Noël est un mensonge. Certes, le père Noël existe. Mais en 1951 l’évêque de Dijon l’a fait brûler en effigie sur le parvis de sa cathédrale pour protester contre la paganisation de la « sainte fête de la nativité ». Ca ne s’invente pas. Etre brûlé par l'église ça vous place en bonne compagnie dans la notoriété. Sarkozy devrait nous refaire ça, rien que pour illustrer le flot de sottises a-républicaines empuanties de bigoteries, qu’il est allé débiter aux genoux du pape. Face aux « pertes de repères » dont il parle en connaisseur, rien de tel qu’un petit bûcher éducatif. Car depuis le bûcher sans suite de Dijon on ne sait plus ce qu’on fête à Noël. On est en perte de repères non? Peut-être faut-il se résigner à n'y voir qu'une distribution -gratuite de cadeaux en famille. Au lieu de travailler plus pour gagner plus? Alors c’est un mensonge sympathique et bienfaisant. Des qualités très rares en matière de mensonges.
J’ai collaboré. J’ai été un Père Noël convaincant pour mes frères et sœurs quand ils étaient petits, avec barbe blanche et ainsi de suite. Puis ils ont pris la relève pour la génération suivante. Le temps passant, la cause me paru de plus en plus confuse… Amateur d’histoires venues du temps profond, je sais d’où sort tout cela. Des mythes solaires aux saturnales romaines, le moins qu’on puisse dire c’est que le gros barbus à rouge trogne est l’héritier d’une tradition des moins souriantes. Tous ses prédécesseurs étaient des personnages ambivalents et même franchement inquiétants. Depuis, Dysneyland est intervenu. Et Noël dégouline de bons sentiments. Tant mieux. Même la politique en est transfigurée. Le monde politique pullule de clone de Peter Pan qui resteront adolescents toute leur vie. L’épisode Nicolas et Carla le confirme, sur site. Et nous, à gauche? Si nous devions nous aussi avoir une idylle essentielle à exhiber, je suggère que cela se fasse sous la forme d'une promenade sentimentale, mais studieuse, au Muséum d'histoire naturelle, dans la Galerie de l’évolution. Rien que pour se dire : « tout ça pour ça !». Ainsi l'effort du mollusque primal pour produire l'homo erectus pipolus serait mis dans sa perspective historique longue. Cette note est consacrée aux mensonges récents que j’ai rencontrés en politique dans les quinze derniers jours. Pas les mensonges de première classe avec article du Canard enchainé et tout ça. Ni les mensonges devenant des vérités parce que Nicolas Sarkozy les a prononcé dans un des ses trois discours fondateurs quotidiens. Ni les mensonges répétés en boucle d'un média indépendant et ethique a l'autre. Non les mensonges mesquins et presque minables de l’ordinaire du spectacle politique. En ce moment on ment beaucoup à droite. Pas le mensonge par euphémisation, ni celui plus sournois par omission. Non le gros mensonge avec des grosses joues rouges et un pif de pochetron.Noël ou pas je règle mes comptes en retard. Pas d’ardoises qui trainent en vue de la nouvelle année.
Mensonge de bonimenteur
Voici le mensonge du bonimenteur. Très couru ces temps-ci. Il s’agit d’avancer une énormité en comptant sur l’ignorance de ceux qui l’entendent et la prennent donc pour argent comptant. Un bon boniment doit être simple. Mais surtout il doit être médiatiquement efficace. Le journaliste gogol moyen doit être convaincu par le ton d’évidence et effrayé par la réaction d’écœurement de ceux qui répliquent. De plus le bon boniment doit porter sur un terrain technique ou le moindre démenti nécessite de précieuses minutes d’explications. Naturellement ces précieuses minutes ne sont jamais disponibles…Exemple ! Je connais Roger Karoutchi, secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement. J’ai fait des débats contradictoires avec lui ici où là, avant qu’il soit ministre. Un type agréable. Evidemment il est plutôt retors. Je le trouve dans le style de Charles Pasqua. Jusque dans les mimiques. Genre : je suis un débonnaire qui étrangle des petits oiseaux pour tuer le temps.. Ca n’en fait pas un cas spécial. A cette altitude du pouvoir il n’y a plus de pâquerettes. Moi-même je ne revendique pas le titre. Donc ce 13 décembre au Sénat, je le vois se lever du banc du gouvernement pour répondre au sénateur communiste Guy Fischer qui l’a interpellé sur le traité européen tout juste signé à Lisbonne. Je suis gourmand d’entendre comment il va retourner la balle, selon l’usage. Va-t-il trouver du neuf pour argumenter contre le recours au référendum, ou bien va-t-il nous servir le refrain sans surprise « Nicolas Sarkozy avait prévenu que ce serait par la voie parlementaire ». Il choisit le refrain. Bon. Ca ne vaudrait pas la peine d’en parler. Mais il cherche ensuite à allonger le coup qu’il pense avoir porté. L’air patelin mais choqué, il feint de s’étonner : comment comprendre qu’un parlementaire trouve le vote d’un parlement insuffisamment légitime ? Evidemment la droite sénatoriale se rengorge bruyamment. Des interjections fusent qui montrent l’attachement au respect du parlement de cette armée d’hypocrites. Ce n’est pas « les cocos à Moscou » parce que c’est la séance retransmise par la télévision. Mais pas loin. Ils en seront vite punis. Sans le savoir.
Il paye la tournée
Emporté par ce succès, Karoutchi croit habile d’achever sa péroraison par une tirade inspirée. Comment un parlementaire peut-il être opposé à un aussi magnifique traité ? En effet: « Nous sommes en présence d'un traité qui renforce considérablement les pouvoirs des parlements nationaux dans le contrôle des décisions prises par la Commission européenne. ». Là, c’est le trait de trop. Karoutchi se moque de nous. Il ment et la bande de benêts qui l’applaudit ne le sait pas. Ils ne savent rien. Ils croient ce qu’on leur dit. De toute façon, taper un communiste c’est toujours bon pour un sénateur de droite. Peu importe que ce que dit ce communiste et peu importe le choix de l’argument contre lui. Il aurait dit « patron c’est ma tournée » que ça ne se serait pas mieux passé. Tous farauds, ces messieurs congratulent leur ministre cloueur de bec coco. De mon banc je suis consterné et ceux qui ont travaillé le texte du nouveau traité, à droite comme à gauche restent bouche bée devant cette audace. Car qu’en est-il de cette avancée considérable des pouvoirs des parlements nationaux ? Dérisoire ! Les parlements nationaux ne pourront en aucun cas s’opposer au fond d’un acte européen. Ils ne peuvent intervenir qu’en cas de manquement au principe de subsidiarité. C'est-à-dire lorsqu’ils estiment que la question traitée n’est pas du domaine de compétence de l’Union tel qu’il est établi par le traité. (Article 7 du protocole n°2 du traité de Lisbonne). Et encore, la seule chose qu’ils peuvent obtenir est un réexamen de l’acte contesté. Et comme si cette restriction ne suffisait pas en voici une dernière : la plainte n’est recevable que si le tiers des parlements nationaux se prononcent dans le même sens (c'est-à-dire les parlements d’au moins 9 pays !). Tout ça, neuf parlements nationaux délibérant sur un même objet pour obtenir un simple « réexamen » ! Mais, direz vous, éternels prêts au compromis persuadé que tout le monde est de bonne foi « ne soyez pas extrémiste monsieur Mélenchon, c’est mieux que rien ». Mais alors qu’est ce que « rien » ? A quel niveau de foutage de gueule placez-vous le curseur à la case : « rien
». Car au cas précis, que se passe-t-il lorsque neuf parlements nationaux ont délibéré et qu’ils ont présenté à « not’ bon maître » la Commission européenne leur humble requête ? Lisez bien ce qui suit : la Commission reste entièrement libre de changer ou de garder en l’état l’acte contesté . Voici le texte exact: « la Commission peut décider, soit de maintenir le projet, soit de le modifier, soit de le retirer » (Extrait article 7 protocole n°2). Alors ? Heureux ? Voilà la « considérable » avancée des pouvoirs des parlements nationaux annoncée par monsieur Karoutchi devant le Sénat, aux applaudissements de la droite et dans le silence respectueux des médias présents. Un ministre raconte un bobard devant une assemblée à propos du pouvoir du parlement: tout le monde s’en fout. Mais, bien sûr, il faudra songer à revaloriser le rôle du parlement. Des avancées considérables sont attendues ! Dans le couloir j’essaie d’expliquer à un journaliste/caméraman/preneur de son/monteur, éthique et indépendant, l’ampleur du bobard. « Oui, oui, me dit-il, c’est surement juste mais autre chose me frappe en ce moment » « Quoi ? » m’inquiétais-je. «Comment expliquez-vous que la campagne du non ait tellement de mal à démarrer ? Pourquoi est-ce que tant de partisans du non au PS sont devenus partisans du oui? Vous accepteriez de dire un mot de cette difficulté ? » Je renonce ici au récit de ma réponse à ce tas de sottises et de mauvaise foi manipulatrices. Je rapporte juste la conclusion indignée de l’éthique-indépendant. « Monsieur Mélenchon, c’est un peu facile de dire : c’est faute aux médias. De toute façon on n’est pas là pour vous servir la soupe et ça vous ne pouvez pas l’admettre. Et puis votre agressivité montre bien où vous en êtes les partisans du « non » au traité simplifié, mais vous préférez parler d’autre chose ». Amen.
Le mensonge de diversion
Autre figure excitante, le mensonge de diversion. Répondre quelque chose de surprenant qui sidère l’adversaire et le met assez mal à l’aise pour rendre le muet quelques secondes. Le temps que l’attention se porte sur autre chose et que le point soit marqué médiatiquement par l’absence de répartie. J’ai vu pratiqué la méthode dans le débat au Sénat sur le « service minimum ». Le ministre me lance « mais monsieur Mélenchon, l’obligation de retenir le paiement des jours de grève est dans le code du travail depuis 1982 et ce sont vos amis qui l’y ont mis ! » Couic ! Je ne sais que répliquer. Fort à propos arrive la pause repas. Par principe je ne laisse jamais sans réponse quelque chose à propos des gouvernements de gauche. Je cours donc téléphoner à un connaisseur quasi incollable : le député socialiste Alain Vidalies. Il a vite fait de m’expliquer que la date de 1982 est la date de réécriture de ce passage du code qui prévoyait avant cela que pour une heure de grève on perdait la journée de travail. La rédaction retirait cette disposition. C’était une amélioration pour les travailleurs et non l’inverse comme le ministre voulait le faire croire.
Le ministre Darcos vient de procéder à l’identique en utilisant mon action de ministre de l’enseignement professionnel pour se justifier. A une question posée à l’assemblée pendant la séance télévisée consacrée aux questions au gouvernement Xavier Darcos est interpellé sur sa décision de faire passer les bacs pro en trois ans au lieu de quatre. Le ministre répond de manière peu convaincante avec ses arguments rabâchés d’une réponse à l’autre sur ce sujet. Puis il lâche un fumigène final : « de toute façon c’est Mélenchon qui avait commencé ça quand il était ministre de l’enseignement professionnel. » ollé ! Rires des uns, sidérations des autres, le point médiatique est marqué. On passe à autre chose. Seule la député socialiste Delphine Batho prend le temps de m’appeler pour me prévenir de cet échange. Tous les autres s’en fiche. Pas seulement parce que c’est l’enseignement professionnel, pas seulement parce que c’est moi, pas seulement parce que c’est Darcos, mais tout simplement parce qu'on est passé à autre chose. Toute l’astuce de ce genre de fumigène est de savoir les lancer en fin de parcours avec une intensité raisonnable pour que l’on puisse ensuite passer a autre chose et que la presse éthique et indépendante fasse proprement le travail de passer « sans transition » à autre chose, forme contemporaine de l’escamotage. Heureusement : j’ai mon blog. Mes lecteurs seront avantagés : ils lisent ce blog et donc ils sauront à la fin du paragraphe suivant en quoi consiste le mensonge de Xavier Darcos devant l’assemblée des députés à propos de l’enseignement professionnel. Si ça avait été à propos de l’enseignement général et des lycées de centre ville, si ca avait été pour faire passer le bac général à Henri IV en deux ans au lieu de trois je vous jure que ça serait déjà dans le journal !
Quatre ou trois ?
Aujourd’hui on passe le bac professionnel en quatre ans. C’est bien pourquoi j’ai toujours ricané quand j’entends parler « d’études courtes » à propos de cet ordre d’enseignement. Xavier DARCOS, le ministre de l’éducation nationale a décidé la généralisation du passage de ce bac professionnel en trois ans. L’objectif affiché est bien pensant. On parle d’en faire « un bac comme les autres », de le « valoriser » et d’en faciliter l’accès. Autant de poncifs verbeux qui attestent seulement de l’ignorance de ceux qui les utilisent. En effet, le « bac pro » est déjà un bac « comme les autres » dans l’échelle des grades universitaires. Surtout il est côté dans les conventions collectives ce qui n’est le cas d’aucun autre bac. Quand à en faciliter l’accès, c’est sur il y a du pain sur la planche. Sur 200 000 jeunes qui sortent chaque année en moyenne de BEP, on n’arrive aujourd’hui à en amener que la moitié au bac pro. Mais rien ne prouve que la réduction du temps de formation soit la bonne méthode pour y parvenir. Au contraire. La preuve en est qu’un grand nombre de jeunes n’arrive pas aujourd’hui à passer ce diplôme en 4 ans ! Sur les 90 000 jeunes qui arrivent au bac pro chaque année, plus de 11 000, soit près de 15 % de l’effectif, mettent 5 ans pour y arriver. Ils auront encore plus de mal avec un cursus en trois ans ! L’autre risque évident est de réduire le contenu de la formation au détriment de la qualification durable du jeune. En effet,Le contenu des programmes restant inchangé, les enseignants devront traiter en 3 ans ce que l’on traite aujourd’hui en 4 ou 5 ans. Cela va nécessairement conduire à rogner sur une partie de la formation. Soit sur les parties générales et transversales, ce qui se fera au détriment de la capacité d’adaptation et de reconversion du jeune. Soit sur les parties professionnelles, ce qui se fera au détriment de la capacité d’insertion du jeune.
Bercy et l'UIMM en croisade
« Mais alors monsieur Mélenchon pourquoi avez-vous permis vous-même les bacs en trois ans ? » Je ne l’ai pas permis. J’ai accepté que cela soit fait dans le cas particulier des élèves qui s’en sentiraient capables.. Bref c’était une mesure d’individualisation du parcours scolaire et de plus à titre expérimental. Il n’était aucunement question de le généraliser. D’autant moins que la décision intervint comme un compromis entre Jack Lang, alors ministre de l’Education Nationale et moi. Jack Lang voulait qu’on entende l’argument de ceux qui plaidaient pour homogénéiser la durée de tous les bacs Et moi je savais quels lobbies étaient à l’œuvre. D’abord le lobby de Bercy. Une année de cours de moins ce sont des millions économisés par l’Etat. Cette discussion à propos des économies à faire dans l'enseignement professionnel a lieu depuis 1983.. Je le sais parce qu’un des conseillers de l’Elysée de l’époque me l’a raconté. La question avait été posée de tout passer à l’apprentissage. C’est Chevènement et Caraz qui obtinrent gain de cause. On renforça le dispositif plutôt que de l’abandonner au privé : le bac professionnel fut crée par le gouvernement Fabius. Mais tout le monde savait que ce plan avait existé. Vingt quatre ans après il s’applique.. Premier temps : vider les lycées professionnelsde toutes les façons possibles. Deuxièmement fermer le plus grand nombre d’établissements. En ce moment des records sont battus dans ces domaines. L’enseignement professionnel est touché comme le reste du second degré par les suppressions de poste :30 000 pour le second degré depuis 2002 auxquels s’ajoutent 11 200 nouvelles suppressions pour 2008. Pourtant il ne connaît pas du tout la baisse démographique invoquée par le gouvernement pour supprimer massivement des postes. Alors que les effectifs des collèges ont effectivement décru de 170 000 depuis 2002, ceux des lycées professionnels ont cru de plus de 20 000 depuis 2002, l’enseignement professionnel ayant même atteint en 2005 le plus haut niveau d’effectifs accueillis depuis plus de 10 ans (avec 723 000 élèves). Pourtant c’est l’hécatombe. Depuis 2002, 53 lycées professionnels ont été fermés. Pour la seule année 2006-2007, le ministère a fermé 7 lycées pro et des centaines de sections ont été supprimées dans les lycées qui restent ouverts. Ce ne serait pas assez encore. Le développement du cursus en trois ans est donc chaudement recommandé par « l’audit de performance » de l’enseignement professionnel réalisé en décembre 2006 sous la houlette de l’Inspection générale des finances. Cet audit annonce viser une économie entre 7 000 et 8 500 emplois dans l’enseignement professionnel. C’est un chiffre considérable égal à 15 % des moyens existants aujourd’hui ! Les petits génies des comptes publics qui ont déniché cette source d’économie ont de puissants sponsors. En effet l’UIMM et ses moyens de « fluidifier les relations sociales » dans le sens des ses intérêts sont en action depuis des années. Pour l’UIMM c’est le fromage qui sent bon. L’Etat se chargerait de certifier les connaissances générales et le patronat prendrait en charge l’enseignement des « compétences » sur le tas. Moyennant finances, bien sur. C’est le modèle anglo saxon. Une sorte de moyen âge « moderne » qui méconnaît absolument les besoins de haute qualification d’une économie contemporaine où la séparation entre le manuel et l’intellectuel est des plus floues et les besoins de qualifications de plus en plus exigeants !
La vérité est autre
Les évaluations officielles de ces expérimentations par l’Inspection générale de l’Education nationale m’ont donné largement raison. Voici des extraits des conclusions de son rapport paru en 2005 : « Si le bac professionnel en trois ans constitue une première réponse à la flexibilité des parcours, ce dispositif n’y répond que partiellement et de manière trop rigide. En effet, il est nécessaire de donner une réponse adaptée à la diversité des publics accueillis en baccalauréat professionnel. Le parcours en trois ans n’est donc qu’un élément de réponse qui ne concerne qu’une faible partie des publics. […] Enfin, il y a lieu encore de souligner qu’une grande majorité d’élèves ne peut pas suivre un parcours vers un baccalauréat professionnel en trois ans au terme du collège et à ce titre ils ne doivent pas être oubliés.» Même le ministre Fillon dans sa loi d’orientation pour l’avenir de l’école ne s’était donc pas aventuré plus loin dans cette voie. Il avait simplement prévu que « le baccalauréat professionnel doit pouvoir être préparé en trois ans pour les élèves en ayant les capacités » soit une reprise de mes propres formulations.