Pluie de bons sentiments sur Strasbourg

Quelle drôle d’ambiance. Je commence à écrire dans l’hémicycle, bien installé à mon confortable pupitre équipé de toutes les prises électriques que les engins de notre temps nécessitent. C’est permis. Pendant ce temps, les présidents de groupes débitent des compliments au nouveau président du parlement que la droite et les sociaux démocrates viennent d’élire. C’est un Polonais. Pas moyen de ne pas le savoir.

Un Polonais! Alleluia!

Tout le monde brode sur le moment historique que représenterait l'éléction d'un Polonais tout droit venu de l'ancien empire du mal ! Une bonne façon d'emballer cet épisode politicien. Il se déverse donc un torrent de références larmoyantes à la coupure entre l’est et l’ouest dorénavant dépassée et bla bla bla. Evidemment tout cela vient à point pour masquer quelle honteuse collusion est à l’origine de cet épisode. Moderne comme une horloge viennoise ! Evidemment le fond anti communiste est omni présent. C’est à vomir, quand on connait le niveau d’asservissement aux délires libéraux de cette cohorte de phraseurs lénifiants.  Le pire dans ce registre est le social démocrate Hans Martin Schultz, président du groupe « alliance progressiste des socialistes et des démocrates ». Tout un programme que le nouveau nom de l’ancien groupe socialiste ! En Abrégé nous a-t-on expliqué : SPD ! La boucle est bouclée pour les socialistes français. Bref, ce Schultz en rajoute dans la dénonciation des « dictateurs rouges » comme au bon vieux temps des « berfuf verboten » où les communistes étaient interdits d’emplois publics en RFA. Répugnant. On sent tout le confort que représentait cet ennemi à présent disparu pour ces gens afin de justifier leurs turpitudes. Heureusement que ce président polonais a eu un mot pour signaler le fait que ce jour était celui de la fête nationale des Français. Ajoutons : et celle de la liberté pour tous ceux qui la célèbre dans le monde, qu’ils soient français ou pas. Jacky Hénin, euro député Front de gauche et moi, assis côte à côte, en haut à gauche de l’hémicycle, on a applaudi. Les autres Français ont fini par en faire autant ! Juste une petite respiration politique dans ce flot d’eau tiède nauséeuse ! Le moment le plus grotesque c’est celui où ce nouveau président a offert publiquement à l’ancien, l’allemand Hans Pöttering, une statue de sainte Barbe, taillée dans un bloc de charbon. Nul ! D’abord pour cette grossière apologie de la superstition, aussi peu laïque que le reste de cette institution et de son drapeau marial. Ensuite parce que le président polonais s’est vanté d’avoir lui-même fait fermer plus de vingt deux puits de mines dans sa région. Un autre moment spécialement nul est celui où la porte parole des Verts a fait son numéro de cire pompe. Elle a félicité le président polonais, Jerzy Buzek, de toutes les façons possibles pour son passé d’anti communiste puis pour son implication dans la « révolution orange » en Ukraine. Et avec ce qui lui restait de temps elle a appelé de ses vœux qu’on se soucie de l’Ukraine. On devine comment. Cette séance du musée Grévin de la politique Mac Carthiste européenne a enfin fini avec la coupure du repas. Je me suis enfui en ville pour le déjeuner, au pied de la cathédrale. Je me suis consolé avec un magret de canard aux griottes. Le bourgueil se mariait bien avec. A mon avis. Juste un verre. Des gens vont et viennent, juste pour le plaisir.

PLACE 373

Je suis installé à la place numéro 373, en haut de l’hémicycle, à gauche. Le plus à gauche de ma rangée qui est d’ailleurs la dernière avant le couloir. A ma gauche il n’y a que les fonctionnaires de la commission qui, par une bizarrerie coutumière, siègent aussi dans le parlement tout comme la commission qui a ses bancs juste en face de moi.  Ainsi se réalise, à quelques mètres près, la menace de mon premier président de groupe au Sénat, feu André Méric, qui avait tonné : « compte tenu de ce que ton discours, on devrait mettre ton banc dans le couloir ». Paix à ses cendres. Et maintenant, je peux observer de ma place cette assemblée de 700 personnes qui en représentent un demi-milliard d’autres. Un mur abstrait de tenues sombres et, par ci par là, une tache de couleur. A côté de moi, Jacky Hénin, puis Elie Hoarau. Trois du Front de gauche côte à côte. Nos deux autres collègues Patrick Le Hyaric et Marie Christine Vergiat siègent quatre rangs plus bas, ce qui est très loin. Devant moi la nuque raide de mon ami Helmut Scholtz, le secrétaire aux relations internationales de Die Linke. Pendant que j’écris les orateurs de ce parlement se succèdent à la cadence d’une ou deux minutes de temps de parole. Passé au tamis de la traduction tout cela donne un filet de voix uniforme, celle des traducteurs, sans aucun relief qui accroche l’oreille.  Il faut suivre attentivement. Ce qui se dit est intéressant. Parfois ! Ouf ! Un peu de politique. Après l’audition du président du cycle semestriel, le premier ministre suédois, les intervenants  se répartissent entre congratulateurs et discuteurs. La mer baltique compte beaucoup dans les interventions côté congratulations. La nullité des politiques libérales face à la crise tient le haut chez les discuteurs. Une voix de droite pointe le danger d’extrême droite dans le contexte de la crise. Plusieurs s’inquiètent du nouveau vote imposé aux Irlandais. Je ne repère pas toujours l’orateur et donc son parti. On est en retard. Très en retard. Le vote pour les questeurs est reporté de minute en minute. De midi prévu pour le vote nous voici à treize heures. Des assistants de toutes sortes circulent entre les travées. Des gens sont debout, d’autres lisent des journaux, j’en vois un qui téléphone, plusieurs qui discutent très vigoureusement debout dans l’allée juste devant l’oratrice. Ca ressemble davantage à une Assemblée générale du mouv qu’à un parlement. Notre groupe du Front de gauche participe à sa façon à cette ambiance. On se place en haut des travées et nous faisons une photo en pleine séance. Pas de problème ! Dans ce chaos, à mesure que l’heure avance, il est impossible de repérer un orateur dans cette salle immense avec tous ces gens debout. Trop de mouvements, trop de circulation, trop de brièveté. Quand le premier ministre suédois répond, le bazar ne faiblit pas un instant. Je découvre que tout le monde pouvait parler à condition de lever la main et de retenir l’attention du président. Hum. De toute façon, c’est trop tard pour moi ! Enfin on vote. A bulletin secret électronique. On commence par un test qui amuse bien tout le monde. Il faut choisir entre cinq chanteurs d’opéra. Je vote Luciano Pavarotti et Jessye Norman. On plaisante. Tout à l’heure ce sera la soupe à la grimace car il s’agit d’éliminer des candidats. Cette buse de Martin Schultz, le lamentable chef de la social démocratie, intervient et ensuite un autre qui demandent des précisions puériles que tout le monde avait compris avant qu’ils ouvrent la bouche. Bruits, rires. On passe donc au vote test proposé pour nous instruire dans l’art de manier notre pupitre de vote. Résultat : Luciano Pavaroti élu ! Encore des interventions pour demander des précisions. De nouveau Martin Schultz nous rappelle que ce n’est pas le vote réel. Rires. Le président parle à présent un italien délicieux à entendre après cette cure de polonais ! Pour nous le piège est de voir notre candidature explosée par les compétitions sauvages entre candidats pirates de droite car il y a multitude de candidatures sauvages.  Voyons ! 696 votants, deux nuls. Notre candidat passe ? Non ! On va déjeuner ? Ah non ! Il y a un deuxième tour pour trois sièges. Il est deux heures moins le quart ! Le président veut reporter à quinze heures ! Clameurs d’indignation dans la salle. Bon, on vote maintenant. Applaudissements. Ca vire à l’ambiance potache cette séance ! Je vois que notre candidat est numéro deux sur la liste à l’issue du premier tour. Mais quand on lit l’écran de vote il n’y a pas la moindre référence au parti des candidats. Juste des noms. On suit la liste des consignes de vote du groupe auquel on adhère.  Les assistants circulent dans les rangs. Bonjour le secret du vote ! Nous, à la GUE, on bloque notre vote sur un seul nom pour faire la différence si possible. Ca s’appelle, je crois, le vote à la polonaise, non ?  Troisième tour ! A la majorité simple précise le président ! Ah ! Deux votants de plus ! Ah c’est fait : notre candidat est élu ! Hé ! Hé !

PREMIERE INTERVENTION : HONDURAS

Cet après midi je fais ma première intervention en séance. Ce sera en défense du président hondurien Manuel Zélaya ! Une minute de temps de parole ! Le ton de la Commission et du Conseil ne m’a pas inspiré confiance. Il n’était question que d’appel au calme, à la retenue « des deux côtés » et ainsi de suite.  Plus évanescent, tu meurs. Voici mon propos, tout frais sorti de ma bouche. « Monsieur le président, l'affirmation de nos principes pacifiques par des appels au « compromis » et à « la retenue » entre les deux parties du conflit en cours ne doit pas conduire à donner l'impression de renvoyer dos à dos le gouvernement démocratique du Honduras et les putschistes qui l’ont destitué. Car dans un tel cas la violence des insurgés qui luttent pour le retour du président est légitime et celle des putschistes est criminelle. La mobilisation personnelle des chefs d'Etat d'Amérique centrale et du sud pour soutenir le rétablissement inconditionnel du président  constitutionnel Manuel Zelaya montre que tout le continent veut en finir définitivement avec la période des coups d'Etat et des dictatures. A la suite de la décision unanime de l'ONU et des décisions de l'ensemble des organisations régionales de coopération, l'Europe doit prendre sa part de ce combat historique. Car il s'agit d'un combat et non d'un arrangement. L'Europe doit interrompre toute relation et négociation, de tous ordres, politique et commercial, avec le régime factieux et exiger le retour inconditionnel du président Zelaya. L'Europe doit également demander au gouvernement de Monsieur Obama que les USA interrompent eux aussi leurs relations commerciales et militaires avec le régime factieux. Ainsi nous montrerons-nous conformes aux principes que nous évoquons souvent pour en exiger des autres l'application. » Je peux dire que j’ai fait un tabac. C'est-à-dire que le président suédois  a dit exactement le contraire en résumant le débat. Pour lui il faut un « arrangement » entre les parties et le retour de Zélaya est certes « indispensable » mais il ne « suffirait pas à rétablir l’ordre constitutionnel ». Tel Quel. Ont suivi moultes bonnes paroles desquelles il ressort que les « négociations » prendront du temps. Sachant que le mandat de Manuel Zélaya s’achève dans six mois, on comprend où tous ces gens veulent en venir. Après ça inutile que je commente le débat précédent sur la Chine où se déversa un flot de stupidités bien pensantes d’autant plus arrogantes et néo colonialistes qu’elles émanent d’un continent en proie lui aussi aux émeutes urbaines et prodigue en traitements inhumains à l’égard des minorités et des immigrés. Vérité intransigeante pour la Chine devient relative pour le Honduras. Evidemment c’est une comédie. Juste une comédie. Pas drôle. La séance est close après cela. Ma journée a commencé à cinq heures quarante cinq ce matin pour enregistrer à six heures quarante cinq la matinale de RTL avec Marc Tronchot. Puis j’ai enchainé par un rendez vous à la gare avec Olanta Humala le leader du parti national Péruvien que j’ai ensuite conduit jusqu'à son accueil devant une délégation du groupe GUE dans les murs de verre du parlement. A midi, j’ai fait un petit quelque chose avec la télé France Trois. Et d’un endroit à l’autre, entre deux temps assis sagement à mon banc dans l’hémicycle, j’ai été suivi par la caméra de « Public Sénat » qui est ma chaine chouchou compte tenu du fait qu’elle était ma voisine de bureau dans le Palais du Luxembourg. Tout à l’heure j’irai dîner avec les camarades du PG de Strasbourg. Et demain on recommence à neuf heures. Jour important pour moi. Je suis le candidat de la GUE au poste de vice président de la commission des affaires étrangères. Baudis aussi. Le sud ouest va être super présent à l’international, je pense …

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