Tutti frutti et bottes latinos

Ces derniers temps, les samedi-dimanche ressemblent aux jours de semaine  dans la vie des militants. Les élections municipales et cantonales mobilisent tout le temps libre disponible. Mais il y a aussi d’autres sujets d’intérêts. 

TUTTI FRUTTI

En région parisienne c’est spécialement pénible car nous sommes en période de vacances scolaires : une partie de la population est plongée dans les transhumances de circonstances. Cela désorganise assez les équipes de terrain et réduit aussi les opportunités de contacts. Bien sûr, c’est loin d’être le semi désert aoutien. De toute façon, les vacances aussi sont devenues un produit trop cher pour nombre de familles. N’empêche. Cette sorte de ralenti agace les nerfs. On se demande ce qui se passe vraiment dans l’esprit des électeurs. Beaucoup d’entre nous n’aiment pas cette ambiance de victoire annoncée pour la gauche qui s’est installée dans la presse. Surtout lorsqu’elle est présentée comme une « victoire du parti socialiste ». D’abord parce que ce n’est jamais profitable d’être donné gagnant avant l’election. Surtout quand on sait que pour beaucoup de gens, la décision de vote se prend quelques heures avant de déposer son bulletin dans l’urne. Ensuite parce que cela contrarie les alliés de l’union à gauche qui ont l’impression d’être réduits au rang de supplétifs. Sans compter combien cela perturbe les duels de premier tour, quand il y en a, entre équipe de gauche.  Enfin parce que pour dire les choses comme elles sont, si beaucoup ont vraiment envie de punir la droite de Sarkozy, ils sont beaucoup moins nombreux ceux qui ont envie de porter aux nues le parti socialiste. Je parle du Parti, de son sommet. Sur le terrain il en va tout autrement. Les gens se connaissent. Cela tranche tout. Au point où nous voici rendus, l’étiquette de parti compte moins. Il y a la gauche et il y a la droite, un point c’est tout. D’autant que les candidats répugnent de plus en plus à afficher des sigles de parti. Là où tout va mal c’est quand un camp se fracture en combinaisons illisibles. On a glosé sur les alliances avec le Modem. A juste titre. Et je n’ai pas été le dernier. Mais il y pire : les tutti frutti. Situation ubuesque en voie de contagion où l’on voit s’opposer des coalitions improbables. Exemple. Ici je trouve des socialistes et lutte ouvrière contre d’autres socialistes, des communistes et le parti des travailleurs. Là des socialistes dissidents, des Ump dissidents et des modem contre des socialistes officiels, des communistes et lutte ouvrière. Et ainsi de suite. Tutti Frutti. Le capharnaüm. Au hasard des visites sur les marchés, quand on vient d’ailleurs, comme moi, faire des actions de soutien, il faut se faire expliquer qui est quoi car les sigles et les coalitions ne veulent pas dire grand-chose dans ces cas. Certes, pour l’instant c’est loin d’être la règle. Mais c’est un avenir probable si la gauche ne se reprend pas. Il faut finir l’interminable ère d’une gauche dont la principale force politique est privée de cap et considère que tout peut être vrai en même temps. Alors compromis et accords se ré-ordonneront. Ils prendront un sens. Et du coup le pouvoir d’appréciation, que ce soit pour l’encouragement ou la sanction, des citoyens sera rendu possible en toute clarté.

Bruit de bottes et rideau de fumée en Amérique latine

Le président colombien, Alvaro Uribe, essaie de détourner l’attention du cœur de l’affaire : la violation par l’armée colombienne du territoire équatorien. Ce n’est pas une première. Les paramilitaires colombiens entrent au Venezuela assez régulièrement. Avec le lancement du « Plan Colombie », la Colombie est devenue coutumière des incursions militaires chez ses voisins. Notamment via les groupes militaires conjoints avec les Etats-Unis. Ces incursions se sont multipliées, officiellement au nom de la lutte anti-drogue. Une couverture facile pour la répression politique ou les  opérations purement militaires. Mais surtout il y a le contexte, l’arrière plan non dit. Colombie et Venezuela sont aussi en conflit frontalier sur le partage du golfe de Maracaïbo qui compte beaucoup de pétrole offshore. Les provocations d’Alvaro Uribe permettent de préparer une utile diabolisation de Chavez avant d’éventuels conflits publics à ce sujet. L’annonce par Bush de son soutien total (brrrr!) à la « démocratie colombienne » est ainsi tout un programme. Supposons que ce soit en haine du Venezuela. Mais pourquoi ne rien dire du fait que l’Equateur, victime de l’intrusion militaire colombienne,  est aussi une démocratie ! Enfin notons ce qu’il en est de cette démocratie colombienne ! Uribe est élu à chaque fois à la faveur d’un climat de terreur qui conduit la majorité de la population à ne pas voter : 56 % d’abstention à la présidentielle de 2006 où il l’a emporté avec 62 % des suffrages. Petite mention spéciale : Alvaro Uribe n’a pas hésité à faire modifier la constitution en 2004 pour pouvoir être réélu président en 2006 ! Cette possibilité de réélection indéfinie était jusque là exclue dans la constitution colombienne de 1991. Personne n’a rien trouvé à y redire aux Etats-Unis. Pourtant une proposition similaire a été violemment dénoncée chez Chavez et par nos robots médiatiques européens. Il est frappant de le voir dénoncer Chavez pour financement de la guérilla et autre sornettes douces aux oreilles des USA.  La Colombie n’a evidemment pour l’instant apporté aucune preuve des accusations sensationnelles contre le Venezuela et l’Equateur. En matière de financements illicites ou douteux, le président Uribe ferait mieux d’être discret. En 1991, un rapport officiel du Pentagone américain (rapport du Defense Intelligence Agency publié par l’hebdo NewsWeek en août 2004) classait Uribe parmi la centaine de personnalités directement impliquées dans le soutien au narcotrafic en Colombie. En tant que maire puis gouverneur puis sénateur de Medellin, il était alors décrit par les Etats-Unis comme un « Politicien et sénateur spécialisé [dedicated] dans la collaboration avec le Cartel de Medellin dans les plus hauts niveaux gouvernementaux », « ami proche » du célèbre parrain de la drogue Pablo Escobar.Le même rapport américain précisait au passage que, loin de la légende familiale de persécution par les FARC qu’Uribe reprend systématiquement, son père, Alfredo Uribe, a été « assassiné pour ses liens avec les narcotrafiquants ». Alvarado Uribe a obtenu que les Etats-Unis passent l’éponge en contrepartie d’un soutien indéfectible de la Colombie à leur politique impériale dans la région. Ce n’est pas tout. Comme gouverneur de Medellin, Uribe a aussi directement soutenu la mise en place des réseaux paramilitaires (Autodéfenses Unies de Colombie) qui terrorisent le pays. Il a contribué au climat d’impunité dont ils jouissent. A Medellin puis au Sénat, il est devenu un spécialiste des « techniques de gestion des conflits », notamment par la militarisation des populations civiles et le développement de la délation. Il a notamment soutenu le général « pacificateur », Rito Alejo del Río, commandant de la 17e Brigade, qui s’est illustrée par de multiples exactions et massacres de masse.

Voila ce qu’est la figure de proue de la « démocratie colombienne » ! Où peut-on le lire ou l’entendre ? Reste le résultat. L’assassinat du numéro 2 des FARC Raul Reyes fragilise les possibilités de libération des otages. Dont Ingrid Bettancourt. Alvarado Uribe manipule l’opinion internationale.  Faut-il l’aider en laissant dire ?

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