De retour de congés, parfois bien longtemps après qu’on ait soi-même repris le travail, on continue de recevoir des cartes postales que les amis ou la parentèle vous ont adressées de loin. J’en raffole comme autant de petits moments de bonheur fossile. Puisque j’ai repris ma place devant ce clavier, c’est que j’ai « fait ma rentrée ». Ces premières lignes sont ma carte postale retardée. Ainsi va la vie. Je me suis reconstruit autant que j’ai pu pendant mes dix-huit jours de congés après dix-huit mois de campagne. À un moment j’ai cru être maudit : Macron est venu passer quelques jours à Marseille où je me croyais tranquillement retiré loin des feux de la meute. Heureusement la Gorgone est passé sans me voir. Il est vrai que je ne bougeais pas une oreille ! Entre autres, j’ai écrit ce texte sur l’insoumission comme « nouvel humanisme » pour me dégourdir les muscles du cerveau. J’écrivais sous l’ombre d’un chêne millénaire. Sa rude peau d’écorce noire me tirait les doigts et j’allais le caresser parfois entre deux paragraphes. La (re)lecture des Mémoires d’Hadrien, de marguerite Yourcenar, me faisait tout sentir en stoïcien romain.
Puis après les universités d’été la France insoumise je suis resté à Marseille. J’avais à y faire encore. Il me fallait prendre le temps d’aller voir le bout de ma circonscription. En effet, au-delà des îles du Frioul où j’ai recueilli 54 voix sur 150 électeurs inscrits, il y a encore un petit bout de terre, un ilot, hélas désormais inoccupé. C’est le phare du Planier. J’ai posé le pied sur ce rocher pour l’instant fermé à toute visite pour cause de réhabilitation des lieux. Puis j’ai fait mon bagage et j’ai pris mes quartiers pour trois jours dans ce moulin à eau, au bord de l’Aveyron, que j’affectionne tant. J’en suis un hôte régulier. C’est au point qu’un « journaliste » de la « presse locale » avait cru pouvoir « révéler » de façon impertinente, éthique, ragnagna et indépendante, que j’aurais menti sur ma déclaration de patrimoine en oubliant de signaler que j’en serai propriétaire. En pleine campagne présidentielle cela va de soi. Mais il n’en est rien. Je n’en suis pas le moins du monde propriétaire. Évidemment. Jamais l’énergumène ni son « journal » n’ont rectifié. Évidemment. Que l’eau passante emporte leur venin !
Dans le flux des ions positifs venus de la cascade et les fraîcheurs soudaines du soir qui tombe dans la vallée, j’ai goûté l’apaisement que produisent les choses immuables. Sur le cours de l’eau qui grisonne quand la nuit va monter, un héron passait en strict habit gris, le bec maquillé de jaune au coin des lèvres… Sinon, le jour, hélas, des pyrales du buis pendouillaient au bout de leur fil en se tortillant médiocrement. Le temps est venu pour elles de mourir à leur tour. En effet, elles ont détruit leur écosystème en dévorant tous les buis qui bordaient ici rivages, chemins et murets. Des buis centenaires sont désormais réduits à leur bois où s’accrochent des lambeaux de mousse pitoyables. Ce désastre griffe le coeur. Mais personne ne sait comment stopper l’invasion de cet insecte venu d’Asie. Alors ici ou là s’agitent des essaims de papillons de la pyrale comme si c’était la fête du printemps. Leurs ailes blanches sont bordées de noir comme un faire part de deuil.
On se promena, mangea et but raisonnablement avant de rentrer le pas lourd remettre le licol. Après qu’on m’ait enlevé chaussures, ceinture, souliers, montre et confisqué mes liquides divers (mais non c’est pas du zèle ! Un parlementaire qui cache une bombe dans ses chaussures, sa montre ou son bain de bouche ça existe !) j’ai pu monter dans la bétaillère ailée et retrouver Paris. Aussitôt je me jetais dans la fournaise. Depuis, la mobilisation contre le coup d’État social que sont les ordonnances détruisant le code du travail occupe tous mes instants. En fait dès le lundi qui a suivi la fin des universités d’été de la France insoumise à Marseille un terrible feu médiatique s’est déclenché contre nous. Mes amis ont fait face magnifiquement. J’ai fait ensuite de mon mieux, en dépit d’une hargne dans la violence et la mauvaise foi qui m’ont laissé pantois plus d’une fois !
Je me suis ainsi retrouvé plongé dans l’ambiance d’excès et de coups tordus médiatiques qui prévalait dans la dernière semaine avant le premier tour de l’élection présidentielle. Je pense que la dernière semaine avant la marche du 23 devrait être un bombardement médiatique de première grandeur selon la tradition dans ce genre de situation amplifié par la trouille que nous inspirons à la bonne société. Bah ! Prenons-le du bon côté ! C’est peut-être signe qu’une nouvelle fois nous ne sommes pas si loin du but qu’on pourrait le croire…