Sed tantum dic verbo….

Cette rentrée comme les précédentes s’ouvre sur une pluie de mauvais coups gouvernementaux. La capacité de résistance et de riposte n’est pas ce qu’elle devrait être. C’est la France : la politique et le social y sont toujours très étroitement liés. Aujourd’hui, coincé dans les contraintes de portefeuille et devant le spectacle sidérant que donne le principal parti d’opposition les gens du commun rentrent la tête dans les épaules et grincent des dents contre la pluie et le ciel gris. Celui qui cherche à faire bien son travail d’opposant ne sais plus où donner de la tête tant il est sollicité. Le mieux est de tenir chacun sa tranchée et de porter main forte aux autres dès qu’on le peut, sans rien lâcher soi-même.. Pour ma part je ne veux pas laisser passer sans combat la visite du pape et son implication de long terme sur la politique française. Je mesure bien que ce n’est qu’un aspect de notre réalité. Mais cette barricade n’est guère encombrée; si je m’en retirais il n’y resterait plus guère de parole politique de gauche. Je vais donc m’exprimer en divers endroits sur ce sujet. Ici aussi. Mais comme je sais bien que l’on attend de la fréquentation de mon blog des informations directes sur la préparation du congrès du PS, je vais en donner aussi.

 L’EUROPE CHRETIENNE
Le pape et le président ont en commun un projet de reconfessionalisation de l’espace public. Chacun des deux hommes pour son compte et d’après ses objectifs, s’implique dans la mise en œuvre de la théorie du choc des civilisations. Sarkozy avait affirmé à Riyad en janvier 2008 que « dans le fond de chaque civilisation, il y a quelque chose de religieux, quelque chose qui vient de la religion. […]C’est peut être dans le religieux que ce qu’il y a d’universel dans les civilisations est le plus fort. » Dans la bouche de Benoit XVI, bien sur,  le lien est direct entre la civilisation européenne ou occidentale et le christianisme. Au point que pour le pape l’implication est personnelle. Après sa désignation en 2005, au cours de sa première audience générale, sur la place Saint-Pierre, Benoît XVI a ainsi expliqué qu’il avait choisi le nom de Benoît en référence au saint patron de l’Europe, qui « représente un point de repère fondamental pour l’unité de l’Europe et un rappel puissant des incontournables racines chrétiennes de sa culture et de sa civilisation ». C’est le cœur de son positionnement. Benoit XVI définit l’Europe « non comme continent géographique » mais comme « continent culturel » indissociable du christianisme. Dans son discours du 24 mars 2007 pour les 50 ans du traité de Rome, il prétend que l’Europe a une « identité historique, culturelle et morale » avant d’avoir une identité « géographique, économique ou politique ; une identité constituée par un ensemble de valeurs universelles que le christianisme a contribué à forger, acquérant ainsi un rôle non seulement historique mais fondateur vis-à-vis de l’Europe. […] Ces valeurs, qui constituent l’âme du Continent, doivent demeurer dans l’Europe du troisième millénaire comme ferment de civilisation. Si celles-ci venaient en effet à disparaître, comment le vieux continent pourrait-il continuer à exercer sa fonction de levain pour le monde entier ? » C’est le même raisonnement qui l’avait conduit à exprimer en 2005, un rejet de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne définie comme un espace chrétien plutôt que comme une entité politique libre. Alors encore cardinal, Joseph Ratzinguer avait déclaré au Figaro Magazine : «l’Europe est un continent culturel et non pas géographique. C’est sa culture qui lui donne une identité commune. Les racines qui ont formé et permis la formation de ce continent sont celles du christianisme. Il s’agit d’un simple fait de l’histoire. J’ai donc des difficultés à comprendre les résistances exprimées contre la reconnaissance d’un tel fait incontestable. […] C’est aussi la définition a laquelle adhère Nicolas Sarkozy. Dans son livre "La République, les religions, l’espérance" il affirmait en 2006 : «Il est certain que les valeurs chrétiennes ont été civilisatrices en Europe et leur influence dominante […]. On peut donc évoquer la primauté des racines chrétiennes de l’Europe quand on se place sur le plan historique.» Cette définition de l’espace politique par son implication dans une civilisation qui se définit d’abord par ses ancrages religieux est le cœur de la théorie du choc des civilisations. C’est celle dont se réclame ouvertement Nicolas Sarkozy. Le 30 janvier 2008, devant la Convention Europe de l’UMP il résumait sa pensée : « ce fut une erreur de tourner le dos à notre passé et de renier d’une certaine façon des racines qui sont évidentes. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’on remet en cause la laïcité, […] quand même, dire qu’en Europe il y a des racines chrétiennes, c’est tout simplement faire preuve de bon sens, renoncer à le dire c’est tourner le dos à une réalité historique ».
L’ISLAM INTRINSEQUEMENT VIOLENT
Comme on le sait, la théorie du choc des civilisations repose sur l’affirmation des identités culturelles et donc religieuses qui partagent l’humanité. Mais cette appropriation identitaire ne se contente pas d’être un acte d’autodéfinition. Il est aussi une façon de désigner ses adversaires : les autres ceux qui ne sont pas de sa tribu. Samuel Huntington affirme que pour être soi-même on aurait besoin de haïr les autres. Bref, en toutes circonstances il y a « eux et nous ». Le pape est bien callé dans cette façon de voir la réalité. Il en a donné un énoncé particulièrement net dans un discours prononcé à Ratisbonne le 12 septembre 2006 qui souleva, à l’époque un puissant tollé. Son propos était d’exposer les rapports entre la foi et la raison. Ce fut l’occasion d’une agression contre l’islam d’une particulière violence. Il affirma en effet le caractère intrinsèquement violent de l’Islam. En France ses paroles seraient sanctionnées par un juge.  « Récemment, dit le pape, j’ai lu une partie du dialogue publié par le professeur Khoury (de Münster) entre l’empereur byzantin lettré Manuel II Paléologue et un savant persan dans le camp d’hiver d’Ankara en 1391, sur le christianisme et l’islam, et sur leur vérité respective. Dans le 7e dialogue édité par le professeur Khoury (‘dialexis’, «controverse»), l’empereur en arrive parler du thème du ‘djihâd’ (guerre sainte). […] Il déclare : « Montre-moi donc ce que Mohammed a apporté de neuf, et alors tu ne trouveras sans doute rien que de mauvais et d’inhumain, par exemple le fait qu’il a prescrit que la foi qu’il prêchait, il fallait la répandre par le glaive. » L’empereur intervient alors pour justifier pourquoi il est absurde de répandre la foi par la contrainte. Celle-ci est en contradiction avec la nature de Dieu et la nature de l’âme.[…] La principale phrase dans cette argumentation contre la conversion par contrainte s’énonce donc ainsi : Ne pas agir selon la raison contredit la nature de Dieu. Le professeur Théodore Khoury, commente ainsi : pour l’empereur, «un Byzantin, nourri de la philosophie grecque, ce principe est évident. Pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant, sa volonté n’est liée par aucune de nos catégories, fût-elle celle du raisonnable». » Cette vision de l’islam intrinsèquement violent est exactement celle que donne Huntington lorsqu’il met en garde contre ceux qui croient que le seul problème en la matière ce serait les islamistes et non leur religion. Pour lui, depuis dix siècles la religion du prophète est un adversaire violent et brutal par nature. De son côté, s’il n’entre pas dans de telles définitions, le président de la république n’en épouse pas moins la conclusion. Trois mois après son élection, dans son premier discours devant les ambassadeurs de France, il a désigné « le « risque de confrontation entre l’islam et l’occident » comme le premier défi de notre temps. En Afghanistan nous en sommes aux travaux pratiques.
 AU PS LE PIEGE SE RETOURNE
Au PS, le congrès s’accélère. De l’extérieur. La main tendue de Bayrou aux socialistes oblige les loups à sortir du bois. Car, jusque là, chacun d’entre eux comptait bien passer entre les gouttes des sujets qui fâchent et notamment la question des alliances pourtant cruciale. Il y avait sur ce point un vrai complot du silence. Du côté des « reconstructeurs » il fallait passer sous silence le paradoxe d’avoir en tête quelqu’un qui a fait le choix de l’alliance avec le MODEM. Sinon comment faire avaler le potage aux fabiusiens. Cette amnésie bienveillante s’étendait dans la gauche du parti ou Hamon et Lienemann rêvent d’entrer au club Aubriste. Cette tentation paralyse en fait toute la gauche du parti depuis des semaines puisque c’est à cause d’elle que rien ne peut être rédigé en commun. Et c’est à cause d’elle que la gauche du parti est éliminée de la scène médiatique. Cet effacement amplifie d’ailleurs l’impact de la démarche de François Bayrou sur le PS resté sans nu et contaminable par la moindre bise de l’été indien. Côté ancienne majorité du PS nul ne voulait abattre ses cartes de peur de voir se former contre soi la coalition que l’on imaginerait alors. Les plus malins -du moins croyaient-ils l’être- s’étaient lancés dans le numéro de la mise au pied du mur : « c’est à Bayrou de se prononcer ». Patatras. Bayrou s’est prononcé. Et avec quelle clarté ! Et voila tous les malins le bec dans l’eau contraints d’abattre leur jeu. Le piège s’est retourné contre leurs auteurs. Bayrou est candidat à diriger le centre gauche que les grands stratèges de Solferino rêvaient de constituer. En quelque sorte, Bayrou est candidat à la candidature au PS. Cette audace brise tout un univers de faux semblant. Elle  sera dévastatrice. Le résultat que l’on ne va pas tarder à voir c’est que l’espace de Bertrand Delanoë va s’élargir au centre du parti. Il devient le recours pour tous ceux qui flairent le danger de voir Bayrou dépouiller le leadership du PS sur le centre gauche et les chères classes moyennes. Mais le péril est extrême. Car les grands féodaux rêvent de l’alliance au centre. Non pour ses troupes (quel confort : il n’en a pas !), non pour ses électeurs (c’est Bayrou qui nous a pris le tiers de ses électeurs) mais pour « l’image », c’est-à-dire l’identité politique que cela confie. C’est cela le tournant démocrate du PS qui se dessine.  
POUSSIF
Et la gauche du PS ? Les rencontres ont lieu. On peut lire sur le site de mes amis de « Trait d’union » ou de Marc Dolez un compte rendu commun. Je pense qu’il y en aura un sur celui de Benoit Hamon. A mon avis la motion de toute la gauche se fera. « Faute de mieux » diront certains. Ce sera en quelque sorte un choix de repli pour ceux qui rêvaient d’un strapontin chez les reconstructeurs ou d’un trône auprès de Hollande et Dray. Et il se pourrait même bien que Fabius en soit dès que les reconstructeurs se se seront débandés. Car ils sont soumis au poids terrible pour eux de la pression médiatique et des barons qui haïssent Fabius à mort. En effet ceux là savent que le non au référendum constitutionnel est un crime impardonnable dans le monde de « démocrates » qu’ils veulent créer. Donc ce sera la motion des rejetés et des mal aimés. Une léproserie terriblement mal fréquentée au gout des belles personnes et des importants.  Mais la gauche du parti existera. Dolez et moi nous aurons eu raison de maintenir le feu allumé. Notre existence, notre décision de faire une motion est ce qui empêche tous les ralliements de se faire en prenant toute la gauche du parti en otage.  Bien sûr dans un parti qui prétend avoir gagné 100 000 adhésions depuis le début de l’année, le vote va être de type géorgien : état d’urgence et char devant les télés. Viendra donc l’heure des bilans. Mais à chaque jour suffit sa peine.

Lire aussi

DERNIERS ARTICLES