Un agenda chargé m’attend à Montevideo où je me trouve dorénavant. J’y viens faire provision de savoir-faire auprès des dirigeants du « Frente Amplio ». Il est parvenu à faire élire deux fois de suite un président de la République issu de notre gauche ! Et, entre autre chose, à réduire de plus de moitié la pauvreté qui accablait ce pays. Je publie ce que j’ai écrit en Argentine par petits bouts quand j’ai eu le rare loisir de m’asseoir devant mon clavier ces derniers jours. La conflictualité est si grande là où je suis passé ! J’ai donc cru meilleur de ne rien raconter pour l’instant des rencontres que j’ai eues. Ainsi nul ne pourra abuser sur place de mes propos pour les batailles qui se mènent avec tant de férocité. Ainsi, par exemple, de mes entretiens avec la présidente de la Nation, Cristina Kirchner ou de son vice-président Amado Boudou, ou bien avec le très exposé Martin Sabatella, en première ligne pour la mise en place de la loi de libération des médias. Mais cette note traite aussi de l’incroyable abandon du gouvernement devant les liquidations des entreprises qui ont été les symboles de la campagne électorale à gauche. J’ai suivi ça chaque jour. Quand on m’a raconté le procès de Roanne, j’avoue que j’ai eu du mal à garder la distance. Au total, l’écœurement emporte tout. Et c’était avant que j’apprenne l’évacuation par la force des opposants à l’aéroport Notre-Dame-des-Landes.
A Buenos Aires, la presse en main
Les quelques jours que j'ai passé à Buenos Aires m’ont montré quelle ambiance de violence politique entoure l'action du gouvernement de Cristina Kirchner ! Ici la droite ne se contente pas de s'opposer. Elle articule des complots spécialement venimeux.
J'ai déjà évoqué la grève des gendarmes et des agents de la préfecture de marine qui sent si fort l'odeur dorénavant bien connue du complot politique qu'on a déjà vu se réaliser en Équateur, en Bolivie et au Paraguay. Ces jours derniers, une nouvelle affaire défraie la chronique. Une goélette de la marine nationale argentine faisait escale au Ghana. Aussitôt une décision du tribunal de commerce local en a ordonné la saisie. C'est à peine croyable, mais c'est ainsi. En effet, un fonds de pension possède des titres de dette que l’Argentine ne paiera pas. Il continue de réclamer son dû. Il y ajoute, en plus, le total des intérêts qu'il aurait dû toucher ! Le scandale est encore plus grand qu'il n'y paraît. En effet, ce fonds de pension a acheté ses « bons » au marché gris, c'est-à-dire pour quelques centimes. Il veut à présent se les faire payer à leur valeur faciale. C'est-à-dire à la valeur qu'ils avaient avant leur dévaluation et leur achat par ce fonds à un prix inférieur à celui d’un papier peint ! Cette requête a pourtant suffi à faire saisir le bateau ! Les élèves marins et officiers, les invités à bord, sont cloués sur place. Le ridicule et la provocation sont à leur comble ! Qu’un état souverain se fasse confisquer un navire de sa marine nationale est un fait sans précédent de toute l’histoire, je crois bien. Depuis deux jours la droite accable donc de sarcasmes le gouvernement. Le méga groupe de presse « Clarin » se déchaîne. Mais, rebondissement, un matin, le journal de gauche « Pagina 12 » fait une révélation. L'état-major de la marine aurait volontairement changé l'itinéraire de la goélette ! Celle-ci aurait dû faire escale au Nigéria. Pourquoi ce changement ? « Une décision aussi inexplicable que suspecte » affirme le quotidien qui publie un duplicata de l'ordre de changement d'itinéraire émanant du plus haut niveau de la hiérarchie de la marine argentine. Le soupçon est que l’événement ait été volontairement provoqué. Le chef d’Etat-major des armées, un amiral, démissionne. Il a tenu un an. Son prédécesseur avait été mis à la retraite d’office pour avoir organisé de l’espionnage politique. Ce n'est pas la seule provocation en cours.
Depuis quelques jours les membres du conseil de la magistrature qui appartiennent à l'opposition bloquent la nomination des titulaires des cinq postes vacants au tribunal civil fédéral. Sans entrer dans les détails sachons seulement ceci : dans ces conditions, la loi sur la libération de la presse ne peut entrer en pleine application le 7 décembre prochain. Martin Sabatella, le ministre en charge du dossier de la nouvelle loi dénonce « une nouvelle manœuvre contre la liberté d'expression et la démocratie. » Pour les commentateurs de gauche, c'est en effet clairement une manœuvre du méga groupe de presse « Clarin » pour se soustraire à l'obligation de démembrer son empire. Le journal « Tiempo argentino » de son côté révèle le lien qui unit ce méga groupe à l'un des juges impliqués dans ce blocage des nominations. Pendant ce temps, au Brésil se réunit la fameuse société de presse inter-américaine (SIP) dont j’ai déjà parlé dans ma précédente note. Je n’en ai que le compte rendu du méga groupe « Clarin ». Cela signifie que ce que j’en ai lu est peut-être tout à fait mensonger. Je le rapporte tout de même puisque cela occupe une pleine page du journal réactionnaire dont l’éditorial du jour, tout en nuance et sous le titre « une polémique qui ne respecte aucune règle », compare les kirchneristes à des nazis dont l’activité « ferait envie à Goebbels ». Le syndicat patronal de la presse américaine aurait condamné l’Argentine, mise au même plan que l’Equateur et le Vénézuela. Bien sûr ! Il a aussi décidé d’envoyer une commission d’enquête en Argentine pour demander des explications. Si cela est vrai, on mesurera toute l’arrogance d’une corporation d’entreprise qui se sent le droit d’une telle mission ! En notant que les mêmes n’ont pas un mot pour la situation des pays qui ont vécu un putsch comme le Paraguay et le Honduras. Bref, rien que du déjà-vu. Mais cela devrait servir d’avertissement aux naïfs toujours prêts à croire n’importe quelle calomnie du moment qu’elle est signée par de fumeux organismes auto proclamé « droits de l’homme », « liberté de la presse » et autre emprunts honteux à notre vocabulaire, repris pour justifier d’infectes activités de déstabilisation des gouvernements de notre gauche. En évoquant ces événements mon intention est d'attirer votre regard. Vous mesurez l'ampleur du silence qui entoure ce qui se passe ici par comparaison avec la multitude de ce qui s’est dit à propos du Vénézuela. Pourquoi ? Je pense que c’est en raison même de la charge d’exemplarité que contient l’histoire récente de l’Argentine. Depuis son refus de payer la dette, depuis sa renaissance, depuis ses politiques anti-libérales hautement assumées, le pays est contagieux. Bien plus proche des structures culturelles et sociales de l’Europe, il est par excellence le mauvais exemple qu’il est beaucoup plus difficile de caricaturer que le Vénézuela ou la Bolivie. Mais vous prenez aussi sans doute la mesure des résistances qu'une politique finalement assez raisonnable déclenche chez les possédants et spécialement dans la sphère médiatique. Au cours du symposium auquel j'ai participé, le philosophe Ernesto Laclau, sous les applaudissements de la salle, insista sur ce fait qu'en Argentine le méga groupe est à lui tout seul le plus grand parti d'opposition du pays, tout puissant et sans contre-pouvoir. Et nous ?
La loi sur la libération des médias qui va s’appliquer le 7 décembre prochain en Argentine nous donne une leçon de chose. Nous devrions commencer à travailler pour être prêts à faire nous aussi une proposition. Pour l’appliquer le moment venu. On gagnerait donc à préparer une proposition de loi. Il faudrait le faire dans la forme des « ateliers législatifs » dont j’ai proposé la formule pendant la campagne présidentielle. C’est à dire dans une forme ouverte à l’action de la société. C’est-à-dire non seulement en proposant aux professionnels de s’en mêler mais aussi aux citoyens qui le souhaitent de s’en mêler et de participer à la mise au point du dispositif à créer. En même temps, on devra faire de l’action de communication pour donner envie et montrer qu’un grand nombre de gens sont demandeurs. Je suis certain que le point de saturation et d’indignation n’est plus loin dans ce domaine aussi. Je note que nous pourrions recevoir une aide, même involontaire, d’une partie de la droite. En effet, j’ai lu que le sénateur Francis Delattre et vingt-six sénateurs du groupe UMP ont déposé une proposition de loi visant à « rétablir un pluralisme équilibré dans l'expression politique des médias ». À leurs yeux, le CSA est incapable de garantir l'expression de la pluralité des courants d'opinion. Disons que pour notre part nous n’avons pas été convaincus qu’il en ait même eu l’envie. On se souvient de ce que furent les grossiers abus impunis ni réprimandés en faveur des candidats de l’UMP et du PS qui bénéficièrent de 75 % du temps de parole dans la période dites de « l’équité ». Quoi que nous ayons dit, rien n’y fit. C’est à peine si l’on nous répondit. Et encore je ne dis rien ici de notre situation actuelle ! La répartition est monstrueusement monopolisée par le PS et son gouvernement !
Pour ces messieurs de l'UMP qui protestent à présent, la cause du mal est économique. Elle vient « par le jeu des groupes propriétaires des entreprises médiatiques, dont nombre d'entre eux prospèrent dans les contrats et commandes publiques. Ces relations économiques stratégiques, pour nombre d'entre elles, n'inclinent pas à l'indépendance, mais à l'anticipation de la victoire. » Je crois avoir lu tout ça déjà ailleurs, non ? Leur proposition de loi veut donc limiter le poids des industriels possédant une chaîne de télévision quand ceux-ci dépendent pour 40 % de marchés ou de contrats publics. Ah ! Ça y est, ça me revient ! C’était autrefois dans le programme du PS ! Dans ce cas, les sénateurs de droite proposent que ceux-ci ne puissent détenir plus de 10 % des capitaux ou des droits de vote de ladite chaîne de télévision si celle-ci fait de l'information générale et politique. Ne soyons pas dupes des intentions réelle de ce groupe de sénateurs UMP. Ils visent Martin Bouygues et son groupe. Si cette loi était appliquée, il devrait céder TF1 pour n'en garder que 10 % au maximum, ou bien il devrait retirer de TF1 toutes les émissions d'information et ne conserver que les divertissements. Mais l’initiative nous indique qu’un espace existe pour élargir le front du rejet du système actuel, en général et sans vengeance personnalisée comme c’est le cas avec cette proposition. Je donne donc cet exemple pour montrer comment une bataille commencée de façon assez isolée est en train de gagner de l’autorité et de l’audience dans tous les secteurs de la société. Je considère que c’est une opportunité à saisir.
Et maintenant un petit coin de ciel bleu dans le monde fermé et gris des médias d’opinion. « Tout n'est pas à jeter dans le modèle Chavez » ose déclarer sur « Le Point.fr », Hervé Gattegno, rédacteur en chef au « Point ». Pour lui, « la vérité, c'est que le régime vénézuélien est moins caricatural que son dirigeant Hugo Chavez ». Il aurait dû ajouter que cette caricature est celle qu’ont fait ses collègues. Et notamment son propre journal. N’empêche ! Gattegno fait partie de ces journalistes qui ont posé sac à terre après le résultat et qui par un clin d’œil, montrent qu’ils n’étaient pas dupes. A moins qu’il se soit, lui aussi, lassé des numéros d’enragés du type de ceux du journal « Le Monde ». Celui-ci continuait sa campagne politique le lundi encore en annonçant dans son titre que Chavez aurait fait le même résultat qu’en 2006. Une autre façon de souligner l’importance du score du candidat de la droite, de l’extrême-droite et des socialistes. La vérité c’est pourtant que Chavez a gagné cinq cent mille voix depuis la dernière fois. Il ne reste plus qu’à attendre le rectificatif ! Mais « Le Monde » n’est pas France 2 qui a accepté de présenter des excuses et de démentir que 80% de la population du Vénézuela soit en dessous du seuil de pauvreté comme l’avait affirmé son « reportage ».
Donc Hervé Gattegno réhabilite Chavez. Son confrère n’en revient pas. Il s’angoisse : « Le président vénézuélien Hugo Chavez a été réélu hier après 13 ans de pouvoir. C'est une figure pour la gauche de la gauche, mais on le présente souvent comme un dictateur. Vous voulez nuancer ce portrait. Votre parti pris : tout n'est pas à jeter dans le modèle Chavez. Êtes-vous sérieux ? ». Le pire survient alors : « Mais oui ! » affirme Hervé Gattegno. « On peut oser plaider la cause de Chavez contre la pensée automatique et les idées reçues sans être enrôlé d'office au Front de Gauche. La vérité, c'est que le régime vénézuélien est moins caricatural que son dirigeant. Vu d'Europe, on retient plus le culte de l'ego que les mesures sociales, et la pratique plébiscitaire que l'enracinement de la démocratie. Mais il faut passer outre le cliché du potentat sud-américain sorti de Tintin pour comprendre ce qui fait son succès dans son pays… et son rejet à l'extérieur. » Le confrère frise l’apoplexie. « Et alors ? couine-t-il. Qu'est-ce qui, d'après vous, explique des jugements si contrastés ? » La réponse semble sortir d’un autre univers médiatique : elle est nuancée ! « L'expérience chaveziste est unique : il n'y a pas de référence possible », ose déclarer Gattegno ! « Pour juger, on est plus dans l'intuition idéologique que dans le raisonnement politique. Mais le fait est qu'un pays où, sur 13 millions de votants à la présidentielle, le perdant recueille 6 millions de voix et admet sa défaite sans incident est plus démocratique que la Russie – où une autocratie capitaliste a remplacé la dictature communiste et où il y a toujours des opposants en prison. Or, curieusement, même dans la gauche européenne, on juge moins sévèrement Poutine que Chavez. Alors qu'on adore le Brésilien Lula… qui, lui, soutient Chavez ! » Je crois que là le confrère comprend que c’est grave. Aussitôt il récite un mantra salvateur : « On ne peut pas non plus taire que Chavez soutient des pays comme l'Iran, la Syrie et Cuba, qui ne sont pas franchement des modèles de démocratie… » Je suppose qu’après ça il comptait percer le cœur d’Hervé Gattegno avec un poinçon et l’asperger d’eau bénite. Peine perdue, le fautif allume la lumière de la raison et pulvérise d’un seul argument l’exorciste lui-même. « C’est exact, confirme-t-il, mais il faut faire la part de la provocation et de l'antiaméricanisme. Après tout, les USA ont longtemps soutenu (et installé) des dictatures militaires sans qu'on mette en cause leur attachement à la démocratie. Et la France a soutenu la Tunisie de Ben Ali et l'Irak de Saddam Hussein. Et Chavez continue par ailleurs de vendre son pétrole aux Américains – et il a même dit qu'il soutenait Obama ! Il ne s'agit pas de le défendre – surtout quand il est indéfendable -, mais de relativiser. Et d'admettre que, si le modèle vénézuélien nous met mal à l'aise, ce n'est pas parce que Chavez est un peu dérangé, mais parce que son parcours est dérangeant. » C’est dit !
Dur avec les nôtres, doux avec les autres
Pétroplus, aussi, est liquidé ! Après Sodimédical ! Après Florange ! Je ne commente même pas le dégoût que m’inspirent toutes ces capitulations du nouveau gouvernement. Et l’évacuation du site de Notre-Dame-des-Landes ! Et pendant ce temps, la répression contre les syndicalistes ne faiblit pas. Cinq mois après le changement de gouvernement, les procès sarkozistes continuent ou sont relancés contre de nombreux militants syndicaux, associatifs et politiques en raison d’actions collectives ou de mouvement sociaux. Mais les riches et les patrons eux entendent une musique bien plus prévenante !
Dans la répression anti-syndicale, les procureurs font même de la surenchère. Ils relancent régulièrement les poursuites. Et cela même quand des relaxes ont été prononcées en première instance. Et même encore quand les plaignants contre les syndicalistes ont eux-mêmes retiré leurs plaintes. C’était lundi à Lyon où 5 syndicalistes CGT de Roanne étaient poursuivis en appel pour avoir apposé une inscription « casse-toi pov’con » sur un mur lors du mouvement des retraites de 2010. Ils ont été condamnés en première instance à 2 000 euros d’amende pour « dégradation légère de biens » et à l’inscription de cette condamnation à leur casier judiciaire. Le procureur a requis la confirmation des condamnations ! Et cela alors même que les plaintes contre les syndicalistes ont été retirées par le sous-préfet de la Loire et un député UMP qui les avaient déposées. Le délibéré du jugement a été repoussé au 19 novembre. Une délégation du Front de Gauche était présente ce lundi devant le tribunal de Lyon. Il y avait là en particulier Pierre Laurent aux côtés d’Eric Coquerel. Leur présence voulait marquer l’importance que nous donnons au premier niveau de représentation de nos partis à cette cause. Evidemment ils ont renouvelé notre total soutien à ces syndicalistes harcelés. Mais surtout ils ont rappelé que les parlementaires du Front de Gauche ont déposé en juin une proposition de loi pour arrêter les poursuites contre des syndicalistes et amnistier les condamnations prononcées à l’occasion de mouvements sociaux.
Car les cinq de Roanne ne sont pas isolés. D’autres cas existent dans toute la France. Ainsi le 28 septembre dernier, un syndicaliste CGT d’Alès, Sébastien Migliore, était poursuivi en appel au Tribunal de Nîmes pour des faits liés au mouvement des retraites dans le Gard en 2010. Un grave crime : on le rend responsable des lancers d’œufs sur la sous-préfecture après que des manifestants aient été gazés par les forces de l’ordre. Bien sûr, sa responsabilité directe n’est pas établie. Les poursuites se sont tournées contre lui car il est le secrétaire de l’Union locale CGT de la ville. Devant l’absurdité de cette poursuite, le tribunal l’avait d’ailleurs relaxé en première instance. Mais, sous le gouvernement socialiste, le procureur a fait appel. Certes, lors de l’audience, le tribunal a requalifié les faits de « violence envers les forces de l’ordre » en « outrage envers les forces de l’ordre. ». Et le jugement a été reporté au 15 février 2013. Rien de tel que de faire mijoter longuement la trouille. Aller, hop on dit merci à qui ? D’autres poursuites continuent contre les mêmes syndicalistes. Ils ont en effet refusé de se soumettre à des prélèvements ADN. Un refus qui est passible de lourdes peines comme on le sait. Le détail de ces affaires montre que l’on est face à des poursuites purement politiques. Leur seul but est d’intimider les syndicalistes. Rien n’est trop cher alors ! En ces temps d’austérité, ces procédures judiciaires aussi lourdes et à rebondissements sont incongrues alors que la justice a autant de mal à fonctionner correctement faute de moyens. Peut-être reste-t-il quelqu’un de gauche parmi les têtes d’œufs et les ex-banquiers qui entourent les nouvelles excellences pour leur rappeler qui les a faits rois ! Au cas précis, l’amnistie et l’arrêt des poursuites contre les syndicalistes condamnés ou poursuivis pendant la période Sarkozy ne coûterait pas un euro ! Et cela soulagerait même la justice qui a autre chose à faire. Surtout cela aiderait des centaines de militants syndicaux et associatifs qui sont dévoués depuis des années pour défendre nos retraites et nos services publics. Pour sauver les emplois et les usines. Empêcher les fermetures de classes ou de services hospitaliers. Autant de luttes qui ont contribué à chasser Sarkozy du pouvoir. François Hollande m’avait promis de s’en occuper. Non seulement il ne fait rien mais les procureurs qui sont, eux, tenus de suivre les orientations générales données par le Garde des Sceaux continuent de poursuivre ou relancent les poursuites après les relaxes ! Pourquoi ce comportement ? Pour se faire bien voir du patronat, seul bénéficiaire de ces violences anti-syndicales ? Mendier la bienveillance du patronat est la spécialité du gouvernement Ayrault semble-t-il.
Par contraste, je veux revenir aussi sur les développements de l'affaire des "pigeons". Après l’épisode lamentable du défilé des dix ministres socialistes à l’université du MEDEF, cela aura été un nouveau signal particulièrement nuisible donné aux milieux d’argent. Un signal de faiblesse qui est un encouragement à la rébellion permanente des gros portefeuilles. Jamais le mécontentement des puissants n'avait été aussi vite entendu sous un gouvernement de gauche. Le recul du gouvernement sur la taxation des plus-values de ventes d'actions est d'autant plus injustifié que la révolte des "pigeons"' semble bien avoir été en réalité un complot monté de toute pièce par la finance, la droite et le MEDEF. Voici les éléments que j’ai rassemblés au fil des informations publiées. Si j’en ai disposé, j’estime que le gouvernement les a eues autant que moi et, sans doute, avant, non ? Sa capitulation n’en est que davantage pitoyable ! En regardant de près le fameux collectif de soi-disant "jeunes entrepreneurs innovants" dit "pigeons", on découvre d'abord que le premier initiateur est un entrepreneur français installé à San Francisco ! Il est donc assez mal placé pour faire du chantage à l'évasion fiscale puisque son activité n'est déjà plus taxée en France. Autre découverte : cet initiateur de la pétition internet "foudroyante" des "pigeons" est le frère du responsable de la campagne internet de Sarkozy pendant la présidentielle. On comprend mieux pourquoi l'UMP était aux avant-postes de cette soi-disant "révolte". Enfin, il s'avère que les initiateurs n'ont réussi à faire augmenter leur nombre de soutiens sur internet qu'avec le parrainage personnel et logistique de grands patrons comme Xavier Niel de l'opérateur Free ou Geoffroy Roux de Brézieux de l'opérateur Virgin Mobile. On est donc à mille lieux de la défense des "petites entreprises innovantes". Dans cette histoire les vrais pigeons sont ceux qui y ont cru.
La suite de la polémique l'a confirmé. En effet, alors que la CGPME s'est retiré de la "fronde" après la première reculade du gouvernement, les "pigeons" ont reçu le soutien bruyant du MEDEF et de l'AFEP, organe qui regroupe les principaux patrons du CAC 40. Cette reculade devant les "pigeons" est d'autant plus grave qu'elle intervient après plusieurs autres reculs sur la taxation des revenus du capital. Désormais l'engagement n°14 du projet présidentiel de François Hollande est complètement enterré. Le candidat Hollande y avait repris la proposition du Front de Gauche d'« imposer les revenus du capital comme ceux du travail ». Une bataille que nous menons depuis des années et qui m'a valu d'innombrables polémiques avec les amis de l’argent roi dans les médias. Notamment lorsque j'avais relayé les propos du banquier de Natixis Patrick Artus qui affirmait dans le Monde du 15 mai 2011 : « Il faut aligner la taxation des revenus du capital sur celle du travail. Cela pourrait rapporter 100 milliards d'euros ». Par la suite, cette estimation a été révisée par différents économistes entre 42 et 113 milliards. Rien qu'en prenant la fourchette basse, cela aurait permis d'épargner au pays les coupes dans les dépenses publiques et dans les revenus des travailleurs qu'a prévu le gouvernement dans son plan d'austérité. Il n'en sera rien malheureusement. Car, par une série de reculades discrètes mais nettes, le gouvernement a rétabli la plupart des privilèges fiscaux qu’il fait mine de pourfendre. Voyons cela.
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Il y eut d'abord les avantages pour l'assurance vie. Il s'agit d'un véritable paradis fiscal pour les placements. Les revenus d'actions ou d'obligations qui y sont déposées ne sont en effet taxés qu'à 15% au-delà de 4 ans de détention et 8 % au-delà de 8 ans. De tels taux préférentiels expliquent qu'aujourd'hui les contrats d'assurance vie drainent 75% des flux de placements en France. Et derrière la masse des 17 millions de Français qui y ont souscrit se cachent les 1% les plus riches qui en détiennent à eux seuls le quart de l'encours total ! Un rapport de la cour des comptes présenté par son président Didier Migaud expliquait d'ailleurs que « l'incitation fiscale ne bénéficie véritablement qu'à une minorité d'épargnants détenteurs des contrats d'assurance-vie les plus importants. La très grande majorité des ménages – ceux imposés dans les trois premières tranches de l'impôt sur le revenu – ne retire qu'un faible intérêt des dispositions fiscales censées les inciter à détenir leur épargne au-delà de huit ans. » Un privilège que Hollande et son équipe s'étaient explicitement engagés à abolir. Ainsi, après une première déclaration en ce sens de Hollande lui-même le 27 février 2012 sur TF1, Michel Sapin avait affirmé le lendemain : « L'assurance-vie sera soumise au barème de l'impôt sur le revenu. Nous ne prévoyons pas de maintenir des abattements exonérant le fruit de ces placements. Par définition, les personnes disposant au total de faibles revenus (salaires ou pensions de retraites, plus fruit de l'épargne) continueront d'être non imposables. Les autres paieront comme tout le monde. » Un engagement qui n'a pourtant même pas tenu jusqu'à la fin de la campagne. Avant même d'arriver au pouvoir, Hollande et son équipe avaient en effet annoncé discrètement, via une déclaration de Michel Sapin à l'AFP, que les privilèges de l'assurance vie seraient maintenus. Entre temps, l'équipe de Hollande avait rencontré la Fédération française des sociétés d'assurance, deuxième grand lobby financier du pays après la Fédération française des banques. Ceux-là ont été plus vite et mieux entendus que de vulgaires Sodimédical et autres Pétroplus !
La deuxième reculade fut sur la taxation à 75 % des revenus de plus d'un million d'euro. Là encore les revenus du capital en sont exonérés. L'annonce a été faite par Hollande lui-même après que la première fortune de France, Bernard Arnault, a protesté contre cette taxation. Ceux qui gagnent plus d'un million en travaillant, façon de parler, seront donc taxés à 75 %. Mais ceux qui gagnent plus d'un million en dormant ne le seront qu'à 45 %. Voire moins compte tenu des autres reculs qui ont suivi.
Lors de la présentation du budget 2013, le gouvernement a continué à communiquer sur la fin des « prélèvements forfaitaires libératoires » qui permettent aux revenus du capital d'échapper à l'impôt sur le revenu. Beaucoup de mes lecteurs ignorent de quoi il s’agit. J’explique. Si vous avez un revenu quelconque, il s’ajoute sur votre déclaration de revenus pour les impôts. Mais si vous avez un revenu par vos actions, cela se passe autrement. Vos profits ne sont pas ajoutés sur votre déclaration d’impôt. Vous payez un pourcentage dessus : au revoir et merci. Pour le nouveau gouvernement, il s'agissait de maintenir un affichage qui sonne bien et qui puisse faire illusion. On apprit donc que ce « prélèvement forfaitaire libératoire » était abrogé. Le coup de communication marcha très bien compte tenu du niveau moyen de sous information des médias. Je me suis vu demander dix fois si j’étais satisfait que « François Hollande taxe le capital comme le travail ». Il suffisait de faire l’effort de demander les détails contenus dans le budget, pour découvrir la vérité. Petit malin ! Quelle que soit la somme que vous gagnez grâce à vos actions en bourse, celle-ci bénéficie d’un abattement spécial de 40 % ! La somme à inclure dans votre déclaration d’impôt est donc 60% seulement de ce que vous aurez gagné de cette façon. Rappelons que l'abattement appliqué aux salaires ne s'élève lui qu'à 10%. Le gouvernement a donc effacé un privilège des revenus du capital d'un côté pour le rétablir de l'autre à l'intérieur de l'impôt sur le revenu.
La dernière reculade sur les revenus du capital est enfin celle de l'affaire des "pigeons". Là, ce sont les plus-values de ventes d'action qui sont concernées, c’est-à-dire les gains obtenus entre la valeur d'achat d'une action et sa valeur à la revente. Pour une partie de ces plus-values, le gouvernement a carrément rétabli le prélèvement forfaitaire de 19 % qui les fait échapper à l'impôt sur le revenu. Et pour les autres, le gouvernement a aussi instauré un abattement de 40 %. Fromage et dessert !