Y a-t-il des hasards de l’existence dans une vie de militant ? Les petits concours de circonstances qui de l’un à l’autre m’ont lié au président Lula me font dire que non. Tout se tient pour peu qu’on soit fidèle à ses fils conducteurs. Je regarde ce Lula qui vient de gagner au Brésil et je me sens plus fort. Juste en le regardant. Je le vois dans son insubmersible volonté de vivre et de combattre. Fort de sa fidélité à l’option préférentielle pour les pauvres dont il m’a convaincu. Plein de cette énergie des Brésiliens qui fait vibrer l’air ! Mais déjà je ressentais ça en le prenant à bras le corps quand il est sorti de mon ministère en 2002 avant de rentrer chez lui pour aller à une élection où il était candidat pour la quatrième fois. On le donnait battu d’avance. Il gagna contre toute attente. Nous perdîmes contre toute raison. Où trouve-t-il cette énergie, me demandais-je ?
Je le vois ensuite et pour faire bref, mi-souriant mi-sidéré tandis que j’entre pour de bon dans sa cellule de la prison de Curitiba au Brésil. Son regard reste ce moment intense qui cherche à dire les mots qu’on ne peut dire autrement quand la barrière de la langue est dressée. Je n’ai jamais cessé de l’admirer pour son inflexible volonté de ne pas se laisser abattre par quoi que ce soit, si dur que cela soit. Englouti en prison par un complot judiciaire et policier qui reste un exemple mondial comme prototype du Lawfare. Regardé alors avec distance en Europe et aux Amériques. Mais dans la rue devant la prison, un groupe de femmes et d’hommes chaque matin criaient dans sa direction : « bonjour Lula » et le soir « bonsoir Lula ». L’affection populaire était son meilleur remontant dans ce moment sombre. Le juge pourri qui l’a embastillé est à présent sur la sellette judiciaire et (bien sûr) réfugié aux USA. Il s’appelle Moro. Souvent ceux qui acceptent les basses besognes se connaissent. Celui qui a dirigé les perquisitions chez moi est allé rencontrer ce Moro dans le cadre d’une mission « échange des bonnes pratiques ». Comme député j’ai demandé à lire le rapport qu’il en avait ramené. En vain. On redemandera. Lula m’a dit : « eux ne lâchent jamais rien, toi non plus ne leur lâches jamais rien. Ne fais pas du droit, explique leur politique ». Engloutis par 50% du paysage médiatique aux mains des évangélistes brésiliens et sans le moindre média alternatif, Lula et le PT ont vaincu un tsunami médiatique de calomnies et de mensonges. « Ils ont essayé de m’enterrer vivant, mais je suis là » a-t-il dit. Tenir bon. Voilà la clef de tout.
Maintenant, la dixième puissance du monde est dirigée par un des nôtres. Un pays majeur des BRICS. La géopolitique change. Un adversaire du traité de libre-échange avec le Mercosur a gagné. Ce traité est mort. Le premier voisin de la France par la Guyane rend possible une politique amicale intense. Tout cela est une riche moisson de bonnes choses pour notre pays. Macron le comprend-il ?