« La France connaît de nouveau la faim » – Interview sur la campagne contre la vie chère pour Centre France

Interview de Jean-Luc Mélenchon pour Centre France publiée le 13 novembre 2022.

Pourquoi avoir choisi Clermont-Ferrand pour lancer votre campagne sur la vie chère ?

Pourquoi pas ? Vous avez ici Marianne Maximi, une députée figure montante de l’Assemblée Nationale et du mouvement insoumis. Et puis Clermont est une ville emblématique des problèmes de désindustrialisation et d’enclavement du pays.

Vous avez mis la vie chère au centre de votre communication : quels sont les éléments nouveaux ?

Nous venons de mener une bataille à l’Assemblée nationale pour répondre au problème de la vie chère. Il est profondément sous-évalué par le gouvernement trop attentif aux seuls riches. Il ne mesure peut-être pas la violence du choc que subit la population.

La France, à cette étape de son histoire, connaît de nouveau la faim et le froid… Comme cela n’avait sans doute pas été le cas depuis la fin de la guerre. Quand on cumule avec le délabrement généralisé des services publics, on a le sentiment d’avoir franchi un seuil. Dans nombre de familles, les enfants ne vont pas à la cantine parce que l’on n’a pas les moyens ! Certes les communes font des efforts, et il existe des filets de rattrapage. Mais tout a tellement empiré ! Les communes portent des charges de proximité de plus en plus lourdes et l’État s’est désengagé.

En quoi le blocage des prix vous semble-t-il la solution ?

Le blocage des prix est une mesure de sauvegarde. Lorsque je l’ai proposée en 2021, il s’agissait d’éviter la contagion d’un secteur à l’autre. Si des mesures avaient été prises à l’époque, notamment avec un prix plancher pour le pétrole, l’électricité ou le gaz, on n’en serait pas là. Je vous renvoie à ce que coûte un caddie de produits du quotidien pour comprendre la violence de ce à quoi les gens sont confrontés. Ils basculent dans les privations.

Ce qui permettrait aux gens de garder la tête hors de l’eau, c’est une augmentation des revenus, soit par le salaire, soit par les minima sociaux.

Il n’existe pas de solution miracle à part une plus juste répartition de la richesse produite qui alignerait les salaires. Nous avons proposé l’augmentation du smic à 1.600 €. Pourquoi Le Pen et Macron l’ont-ils refusé ?

Dans l’épreuve que vit le pays, l’heure du partage a sonné. La France dispose de moyens concrets pour faire face à la situation. Mais M. Macron les refuse parce que c’est contraire à son idéologie pro-riche.

Quels prix aimeriez-vous bloquer ? Les producteurs aussi ont besoin d’être rémunérés.

Je parle naturellement des produits de première nécessité, tant pour l’alimentation que pour le transport, car la mobilité est une obligation absolue pour des millions de gens dans notre pays.

Il n’est pas vrai qu’il y ait une obligation à ce que les producteurs soient, au final, ceux qui paieront la différence. Les distributeurs ont des marges de manœuvre conséquentes. On voit bien le mécanisme spéculatif.

Vous annoncez un dispositif pour reconquérir une France dite périphérique où LFI n’a pas réussi à s’implanter lors de la présidentielle. Qu’a-t-il manqué ?

Les résultats de LFI dans les zones rurales ne sont pas mauvais ! Il y a des zones ou le terrain doit être repris mais cela concerne aussi des circonscriptions urbaines. Je récuse l’idée qu’il y aurait eu une France des banlieues qui nous serait acquise et une France rurale qui ne le serait pas. Les gens y ont élu des députés qui ont pris leurs sièges à des députés LREM ou d’extrême droite comme en Creuse, Haute Vienne ou Aveyron. Mais le défi reste là. Toutes les personnes éloignées des métropoles sont dans une difficulté croissante parce que l’organisation du territoire concentre les dispositifs de première nécessité dans les métropoles. Il y a une refonte générale de l’organisation du pays à mener.

Vous semblez miser sur une dissolution de l’Assemblée, qu’en espérez-vous ?

Moi, je ne mise sur rien. C’est le président de la République qui a menacé de le faire. Nous avons répliqué : « Nous n’avons pas peur des élections ». Nous pensons que nous pouvons gagner au deuxième tour s’il y a de nouvelles élections.

Dans quels rôles voyez-vous Jean-Luc Mélenchon pour l’avenir ?

Celui que je tiens. Être présent, participer aux collectifs qui prennent des décisions. Ni plus ni moins. J’ai toujours dit que je reste un homme engagé politiquement. Ma position a changé car j’ai décidé de ne plus être candidat aux législatives mais cela ne change pas les conditions de mon engagement. Cela me met en retrait de l’Assemblée nationale, mais cela ne veut pas dire en retrait de l’action politique.

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