Comment ont-ils pu oser ça ! Avec la proposition de déchoir de la nationalité française les binationaux nés français, l’équipe Hollande-Valls a consommé sa propre déchéance morale. D’où vient cette idée ? C’est une mesure proposée d’abord par Jean-Marie Le Pen puis Nicolas Sarkozy. Qu’il s’agisse surtout de faire un nouveau coup de communication sur le dos des principes républicains les plus constants, n’est pas une excuse. Il ne peut pas y avoir deux sortes de Français au prétexte de quelques criminels. Il n’y a en aura jamais qu’une. C’est une question fondamentale dans la construction de la forme républicaine de la Nation.
Je me souviens de la levée de bouclier quand j’ai dit pour la première fois que Valls était « contaminé par Le FN ». C’était en août 2013. Juste après l’épisode sur les Rom « inassimilables » selon lui. Mais une fois de plus, il est prouvé que les principes d’action forment un tout. Quand on tire un fil, tout le tricot peut se défaire. Si les Rom sont « inassimilables » alors certains Français peuvent ne pas l’être non plus. Car quelque part existerait une essence de la nationalité antérieure et supérieure à sa réalité administrative et concrète. Si l’on peut enlever sa nationalité à quelqu’un qui l’avait trouvée dans son berceau, on crée en même temps une autre catégorie à qui on ne peut jamais l’enlever.
Valls et Hollande viennent de valider qu’il existe non seulement des « Français de souche » mais aussi des « étrangers de souche ». Soyez maudits ! Mes ancêtres maternels, Français par choix anti fasciste, haïssaient Pétain parce qu’il prétendait retirer leur nationalité aux « Français de papier ». Mais du moins Pétain avait-il mis une limite dans le temps depuis l’acquisition de la nationalité. Pas Valls et Hollande. Pour eux, tout double national est suspect à vie et pour toutes les générations ! Car la nationalité française trouvée en naissant peut s’accompagner, des générations durant, d’une autre dont vous n’avez pas décidé. J’ai déjà dit qu’on nait marocain, par exemple, si l’un de ses parents l’est, et ainsi de suite en remontant et en descendant le temps aussi longtemps qu’on n’a pas été renié, à ses risques et périls, cette nationalité !
Naturellement, il existe des doubles nationaux par choix. Ils ont demandé leur deuxième nationalité. Certains servent même au titre du service militaire dans une armée étrangère. C’est autrement plus engageant que le soupçon répandu sur des millions de personnes par la proposition de Valls et Hollande ! Pourtant, la France républicaine s’est toujours interdit de distinguer entre les siens. A l’exception de ceux qui ont acquis à leur demande personnelle la nationalité et dans la limite extrême de quinze ans après l’obtention, personne ne peut être déchu de la nationalité française. Cela postule que le peuple, la communauté légale, source de la loi est, comme elle, un et indivisible. Il n’y a qu’un seul peuple français où tous sont égaux entre eux, libres et fraternels. Le mot fraternel s’applique dans son acception la plus moderne : les demis-frères et sœurs sont considérés comme frères et sœurs en toutes circonstances.
En introduisant ce principe dans la Constitution, Valls et Hollande débouclent la possibilité dans le futur d’étendre à d’autres circonstances la déchéance de la nationalité. Il n’y aura plus d’objection constitutionnelle demain si quelqu’un propose la déchéance de ceux qui servent dans une armée étrangère comme je l’ai rappelé. Ou de l’étendre à d’autres circonstances, d’autres délits. La boite de Pandore sera ouverte. C’est de la folie !
Avec cette décision, il s’agit de flatter l’opinion la plus bornée. Il est pourtant facile de comprendre qu’un binational criminel terroriste ne doit pas être expulsé ou réclamable par un pays tiers quand il est pris et condamné pour terrorisme en France. Il doit être au contraire gardé et surveillé dans nos prisons. Penser que cette mesure dissuaderait quelqu’un prêt à se faire sauter lui-même avec une ceinture d’explosif est ridicule.
Je pense avec émotion à la tristesse et à l’angoisse de tous ceux que cette mesure montre du doigt comme des suspects potentiels. Je pense à la consternation des socialistes à la base qui savent que cela est proposé en leur nom. Je pense avec amertume à ce que ces gens font de notre pays et aux débordements et surenchères que cette initiative va permettre dans l’avenir. Je compte sur les parlementaires de tous bords, de droite comme de gauche, pour refuser leur voix à cet attentat contre l’identité républicaine de notre patrie. J’adjure qu’on entende la voix de l’honneur blessé de tous ceux pour qui la France est davantage qu’une identité administrative mais une passion choisie et assumée, parfois de génération en génération, quand bien même un ancêtre proche ou lointain n’aurait pas eu le bonheur de partager cette adhésion.