne et à la BCE pour la politique d’agression qui consiste à couper l’accès à la monnaie et à provoquer l’effondrement du système bancaire d’un pays récalcitrant. Nous fûmes dénoncés par tous les bien-pensants et même traités d’antisémites parce que nous mettions en cause le ministre français qui avait approuvé cette manœuvre ! Quelle stratégie appliquerions-nous ? La rupture ! Tel est le sens du « plan B » dont nous sommes convenus au congrès du PG. Et de la conférence européenne du plan B que propose le PG et dont Eric Coquerel a présenté l’idée sur Europe 1 et présenté les grands traits sur son blog !


Pour un nouvel indépendantisme français
Interview – 22 août 2015

Les vacances sont terminées pour Jean-Luc Mélenchon. Avant sa rentrée politique, qui aura lieu à l’université d’été du Parti de gauche à Toulouse le dernier week-end d’août, il s’est confié à Sud Ouest. Interview.

Sud Ouest. Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a annoncé hier soir sa démission et des élections anticipées (1). Faut-il s’en inquiéter ?

Jean-Luc Mélenchon. On vote, c’est bien. La voix du peuple est toujours la solution aux problèmes d’un pays. Mais encore faut-il respecter ses décisions. Les Grecs ont voté non au plan européen, et Tsipras l’a pourtant signé. J’espère que la gauche de Syriza aura un beau succès. Cela confirmerait le non du référendum. Tout cela montre que la situation est très volatile en Europe. Tout peut arriver.

Ce dernier plan d’aide à la Grèce impose – entre autres – la retraite à 67 ans et une hausse de 10 points de la TVA. Un mal pour un bien ?

Suicidaire ! Ce plan va aggraver la situation. La clé du problème, c’est la dette : il faut la rééchelonner ! Je vous prédis de grandes turbulences, car le ralentissement de l’économie chinoise va frapper le marché européen. Les Grecs n’ont donc aucun espace pour reprendre leur souffle.

François Hollande a pourtant vu dans cet accord des principes de « solidarité et de responsabilité ».

Encore un bobard ! Quelle solidarité ? La dette grecque est détenue à 80 % par des organismes publics européens. Ils pourraient donc la rééchelonner sans le moindre coût pour personne. Il enfume parce qu’il s’est fait imposer la même purge : privatisations à gogo et coupes dans les budgets publics. Merkel commande aussi en France. Nous sommes entrés dans l’ère de l’Europe allemande. Et ce n’est pas compatible avec la liberté des Européens ni avec l’indépendance de la France.

En acceptant cette cure d’austérité, Alexis Tsipras ne va-t-il pas vous décrédibiliser ? Et prouver qu’il n’y a pas d’autres options ?

C’est le risque, en effet. Mais les gens savent que, moi, je ne suis pas homme à céder. Parmi les dirigeants français, je suis le seul capable de tenir tête à Mme Merkel. Les autres sont des galopins. Mais le pire serait que les gens se résignent et acceptent la soumission.

Seriez-vous prêt à mettre dans la balance une éventuelle sortie de la France de la zone euro ?

Pourquoi enfermer le débat dans cette question ? Avec ou sans euro, le traité budgétaire s’appliquerait. Nous ne sommes donc plus libres. Je propose un nouvel indépendantisme français. Mais il n’y a pas à menacer. Si l’on ne peut convaincre l’Allemagne, il faut la contraindre. Sinon, mieux vaut divorcer qu’une vie commune humiliante.

Pour les régionales, la désillusion grecque ne va pas vous aider, surtout que votre alliance avec les Verts n’est pas simple.

Oui, l’affaire grecque pèsera. Les Verts ? Ils ont choisi de faire des listes autonomes. Mais, dans six régions sur treize, ils s’unissent à nous. Ils disent une chose et en font une autre ! En plus, ils veulent partout avoir la tête de liste et compter le score pour EELV : c’est sectaire. Je demanderai à mes amis de n’être dans aucune liste plutôt que de subir cette annexion. Enfin, je refuse les comportements qui aboutissent à expulser les communistes. L’opposition de gauche peut devenir majoritaire si elle additionne, pas si elle exclut.

Arnaud Montebourg, qui accueillera dimanche à Frangy l’ex-ministre grec des Finances, vous concurrence-t-il ?

Non. Je lui souhaite une intense et heureuse « mélenchonisation » ! C’est très précieux. Il aide les socialistes à quitter Hollande et le vote PS. De mon côté, je rencontre Yanis Varoufakis dimanche matin pour lui proposer une conférence européenne du « plan B ». Tout cela élargit la brèche !

François Rebsamen qui préfère sa mairie de Dijon au ministère du Travail, c’est un signe de l’impuissance des pouvoirs publics face au chômage ?

C’est un signal de débandade. Il sait qu’à Dijon, en tant que maire, il peut agir, alors qu’au gouvernement il ne peut rien. Les chefs du PS sont des féodaux : ils ont compris que le monarque va être emporté. Donc, ils retournent sur leurs terres.

François Hollande a fait d’une baisse significative du chômage la condition de sa candidature pour 2017. Le croyez-vous ?

Par principe, il ne faut jamais le croire. Mais si, par hasard, il est sérieux cette fois-ci, j’en conclus qu’il annonce son retrait. Car il est impossible, avec sa politique, que la courbe du chômage s’inverse.

L’exclusion du FN de Jean-Marie Le Pen peut-elle discréditer l’extrême droite ?

Non. Elle avance partout en Europe, et la droite traditionnelle lui court derrière. Ils finiront alliés ! Jean-Marie Le Pen gesticule. S’il était sérieux, il serait candidat à la présidentielle. Philippot ne le laissera pas faire.

La présidentielle de 2017 fait-elle partie de vos objectifs ?

Je me mets en situation, je travaille comme si je devais être candidat. Le pays est si abaissé ! Que de souffrances ! Sortons de ça !


En Europe, développons un plan B
Tribune d’Oskar Lafontaine – 24 août 2015

Beaucoup en Europe avaient lié de grands espoirs à l’élection d’Alexis Tsipras comme Premier ministre. Lorsque, après de longues et éprouvantes négociations, le président de Syriza a signé le diktat européen, la déception a été grande.

Il serait injuste et présomptueux de vouloir donner des leçons de morale à Alexis Tsipras et Syriza. Après ces expériences de la gauche européenne, il vaut mieux réfléchir aux conditions dans lesquelles une politique démocratique et sociale, et donc de gauche, est possible en Europe.

Nous avons appris une chose : tant que la Banque centrale européenne, qui se dit indépendante et a-politique, peut fermer le robinet financier à un gouvernement de gauche, une politique qui s’oriente sur des principes démocratiques et sociaux est impossible. L’ancien banquier d’investissement Mario Draghi n’est ni indépendant ni a-politique. Il était chez Goldman Sachs lorsque cette banque de Wall Street a aidé le gouvernement grec à fausser ses bilans. C’est ainsi que la Grèce a pu entrer dans l’euro.

Au cours de ces derniers mois se sont tenues de nombreuses discussions pour savoir si la drachme devait être réintroduite. Mais cela n’apporte rien, et réduire le débat à cette question est une mauvaise option. Non seulement en Grèce, mais dans toute l’Europe du sud, le chômage des jeunes est indécemment élevé, et la désindustrialisation touche plusieurs pays de l’espace euro. Une Europe dans laquelle la jeunesse n’a pas d’avenir menace de s’effondrer et de devenir la proie de forces d’extrême droite nationalistes renaissantes.

Retour au SME

C’est pourquoi la question ne peut être pour nous : « La drachme ou l’euro ? » ; en revanche la gauche doit décider si elle continue de défendre le maintien de l’euro malgré le développement social catastrophique, ou si elle s’engage pour une transformation progressive vers un système monétaire européen flexible. Je plaide quant à moi pour un retour à un Système monétaire européen, SME, prenant en compte les expériences qui ont été faites avec ce système monétaire et améliorant sa construction dans l’intérêt de tous les pays participants. Le SME a fonctionné de nombreuses années chez nous, certes non sans frictions, mais mieux que la monnaie unique. En dépit de tensions inévitables, il permettait sans cesse des compromis qui servaient à rétablir l’équilibre entre les différents développements économiques. Car les banques centrales des pays membres ont été obligées, et ce malheureusement pour une écourte période, de stabiliser le cours des changes entre les partenaires du SME.

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Mais dans l’euro, les travailleurs et retraités espagnols, grecs ou irlandais sont les seuls à porter la charge des dévaluations internes à travers les baisses de leur salaire, de leur retraite et les augmentations des impôts. A la différence de l’euro, le Système monétaire européen favorisait, et c’est ce qui compte, la coopération entre les peuples de l’Europe. Les réévaluations et dévaluations successives empêchaient un trop grand décalage entre les économies des pays européens. La prédominance de la Bundesbank a certes toujours été un grand problème, mais celui-ci a été incomparablement moindre que la tutelle actuelle des Européens exercée par l’économie et le gouvernement des Merkel, Schäuble et Gabriel. Cela n’est plus qu’une question de temps jusqu’à ce qu’en Italie par exemple un gouvernement reconnaisse qu’il ne peut pas assister plus longtemps à la désindustrialisation rampante de son pays.

Nécessité de décentralisation

Dans ce contexte est apparue, en particulier dans la gauche allemande, une erreur de pensée structurelle qui conduit le débat sur l’avenir de l’Europe dans une mauvaise direction. Toute demande de retransférer à un niveau national une compétence européenne est taxée de nationalisme ou d’hostilité à l’Europe. Avec des commentaires semblables, les grands groupes de presse se chargent, dans l’intérêt des grandes entreprises et des banques allemandes, de l’accompagnement musical. Et beaucoup de gauches tombent dans le panneau.

En 1976 déjà, le maître de cette idéologie, Friedrich August von Hayek, a montré dans un article fondamental que le transfert de compétences vers le niveau international fraye la voie au néolibéralisme. C’est pourquoi l’Europe du libre marché et des échanges non régulés de capitaux n’est jamais un projet de gauche. Depuis qu’il est devenu de plus en plus évident avec quelle importance la Commission européenne et le Parlement européen sont à la solde du lobby économique, un nouveau transfert de compétences vers le niveau européen signifie la déconstruction de la démocratie et de l’État social. Cela, et je le dis en faisant mon autocritique, parce que, en tant qu’Européen convaincu, j’ai longtemps soutenu la politique d’un transfert croissant de missions au niveau européen, on aurait pu le comprendre avant. Il est regrettable que l’influent philosophe allemand, Jürgen Habermas, et beaucoup d’hommes politiques et d’économistes ayant participé à cette discussion continuent de tenir à cette voie, bien que d’une année à l’autre elle semble de plus en plus mener à l’erreur et monter les peuples d’Europe les uns contre les autres. Thomas Mann rêvait de faire une Allemagne européenne : son voeu s’est retourné en son contraire. Nous avons aujourd’hui une Europe allemande.

La démocratie et la décentralisation se conditionnent mutuellement. Plus une unité est grande, plus elle est opaque, plus elle s’éloigne, et moins elle est contrôlable. Le principe de subsidiarité est et reste l’assise fondamentale de toute organisation sociale démocratique. Ce qui peut être réglé au niveau le plus bas, celui de la commune, doit être réglé là, et au niveau du canton, de la région, au niveau de la nation, au niveau de l’UE ou de l’ONU, il faut mettre en place le même principe. On ne doit transférer au niveau le plus élevé que ce qui là peut se régler mieux.

Les exemples de mauvais transferts sont monnaie courante. Nous n’avons pas besoin de ces casinos de spéculateurs qui agissent mondialement, mais de caisses d’épargne que l’on peut encore contrôler. Les banques des Länder [ou leurs équivalents, N.d.T.], qui au début étaient régulées avec sévérité, ont longtemps satisfait d’assez gros besoins financiers. Nous n’avons pas besoin de géants de l’énergie agissant dans toute l’Europe avec leurs grandes centrales et leurs réseaux, mais de services techniques de ville aux énergies renouvelables et aux capacités locales de stockage.

Les banques émettrices nationales ont été mises sous pression dans la mesure où l’échange des capitaux s’est dérégulé et où la porte a été grande ouverte à une spéculation mondiale. Les banques émettrices devraient à nouveau faire ce pour quoi elles ont été fondées autrefois : financer les États.

Le passage à un Système monétaire européen renouvelé doit se faire peu à peu. Lors de la réintroduction de la drachme par exemple — et ce serait un premier pas —, la BCE doit soutenir son cours. Peut-être le gouvernement grec aurait-il dû inciter Schäuble à concrétiser son projet d’exclure temporairement la Grèce de la zone euro. Il promettait une restructuration des dettes et un soutien humain et technique au développement de la croissance.

Développer un plan B

Si cette offre avait été sincère et si un soutien monétaire de la BCE avait été accordé, alors tous les scénarios catastrophe développés par les partisans de l’euro contre la réintroduction de la drachme auraient perdu tout fondement. La Grèce aurait alors pu, comme le Danemark avec sa couronne, participer au mécanisme du taux de change (SME II) existant.

Rencontre Varoufakis et Mélenchon - 23.08.2015

Il est étonnant de voir avec quelle importance des économistes et des experts monétaires de renommée internationale issus des milieux conservateurs et de la gauche libérale ont préconisé une sortie de la Grèce du système de l’euro. Le courageux ministre grec des finances Yanis Varoufakis, qui rencontrait déjà des difficultés avec ses homologues européens des finances parce qu’il s’y entendait vraiment en économie politique, avait projeté un scénario pour revenir à la drachme. Il voulait un plan B au cas où Draghi lui couperait les vivres, donc utiliserait « l’option nucléaire », comme disent les spécialistes. Effectivement l’ancien banquier d’investissement a fait usage de cette arme. Avec Schäuble, c’est lui le vrai voyou de la zone euro. Dès l’arrivée au pouvoir à Athènes de Syriza il a utilisé les instruments de torture de la Banque centrale européenne pour forcer Tsipras à se mettre à genoux.

Il faut maintenant que la gauche européenne développe un plan B pour le cas où un parti membre viendrait à être dans une situation comparable. Il faut transformer le mécanisme européen afin de retirer à la Banque centrale, qui n’a aucune légitimité démocratique, le pouvoir de mettre la démocratie hors service sur une simple pression de bouton. L’introduction progressive d’un SME rénové ouvre la voie à cela. Même la gauche allemande devrait découvrir le piège du mantra merkelien « Si l’euro meurt, l’Europe est morte ». Cet euro est devenu l’instrument de domination de l’économie allemande et du gouvernement allemand en Europe. Après les expériences grecques, une gauche qui veut une Europe démocratique et sociale doit modifier sa politique européenne et s’engager sur de nouvelles voies.


L’Europe allemande, ce n’est pas possible
Interview – 25 août 2015

Avant la Fête de la Rose de Frangy, Jean-Luc Mélenchon s’est entretenu avec le Grec Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances d’Alexis Tsipras. Le leader du Parti de gauche revient sur cette rencontre et sur les suites d’un éventuel « plan B » pour l’Union européenne.

Comment s’est passé votre rencontre avec Yanis Varoufakis?

C’était très détendu. Yanis Varoufakis semble être un homme facile à pratiquer, il est très direct. On ne perd pas de temps en palabres. Son diagnostic sur la situation actuelle est très dur. Il met en cause le siège subi par la Grèce aussi bien par le gouvernement de droite allemand, que par le gouvernement socialiste – ou réputé tel – français. Notre discussion s’est tout de suite portée sur : quelle alternative pouvons-nous apporter? Il a donc été d’accord avec la proposition d’une conférence européenne du « plan B ». En opposition à ce qui est censé être le « plan A », à savoir la situation d’aujourd’hui, où quand vous n’êtes pas d’accord, les Allemands vous menacent de vous mettre dehors.

Une échéance a-t-elle été fixée pour cette conférence?

Non. Nous avons prévu de nous recontacter. Le travail va continuer très rapidement.

Une autre rencontre avec Yanis Varoufakis est-elle d’ores et déjà prévue?

Je l’ai invité à venir sur le stand du Parti de gauche à la Fête de l’Humanité pour présenter ses idées sur le sujet. Sa thèse n’est pas celle de tout le monde. Sur le « plan B », il y a beaucoup de discussions : certains veulent laisser tomber, d’autres préfèrent encore discuter. Il faut clarifier ça, sinon c’est une source de malentendus. Yanis Varoufakis m’a dit qu’il pensait pouvoir venir. Il faut qu’on vérifie, car il doit aussi aller à Londres à ces dates-là.

Vous, quel est votre « plan B » ?

Je vous le dirai le moment venu. Tout est dans les textes du congrès du Parti de gauche. Clairement, s’il faut choisir entre l’indépendance de la France et l’euro, je choisis l’indépendance. S’il faut choisir entre l’euro et la souveraineté nationale, je choisis la souveraineté nationale. Il n’y a pas de raison pour qu’à la fin, ce soit nous les Français qui cédions devant les Allemands. La monnaie est autant à nous qu’à eux. J’admets très facilement l’idée que c’est peut-être une utopie de croire qu’on peut encore parler avec le gouvernement allemand. Mais je voudrais qu’on en fasse les preuves. En attendant, le Parti de Gauche a une attitude tout à fait pédagogique. « Plan A » on discute. Si vous ne voulez pas : « plan B », vous vous gardez votre monnaie. Les choses sont arrivées à un point de rupture. Je le dis solennellement : l’Europe allemande, ce n’est pas possible. C’est n’est pas viable pour la liberté des Européens, ni pour la liberté des Français. Nous ne l’accepterons pas. C’est la raison pour laquelle je dis que je suis en quelque sorte un nouvel indépendantiste français. On ne peut dire « oui » que si on est libre.

Après vous, Yanis Varoufakis se rend dimanche à la Fête de la Rose d’Arnaud Montebourg. Des discussions peuvent aussi s’engager avec ce dernier?

Oui, il faut déjà qu’on parle de ce qu’on s’est dit mutuellement avec Yanis Varoufakis. Arnaud Montebourg a aussi sa place dans une conférence européenne du « plan B ». Il a voté « non » comme nous au traité européen. Et il a fait une expérience gouvernementale traumatisante. Il m’avait dit : on n’est plus efficace de l’intérieur que de l’extérieur. Il a bien vu que ce n’était pas le cas. Il en a fait lui-même l’expérience, il en est la preuve ambulante. Un temps, il me trouvait excessif. Aujourd’hui, c’est lui qui bénéficie de ça : il voit bien que dès qu’on sort du rang, le Parti socialiste vous accable d’injures et vous fait passer pour quelqu’un d’agressif. C’est en train de lui arriver. Je pense qu’Arnaud Montebourg fait là de la pédagogie active. Voilà, pourquoi j’ai dit que je lui souhaitais une bonne « Mélenchonisation ». Il faut évoluer du bon côté, il ne faut pas qu’il ait peur.


Pour un plan B en Europe
Vidéo – 25 août 2015

Vidéo réalisée après la rencontre entre Jean-Luc Mélenchon et Yanis Varoufakis, puis la rencontre entre Jean-Luc Mélenchon et des représentant d’Unité Populaire (parti issu de la scission de SYRIZA). Jean-Luc Mélenchon y explique pourquoi il est nécessaire de mettre en place un plan B face à l’Europe allemande d’Angela Merkel.


Il est temps de se réveiller
Extrait d’interview – 26 août 2015

La Grèce vient de passer de l’espoir qu’a fait naître le “non” au référendum à la signature d’un nouveau plan de sauvetage encore plus draconien que le précédent. Quel est votre sentiment ?

C’est un rude revers pour l’autre gauche en Europe. Et pour tous ceux qui avaient vu dans la Grèce un chemin transposable. Pourtant la méthode du premier ministre Alexis Tsipras était un sans-faute très proche de ce qu’on avait pu observer dans les révolutions démocratiques d’Amérique Latine : un long temps pédagogique pour prouver que l’on peut faire autrement, suivi d’un appel au peuple. C’était un exploit de faire passer en quelques mois le camp du non de 37 % à 60%. Tsipras n’aurait jamais dû signer. Mais l’accord a été imposé de force avec des méthodes d’une violence incroyable. J’avais donc raison d’alerter quand le même coup de force a été expérimenté à Chypre deux ans avant. Ici de nouveau il était décisif de dire tout de suite que le Front de gauche votait contre. On ne peut accepter pour la Grece ce qu’on ne voudrait pas pour la France. Autant qu’on le sache clairement : je ne signerai jamais un tel accord !

Que s’est-il passé à Chypre ?

D’abord, une déstabilisation bancaire liée à l’économie de la bulle. L’Eurogroupe et la Troïka ont imposé un mémorandum. Le projet a été présenté devant le parlement et il ne s’est pas trouvé une seule voix pour l’adopter. Immédiatement, il y a eu le coup de trique : la coupure des liquidités financières. François Delapierre avait traité Pierre Moscovici de « salopard » pour avoir accepté une chose pareille. Pour avoir dit que ce ministre ne parlait plus la langue de l’Europe mais celle de la finance, on m’avait repeint en antisémite. Le coup chypriote est passé comme une péripétie. Mais quand on traite sérieusement de géopolitique, on sait que la première expérience amène la suivante. La crise économique grecque est un prétexte. La partie se joue à un autre niveau : les étapes d’un plan Schaüble pour construire l’Europe Allemande! Voyez comment les entreprises allemandes pillent la Grèce ! Comme a été pillée l’Allemagne de l’est.

L’ancien ministre des finances grecque, Yanis Varoufakis, a déclaré après avoir été démissionné que le plan de l’Allemagne n’était pas la Grèce mais Paris. C’est ça la prochaine étape ?

C’est clair ! La France c’est le fruit juteux. Je l’ai dit dès le début ! J’ai été traité de germanophobe pour ça. Conclusion : la construction de l’Europe allemande est incompatible avec la liberté des européens et avec l’indépendance de la France. L’ordolibéralisme est la négation de l’identité républicaine de la France.Objet Inconnu

Quelle aurait pu être la marge de manœuvre d’Alexis Tsipras ? Pierre Laurent, le secrétaire nationale du PC, a déclaré qu’il n’avait pas le choix.

On a toujours le choix. Au Parti de gauche, on savait que si Tsipras signait c’était fini, parce qu’il mettait le doigt dans un engrenage dont les autres ne le laisseraient plus sortir. A preuve : le troisième mémorandum est pire que le précédent. Après l’annonce de cette nouvelle, il a fallait absolument que le Front de gauche reste groupé sur la désapprobation totale du plan et de la méthode pour l’imposer. Sinon, il n’y avait plus de Front de gauche. Je voudrais saluer Marie-George Buffet qui, la première, a dit “je ne voterais pas plus ce plan que je ne voterais les accords de Munich”. Elle a convaincu le PC. Une fois de plus elle a sauvé le Front de Gauche.

Que pensez-vous de la décision de Tsipras de démissionner et de provoquer des élections anticipées ?

Il consulte le peuple, c’est bien et honnête. Encore faut-il respecter ses décisions ! Tsipras a changé d’attitude et ça s’est traduit par une scission de trente députés au sein de Syriza. Nous avons conclu un partenariat avec « Unité populaire », le nouveau parti de ceux qui continuent à résister au memorandum. Leur chef de file, Panayotis Lafazanis, de l’aile gauche de Syriza, a pris contact avec nous et assistera peut-être à nos universités d’été. La situation va devenir complexe puisque leur division frappe de plein fouet le Parti de la gauche européenne que nous constituions ensemble.

Vous êtes déçu par Alexis Tsipras ?

Il avait des impréparations politiques. Théorique d’abord. Il n’a pas assimilé l’importance du tournant de la construction européenne depuis le « traité budgétaire » signé par Hollande et la constitution de 2005, repeinte en Traité de Lisbonne par Nicolas Sarkozy. Les grecs n’ont pas eu de référendum pour prendre la mesure de ce changement. Impréparation personnelle, ensuite. Quelle idée d’accepter de rester enfermé pendant 18 heures seul face à 17 autres personnes ?! N’importe quel syndicaliste sait qu’on ne fait pas ça. Surtout, il s’est laisser envoûter par Kaa, le serpent du Livre de la jungle, qui lui répétait “on va te tirer d’affaire, on va te tirer d’affaire”.

Kaa, c’est François Hollande ?

Il lui a fait croire que les autres étaient prêts à l’exclure de la zone euro. Or, je le répète, ils ne pouvaient pas le faire. Enfin, dernière faille: où étaient ses moyens de l’alternative ? La Grèce est l’une des plus petites économies de l’UE, 2% de son PIB. Le rapport de force n’est pas fameux. Le principal argument de Tsipras est la menace de faire sauter la zone euro. Sa principale force c’est 320 milliards de dettes. C’était sans risque car 80% de cette dette est dans les mains des organismes européens. Seul 20% de cette dette aurait réellement fait défaillance. L’envoutement de l’ambiance de l’eurogroupe a été le plus fort.

Mais s’il n’avait rien à faire valoir alors qu’on le menaçait de couper les liquidités des banques, quel choix lui restait-il ?

Celui de dire : si vous ne rééchelonnez pas la dette, nous ne la paierons pas. C’est vrai qu’ils ont coupé le robinet et que l’accord a été obtenu un pistolet sur la tempe ! Un accord auquel Tsipras lui-même a dit ne pas croire. Tout ça pourquoi ? Personne ne croit que ce plan va permettre à la Grèce de remonter sur le cheval. Pire, nous avons la certitude que le pays va s’effondrer. Il faudrait une impétueuse croissance mondiale et européenne pour que la Grèce ait une chance de ramasser des miettes. Ce n’est même plus la peine d’y penser. L’économie mondiale est entrée en turbulence, encore à cause d’une explosion dans la bulle financière, en Chine cette fois. Pendant qu’on était en train de discuter du mémorandum, la bourse de Shanghai annonçait une perte de 3300 milliards de dollars : en une semaine dix fois la dette totale de la Grèce pour trente ans ! Malgré tout, le plan a été décidé.

Pour vous, les Allemands ont réussi à imposer leurs vues à leurs partenaires européens dans le dossier de la crise grecque ?

Dans mon livre Le hareng de Bismarck, j’ai voulu pointer du doigt le cœur du problème de l’Europe : Berlin. Nous construisons non pas l’UE mais l’Europe Allemande sur la base d’un principe que nous avons combattu. En 2005, on a refusé la sacralisation des règles économiques qu’on a retrouvées dans le traité de Lisbonne aggravé par le traité budgétaire. En 2012, Angela Merkel réclamait un veto de la commission sur les budgets nationaux. Le ministre des finances allemand Wolfgang Schaüble a même dit : “les Français, il faudrait les forcer mais hélas, il y a la démocratie, on ne peut pas”.

Comment se comportent les politiques Français face à cela ?

Le caractère valétudinaire de la politique française est accablant. Cet été, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale Bruno Le Roux a fait une déclaration de servilité invraisemblable : “je pense qu’il faut rendre hommage à la chancelière, (…) sans François Hollande elle n’aurait pas pu faire prévaloir le fond de son idée, le rôle de la France a été de permettre à l’Allemagne de trouver l’accord nécessaire à l’Europe”. François Hollande n’a pas de culture du rapport de force, mais de son évitement. C’est une iréal-politik puérile. Cela passe tant qu’on ne vous vise pas. Mais la France est visée ! Il est temps de se réveiller !

A la place de Tsipras qu’auriez-vous fait ? Auriez-vous évoqué la possibilité d’une sortie de l’euro ?

Évidemment. Mais je ne serais jamais à la place de Tsipras. Il est à la tête d’une petite économie, pas nous. La France c’est 18% du PIB européen. Si on appuie sur le bouton, il n’y a plus ni euro ni Europe. Donc si on ne peut pas convaincre les Allemands, il faudra les contraindre. Nier qu’il y ait des rapports de force, c’est s’aveugler et donc s’y soumettre. Personne n’a les moyens d’élever la voix avec nous. Mais on laisse faire. Pourquoi ? Parce que la politique qu’impose la droite allemande, c’est celle de veulent tous les libéraux d’Europe, socialistes ou de droite. Ils lui délèguent le sale boulot. C’est cela qui réjouis Le Roux.

Quel bilan tirez-vous de cet échec ? Vous ne pensez plus que l’on peut changer l’Europe de l’intérieur ? La crise grecque vous a-t-elle fait évoluer sur la question de la sortie de l’euro ?

L’Europe de papa est finie, voilà mon bilan. Réformer quoi ? Les traités budgétaires ? Il faut les abroger. Hors Junker a déclaré : « il n’y a pas de vote démocratique contre les traités ». Nous ne sommes plus libres. Tout commence donc par l’affirmation d’un clair indépendantisme, assumé haut et fort. Ensuite, faut-il ou ne faut-il pas sortir de l’euro ? J’ai toujours trouvé ce mot d’ordre étriquée. Il ne faut pas fétichiser la question de la monnaie. Il faut s’attaquer à la globalité du système. A quoi ça servirait de sortir de l’euro pour rester dans les mêmes traités de l’UE ? Pour continuer avec la « règle d’or » ? Pour subir le contrôle de la commission européenne ? C’est tout le système qu’il faut remettre en cause. La nation est le cadre actuel de notre démocratie : décidons nous-même. Ce n’est pas être nationaliste que de dire cela.

D’où peut être aussi le désaccord avec Cécile Duflot sur votre livre, qu’elle a jugée germanophobe. Les membres EELV estiment qu’il n’y a pas assez d’Europe politique, de fédéralisme européen.

Accusation sans fondement. Elle ne connait ni l’histoire de France ni les bases de la géopolitique européenne! Au reste le fédéralisme est déjà là puisque vous n’avez pas le droit de voter le budget qui vous convient, et que vous êtes punis s’il ne correspond pas aux normes. Mais c’est un fédéralisme ordolibéral. La France a signé des traités contraires à notre liberté et notre indépendance. Il faut désobéir. Puisque Berlin a un plan b avec l’expulsion des rebelles, nous devons en avoir un aussi. Au PG, nous proposons l’organisation d’une conférence internationaliste du plan B. Il faut que tout le monde sache qu’il existe un plan B coordonné pour peser dans le rapport de force.

Qu’est ce que recouvrirait exactement ce plan B ?

La fin de l’Europe ordo libérale allemande. Nous n’acceptons pas que Berlin nous impose ce que nous devons faire. L’indépendance des Français est une question directement liée à la souveraineté populaire donc à la démocratie. La question de l’indépendance de la France est posée face à l’Europe allemande, incompatible avec la liberté des européens et celle des Français. C’est cet ordre des choses qu’il faut renverser. Les Allemands ne sont pas un bloc. Die Linke combat cette politique impériale. Il y a ceux qui se rendent compte que ça va trop loin, même à droite. Mme Merkel hésite devant la violence prônée par Schaüble. Il y a des milliers d’intellectuels mécontents. Jürgen Habermas a déclaré qu’en une nuit de diktat imposé aux Grecs l’Allemagne a anéanti 60 ans d’efforts de reconstruction de la réputation allemande.

Vous avez rencontré Yanis Varoufakis dimanche 23 août. Quel accueil a-t-il fait à votre projet ?

C’était une belle rencontre. Il fonctionne vite. Simple et direct. Il a insisté sur la responsabilité de Berlin dans la déchéance de l’idée européenne. On est tombé d’accord sur l’idée de la conférence européenne pour le plan b face à l’Europe allemande. Je l’ai aussi invité sur le stand du Parti de Gauche à la fête d’ l’Humanité. Il pense pouvoir y venir.

Comment va se concrétiser ce plan B ? Avec un appel à Podemos ?

On vise une conférence qui permette de poser des objectifs communs. Il est temps de jouer en équipe. Podemos ? Aussi bien sûr. D’ailleurs mon livre « le poison allemand » est publié en Espagne en septembre et préfacé par Pablo Iglesias.

Alors que les élections législatives ont lieu en novembre en Espagne, Podemos, aujourd’hui à 15% d’intention de vote, a perdu dix points dans les sondages depuis janvier.

Devinez pourquoi ? Les médias ont diabolisé à mort Pablo Iglesias . Huit mois non-stop. Ses idées sont reléguées et sa personne défigurée. Je subis ça depuis trois ans. Tous ceux qui font peur au système y ont droit. C’est normal, non ?

Iglesias dit que Podemos ne s’inscrit pas dans un antagonisme droite / gauche…

Oui, car la bas aussi les gens disent « la gauche et la droite c’est pareil ». Il faut en tenir compte. Sa stratégie est de rester « central ». Il a vu comment nous avons été classés « extrême gauche » contre notre gré. Il se protège.

Podemos est né des mois de luttes sociales et populaires qui l’ont précédé. Rien de tel en France. Où voyez-vous dans les urnes françaises une demande d’une autre politique de gauche ?

J’en trouve la trace dans l’énormité de l’abstention. Le peuple a divorcé de toutes les institutions qui sont sensées le représenter. La preuve nous avons réuni cent mille signatures pour la Sixième République en moins d’un an. Le sujet, ce n’est pas être plus à gauche ou moins à gauche. C’est : quelle politique pour le pays. Je me réfère à un intérêt général humain et pas seulement « de classe ». Ça c’est l’Ecosocialisme.


Je défends la souveraineté de la France
Vidéo – 6 septembre 2015

Invité de C/Politique le 6 septembre 2015, Jean-Luc Mélenchon a réaffirmé qu’entre l’euro et la souveraineté de la France, il choisirait la souveraineté de la France. Il a à nouveau souligné la nécessité d’avoir un plan B face à l’Europe allemande d’Angela Merkel et l’urgence de passer à une 6e République démocratique alors que le monarque républicain François Hollande décide seul de tout. Jean-Luc Mélenchon a enfin appelé à accueillir les migrants présents sur notre territoire mais à d’abord agir pour régler les causes de leur départ en travaillant pour la paix. Il a rappelé que l’exil touchait aussi les Européens victimes de l’austérité, en particulier les Grecs et les Espagnols.


Le plan B, c’est ne pas céder à l’Europe allemande
Vidéo – 11 septembre

Invité de RTL le 11 septembre 2015, Jean-Luc Mélenchon a parlé du plan B qu’il défend en Europe face à l’autoritarisme de l’Allemagne de Merkel. Il a expliqué que ce plan contenait les options pour ne pas céder, y compris la sortie de l’euro. Jean-Luc Mélenchon était également interrogé sur la question des réfugiés et a appelé à les accueillir, mais à traiter les causes de leur départ, en agissant pour la paix.


Pour un plan B en Europe
Tribune – 11 septembre 2015

Signataires :
Jean-Luc Mélenchon
, député européen, co-fondateur du Parti de Gauche (France)
Stefano Fassina, député, ancien vice-ministre de l’Economie et des Finances (Italie)
Zoe Konstantopoulou, présidente du Parlement hellénique (Grèce)
Oskar Lafontaine, ancien ministre des Finances, co-fondateur de Die Linke (Allemagne)
Yanis Varoufakis, député, ancien ministre des Finances (Grèce)

Le 13 juillet, le gouvernement grec démocratiquement élu d’Alexis Tsipras a été mis à genoux par l’Union européenne. « L’accord » du 13 juillet est en réalité un coup d’Etat. Il a été obtenu par la fermeture des banques grecques par la Banque centrale européenne (BCE) et la menace de ne pas les autoriser à rouvrir tant que le gouvernement grec n’accepterait pas une nouvelle version d’un programme qui a échoué. Pourquoi ? Parce que l’Europe officielle ne pouvait pas supporter l’idée qu’un peuple souffrant de son programme d’austérité autodestructrice ait osé élire un gouvernement déterminé à dire « Non ! ».

Désormais, avec davantage d’austérité, davantage de privatisations au rabais d’actifs publics, une politique économique plus irrationnelle que jamais, et la misanthropie en guise de politique sociale, le nouveau mémorandum ne sert qu’à aggraver la Grande Dépression grecque et le pillage de la Grèce par des intérêts particuliers, grecs ou non.

Tirons les leçons de ce coup d’Etat financier. Cet euro est devenu l’instrument de la domination économique et politique de l’oligarchie européenne, cachée derrière le gouvernement allemand et qui se réjouit de voir Mme Merkel faire tout le « sale boulot » que les autres gouvernements sont incapables de faire. Cette Europe ne produit que des violences dans les nations et entre elles : chômage de masse, dumping social féroce, insultes attribuées aux dirigeants allemands contre l’Europe du Sud et répétées par toutes les « élites » y compris celles de ces pays. L’Union européenne alimente la montée de l’extrême-droite et est devenue un moyen d’annuler le contrôle démocratique sur la production et la distribution des richesses dans toute l’Europe.

Affirmer que l’euro et l’Union européenne servent les Européens et les protègent contre la crise est un mensonge dangereux. C’est une illusion de croire que les intérêts de l’Europe peuvent être protégés dans le cadre de la prison des règles de la zone euro et des traités actuels. La méthode Hollande-Renzi du « bon élève », en réalité du prisonnier modèle, est une forme de capitulation qui n’obtiendra même pas la clémence. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker l’a dit clairement : « il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens ». C’est l’adaptation néolibérale de la « souveraineté limitée » inventé par le dirigeant soviétique Brejnev en 1968. A l’époque, les soviétiques écrasaient le Printemps de Prague par les tanks. Cet été, l’Union européenne a écrasé le Printemps d’Athènes par les banques.

Nous sommes déterminés à rompre avec cette Europe. C’est la condition pour reconstruire des coopérations entre nos peuples et nos pays sur une base nouvelle. Comment mener une politique de partage des richesses et de création d’emplois notamment pour les jeunes, de transition écologique et de refondation démocratique face à cette Union européenne ? Nous devons échapper à l’inanité et l’inhumanité des traités européens et les refonder afin d’enlever la camisole de force du néolibéralisme, abroger le traité budgétaire, refuser le traité de libre-échange avec les Etats-Unis (TTIP).

La période est extraordinaire. Nous faisons face à une urgence. Les Etats-membres doivent avoir l’espace politique qui permet à leurs démocraties de respirer et d’instaurer des politiques adaptées au niveau national, sans craindre d’être empêchés par un Eurogroupe autoritaire dominé par les intérêts du plus fort des Etats-membres et du monde des affaires, ni par une BCE utilisée comme un rouleau compresseur menaçant d’écraser tout « pays non coopératif » comme ce fut le cas avec Chypre ou la Grèce.

C’est notre plan A : travailler dans chacun de nos pays, et ensemble à travers l’Europe, à une renégociation complète des traités européens. Nous nous engageons à collaborer avec la lutte des Européens partout, dans une campagne de désobéissance aux pratiques européennes arbitraires et aux règles irrationnelles jusqu’à ce que la renégociation aboutisse.

Notre première tâche est de mettre fin à l’irresponsabilité de l’Eurogroupe. La seconde tâche est d’en finir avec le caractère prétendument « indépendant » et « apolitique » de la Banque centrale alors qu’elle est hautement politisée (de la façon la plus toxique), totalement dépendante de banquiers en faillite et de leurs agents politiques, et prête à mettre fin à la démocratie sur une simple pression de bouton.

La majorité des gouvernements représentant l’oligarchie européenne et se cachant derrière Berlin et Francfort, ont aussi un plan A : ne pas céder à la demande de démocratie des citoyens européens et utiliser la brutalité pour mettre fin à leur résistance. Nous l’avons vu en Grèce en juillet. Pourquoi ont-ils réussi à étrangler le gouvernement démocratiquement élu de la Grèce ? Parce qu’ils avaient aussi un plan B : éjecter la Grèce de la zone euro dans les pires conditions possibles en détruisant son système bancaire et en achevant son économie.

Face à ce chantage, nous avons besoin de notre propre plan B pour dissuader le plan B des forces les plus réactionnaires et anti-démocratiques de l’Europe. Pour renforcer notre position face à leur engagement brutal pour des politiques qui sacrifient la majorité au profit des intérêts d’une infime minorité. Mais aussi pour réaffirmer le principe simple que l’Europe n’est rien d’autre que les Européens et que les monnaies sont des outils pour soutenir une prospérité partagée, et non des instruments de torture ou des armes pour assassiner la démocratie. Si l’euro ne peut pas être démocratisé, s’ils persistent à l’utiliser pour étrangler les peuples, nous nous lèverons, nous les regarderons dans les yeux et nous leur dirons : « Essayez un peu, pour voir ! Vos menaces ne nous effraient pas. Nous trouverons un moyen d’assurer aux Européens un système monétaire qui fonctionne avec eux, et non à leurs dépens ».

Notre plan A pour une Europe démocratique, soutenu par un plan B qui montre que les pouvoirs en place ne peuvent pas nous terroriser dans la soumission, vise à faire appel à la majorité des Européens. Cela exige un haut niveau de préparation. Les éléments techniques seront enrichis par le débat. Beaucoup d’idées sont déjà sur la table : l’introduction de systèmes parallèles de paiement, les monnaies parallèles, la numérisation des transactions en euros pour contourner le manque de liquidités, les systèmes d’échange complémentaires autour d’une communauté, la sortie de l’euro et la transformation de l’euro en monnaie commune.

Aucune nation européenne ne peut avancer vers sa libération dans l’isolement. Notre vision est internationaliste. En prévision de ce qui peut se passer en Espagne, en Irlande, pourquoi pas de nouveau en Grèce selon l’évolution de la situation politique, et en France en 2017, il faut travailler concrètement ensemble à un plan B tenant compte des caractéristiques de chaque pays.

Nous proposons donc la tenue d’un sommet international pour un plan B en Europe, ouvert aux citoyens volontaires, organisations et intellectuels. Cette conférence pourrait avoir lieu dès Novembre 2015. Nous lancerons ce processus samedi 12 Septembre lors de la Fête de l’Humanité. Rejoignez-nous !


L’Europe est morte quand Tsipras a signé le mémorandum
Vidéo – 12 septembre 2015

Invité de France 24 le 12 septembre 2015, Jean-Luc Mélenchon a réaffirmé qu’il fallait traiter les causes du départ des migrants mais qu’il n’y avait pas d’autre choix que de les accueillir. Concernant la Grèce, Jean-Luc Mélenchon a affirmé que l’Europe était morte le jour où Tsipras avait signé le mémorandum et qu’il fallait en conséquence préparer un plan B face à la brutalité des institutions européenne.


Pour un sommet du plan B en Europe
Vidéo – 12 septembre 2015

Le 12 septembre à la Fête de l’Humanité, Stefano Fassina (député, ancien vice-ministre de l’Economie et des Finances en Italie), Oskar Lafontaine (ancien ministre des Finances en Allemagne, co-fondateur de Die Linke Allemagne), Yanis Varoufakis (député, ancien ministre des Finances en Grèce) et Jean-Luc Mélenchon organisaient un débat pour un plan B en Europe.


Grèce : je suis sans illusion
Extrait d’interview – 23 septembre 2015

Votre sentiment sur la nouvelle victoire de Tsipras en Grèce ?

Je m’en réjouis. La droite grecque pensait que son heure était venue et elle a perdu une fois de plus. La victoire de Tsipras montre que ce que l’Eurogroupe a imposé à la Grèce ne se termine pas en plus par une débâcle électorale. Voilà pour les aspects positifs. Après, très franchement, je suis sans illusion. Le mémorandum imposé à la Grèce conduit ce pays à la ruine. Je préfère que ce soit Alexis Tsipras qui dirige la suite des événements, mais le mémorandum d’austérité s’applique. Je regrette que la fraction de gauche de Syriza n’ait pas d’élu : parfois on paie cher la fidélité à ses convictions.


Conférence de presse pour un plan B en Europe
Vidéo – 7 octobre 2015

Suite à l’intervention de François Hollande et Angela Merkel devant le Parlement Européen le 7 octobre 2015, les députés européen de six pays, signataires de l’appel pour un plan B en Europe, ont rappelé qu’il existait une alternative face à l’Europe austéritaire.

Sont signataires de cet appel les députés européens :
Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche, France)
Nikolao Chountis (Unité Populaire, Grèce)
Marina Albiol (Izquierda Unida, Espagne)
Javier Couso (Izquierda Unida, Espagne)
Fabio De Masi (Di Linke, Allemagne)
Sabine Losing (Die Linke, Allemagne)
Miloslav Ransdorf (KSCM, République Tchèque)
Rina Kari (Folkebevægelsen mod EU, Danemark)

 

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