coulisses-campagne

13.09.2016

Coulisses de campagne

On peut dire que notre rentrée politique est un succès. Honneur à l’équipe des bénévoles qui ont assuré une impeccable tenue de route dans la mise au point et la mise en œuvre du plan de marche. Après la conclusion de la caravane d’été des insoumis à Bègles, le pique-nique de Toulouse fut une belle réussite à tout point de vue. L’enchaînement avec la participation à la fête de l’Huma en dépit de toutes les embûches, l’épisode de l’interview dans Gala sur la sortie des protéines carnées et le moment réussi de l’émission « On n’est pas couché » ont formé une séquence bien heureuse. Le prochain rendez-vous du mouvement est connu : c’est la convention de la France insoumise qui aura lieu à Lille les 15 et 16 octobre. Ce sera un moment important pour faire finaliser la première grande étape de notre programme et pour le transmettre, en quelque sorte, à l’ensemble des citoyens. J’y reviendrai de façon particulière car ce sujet nous mobilise depuis bientôt sept mois et il a mis au travail beaucoup de monde.

« On n’est pas couché » portait bien son nom ce soir-là. Vu de mon côté, en tant qu’individu observant autant que participant, le moment marquant (parce que totalement inhabituel) de cette séquence fut l’enregistrement de cette émission. Je ne dis rien de son contenu ni de ceux qui s’y trouvaient puisque j’en étais. J’en parle ici comme observateur d’un évènement qui se déroulait sous mes yeux. C’est une situation passionnante d’observer une équipe de professionnels au moment où elle joue de gros enjeux. Pour eux, c’était une première que cette émission à diffuser en début de soirée et à rediffuser le dimanche après-midi. Tout y était à inventer. Le public prévisible à vingt heures cinquante n’est pas le même que celui habituellement réuni vers onze heures du soir et jusqu’à une heure du matin. La rediffusion  du dimanche après-midi lance d’autres défis encore car c’est encore un autre public qui arrive.Sous cette pression, une foule de professionnels sont sur le pied de guerre en coulisse et sur le plateau.  On essuie les plâtres.

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L’enregistrement dura cinq heures. Vous avez bien lu. Une première dans ma vie militante que cette interview à…. 1 heure du matin. Merci à l’agressivité de Vanessa Burggraf qui me tint en alerte, tandis que les yeux me piquaient de la sueur et du maquillage qui avaient dégouliné sous mes lunettes. Sans oublier la séquence jubilatoire « Donnez un chiffre ! Donnez un chiffre » sans qu’on sache un chiffre de quoi. Avec cette répartie d’anthologie : « mais monsieur Mélenchon les chiffres précis c’est très important il y a déjà deux mille cent mille milliards de dette ». J’ai déjà raconté comment je crus rejouer une scène déjà bien connue. Peut-être qu’un jour j’accèderai de cette façon à un retour aux « tontons flingueurs »  à propos d’une gnole à la pomme : «  de la pomme y en a » ! Ce soir-là il y en avait aussi c’est certain !

Mais le plus impressionnant de toute cette situation, le plus scotchant c’est évidemment le comportement absolument inaltérable de Laurent Ruquier, pendant cinq heures, dans le rôle de chef d’orchestre. Alors qu’il n’a pas eu davantage que la pause de cinq minutes concédée à tous vers minuit, pas un décrochage d’attention, toujours à la pointe sur le contenu de ses fiches, et ayant visiblement lu et vu tout ce dont il parlait, d’humeur joyeuse égale, enfin d’une courtoisie constante avec chacun. Comment fait-il ? Vous me direz : et les autres ? Car comment tiennent sans faille ceux (celles) qui s’occupent du son, de la lumière, du maquillage, de la sécurité que sais-je encore ! Et, bien sûr, celles (ceux) qui assurent la réalisation et toutes ces parties du travail qui donnent ensuite le produit fini. À ce moment-là on touche bien du doigt combien une émission de divertissement de ce type, à cheval sur la détente et la réflexion suggérée aux spectateurs est un travail très complexe, riches d’un nombre incroyable de contributions professionnelles très hautement qualifiées.

En sortant j’ai demandé à ceux qui décâblaient le plateau s’ils étaient payés en heures sup. C’était le cas. Peut-être tout cela m’est-il revenu à l’esprit parce que se trouvait sur le plateau un de mes (rares) anciens élèves du lycée national du bois à Mouchard dans le Jura, Pierre Cotton, et que cela me replongea dans l’ambiance qui était la mienne pendant ces années de jeune professeur en lycée technique, puis de ministre de l’enseignement professionnel. En rentrant – si tard – chez moi après l’émission tandis que l’adrénaline retombait dans mes veines, je me promis de reprendre mon livre L’Ecole globale, publié en 2001, pour en tirer quelque chose de publiable de nouveau. Je me demande quand j’aurai le temps de reprendre ça sérieusement.

À la fête de l’Humanité, je marchais en terrain miné. Le site de Paris Match a raconté comment, dans la semaine, le stand du PG avait été vandalisé à deux reprises. Nous savions parfaitement qu’il s’agissait d’éléments isolés nullement représentatifs. Mais leur audace et leur sentiment d’impunité nous faisait réfléchir. Leurs actes sont à nos yeux les produits d’une ambiance, et nous devions en tenir compte. Le jour même de ma présence annoncée à la fête et la veille, des dirigeants communistes avaient repris sur les ondes la campagne si personnalisée qu’ils mènent contre moi depuis sept mois sans relâche. Sa caractéristique est de n’avoir aucun contenu politique. Elle finit donc par n’être qu’une façon de chauffer à blanc les passions malsaines et les pulsions violentes. Ainsi d’André Chassaigne sur le thème si finaud « on ne va pas aller manger le quinoa dans la main de Mélenchon ». Et Olivier Dartigolles inventant une nouvelle polémique sur le thème « il ne veut pas nous rencontrer ». J’en passe.

En tous cas l’équipe de la fête a jugé la situation assez préoccupante pour transférer ma traditionnelle tente de repos et d’accueil vers un lieu mieux protégé qu’à l’accoutumée, vers le poste de police et celui de coordination technique. Je renonçais à ma nuit dans le camping-car sur les conseils de notre propre équipe de sécurité. Enfin on décida de réduire ma présence sur place au seul samedi et de ne prévoir aucun de ces déplacements dans les stands que j’aime pourtant tellement faire depuis onze ans que je le pratique sur place. Bref : on craignait un incident, devinant combien d’énergumènes politiques et médiatiques s’en régaleraient, et combien il nuirait à l’image des communistes autant qu’à la mienne. Le moment de vérité c’était évidemment le passage à l’Agora du journal L’Humanité pour une interview publique. On déploya pour le trajet d’amples mesures de précautions dans une ambiance que je jugeais bien trop tendue et pesante mais dont je comprenais trop bien l’utilité.

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Sur place, je fus fraternellement accueilli par Patrick Le Hyaric et Patrick Apel-Muller directeur et rédac chef de L’Humanité. Puis, une fois monté sur la scène, ce fut un moment magique. L’accueil fut tout simplement extraordinaire et me fit oublier en vingt secondes les vingt heures de tergiversations et palabres de toutes sortes pendant lesquelles beaucoup des miens écœurés s’étaient même interrogés sur l’utilité de ma présence à La Courneuve. Le soir venu, j’offrais donc un petit pot amical dans le petit espace de ma tente ! Marie-George Buffet et Brigitte Dionnet qui m’avaient déjà accueilli le matin à mon arrivée y vinrent, comme le maire de la Courneuve, et bien d’autres élus communistes. D’ailleurs dans la nuit précédente étaient arrivés plusieurs parrainages communistes s’ajoutant aux trente-cinq communistes déjà signataires. Et le midi, j’avais reçu pour un entretien Le Patriote, journal communiste de l’Ariège, et L’Echo du centre.

Pierre Laurent vint à mon invitation avec Isabelle de Almeida. Ce qui nous vaut une photo bien ballots tous deux mains jointes mais ce n’était pas pour autre chose que pour tenir notre verre de rouge du Jura. Pour moi une « rencontre » au sens officiel traditionnel n’avait aucun sens dans une période où la direction communiste entretient une confusion irrespirable entre ma candidature et celles des personnes engagées dans les primaires d’autres partis. Aussi bien, quel sens aurait-elle aussi longtemps que les communistes n’ont pas engagé leur procédure interne de choix de candidature qui commencera le 5 novembre prochain jusqu’au début décembre ? Surtout quand le choix hostile des dirigeants m’est connu d’avance. Néanmoins il n’était pas question pour moi de contribuer à l’atmosphère personnelle déplorable qui a été délibérément  créée. Mon invitation sans prétention à lever le verre ensemble visait donc à ne pas donner prise davantage aux vilenies en cours. Je sais tout ce que cette sorte de diplomatie a de dérisoire. Mais il faut y sacrifier.

J’avais cependant une grosse amertume. En 2011, après un mois et demi de négociations, du 18 juin, jour du vote des communistes, au 12 août, nous avions bouclé le programme L’Humain d’abord. Et la Fête de l’Huma avait été le moment de lancement de la campagne sur la scène centrale où je me trouvais, tenant à la main un exemplaire du programme tout frais imprimé et tout juste livré. À présent, nous avons perdu beaucoup de temps. Et le temps perdu ne se rattrape guère comme dit la chanson. Nous avons aussi perdu une belle occasion de donner à la Fête une application politique concrète aidant la campagne engagée maintenant depuis sept mois. Mais du moment qu’une pause dans les attaques personnelles est observée, fusse le temps d’un modeste pot à la fête c’est déjà ça de gagné.

Les pauvres ! J’ai dit à Toulouse dans mon discours de pique-nique « il faut que quelqu’un parle des pauvres dans cette campagne présidentielle ». J’ai donc commencé dans mon discours à la Fête de l’Humanité. Une fois de plus le stand du Parti de gauche qui m’avait invité était trop petit pour accueillir tous ceux qui voulaient m’écouter et on déborda joyeusement et largement dans l’allée. Une situation bien inconfortable, il faut le dire, car cette année nous nous trouvions en face d’un stand d’auto-tamponneuses et derrière la petite scène des concerts. J’avoue qu’entre le vacarme et la chaleur de fournaise sous ce chapiteau, j’eus bien du mal à ne pas perdre le fil de mon discours. Mais cela va donner des photos comme les adorent les médias, ruisselant de sueur et la voix forcée. Qui n’a déjà vu depuis un an celle où, avec la barbe et levé à six heures du matin pour une rencontre avec Varoufakis, j’ai l’air engageant d’un « SDF à la recherche d’un abri » comme le note la fachosphère qui s’en régale.

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Mes camarades du Parti de Gauche avaient tout calculé et organisé avec efficacité comme d’habitude, main dans la main avec l’équipe de campagne. Pourtant, la chaîne BFM qui avait prévu de me retransmettre interrompit sa diffusion essayant à sept reprises de rétablir le contact si bizarrement perdu, disait-elle. Madame Le Pen, diffusée quelques jours auparavant, n’avait pas eu à souffrir des mêmes difficultés techniques. Ceci dit, ce discours sur la pauvreté a été prononcé. Et la bonne surprise ce fut d’entendre le lendemain Manuel Valls dire que sans doute la question de la pauvreté serait celle qu’il faudrait traiter dorénavant. Un après l’autre nous parviendrons à faire entrer dans le débat public nos thèmes là où les autres rêveraient de ne parler que de religion et d’identité.

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