Le 21 janvier nous serons dans la rue derrière les dix organisations de jeunesse qui veulent combattre la réforme des retraites. Petit tour d’horizon politique avant cela.
On entre dans cette année nouvelle aussi lamentablement qu’on est sorti de la précédente. Je ne parle pas de ce que d’aucuns pourraient croire. Je parle de Macron. Le seul adversaire qui compte si l’on veut rester fidèle au mandat que nous ont donné les électeurs. Il ne s’est pas bonifié en congé, on peut le dire.
Après l’épisode stupéfiant de son comportement dans les tribunes du stade au Qatar, nous avons eu droit à un quart d’heure d’un laborieux discours de vœux. On aurait dit le couplet d’un Premier ministre le jour de son investiture, passant en revue toutes les attentes de son quartier (inclue celles du boulanger).
Comment chasser cette impression étrange qu’il n’est plus vraiment là ? Il abat la besogne. Mais la pense-t-il ? Après sa non-présidence de l’Union européenne pourtant annoncée à grand tapage, après sa non-campagne présidentielle gagnée par défaut et sa défaite aux législatives, le dernier trimestre s’est clos avec dix 49.3 et cette soirée de vœux ratée. Et comment comprendre ces lampions de fêtes à Matignon qui plonge sa cour dans des abimes d’amusements aussi frivoles que les rires de la Première ministre au banc de l’Assemblée quand elle écoute un opposant. On craint le pire : « puisqu’ils n’ont pas de retraite qu’ils partent plus longtemps en vacances » bredouillera un jour ou l’autre la nouvelle madame Véto dans son tee-shirt floqué 49.3.
Un quart d’heure de vœux donc. Après quoi, Mitterrand ou Chirac font désormais figure de froids laconiques. On n’en retient pourtant que deux choses. Le président ne savait pas que le changement climatique était en cours et annoncé depuis au moins 30 ans. Et sinon la retraite à 65 ans c’est maintenant, même si c’est sans raison. Des deux, le plus stupéfiant est le mot sur le climat.
Clairement, il n’est plus tout à fait dans son époque et cela depuis un moment puisque le changement climatique est non seulement annoncé mais constaté depuis trente ans (premier sommet de la Terre) et depuis au moins dix ans en France. Lui-même n’avait-il pas été dans la Vésubie constater les dégâts de l’épisode méditerranéen qui a dévasté le secteur ? Il ne savait donc pas de quoi il s’agissait ? Quant aux retraites, ce n’est pas le côté rabâchage de la rengaine qui étonne. Quand bien même les couplets sur le déséquilibre des comptes sont annoncés quand il y a pourtant trois milliards d’excédents. Non. Ce sont les mots « pour sauver le régime par répartition ». Il a donc oublié sa propre tentative de réforme pour instaurer la retraite à points qui était le contraire du régime par répartition ? Il veut donc sauver ce qu’il a lui-même voulu abroger ? Comment pourrait-on le croire ?
Ce dossier des retraites est le marqueur d’entrée de ce deuxième quinquennat. On ne peut pas dire qu’on n’était pas prévenu. D’ailleurs, ne m’étais-je pas chargé de le faire savoir sur tous les tons au fil de la campagne présidentielle ? Est-on dès lors illégitime à combattre ce projet puisque Macron a gagné ? Non, bien sûr. La démocratie ne donne jamais de mandat impératif en République. C’est constitutionnel.
En 1984, les opposants à la politique de nationalisation de l’enseignement privé ne se privèrent pas de s’y opposer dans la rue et jusqu’à leur victoire alors même que cette mesure était dans le programme commun victorieux de 1981 et adopté par la majorité parlementaire. Aujourd’hui, tous les syndicats de salariés, sans exception, condamnent le projet Macron et veulent le combattre. Donc le mouvement Insoumis appuie la démocratie sociale qui entre en action unie sur ce sujet. Nous appuierons à fond toutes les initiatives unitaires des syndicats, car ce sont eux qui ont en main le moyen d’action le plus efficace. C’est la grève générale qui frappe le point ultra-sensible du capital : le portefeuille.
C’est d’ailleurs la grande et bonne nouvelle sur le sujet. Les syndicats unis représentent une force que la macronie a tort de mépriser comme elle le fait. François Bayrou a proposé d’éviter la réforme en augmentant un peu les cotisations patronales pour les retraites. Un point. Pas plus. Macron a tort de mépriser toutes les propositions de celui qui l’a fait roi. Mais Macron est ailleurs. Son comportement est-il incompréhensible ? En partie. Mais pas tant que cela. Il veut un bras de fer politique s’achevant par une défaite du monde du travail et des syndicats. C’est la grande tradition des libéraux dans le monde.
Reagan faisant sortir les syndicalistes des tours de contrôle les chaines aux pieds. Thatcher tuait à petit feu les mineurs pendant un an de grève. Macron se trompe d’époque. Nous ne sommes plus dans les années 80. Ni même les années 90 de l’hégémonie idéologique du délire libéral. Nous sommes au contraire arrivés à la fin de ce cycle. À l’âge où le monde va tellement mal que le nom du responsable des dégâts est sur toutes les lèvres. C’est le régime économique libéral. Il épuise les êtres humains et la planète. C’est lui qui quart-mondise les états et tiers-mondise les populations sous toutes les latitudes. Il crée un chaos envahissant dans le fonctionnement de tout ce qui marchait bien, avant. Mais ne marche plus depuis l’arrivée de la concurrence et de la baisse des budgets publics.
Évidemment, des gens comme Macron se croient puérilement invincibles et tout-puissants. Mais ce qui couve n’est plus dans ses moyens. C’est le moment où le grand nombre se met en mouvement non pour des raisons idéologiques mais pour régler le problème concret de l’hôpital détruit, de l’école en ruine, de l’eau qui ne coule plus au robinet, de la vie tellement trop chère, du repas qu’il faut sauter et ainsi de suite. Une radicalité concrète court alors de tous côtés. C’est le plus ferme appui pour qui veut voir finir tout ce désordre. En région parisienne, la pagaille des transports sur la route et sous terre pousse à bout de nerfs des millions de gens. Des millions de gens dont la vie quotidienne est dévastée par le mépris dont ils se sentent accablés. On n’a jamais vu ça. Jamais.
Pour finir, la date de dépôt du projet devant le Conseil des ministres a encore reculé jusqu’au 23 janvier. Je doute que ce soit un détail sans signification. Le 21 janvier avec la marche contre la réforme des retraites s’ouvrira la phase de lutte directe et frontale sur le thème central du quinquennat. Je crois que cela peut aider puissamment les syndicats et les encourager à mobiliser les énergies dans les entreprises.