Attaque de Moody's :
il faut résister !
La dégradation de la note de la France est une agression sans fondement contre notre pays.
Bien sûr que cette conférence de presse est davantage un aveu qu’un tournant. Pas en raison de son contenu. Il était dans le programme de la campagne électorale de Hollande. Bien sûr, tout ce social libéralisme était dissimulé derrière les simagrées du discours du Bourget destiné exclusivement à mystifier les nôtres. Mais la mise en scène fonctionnait comme un message solennel. Dorénavant il assume ! Et le faisant, il « proclame ». Après Merkozy voici Merkhollande. Et comme l’a démontré Ayrault qui parle allemand, dans la langue de Merkel, à une lettre près on passe du « fécond » à « l’effroyable » ! En attendant l’odieux est servi : le catéchisme libéral dans la bouche d’un président élu par la gauche, assorti de propos de comptoir sur les dépenses excessives de l’Etat !
La capitulation sans condition est enrobée de bobards
Je vais revenir sur la conférence de presse de François Hollande mardi. J'ai dit dans plusieurs médias ma consternation de voir le Président de la République revendiquer l'austérité avec le sourire. Je veux dire ma gène devant le nombre des bobards qu’il a accumulés pour justifier sa conversion pleine et entière à la doctrine économique et sociale de madame Merkel.
Sur l'Europe, nous avons eu droit à la répétition des refrains récités depuis le mois de juin dernier. Répétition ne vaut pas démonstration. « La nouvelle orientation » et « la nouvelle donne » dont Hollande nous rebat les oreilles n’est démontrée d’aucune façon et c’est même le contraire qui est prouvé. Toutes les décisions importantes prises par le Conseil européen depuis juin sont dans la continuité parfaite avec les orientations fixées depuis 2010 sous l'égide de Merkel, Sarkozy et Barroso. Cela n'a pas empêché François Hollande de revendiquer à nouveau de soi-disant « victoires ». Il a évoqué son fameux et imaginaire "Pacte de croissance" financé avec des lignes budgétaires déjà existantes. Mais cette fois-ci il a carrément revendiqué de surcroît comme acquis du Conseil européen des 28-29 juin « la mise en place du mécanisme européen de stabilité ». Aucun démenti dans la presse nulle part ! Les désintoxiqueurs professionnels par leur silence complice cirent les pompes en cadence. Car il s’agit d’un pur énorme mensonge. En effet le MES a été décidé et voté plusieurs mois auparavant. La France a ratifié le Traité sur le MES le 21 février à l'Assemblée nationale et le 28 février au Sénat, à l'initiative de Nicolas Sarkozy. Comment Hollande a-t-il pu l’oublier ? Les socialistes s’étaient majoritairement abstenus, contre son avis !
Le bidonnage a ensuite continué de plus belle quand Hollande a affirmé : « J'ai pu faire adopter par onze pays européens la taxe sur les transactions financières ». Comme ce n’est pas la première fois qu’il fait ce numéro sans être démenti par les désintoxiqueurs de presse, il s’est senti autorisé à refaire le numéro dans le cadre solennel du palais de l’Elysée. Pourtant je rappelle que l'accord politique en faveur de cette taxe a été réalisé en février 2012 à l’initiative de Merkel et Sarkozy. Les 9 Etats nécessaires à la mise en place de la taxe avaient alors affirmé leur décision commune d'engager une coopération renforcée en la matière (France, Allemagne, Italie, Belgique, Autriche, Espagne, Finlande, Grèce, Portugal). Ils ont été rejoints depuis par la Slovaquie, l'Estonie et la Slovénie, tandis que la Finlande s'est retirée. François Hollande n'est strictement pour rien dans cette affaire !
Cette tirade sur la réorientation de l'Europe s'est terminée en forme de vœux pieux : « Je me suis fixé l'objectif de régler les questions lancinantes posées à la zone euro, d'ici la fin de l'année. » Avec une chute en forme d'injonction paradoxale : « C'est par la solidarité et non par une austérité sans fin que seront atteints les objectifs impérieux de réduction des déficits. » Paroles verbales, bobard de fin de banquet. Car d’ici la fin de l’année tous les Etats doivent avoir fini de transposer la règle d'or budgétaire qui installe l'austérité dans la durée.
François Hollande a ensuite exposé son « choix du désendettement du pays ». « A marche forcée » selon ses propres termes. Et il a confirmé que « l'équilibre des finances publiques sera principalement atteint par des économies ». Un chapitre de sacrifices conclu par un couplet d’un genre très nouveau à gauche : une diatribe contre l’Etat ! Il a recyclé les plus grossiers poncifs libéraux contre la dépense publique. Et pour appuyer ce reniement, il aura fallu un nouvel enfumage, une entourloupe. François Hollande a ainsi affirmé : « La dépense publique atteint aujourd'hui 57% de notre produit intérieur brut. C'est beaucoup. C'est un record. Elle n'atteignait que 52% il y a seulement 5 ans. Nous devons être capables de faire mieux en dépensant moins. » Voilà une véritable manipulation. Tout d'abord les chiffres sont faux. Ce que ne vous ont pas dit les désintoxiqueurs professionnels. Dans la dernière statistique publiée par l'INSEE, la dépense publique représentait 56% du PIB en 2011. Et elle était de 52,6% du PIB il y a 5 ans.
La comparaison choc de Hollande est donc fausse de 1,6 points de PIB. Soit une erreur de 32 milliards ! C'est ennuyeux pour un texte écrit à l'avance lu par le Président de la République. Il faut donc en conclure que cette présentation était délibérément alarmiste. Mais le plus honteux dans sa soi-disant démonstration c’est qu'elle passe sous silence le fait que c'est la crise financière de 2008 qui a mécaniquement augmenté les dépenses publiques. La charge de la dette s'est accrue à mesure que se creusaient les déficits. Et les dépenses sociales se sont mécaniquement envolées avec la progression de la pauvreté et du chômage. La contraction de l'activité entraîne par exemple mécaniquement le versement d'un plus grand nombre d'indemnités chômage et le basculement d'un nombre croissant de personnes dans le RSA. Cela n'a donc rien d'une hausse incontrôlée ou orgiaque des dépenses de l'Etat dans la gabegie et l’incontinence !
D'ailleurs le ratio qui présente la dépense publique comme un poids par rapport à la richesse créée est absurde. Car la moitié de la dépense publique est destinée à la protection sociale des travailleurs et de leurs familles. Veut-il la supprimer ? Même cela ne voudrait rien dire. Que cette couverture soit socialisée ou pas, elle représenterait de toute façon une dépense dans l'économie du pays. Les gens devraient quand même s’assurer ! Et la preuve est faite que là où cette dépense est publique, comme en France, cela coûte moins cher que là où elle est privée. En voulez-vous un exemple pour vos disputes des repas du dimanche quand votre beau-frère de droite Jean-Geoffroy ou votre cousine social-libérale Marie-Réglisse voudront faire les malins ? Prenons alors l’exemple des dépenses de santé qui sont inclues dans les dépenses excessives montrées du doigt par Hollande. La France, grâce à un système public, y consacre 11% de la richesse nationale. Les USA, grâce à un système privé, y consacrent 17% de la richesse nationale. Cet exemple montre à quel point est malhonnête le procès fait à la dépense publique par François Hollande dans son numéro de petit converti au catéchisme libéral.
Mais les bidonnages ne se sont pas arrêtés là. Le pire est venu à propos de la « compétitivité ». Hollande a alors essayé de maquiller la hausse de la TVA annoncée par Jean-Marc Ayrault comme « une restructuration des taux de TVA ». Il a d'abord prétendu que la hausse de TVA décidée par Sarkozy représentait 12 milliards d'euros. Chiffre faux, à nouveau. Il s’agit de 10,6 milliards, ce qui est déjà bien assez. Mais il s'est bien gardé de dire que la hausse des différents taux décidée par le gouvernement représente 7 milliards d'euros. Donc à peine un tiers de moins que la hausse Sarkozy. Et non pas « moitié moins » comme il l’a prétendu. Cela représentera une perte moyenne de 260 euros par an et par ménage. Pour un smicard ce sera un quart d'un mois de salaire perdu sur l'année. Et cela touchera de manière aveugle les pauvres comme les riches.
Mais la grosse ficelle c’est d’avoir totalement passé sous silence la hausse massive du taux « intermédiaire » de TVA en n'évoquant que la TVA dans la restauration passée à 10 %. Ce taux intermédiaire, est déjà passé de 5,5 % à 7 % sous Sarkozy en 2011 ! Il concerne pourtant des services vitaux pour l'économie : les travaux de construction ou de rénovation des logements, les transports, les loisirs cinéma, théâtre, concerts mais aussi matchs, et enfin les services touristiques comme les hôtels et les locations de vacances. Le plus indigne là-dedans c’est que ça concerne aussi les médicaments non remboursés, qui sont de plus en plus nombreux. En l'espace de 3 ans, tous ces biens et services qui concernent le grand nombre verront donc leur taxation quasiment doubler en passant de 5,5 % à 10 %. Cela va être d'autant plus difficile pour les ménages les plus pauvres que cela représente beaucoup de dépenses absolument obligatoires, comme les abonnements des transports. Telle est la réalité profondément anti-sociale de la hausse de la TVA que François Hollande a « revendiqué au nom de l'efficacité et de la justice ».
A la fin des fins, pourquoi faire tout ce mal aux gens ? Pour financer un nouveau cadeau fiscal aux entreprises. Cela sans aucune garantie qu’elles passent cette nouvelle marge de manœuvre en salaires ou en investissement et pas en dividendes supplémentaires ! Et alors qu’il était question d’aider la compétitivité des entreprises industrielles exposées à la concurrence internationale, Hollande a lui-même vanté son caractère aveugle, non ciblé et surtout sans contrepartie ! « Elle sera simple, sans formalités administratives. Elle sera générale, utilisable par toutes les entreprises ». Et précisons que là où Sarkozy avait prévu de baisser les cotisations sociales patronales de 13 milliards, Hollande accorde un cadeau fiscal aux entreprises de 20 milliards. Cela signifie que les entreprises sont servies de 35% de plus en cadeau fiscal sans contrepartie par Hollande que par Sarkozy. Le tout pour un bénéfice social escompté tout à fait ridicule. En effet, Jean-Marc Ayrault en espère la création de 300 000 emplois en 2017. Cela représenterait une dépense fiscale de 67 000 euros en moyenne par emploi créé. C'est-à-dire beaucoup plus cher par exemple que la création d'un poste d'enseignant dont l’Etat paie le recrutement autour de 40 000 euros par an.
Je veux alerter sur une dernière déclaration de François Hollande qui est passée inaperçue. C'est peut-être la seule véritable annonce nouvelle du Président lors de cette conférence de presse. Après avoir évoqué les réformes institutionnelles issues du rapport Jospin, le Président a ajouté que « le gouvernement présentera une révision constitutionnelle qui comprendra aussi la réforme du Conseil supérieur de la Magistrature et la réaffirmation des principes de la démocratie sociale ». Hollande veut donc réviser la constitution sur le principe de la « démocratie sociale ». Pourquoi faire si ce n'est appliquer sa proposition d'accorder au contrat une autorité supérieure à celle de la loi ? Un projet que Hollande avait mis en sourdine pendant la campagne après que je lui ai répliqué sur le sujet en juin 2011. Pour vous inciter à la vigilance et vous préparer à la bataille sur ce sujet épineux, je vous renvoie à ma tribune sur le sujet publiée sur ce blog.
Peut-on penser en Panurgie ?
Nous venons de subir le passage d’un rouleau compresseur. Le rapport Gallois a été une occasion de bourrage de crâne désormais en croissance permanente dans les grandes transes de panurgisme médiatique. Pourtant il y a eu des voix dissonantes et elles ont contesté les prémices et le raisonnement du rapport. Peine perdue ! Si illustres qu’elles aient été, elles ont été traitées comme d’habitude en pareille circonstance : mépris parfois embarrassé et silence toujours plein de bonne conscience. La « compétitivité » est paraît-il un sujet de débat ? Quel débat ? Le problème est évident, le diagnostic partagé, la solution simple comme le bon sens ! Encore une fois donc, les mêmes qui prétendent ouvrir « débat urgent » l’ont eux-mêmes enterré dans un consensus aussi militant qu’intolérant !
Dans une période comme celle-ci, le plus grand défi pour notre gauche est de vaincre la résignation. Mais soyons lucides : le moment est plus rude que jamais. Cette déferlante médiatique nous a porté un rude coup ! En répétant sur tous les tons la doxa libérale sur le « coût du travail »,« la compétitivité », la politique de « l’offre » a marqué des points. Son premier objectif est atteint : empêcher de penser, abasourdir. Dans ce contexte la plupart des bobards de la propagande officielle passent pour des faits objectifs. Ils affirment et nous devons démentir. Les médiacrates ont joué leur sale rôle de deuxième peau du système en injectant sans trêve le même discours et la même grille de lecture des événements. Dans la conférence de presse à l’Elysée, ce fut caricatural. Il faut bien l’admettre, le seul qui posa une question impertinente ce fut Laurent Joffrin puisqu’il voulut connaître la réponse du chef de l’Etat à la thèse économique contraire à la sienne. Il précisa même qu’il se référait à l’avis de plusieurs prix Nobel d’économie ce qui était moins provoquant que de mentionner que c’est aussi le point de vue du Front de Gauche. Ce fut la seule et unique ouverture sur un autre ordre de raisonnement que celui mis en circulation par le président et la grande armée des répétiteurs. Si Joffrin n’avait pas été là, c’est comme s'il n’y avait qu’un seul point de vue en économie dans le monde et en France. Tous ses autres confrères posèrent soit des questions intimiste sans intérêt (exemple : « Comment ressentez-vous les critiques ») soit d’accompagnement de sa logique (exemple : « En chantant la vie en rose le soir des résultats est-ce que vous ne regrettez pas d’avoir sous-estimé la gravité de la situation »).
Pour le reste, les commentateurs « indépendants » avaient déjà rivalisé dans la nuance la semaine précédente : est-ce assez, faut-il en faire davantage, ou bien plus vite ou bien plus fort ? Limité à la confrontation entre « L’Humanité » et « les Echos » l’espace du débat est réduit comme jamais. Après le numéro de la conférence de presse dont les trucs de communication étaient des ficelles grosses comme des câbles, ce fut un nouveau concert : a-t-il été « jugé convainquant », s’en est-il bien sorti ? Et ainsi de suite. La bande des prétendus décrypteurs et autres désintoxiqueurs à deux balles a sagement regardé ailleurs pendant que pleuvaient les chiffres faux et les présentations biaisées du nouvel emballage de la soi-disant « restructuration de la TVA », de la part du PIB dépensée par l’Etat et ainsi de suite. Le président manipule les chiffres ? Oui, peut-être, mais il est tellement présidentiel ! Le président tronque les présentations. En fait, pour l’essentiel, le pluralisme médiatique en France n’existe plus. La réforme la plus urgente à faire pour la démocratie française est celle de celle de son système médiatique unilatéral. L’exemple du courage des gouvernements argentin et équatorien en la matière prouve que c’est possible. La libération des médias, en vue de permettre le pluralisme politique doit, bien sûr, trouver son chemin dans chaque pays, selon ses propres conditions, mais tous doivent y pourvoir. En France cette question touche directement à la condition sociale des journalistes et à leur précarisation croissante, au statut et aux pouvoirs des usagers de chaque média. Cette dimension du problème est au moins aussi importante que celle de l’identité du propriétaire du média lui-même qui monopolise d’habitude l’attention des critiques de gauche. Au point où j’en suis parvenu en observant ce qui se passe en France et dans le monde, je considère que c’est une des premières tâches de la révolution citoyenne, avant même la convocation de la Constituante par laquelle nous commencerons notre processus.
Notre contre-budget : un seuil de crédibilité
Pour vaincre la résignation c’est tout un traitement qui doit être appliqué. Parmi les remèdes figure en bonne place la preuve à donner qu’on peut faire autrement, que d’autres choix sont possibles et qu’ils sont réalistes, c’est-à-dire applicables. C’est ce que nous avons appelé, pendant toute la campagne présidentielle « la radicalité concrète ». Elle permet de franchir le seuil de crédibilité à partir duquel des gens décident de se mettre en mouvement, d’adhérer et de prendre leur part personnelle dans le combat commun. Agir de cette façon c’est aussi se préparer nous-même à faire face si les circonstances l’exigent. C’est dans cet état d’esprit que nous avons demandé à notre « chef économiste », Jacques Généreux et à Guillaume Etiévant, le président de la commission économique du Parti de Gauche, de préparer un « contre-budget ».
Au moment où le budget de l’Etat se discute au parlement, il nous paraissait essentiel d’aller plus loin que l’opposition ligne à ligne face au budget d’austérité du nouveau gouvernement qui se décidait. C’est la meilleure façon de montrer très concrètement à la fois que l'austérité n'est pas une fatalité et que nous savons comment gouverner autrement. Le budget d'austérité de Hollande et Ayrault pour 2013 n'est donc plus la seule solution qui existe. Une autre proposition budgétaire est désormais sur la table. C'est d'ailleurs la seule à ce jour. Bien sûr, vous n'en avez pas entendu parler sur TF1 et France 2, chez lesquels nous sommes interdits de journaux télévisés depuis l'élection de Hollande. C’est donc entièrement sur nous même que repose l’effort d’information. Je vous invite ainsi à diffuser largement ce contre-budget. Dans la semaine nous avons tenu neuf meetings dans le pays pour présenter ce projet. Les responsables nationaux du parti sont disponibles pour en tenir autant qu’il faudra. L’important est que le texte circule et que le nombre de ceux qui en partagent le contenu de façon consciente et éclairée aille en augmentant autour de nous.
Vous pouvez retrouver l'intégralité des mesures chiffrées de ce contre-budget dans la brochure complète de présentation qui est diffusée.
Mais je vous en dis ici quelques mots de présentation. Ils peuvent d’ailleurs vous servir si vous prévoyez d’organiser une réunion avec des amis sur le sujet. Ce contre-budget décline concrètement notre programme « L'Humain d'abord ». Il s'appuie sur une solide analyse macro-économique que Jacques Généreux a rappelée pour l’occasion. Vous en aviez eu l’essentiel dans l'appel des 120 économistes contre le Traité TSCG et l'austérité. L'austérité mènera à la catastrophe en France comme elle y mène déjà en Grèce, en Espagne et au Portugal. Nous proposons au contraire un budget de relance de l'activité. Il s'appuie sur deux puissants moteurs : l'investissement public et le partage des richesses. Notre budget est robuste et réaliste. D'ailleurs il « rapporte » plus qu'il ne coûte. Il permettrait ainsi de stopper la spirale d’appauvrissement de l’Etat. Nous proposons d’ailleurs d’économiser 20 milliards d’euros dès 2013 sur les intérêts de la dette qui s'élèvent à 47 milliards d’euros au total. C’est possible en faisant acheter des obligations d’Etat à taux très réduits au Pôle financier public dont nous proposons la création. Les banques publiques du Pôle pouvant ensuite se refinancer autant que de besoin auprès de la BCE. Nous pourrions ainsi rompre concrètement et rapidement l’actuel circuit absurde de la dette publique payée au prix fort aux banques privées.
Au total notre budget prévoit 130 milliards de ressources nouvelles. Cela représente une hausse du taux de prélèvement obligatoires de 5 points de la richesse nationale. Ce taux passerait à 49% de la richesse. Comme au Danemark. Nous l'assumons. Cette hausse serait bénéfique à l'économie car elle est concentrée sur les montagnes d'argent qui dort aujourd'hui dans le pays. Alors que les banques sont gorgées d'argent par la BCE et les Etats et que les actionnaires font exploser leurs dividendes, cet argent ne se retrouve nulle part dans l'économie réelle. Ni dans les poches des ménages, via les salaires, ni dans l'investissement productif qui est au point mort. Notre budget prend cet argent qui dort pour le réinjecter utilement dans l'économie. Je vous en donne quelques exemples. Nous proposons de supprimer les niches fiscales sans utilité économique, sociale ou écologique pour 42 milliards sur 62 milliards de niches au total. Seraient également supprimées les exonérations de cotisations sociales qui ont montré leur inefficacité, à hauteur de 20 milliards sur la trentaine de milliards d'exonérations. Nous proposons un véritable impôt sur le revenu à 14 tranches et un revenu maximum avec tranche à 100 % au-delà de 20 fois le revenu médian. Nous considérons qu'au-delà de 20 fois ce que gagnent la moitié des Français, l'accumulation de revenus par une même personne n'a plus d'utilité sociale et économique. Notre impôt sur le revenu taxerait effectivement les revenus du capital comme ceux du travail. Au total, il rapporterait 20 milliards d'euros supplémentaires. Nous proposons aussi une TVA à 33% sur les produis de luxe et une surtaxe des hautes transactions immobilières qui rapporteraient 9 milliards au total. Autre mesure importante, elle concerne la lutte renforcée contre la fraude et l'évasion fiscale. Cela permettrait de récupérer 7 milliards d'euros dés 2013 sur les 25 milliards de fraude actuellement estimés.
Ces recettes permettraient de financer 100 milliards d’euros de dépenses nouvelles dés 2013 au service du progrès social et écologique. Nous proposons d'augmenter de 20% les investissements publics pour enclencher la planification écologique. Cela serait possible en doublant les dotations d’investissements aux collectivités locales. Car ce moteur principal de l'investissement public est aujourd'hui mis à l'arrêt par le gouvernement. Ces moyens nouveaux permettraient aux collectivités d'agir dans le plan massif d’investissement pour les énergies renouvelables que nous voulons doter de 9 milliards d'euros de moyens nouveaux de l'Etat. Nous voulons également affecter 2,5 milliards pour permettre la mise aux normes énergétiques de 700 000 logements et bâtiments publics. Et investir 1,9 milliards d'euros dans le développement des transports ferroviaires, fluviaux et côtiers. L'autre grand axe de notre plan d'investissement public concerne le logement. Le but est de financer la construction de 200 000 logements sociaux par an, comme dit et répété pendant la campagne électorale.
Notre contre-budget place aussi l'éducation et la culture en tête. 14,9 milliards sont mobilisés au total dès 2013. Nous pourrions ainsi financer la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans, la relance de l'enseignement professionnel public et la hausse des bourses. Nous créerions aussi 5 000 postes pour l'enseignement supérieur et la recherche en réalisant la première tranche d'un plan de doublement de ce budget en 5 ans. Nous financerions aussi la mise en place d'un véritable service public de la petite enfance avec la création de 100 000 places en crèches. Enfin nous porterions le budget de la culture à hauteur de 1,5 % du budget de l'Etat, là où il est redescendu aujourd'hui en dessous du fameux seuil de 1 % qu'il avait atteint sous Lionel Jospin.
Comme le but économique de ce contre-budget est la relance de l'activité, il prévoit de soutenir aussi fortement le pouvoir d'achat populaire. Grâce au Pôle financier public, la hausse du SMIC à 1 700 euros bruts ne mettrait pas en péril les entreprises. Notamment les plus petites qui retrouveraient des marges de manœuvre en trésorerie qui leur font aujourd'hui cruellement défaut. Nous augmenterions fortement les minimas sociaux pour les relever au dessus du seuil de pauvreté et les indexer à l'avenir sur le SMIC. Enfin nous revaloriserions le point d’indice des fonctionnaires pour rattraper la perte de pouvoir d'achat accumulée depuis 2000. Et nous titulariserions les 800 000 précaires de la fonction publique. Une mesure qui ne coûte rien la première année. Cela permettrait même d'économiser dans un premier temps les dépenses récurrentes de gestion et recrutement de non titulaires ainsi que la couverture chômage que l'Etat paye quand il se débarrasse périodiquement des précaires.
Ça sent le gaz !
Le lobby du pétrole tourne à plein régime en faveur du gaz de schiste ! Tout le monde est contacté et les amis anciens ou nouveaux se mettent en mouvement. D’où le retour de Rocard déclarant la France « bénie des dieux » du fait des miracles que le schiste fera pour elle ! Ce n’est donc pas une surprise que le bottin du lobby patronal en fasse autant. Voilà pourquoi dans son rapport remis à Jean-Marc Ayrault lundi 5 novembre, Louis Gallois appelle à poursuivre les recherche pour « l'exploitation » du gaz de schiste.
Gallois écrit que « l’exploitation du gaz de schiste soutient l’amorce de réindustrialisation constatée aux États-Unis et réduit la pression sur sa balance commerciale de manière très significative ». Brave soldat Louis Gallois ! Il ajoute la fuite en avant productiviste à la fuite en avant libérale contre le soi-disant "coût" du travail. C’est la ligne du MEDEF et de l'UMP. Mais des socialistes comme Montebourg ne sont pas en reste. J’ai déjà mentionné Michel Rocard. Celui-là a carrément humé un grand coup de gaz avant de déclarer au journal Le Monde : « La France est bénie des dieux. Pour l'Europe, elle serait au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole ». C’est Plantu, lauréat du prix de la liberté de la presse au Qatar, qui va être content !
Comme vous le savez tous, le Front de Gauche s'oppose à l’exploitation des gaz de schiste. Nos camarades sont très mobilisés sur le sujet à travers tout le pays. Nous partons d’un constat : à ce jour, les techniques d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste sont absolument anti-écologiques. La fracturation hydraulique est la seule méthode connue. Elle consiste à injecter d'immenses quantités d'eau mélangée à des produits chimiques pour fracturer le sous-sol et libérer les gaz ou les pétroles de schistes. C'est un désastre environnemental comme le démontre l'expérience en Amérique du Nord. Cela provoque une pollution des sols et nappes phréatiques absolument inadmissible. Ces dégâts écologiques sont désormais bien compris par la population et les élus locaux. L'opposition est donc très large. Cette mobilisation a permis d'engranger de premier succès. Ainsi, François Hollande a été contraint de s'opposer à la fracturation hydraulique. Il l'a dit lors de la conférence environnementale 14 septembre dernier : « Dans l’état actuel de nos connaissances, personne ne peut affirmer que l’exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et l’environnement ». En conséquence, il a demandé à la ministre de l'écologie de « prononcer sans attendre le rejet des sept demandes de permis déposés auprès de l’Etat ». C'est une première victoire à mettre au crédit de la mobilisation écologiste et citoyenne. Mais elle est insuffisante. Car le rejet des sept demandes de permis ne règle absolument pas la question des dizaines d'autres permis déjà accordés par le gouvernement Fillon. Ceux-là aussi doivent être annulés.
Mais au-delà des problèmes que soulève la technique d'exploration ou d'exploitation, nous rejetons le recours au gaz et pétroles de schiste. Défendre le recours à ces ressources est un archaïsme. Je m'explique. Le gaz et le pétrole, même de schiste, sont des énergies carbonées. Leur utilisation émet des gaz à effet de serre. Or l'impératif écologique est de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. C'est absolument indispensable pour ne pas aggraver le réchauffement climatique. Bien sûr la France n'y parviendra pas seule. Mais elle doit montrer l'exemple. L'accent doit donc être mis sur les économies d'énergie. Par exemple, le gaz est beaucoup utilisé pour le chauffage. Le meilleur moyen de réduire la facture de gaz n'est pas de recourir au gaz de schiste. C'est de mieux isoler les bâtiments et de développer d'autres systèmes de chauffage, notamment par la géothermie. Ce qui permettrait aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et donc de joindre la réponse écologique à la réponse sociale. Quant à la production d'électricité, mieux vaut se passer des centrales au gaz, comme de celles au fuel, et se tourner vers d'autres énergies, non émettrices de gaz à effet de serre. Plusieurs sont à notre portée, qu'il s'agisse de l'éolien ou du solaire mais aussi de la géothermie ou de l'utilisation des énergies de la mer. Bref, l’exploitation des gaz de schiste c’est à la fois un crime écologique, un archaïsme énergétique et une paresse intellectuelle et technique.