Mitigés, mitigés

Entre les deux tours d’une élection, par précaution électorale, mieux vaut ne pas s’aventurer dans les bilans et analyses trop définitifs. Retenons juste une idée aussi vieille que le militantisme de gauche: tirer la leçon de l’élection sera un combat et sa mise en mot sera un enjeu… Un autre rappel me semble opportun : ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. Par conséquent mieux vaut se préparer à faire front pour une rude explication. D’ici là, je me contente de dire que nous avons des raisons d’être mitigés devant les résultats. Le cycle pourri des années quatre vingt dix où les différentiels d’abstention faisaient la loi semble de retour.

L’ABSTENTION NEBULEUSE

Ce n’est pas bon signe. Car l’abstention n’est plus celle d’hier. Ce n’est pas la grève des urnes que des mécontents bien informés pratiquaient pour punir les leurs. C’est l’abstention indifférence, la pire, celle qui est pratiquée par de milliers de désorientés désemparés pour qui toute la scène politique est soit inintelligible soit perçue comme un théâtre d ‘ombres. 
Des quartiers qui s’étaient fortement mobilisés pour la présidentielle, notamment pour faire barrage à Sarkozy en banlieues, connaissent une forte abstention. Elle atteint où dépasse les 50 % à Mantes la jolie, Noisy le grand, Garges les Gonesse par exemple. Elle permet parfois à la droite de repasser dès le 1er tour comme à Mantes la jolie. C'est l'abstention crève coeur. C'est l'abstention contre sens, celle qui permet aux mieux lotis d'être ceux qui comptent dans les urnes et donc ceux qui comptent dans les budgets municipaux..
 
LE RETOUR DES VIEILLERIES

On a vu aussi recommencer le débat sur les alliances avec le modem. Et maints ont déjà pu pérorer sur son caractère irremplaçable. Et patati et patata. Qu’on songe donner une prime à l’opportunisme noir que pratiquent les Bayroutistes sous prétexte de modernité voila qui est tout a fait consternant !  Que se ce soit Ségolène qui recommence ce n’est certes pas surprise. Mais qu’elle ait le front de s’imaginer qu’un changement de stratégie se fasse à chaud et par surprise, sans l’avis des militants ni même de ses précieuses assemblées « participatives » voila qui en dit long sur l’arrogance du personnage. J’attends ses prochaines leçons de « respect » et de « discipline » avec gourmandise ! Cette alliance est si importante, si structurante ? Ce n’est pas seulement une  gesticulation d’entre deux tours ? Alors  pourquoi ses amis, ou elle, n’ont-ils pas posé ouvertement la question dans les instances ou la ligne de conduite des municipales a été fixée ? En attendant de percer ce mystère de l’inconséquence, un très bon point à Bertrand Delanoë qui a réglé le problème avec élégance et clarté à Paris. Exactement comme je l’avais analysé et pronostiqué sur divers plateaux de média. Cela m’a valu aussitôt d’être repeint en « bertrandolâtre » comme il convient dans le petit monde mental  des amuseurs cathodiques.

LE MODEM N’EXISTE PAS

Et maintenant il va falloir faire le travail d’explication au bouton de veste. Le Modem est omniprésent dans les débats médiatiques. Mais il est largement invisible dans les urnes : 4,5 % au niveau national ! Le Modem n’existe pas. Bayrou existe. Pas le Modem.
 Le Modem est l’actuel avatar de ce secteur de la mer des Sargasse de la politique où aboutissent tous les objets flottants sans domicile fixe. Ca s’est appelé « génération écologie » un temps, et ça s’appellera encore de bien des façons chaque fois que le clivage droite gauche devient flou ou confus au point de donner de l’oxygène aux pirates de la lutte des places. Vu de près, à proximité, sur le terrain, qu’est ce que le Modem ?
A Paris, là où Bayrou dépassait les 20 %, le Modem n’obtient que 9 %. Et encore… il fait son meilleur score, 15,7 %, dans le 7ème , un des arrondissements les plus à droite de Paris.
A Lyon, où l’influence du Modem était réputée décisive, la gauche unie l’emporte au 1er tour avec 53 %. Sans le Modem qui s’est dilué entre soutien à la droite qui n’en a rien tiré et une  autonomie à 6,02 %.
A Toulouse ? Son apport n’est pas plus décisif. Avec 5,9%, il fait moins que les 6,23 de l’extrême gauche ! Idem à Marseille. Il fait quasiment le même score que la LCR. Mais la différence d’intérèt est de taille. La LCR fait ses meilleurs scores dans des secteurs populaires décisifs pour la gauche, notamment le 1er secteur ou Menucci et Roatta sont au coude à coude. Là, la  LCR dépasse les 7% !. A l’inverse, l’électorat modem marseillais est dispersé, insaisissable, hors de portée des débats et interpellations politique.
Là où des socialistes avaient expérimenté des alliances avec le Modem dès le 1er tour, rien ne montre que cette stratégie a été payante. A Grenoble ou à Montpellier,  cela n’a pas permis à la gauche de l’emporter au 1er tour alors qu’elle était sortante. Dijon est l’exception. Mais il est impossible de savoir si la victoire de Rebsamen au 1er tour a un rapport avec son alliance avec le Modem. Les cas où cette alliance a été contre-productive pour la gauche sont en revanche plus explicites. A Roubaix l’alliance PS-Modem-PCF a profité à d’autres listes de gauche : les Verts à 14 % et l’extrême gauche à 8 %. A Alés, ville très populaire de 40 000 habitants, l’alliance PS-Modem, bruyamment mise en scène avec le soutien de Ségolène Royal a fait chuter le PS à 16,5 % derrière le PCF qui est remonté à 24 %. Tant mieux évidemment.

LE PCF EST DE RETOUR

Le PC est en situation de conserver quasiment toutes les villes qu’il dirigeait. Y compris celles que le PS essayait de lui disputer. Il arrive ainsi en tête de la gauche dans 6 des 7 villes du 93 où le PS avait présenté des listes autonomes. Idem dans le Rhône à Vaulx en Velin, où dans les Bouches du Rhône comme à Gardanne où il fait 55 % contre 13 % pour la liste PS autonome. Idem à Sète où il sort à 38% loin devant les 12 % des socialistes fréchistes de l’Hérault qui activaient leurs réseaux au grand jour.
Cette capacité de résistance est décuplée quand le PCF se trouve en situation de conduire l’union de la gauche. Le PCF conquiert ainsi Vierzon et Dieppe dès le 1er tour, avec, pour cette dernière un niveau de participation populaire très supérieur à la moyenne nationale (70 %). Ainsi est tué l'argument du PCF plombant les dynamique locale! Il était temps. Les apprentis sorcoiers de la division vont devoir se calmer peut-être! L’enseignement, là encore, doit être réservé jusqu'à la semaine prochaine. Mais il est décisif que cette donnée ce soit exprimée. la gauche ne sera plus la même. Les conditions du débat bougent de façon décisive selon moi. Il ne pouvait pas y avoir meilleure nouvelle pour qu’émerge la force politique nouvelle dont la gauche a besoin pour éviter le naufrage sur lequel débouche la ligne démocrate au PS.

Lire aussi

DERNIERS ARTICLES