J’ai commencé dans mon discours de Florange à répliquer aux propositions ineptes de François Fillon en matière de formation professionnelle. Le journal Les Echos les avaient présentées le matin même. Je n’y reviens pas en détail puisqu’on peut retrouver toute mon argumentation avec la vidéo du meeting. Mais je rappelle que pour nous, l’enjeu est de taille. Il s’agit d’empêcher la liquidation définitive de l’enseignement professionnel public sous couvert de « régionalisation totale ». Derrière cette apparente question d’organisation des formations se joue la valeur nationale des diplômes et qualifications. Dans le cas où cela échapperait, rappelons que c’est là la garantie de la mobilité et de la liberté des travailleurs. Car une reconnaissance universelle des diplômes permet au salarié de changer d’entreprise et de garder son niveau de rémunération dans les conventions collectives.
Fillon a aussi parlé ce jour-là d’apprentissage, en fixant lors de son discours d’Oyonnax l’objectif de « passer à plus d’un million » d’apprentis. C’est un spécialiste de ce genre de promesses. Moins elles sont tenues et plus elles grossissent ! Quand il était le Premier ministre de Sarkozy, Fillon avait promis en 2007 de passer à 600 000 apprentis en 2010. Puis, l’objectif précédent n’étant pas encore atteint, il promettait en 2011 de passer à 800 000 apprentis à l’horizon 2015 ! Hollande, lui, avait promis le passage à 500 000 apprentis et une prime de 1000 euros à l’embauche. Rien à faire, ça ne marche pas. Il n’y a toujours aujourd’hui que 400 000 apprentis en France. Et que leur situation est souvent bien précaire ! Au point qu’entre un quart et un tiers de leurs contrats, selon le secteur où ils se trouvent, sont rompus avant le terme de leur formation. Donc sans qu’ils aient pu obtenir normalement leur diplôme. Les 660 000 jeunes aujourd’hui en lycée professionnel ont heureusement un accès moins chaotique et précaire à la qualification. Pourquoi dès lors vouloir envoyer tout le monde en apprentissage comme le propose de fait Fillon ?
D’autant que le sort que veut leur réserver l’ancien Premier ministre de Sarkozy risque d’augmenter encore leurs ruptures de contrat. Fillon propose en effet d’« aligner le droit du travail des apprentis sur celui des salariés ». C’est méconnaître que les apprentis sont en formation ! Ils doivent faire au moins 400 heures de formation par an en CFA, en plus des 1607 heures de travail annuel (à 35h). C’est énorme ! Et cela impose aux apprentis de rudes contraintes d’organisation. C’est pour cela que la loi encadre aujourd’hui le temps de travail des apprentis mineurs par rapport aux autres salariés. Leurs durées de travail sont garanties : 2 jours de repos consécutifs, 8h maximum de travail par jour (contre 10 pour les autres salariés), l’interdiction du travail de nuit (sauf dérogations), et l’interdiction du temps partiel.
El Khomri et Valls ont déjà essayé de faire sauter une partie de ses garanties, avant de renoncer devant la levée de bouclier des organisations de jeunesse, et en particulier de la JOC qui est une des rares organisations à représenter les apprentis. Si Fillon les fait toutes sauter, les abandons en cours de contrat d’apprentissage vont encore augmenter. Et puisqu’il s’agit d’aligner les apprentis sur le droit des autres salariés, Fillon compte-t-il aligner aussi leur rémunération ? Bien sûr il n’a rien dit de tel. Or, aujourd’hui, les apprentis sont payés entre 25 % et 78 % du SMIC en 1ère année de contrat, selon leur âge. Alors qu’ils travaillent à plein temps. Leur enlever le peu de garanties légales qui les protègent dans l’intérêt de leur formation reviendrait donc à recréer un SMIC jeunes à la Balladur !
Fillon ne fait ainsi que recycler les vieilles recettes de la droite. Celles qui n’ont pas marché depuis 20 ans. Alors qu’il serait temps d’essayer des solutions nouvelles proposées mais jamais appliquées : comme notre proposition d’allocation d’autonomie pour pérenniser et élever les parcours de formation des jeunes jusqu’au plus haut diplôme possible. Quant aux mineurs, ils seront couverts par l’allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. Ceux qui sont contraints aujourd’hui à l’apprentissage faute de place en lycée professionnel pourront enfin être accueillis dans un service public d’enseignement polytechnique redéployé sur tout le territoire. Et il permettrait enfin un parcours depuis le CAP jusqu’à l’enseignement supérieur !