A Sète, on était plus de six cents. Le gars de "Midi Libre" qui n’est pas entré dans la salle et qui m’attendait devant la porte, à l’arrivée, a dit qu’on était quatre cents. Mais le même écrit que mon troisième de liste, René Revol, dirigeant national du PG est maire "PRG" de Grabels. Grandiose! Bon. On s’en fout. La vie continue. Cette salle était vraiment très caractéristique de ces publics très mélangés de tous horizons qui fréquentent les rassemblements du Front de Gauche. En tous cas maintenant je crois que cette fois ci la campagne des européennes est commencée. Tout cela parce que Nicolas Sarkozy l’a lancée. Mais je crois aussi que le débat est fini. Parce que Nicolas Sarkozy l’a totalement truqué. Le trucage bat son plein en ce moment.
MORTEL BIDONNAGE
L’Europe de l’impuissance qu’il dénonce c’est celle là même qu’il a mise en place! C’est celle du traité de Lisbonne. Mais bien sûr … «the show must go on». Le spectacle doit continuer. Donc, tout le petit monde des importants va faire semblant de trouver ce que dit le président très intéressant. Les socialistes vont se décaler et en rajouter, à gauche bien sûr. D’ailleurs chacun rajoutera son paragraphe à une lettre au Père Noël dont chacun sait pourtant qu’elle est absolument inconciliable avec le traité que tous soutiennent. Je ne regarde pas seulement tout cela avec le dégout et la colère qu’une telle mystification suggère. Je vois avec effroi que cette façon de piéger la démocratie conduit toute la société à l’abime. Quand tout est bidon, quand tout le monde ment où se déguise, quelle part reste-t-il pour l’honnête intention de trancher entre les points de vue réellement en présence? Et si on ne peut plus les trancher par le débat et le vote, quelle légitimité a la décision d’un vote ? Et que vaut le vote lui même comme méthode de règlement des problèmes? Je ne me réjouis pas de ce naufrage de la méthode démocratique. Car nous avons besoin d’elle plus que jamais. Non seulement pour régler les problèmes en cours et faire reculer la désespérance que ressentent tous ceux qui pensent que «rien ne sert à rien». Mais plus encore pour demain. Quand il faudra gouverner ce pays à gauche et faire bifurquer tout le système dans une nouvelle direction et affronter tant d’intérêts particuliers! La révolution par les urnes a besoin d’une démocratie en fonctionnement.
VILLEPIN ET MELENCHON.
Dans son édito de «Libération», Laurent Joffrin imagine un front « de Villepin à Mélenchon » pour faire face au contexte. J’ai noté ça avec beaucoup d’intérêt. Naturellement je n’adhère pas du tout à cette idée. Mais j’y vois une prise de conscience de la gravité du moment. Je pense que Joffrin aussi comprend que quelque chose est en train de mal tourner dans la profondeur du pays et qu’il faut absolument sortir du ronron de la politique spectacle actuelle. Son édito est un signal d’alerte, à mon sens. Je l’ai pris au sérieux et j’ai accepté de répondre à ce sujet dans un entretien réalisé par Rosa Moussaoui dans «l’Humanité» parue ce matin. Je place le texte de cet entretien à la suite de ces lignes. Je voudrai profiter de cette occasion pour dire à ceux qui s’intéressent à ce blog et à ses idées que ces reproductions d’interviews sont une façon pour moi d’en souligner l’importance dans mon argumentation et d’en conserver la présence au delà du jour si court où elles paraissent. Autant dire que ceux qui le veulent et les mettent en circulation dans leurs réseaux facilitent le travail de conviction et renforcent le contre pouvoir médiatique qu’est la sphère de l’internet. Non?
UNE GRANDE COALITION ?
Le quotidien Libération suggère la formation d’une « grande coalition » antisarkozyste allant de votre Parti de gauche jusqu’aux amis de l’ancien premier ministre Dominique de Villepin. Que vous inspire cette idée ?
Jean-Luc Mélenchon. Je ne me vois pas du tout dans un attelage de cette nature. La violence de la crise commande une réorganisation générale de toutes les forces politiques. Mais la solution n’est pas d’enjamber le clivage gauche-droite. Au contraire. À la droite de réinventer autre chose que le libéralisme, à la gauche de réinventer autre chose que la social-démocratie. C’est la tâche que s’assigne le Front de gauche. Cette volonté de réorganiser la vie politique autour du centre est en fait le signal d’un échec. La social-démocratie est incapable de se constituer en opposition à Nicolas Sarkozy. C’est cet espace vide que tentent aujourd’hui d’occuper les centristes. Loin de se ressaisir ou de se tourner vers une alternative de gauche, les socialistes sont plus que jamais pris dans cette spirale de l’alliance avec le centre. De ces aventures-là, on connaît l’issue. Elles se soldent immanquablement par
la destruction de la gauche, comme en Italie.
Ces scénarios pour 2012 contribuent à étouffer davantage une campagne des européennes déjà bien atone. Cette absence de débat sur les enjeux européens est-elle, selon vous, délibérément entretenue ?
Jean-Luc Mélenchon. Je le crois. Nombreux sont ceux qui n’ont aucune intention de parler de l’Europe. Valérie Pécresse présente sa liste aux élections régionales un mois avant les élections européennes. Les socialistes consacrent plus de temps à leur stratégie d’alliance pour 2012 qu’à discuter de ce qu’ils comptent faire pour changer la donne en Europe. C’est incroyable. Tous ces gens tentent d’enjamber le scrutin européen du 7 juin. Ils refusent cette épreuve de force politique.
La nature même de l’élection présidentielle, qui écrase tout le débat politique, n’est-elle pas en cause ?
Jean-Luc Mélenchon. Je pense surtout que nous sommes face à une stratégie de diversion. Ils ont pris la mesure du risque que représente la mobilisation de l’opinion de gauche sur la question européenne. La mise en scène actuelle est assez frappante : elle donne les premiers rôles à tous les partis qui ont défendu le « oui » au projet de constitution européenne en 2005. On voudrait reléguer le camp du « non » aux oubliettes. Voilà la vraie raison de ces stratégies de diversion. Le débat que soulève la question européenne, est, au fond, celui de la politique nationale. Ces deux dimensions sont intrinsèquement liées. Qui rejette le traité de Lisbonne rejette les politiques qu’il contient. De là découlent des choix d’alliances. C’est là la cohérence du Front degauche, basé sur le refus de ce traité de Lisbonne et des politiques qu’il programme pour la France. De nombreux électeurs socialistes commencent d’ailleurs à poser un regard nouveau sur le Front de gauche. Ils y voient la possibilité de confirmer leur vote de 2005, mais surtout une assurance tous risques contre une recomposition au centre. Plus le Front de gauche sera fort, plus la route d’une telle alliance sera coupée.