Il n’est pas vrai que le pays est acquis à son nouveau maître. Le tsunami d’abstention des partielles du week-end dernier en atteste. Sur le plan social, la mise en œuvre des coups bas désormais possible avec les ordonnances sur le code du travail commence à se traduire par de la prise de conscience populaire. Qu’une rupture conventionnelle collective se fasse ou pas, nombre de salariés du secteur privé ont désormais reçu le message de ce que cela signifie. Cela peut devenir de la conscience parce que nous avons résisté au Parlement et porté nos drapeaux dans la rue sur le sujet. Le souvenir assemble les faits. Alors ceux qui cherchent à se renseigner reçoivent désormais nos arguments. Le lien entre le travail institutionnel et la construction politique de masse peut avoir lieu.
Dans le même temps, la communication macronienne s’enlise dans son abondance. Les messages spectaculaires se succèdent. Combien impriment ? Peu. L’image se trace en pointillé d’un symbole fracassant à l’autre sans entrer dans ce qui devient du détail. C’est trop. On l’avait déjà vu sous l’ère Sarkozy où cette technique fut mise en œuvre pour la première fois. Du coup, chaque épisode se met en place sous la menace de son contexte immédiat. Ainsi quand sont annoncés à son de trompe les 2300 emplois sur cinq ans du sommet des riches à Versailles. Une heure plus tard Carrefour annonce 2400 suppressions immédiatement. Du coup, il ne reste que la pompe prétentieuse de la cérémonie des riches dans l’antre symbolique de l’ancien régime des privilèges. Puis ce fut Davos, ses logorrhées, le défilé des présidents faisant leur cour aux puissances de l’argent. Le discours libéral en anglais et les prétentions sociales en français, tout cela ajoute au sentiment d’un étalage d’hypocrisie et d’arrogance des puissants dans sa forme la plus caricaturale. Le « président des riches », le « moi-soleil » comme le titre le « Canard Enchainé », tout cela devient une évidence dans la conscience populaire.
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La semaine qui vient va montrer que la France ne sommeille pas en dépit de tous ceux, de tous bords, qui consacrent tant d’énergie à distribuer des calmants et à administrer un bashing permanent par crainte de voir les Insoumis en être l’expression politique. Peine perdue. Le mouvement, sur le terrain, dans la société et dans les institutions, est en expansion permanente. Une règle fonctionne enfin : les Insoumis sont présents dans les luttes et leurs députés sont appelés à la rescousse et pas seulement, loin de là, par les insoumis eux-mêmes qui se révèlent dans les combats concernés. Les cinq propositions de loi que le groupe insoumis défend à l’Assemblée le même jour ce premier février ont été travaillées pour mobiliser et concerter l’ensemble des secteurs associatifs concernés. Je n’entre pas dans les détails. On en trouve le récit sur les pages Facebook des chefs de file concernés et sur le site de la France insoumise.
J’évoque ici ce qui est dans le centre de l’attention. Je le fais pour illustrer ce que je veux dire en parlant d’expansion du mouvement par l’action, pari fondamental de l’idée à l’œuvre avec le concept de Mouvement. Mais dans le temps où tout ceci s’organise, s’ajoute un large panel d’autres initiatives d’envergure nationale en plus de tout ce qui se met en œuvre sur le terrain local. Ainsi avec la préparation de la votation citoyenne pour la sortie du nucléaire. Ou avec le cycle des ateliers législatifs. J’en parlerai bientôt. Pour l’heure je demande que l’on comprenne : quel que soit le point de vue sous lequel on se place, c’est l’action, le harcèlement du Château et de ses dispositifs qui est la seule opposition populaire possible. C’est elle qui construit le point d’appui sur lequel reposera l’étape suivante quand le nombre cristallisera son mécontentement. Rien d’autre n’a de sens concret.
Et d’autant plus que la plupart des partis de l’ancienne gauche sont entrés dans des procédures de congrès. Elles vont les nombriliser pour de longues semaines. Et partout cela commence fort mal dans les bruits de vaisselles brisées, les noms d’oiseau et même leurs sifflements comme on l’a vu au Conseil national de LR. À quoi s’ajoute, concernant les composantes de « la gauche », une impossible alchimie. En effet chacun d’entre eux se sent contraint de trouver un point d’équilibre interne entre ceux qui veulent traiter avec la réalité, c’est-à-dire avec notre centralité, et ceux qui s’obsèdent d’une conservation d’identité dont ils font une fin en soi. Mais sur un tel terrain, il n’y a pas de point central. Je veux dire que nous sommes inconciliables avec le vieux monde de la tambouille. Il faut donc choisir. L’équilibre n’est donc pas possible autrement que comme une « posture verbale ». Ceux qui la pratiqueront sont donc voués à un hors sol permanent. Une sorte de néant de l’existence publique. Car pour être visible, il faut être actif et avoir une cible claire. « L’équilibre » rend cela impossible. Au PS comme au PC, ces tendances existent en concurrence féroce les unes avec les autres. Les appareils se contenteraient volontiers de cet « équilibre » qui rassure les fractions intermédiaires de toute organisation. C’est évidemment la promesse d’une agressivité confirmée contre nous.
Ainsi, au PS, les tenants de « ni Macron ni Mélenchon » n’ont pas tardé à montrer leur jeu. Voilà donc un Le Foll déclarant « face à Le Pen, Wauquiez et Mélenchon il va falloir percuter et ça je sais faire ». Non seulement l’oubli de Macron dans cette liste est un silence parlant mais le rôle de percuteur annonce un outil bien peu sympathique. Au PC, la direction sortante en est là aussi. Tout en disant le contraire, « équilibre » oblige. Liée bruyamment à Tsípras dans le cadre du PGE (le parti de la gauche européenne), elle pose des actes d’hostilité à chaque étape, qui fonctionnent comme autant de clins d’œil aux PS en vue d’accord locaux. Elle s’est persuadé que ses gémissements unitaires non moins bruyant les masqueront aux yeux des communistes du terrain. Mais les communistes sur le terrain n’en sont pas dupes à ce que j’entends. Surtout après des exercices comme ceux du conseil régional d’Occitanie où pour rester dans l’alliance avec le PS, les élus PCF, main dans la main avec ceux d’EELV acceptent de supprimer les 35 heures du personnel régional. Ils ont pour cela décidé de former un nouveau groupe en excluant leurs alliés d’Ensemble et du PG. Une initiative venue des pires sectaires locaux que la direction nationale a dû faire semblant d’avoir organisé, « équilibre » exige.
Le moment n’est pas celui de l’équilibre. Après une période d’observation, la société entre progressivement en voie de latéralisation politique sous les coups de boutoir de l’offensive Macron. Et chez les gens ordinaires, on ne pense plus comme autrefois autour du gauche-droite habituel. Ce n’est plus en pensant au PS ou à LR qu’on se demande ce qu’il faut faire. Admettre cette réalité nouvelle n’est pas encore fait dans les appareils : ils vivent dans l’espoir que l’ancienne situation revienne. Au PS et au PC règne le « ni Macron, ni Mélenchon », à LR « ni Macron, ni Le Pen ». Deux façades sans fenêtre sur la vie réelle.