Dans cette note je parle de l'Irlande, de la nouvelle amie des femmes socialistes, Zita Gourmaï, et de l'école privée au sénat. C'est pas joyeux. Autant prévenir. Toutefois en ce moment je trouve le paysage politique presque aussi explosif que la vie sociale elle-même. Mais la différence est que les acteurs de la vie sont producteurs directs de leurs actes et décisions. On a le sentiment que tous les reflexes à l'oeuvre sont terriblement datés. Ils pensent et agissent comme si les conditions d'avant la crise étaient toujours là. Comme si les vieux ressorts et les vieilles ficelles allaient marcher toujours. Comme si l'impunité était tout le temps garantie à ceux qui communiquent bien. C'est à dire à ceux qui enfument bien. Dense. Profond. Epais. Alors, je pense à ce que j'ai observé en Amérique latine. Comment la société politique s'est effondrée d'un pan alors que ceux qui la dominaient la pensait éternelle une heure avant sa fin. Ce n'est pas un refrain. C'est une anxiété. Car il n'y a pas de pays ou une alternative politique de gauche est prête pour prendre en main la situation. Et, bien sûr, les sociaux démocrates, même dominants en sont absolument et radicalement incapables. Dans le meilleur des cas.
LES IRLANDAIS SONT MOCHES
Les irlandais avaient voté "non" au traité de Lisbonne. En France la bienpensance avait aussitôt analysé la situation : selon eux les antis avortements et les xénophobes catholiques auraient eu le dernier mot! Ceux qui votent "non" sont des nuls. Moches, tristes et barbares. Des aigris, comme disait François Hollande chef des joyeux. Et moches sans doute, comme avait dit de moi un illustre chroniqueur «indépendant-objectif-éthique» dans l'émission de Fogiel. Donc les irlandais depuis le "non" sont moches. Et de droite selon les commentateurs du PS français. Que toutes les circonscriptions ouvrières de gauche aient voté "non", peu leur importait. Et ce n’est pas le parti socialiste, le français comme l’irlandais, qui allaient dire autre chose, eux pour qui le "oui" est un reflexe conditionné. «L’Europe est un projet en soi», a même dit depuis Martine Aubry. Copieuse! Le premier ministre irlandais avait dit de son côté qu’il n’avait pas lu le traité mais qu’il appelait à voter pour. Après le "non", une «négociation» a été annoncée. Qui représentait l’Irlande du "non"? Evidemment son premier ministre partisan du "oui". Trop drôle. Mais lui a obtenu que l’Irlande garde son commissaire. C’est nul, mais ca le fait quand même un peu. Tandis que quand Sarkozy a vendu le "non" français, il n’a rien ramené à la maison. L’Europe qui se moque des peuples et de la démocratie est en marche et chaque jour est pour elle un matin riant. Ca se paiera, et plus vite qu’on le croit. Mais ce qui me frappe c’est l’arrogance aveuglée de tout cela. L’incroyable sentiment d’impunité des puissants qui entreprennent tout cela. J’ai la certitude que cela va se retourner contre eux à un moment où l’autre. C’est l’intérêt de cette situation. La violence du déni de démocratie trace en creux une exigence contraire immense. Ce sera pour nous un puissant levier pour la suite. Très puissant. De même que l’horrible arrogance européiste fait faire n’importe quoi à ces gens. Et alors chacun peut constater. Voyez Aubry. Une femme calme et posée qui a plutôt l’habitude de réfléchir avant d’agir. Dès qu’il est question d’Europe, elle bascule dans une autre dimension de la pensée.
ZITA, MARTINE ET LEURS AMIS
Ainsi Martine Aubry a cru très inspiré de désigner comme secrétaire nationale du PS, pour s’occuper des droits des femmes la camarade hongroise Zita Gurmaï. Evidemment on comprend qu’il s’agit de faire vivre un symbole du genre qu’affectionnent les européistes. Que ce soit un problème de nommer quelqu’un qui n’est jamais là pour s’occuper d’un dossier sensible a l’air de ne déranger personne. Mais « après tout, bof, pourquoi pas » se disent les hiérarques. Personne ne songe à se demander qui est la camarade Zita. Elle est européenne, ca suffit. C’est « un projet en soi » comme on le sait. Tout est donc, à partir de là, totalement secondaire. Comme par exemple la conformité de cette présence avec l’affirmation de la même Aubry et de ses camarades selon laquelle le parti est ancré à gauche et ne fera pas d’alliance avec le centre. Même si le chef du parti et le chef du conseil national ont fait le contraire chez eux. Mais là, Zita, c’est du lourd. Elle est membre du MSZP, le parti social démocrate hongrois. Une horreur de parti « moderne et ouvert sur l’Europe ». C'est-à-dire un ramassis de menteurs et de tricheurs. Zita est donc membre d’un parti, le MSZP qui gouverne la Hongrie en coalition … avec la droite libérale. Une paille. Bienvenue au club avec les élus de Lille et ceux de Grenoble, Zita ! D’abord au pouvoir de 1994 à 1998, le MSZP a appliqué une thérapie libérale de choc à la Hongrie, en combinant privatisations du secteur public, austérité budgétaire et réduction des systèmes d’aide sociale. Impopulaire, cette politique fut sanctionnée en 1998 où cette social démocratie perdit la majorité. Elle réussit à revenir au pouvoir en 2002 en s’alliant avec un parti de droite libéral, l’Alliance des démocrates libres (SzDSz).Le premier ministre hongrois Ferenc Gyurcsány est le principal dirigeant du parti social démocrate hongrois MSZP. Une crème d’homme de la sociale démocratie. Gyurcsany a en effet fait fortune en profitant des privatisations impulsées dans les années 1990 par son parti. Mais il n’était à l’époque qu’un simple homme d’affaires ami. A la tête de la holding Altus, il est devenu la 5ème fortune de la Hongrie. Après tout c’est avec des civils qu’on fait des militaires et pourquoi un riche spoliateur de biens nationaux ne serait-il pas un ami du peuple? Mais le camarade Gyurcsany s’est rendu tristement célèbre suite à un enregistrement vidéo réalisé juste après les élections générales de 2006. Il venait de regagner en alliance avec les libéraux. Il y avouait que son parti mentait depuis plusieurs années aux électeurs et qu’il n’avait d’autre choix que d’appliquer une politique d’austérité drastique. Extrait: «Nous avons menti le matin, nous avons menti le soir … Il n’y a pas une seule mesure gouvernementale dont nous puissions être fiers en quatre ans si ce n'est de nous être accrochés au pouvoir. Nous avons tout fait pour garder secret en fin de campagne électorale ce dont le pays a vraiment besoin, ce que nous comptions faire après la victoire électorale : nous le savions tous, après la victoire, il faut se mettre au travail car nous n’avons jamais eu de problèmes de cette envergure ». La coalition de Gyurcsany avait en effet massivement augmenté les impôts et réduit les dépenses publiques après avoir promis de réduire les impôts et de garantir le système social. Ces déclarations avaient déclenché de violentes manifestations pendant plusieurs semaines devant le Parlement hongrois, plaçant le pays dans une situation insurrectionnelle. On y vit la prise d’assaut du siège de la radiotélévision publique par des manifestants de la droite nationaliste etc. A Paris, Ségolène Royal avait demandé la démission du premier ministre menteur. Bien sûr, le parti social démocrate a lourdement perdu les élections locales qui ont suivi à l’automne 2006. Dernière touche à ce tableau si hautement symbolique. Le MSZP dont est membre Mme Zita Gurmaï soutient également activement au niveau européen la commission de José Manuel Barroso. Il est présent dans la place, à travers le commissaire européen Laszlo Kovacs. Celui-ci est chargé de l’union douanière et de la fiscalité. Il est lui aussi membre du MSZP. Merci donc à lui, à Zita et à ses camarades pour l’inaction de la commission face au dumping fiscal et à sa passivité en matière douanière. On voit que tous ces gens sont admirablement symboliques du cours nouveau des leaders socialistes réunis à Madrid qui a fait dire au Conseil national du PS que jamais les socialistes européens n’ont eu autant de chose en commun. Et d’ailleurs c’est vrai. A peine arrivé à Madrid les vigilants de la pensée social démocrate se sont aperçu que le beau texte du «Manifeste» qu’ils allaient adopter ne comportait aucune référence au Traité de Lisbonne. Aussitôt l’erreur regrettable a été rectifiée. On y a ajouté l’exigence de sa ratification. Martine Aubry et son PS «ancré à gauche» qui «dépasse le oui et le non» a été enchantée. Bien sûr de retour à Paris, personne ne s’en est vanté.
UMP et PS d’accord au Sénat pour aider l’école privée
Pauvres camarades socialistes. Ils foncent en klaxonnant sur tant de murs ! Hier soir au Sénat. La droite présentait une proposition de loi pour pérenniser un avantage annuel de 250 millions d’euros pour l’enseignement primaire privé. Cet avantage venait d’un amendement voté en 2004 à l’initiative désastreuse de Michel charasse qui s’est lourdement fourvoyé en la circonstance. Mais à deux heures du matin et au vote à main levée l’affaire était passée sans faire de bruit avant de provoquer un désordre et des abus gigantesques. Hier soir c’est la surprise : les sénateurs socialistes ont choisi de voter pour cette proposition de loi UMP du sénateur Jean-Claude Carle. Pourtant à deux reprises le groupe socialiste avait présenté des propositions de suppression pure et simple de cette disposition. Hier soir, sous couleur de «compromis», de «paix scolaire», de sérénité et autres arguties de droite banales en la matière, le groupe socialiste a voté la proposition de loi de la droite. Bien sûr nous nous y sommes opposés avec le Groupe «communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche ». Mais quel crève cœur de voir le PS en soutien d’une telle loi! Si les principes ne sont plus rien pour ce parti qu’au moins le contexte l’éclaire! Car pendant ce temps, la saignée de l’école publique continue. Les lycéens, les parents d’élèves et les enseignants ont raison de se révolter comme il le font par des manifestations et des actes de protestation! Ils s’opposent à juste titre à la réforme du lycée. Elle n’a qu’une signification: faire des économies sur le dos de ceux qui n’ont que l’enseignement public pour apprendre et réussir. C’est l’avenir du pays qui est mis en danger. Ne croyez pas que cette question n’a pas de rapport avec la précédente. Car cette politique d’appauvrissement de l’enseignement public s’accompagne cyniquement d’une aide discrète mais constante à l’enseignement privé. Exemple dans l’enseignement professionnel: 56 lycées professionnels publics ont été fermés par la droite depuis 2002 dont 16 rien qu’en 2007-2008 et 80 classes ont été fermées dans le public. Pendant ce temps, 244 classes ont été ouvertes dans les lycées professionnels privés et 7 ouvertures de lycées professionnels privées ont été autorisées par le gouvernement rien qu’en 2007-2008 (selon les chiffres du Ministère de l’Education nationale – Repères et Références statistiques, édition 2008). Riposter est un devoir. J’appelle évidemment à un soutien protecteur des jeunes qui sont en action.