J’ai eu bien du mal à pouvoir revenir sur mon clavier. La semaine précédente j’ai passé bien du temps à préparer un face à face télévisé avec le ministre Cahuzac. Thème : « Les deux gauches ». C’était prévu pour « Mots croisés ». Pour finir le ministre s’est dédit. Trois autres ministres socialistes ont ensuite refusé le duel. « France 2 » a donc loyalement prévu de reporter au 7 janvier, de nouveau avec l’accord de Cahuzac. Tant mieux. C’est un bon débat. Ma fin de trimestre a été bien remplie. D’abord il y a eu ce Conseil national du Parti de Gauche où j’étais chargé du discours de clôture. Auparavant les débats avaient permis la synthèse de quatre plateformes. Plus de quatre cent délégués des comités s’en sont mêlés ! Comme le parti a grandi ! Il a quadruplé depuis sa fondation ! Il accueille tant de réseaux et de cultures différentes ! Tant d’ingénuité et tant de dévouement. Et aussi quelques grumeaux, bien sûr. Le dimanche il y avait la manifestation en défense du mariage pour tous. Tout le monde a pu voir le succès. Mais comment décrire l’ambiance incroyablement aimable et tranquille de cet immense cortège ? Las de faire du sur place à la Bastille, dans le cortège du Front de Gauche, j’ai fait des allées et venues le long du cortège. C’est un moment particulier que celui où s’exprime une aussi puissante vague égalitaire. Le sujet n’est pas « sociétal », même si le PS croit y trouver une diversion et la droite une occasion. C’est un sujet fondateur qui fait du bien à la société tout entière en élargissant les champs de conscience humaine.
Cette semaine, il y avait le SAMU social devant le siège du Parti de Gauche à onze heures du soir. En sortant de notre secrétariat national nous avons donc vu un couple sans abri, transi de froid, et leur gamin. Au secours mes amis ce monde est fou !
Alerte ! Pillage d'un autre fleuron français : Alcatel
Je ne voudrais pas que le prétendu accord signé par le gouvernement avec Mittal masque sa lamentable et honteuse capitulation dans les dossiers EADS et Sanofi. Et surtout la honte totale de ce qui se passe avec Alcatel-Lucent. On y retrouve Goldman Sachs, les patrons nord-américains, la veulerie des responsables français et l’inertie du gouvernement.
Alcatel est la première entreprise française en matière d'équipements de télécommunications. Héritière de la Compagnie générale d'Electricité, elle était le leader historique mondial en matière d'infrastructures de communication numérique (ADSL etc.) et de réseaux optiques. Beaucoup d’entre vous ont lu, j’en suis certain, ici où là, des informations qui leur ont appris la menace sur 1400 emplois. D’autant plus dramatique qu’il s’agit, comme dans le cas de Sanofi ou de PSA, une fois de plus du potentiel vivant de Recherche et Développement. Mais l’entreprise est aussi menacée dans son patrimoine technologique. C’est aussi celui de notre pays. Il s’agit des 29 000 brevets que détient Alcatel. Ils sont le fruit des dizaines d'années de recherches et d'investissements publics. Menacé de cessation de paiement, Alcatel a négocié une ligne de crédit de 1,6 milliards auprès d'un consortium de banques. Et pas n'importe quelles banques. L'opération est pilotée par le rapace Goldman Sachs, lourdement impliqué dans la crise grecque et, d’une façon générale dans de nombreuses très mauvaises actions. Elle est en bonne compagnie dans ce syndicat de la cupidité car il y a aussi la banque Crédit Suisse, experte en évasion fiscale. Les contreparties mise en gage par Alcatel pour son prêt sont inouïe.
Les banquiers vautours ont en effet pris en garantie hypothécaire la totalité du portefeuille de brevets. Ils ont aussi obtenu que pour équilibrer ses comptes le groupe s’engage à se dessaisir d’actifs. Notamment la perle de la couronne, l'activité de câbles optiques sous-marins. Ce sont là les deux segments les plus précieux du groupe puisque leur valeur représenterait 5 milliards d'euros. Et aussi les plus stratégiques pour la France. Car le câblage sous-marin conditionne une grande partie de nos communications avec le reste du monde. Cet accord a été signé vendredi. Il est engageant pour Alcatel mais doit être définitivement scellé d'ici un mois. Alcatel peut néanmoins encore en sortir, au prix de pénalités négociables. Mais à ce stade, l'action du gouvernement reste invisible. Or si rien n'est fait pour inverser cette logique, Alcatel risque de nouveaux incidents de paiements. Ils permettront alors à Goldman Sachs d'empocher les brevets sans aucun effort. C'est fait pour. Et comme Goldman Sachs est expert en manipulations de marché, on peut être sûr qu'elle fera tout pour qu'Alcatel ne redresse pas la tête. Exactement comme elle l'avait fait avec la Grèce en l'aidant à maquiller ses comptes puis en spéculant sur son défaut par l'intermédiaire des fameux CDS.
Il est fascinant de voir comment ce coup de force financier a été rendu possible par une mutation interne de la direction d’entreprise. Vous ne le savez peut-être pas si vous n’avez pas prêté attention à cette lutte, le plan de restructuration d'Alcatel organise le déménagement de ses activités de l'Europe vers les USA. C'est le fruit de la fusion calamiteuse d'Alcatel avec l'américain Lucent en 2006. A l'époque Alcatel était numéro 2 mondial de l'équipement Télécom. Avec 60 % dans le nouveau groupe, Alcatel avait théoriquement les moyens de conserver un potentiel productif de qualité en Europe et en France. Mais c'était sans compter avec des politiques économiques radicalement différentes en Europe et aux USA. Six ans plus tard, l'activité en Europe et en France s'est effondrée. Le groupe repose principalement sur son activité aux USA. Pourquoi ? L'Europe a totalement ouvert ses frontières. Se sont engouffrés dans les portes grandes ouvertes les équipements du chinois Huawei, entreprise stratégique dont le 1er actionnaire est l'armée chinoise. Portes grandes ouvertes mais mains liées. C’est « l’Europe qui protège » qui organise ce rapt. Car la Commission européenne interdit toute clause de localisation de la production dans les commandes non seulement aux opérateurs de téléphone européens mais aussi à ceux des Etats eux-mêmes. La situation est très différente aux USA où les commandes d'ATT et Verizon comportent des clauses de production sur le territoire des Etats-Unis. C'est par exemple le cas pour tout l'équipement en norme 4G des USA. Grâce à cette politique de souveraineté productive états-unienne, le potentiel d'Alcatel a été préservé aux USA. Et vidé de sa substance en Europe.
Le plan actuel de restructuration accélère ce glissement au profit des nord-américains. La direction financière est déjà tenue par un américain. Le directeur des ventes Amérique vient de prendre la direction des ventes mondiales, désormais pilotées depuis le Texas. Et la Recherche et Développement est désormais contrôlée depuis le New-Jersey et la Californie. Dans le reste de l'encadrement du groupe, les ingénieurs français sont systématiquement écartés. A la tête du groupe, le français Philippe Camus fait seulement illusion. Ancien directeur financier de Lagardère, il vit désormais aussi aux Etats-Unis. La France est donc en train de finir de se faire voler son fleuron de l'équipement télécom.
Face à ce pillage, le gouvernement ne fait rien de stratégique. Il bricole dans sa posture désormais habituelle de pompier des licenciements. Il négocierait une réduction du périmètre des actifs promis à Goldman Sachs. Et il explorerait la piste de rachats d'actifs par France Télécom. C'est-à-dire de couper encore des membres à Alcatel pour lui donner de la trésorerie. Mais sans assurer nullement son développement, ni la capacité de maîtrise technologique et d'innovation du pays. Pourtant des solutions simples existent. D'abord un véritable pôle financier public permettrait à Alcatel de trouver des lignes de trésorerie sans se jeter dans les bras de Goldman Sachs. Sans véritable moyens nouveaux de financements par rapport à l'existant, la BPI créée par le gouvernement risque à l'inverse de n'être d'aucun secours. La deuxième arme est la nationalisation partielle. Alcatel ne vaut plus que 2 milliards en bourse. Il suffirait donc à l'Etat d'acheter entre 500 millions et 1 milliard d'action pour reprendre le contrôle de l'entreprise. Et empêcher son naufrage en commençant par sauver les 9 000 emplois français. Et à sécuriser les brevets comme patrimoine de la Nation.
MEDEF contre salariés : qui choisit le gouvernement ?
Ce mardi 18 décembre, François Hollande a dîné avec 71 grands patrons membres de l'Association française des entreprises privées. L'AFEP regroupe les très grandes entreprises et le CAC 40. C'est la première fois qu'un président de la République participe à un dîner organisé par cette association. Comme en août, c'était la première fois qu'un premier ministre, en l'occurrence Jean-Marc Ayrault, assistait à l'université d'été du MEDEF. A ce stade, la répétition fait sens. Ce repas c’est un signal. C'est une signature. L’examen critique des dossiers qui comptent dans la vie des salariés le confirme.
Qu’il s’agisse du SMIC, des retraites ou de la précarité, dans les trois cas la partie s’engage au plus mal pour les salariés avec un gouvernement qui n’est jamais leur allié. Quand les chèques de 20 milliards d'euros au titre de la "compétitivité" arriveront dans les mains des patrons, les salariés eux seront en train de se battre le dos au mur pour protéger ce qu’il leur reste de leurs acquis.
Deux centimes ! C'est la hausse du SMIC horaire net au premier janvier prochain. Le SMIC va augmenter de 0,3 %. Cela signifie 3 centimes de plus par heure pour un SMIC brut. Sur un mois, pour un temps complet, cela procure royalement 4,55 euros de mieux sur le salaire brut. Ramené au salaire net, la hausse est encore plus blessante : 2 centimes par heure travaillée. Soit à peine plus de 3 euros par mois pour les smicards qui bénéficient d'un emploi de 35 heures par semaine ! Cette misère chichement distribuée suffit pourtant au ministre de la gauche « qui agit, pas la gauche tonitruante d’Amérique du sud », l’indépassable Michel Sapin, pour se donner des airs de bienfaiteur. Pourtant cette hausse ne doit rien au gouvernement Ayrault. Elle est automatique. Elle est la conséquence mécanique du mode de calcul actuel du SMIC. Ce mode de calcul prend en compte l'inflation et la hausse moyenne du salaire horaire ouvrier de base. La mini-hausse de 0,3% du SMIC est le résultat mécanique de ce calcul qui s’imposerait à n’importe quel gouvernement. Un gouvernement de gauche en principe va bien au-delà.
Pas le gouvernement de Jean Marc Ayrault. Lui, a refusé de donner un "coup de pouce" au SMIC comme Nicolas Sarkozy le refusait déjà. Ayrault a pourtant le pouvoir de décider d'augmenter le SMIC comme il veut, unilatéralement et par un simple décret. Si c'est un choix politique de l'augmenter, c'est donc aussi un choix politique de ne pas l'augmenter. Ce refus d'un coup de pouce c'est la suite logique du ralliement de François Hollande au discours patronal sur le soi-disant "coût du travail" qui serait responsable de la perte de "compétitivité" de la production en France.
Le MEDEF reçoit cinq sur cinq ce genre de message. Pense–t-il qu’il s’agit de peur, de faiblesse ou de complicité de ce gouvernement ? Peu importe. Il veut pousser son avantage. Laurence Parisot veut profiter de la bienveillance du gouvernement à son égard. Elle ouvre une nouvelle ligne de front. Dimanche 16 décembre, elle est ainsi revenue à la charge contre le droit à la retraite. Pour elle, l'injuste contre-réforme Fillon de 2010 ne va pas assez loin. Sur BFMTV, elle a notamment demandé un nouveau report de l'âge légal de départ à la retraite : « Nous disions déjà en 2010 qu'il faudrait au moins 63 ans, et je le redis aujourd'hui. Il faudra à nouveau repousser l'âge légal de départ à la retraite, allonger la durée de cotisations ».
Le gouvernement rejettera-t-il clairement cette hypothèse ? Le pire est à craindre ! Le programme de François Hollande était bien flou sur ce point. François Hollande ne s'est jamais prononcé pour rétablir le droit à la retraite à 60 ans pour tous, alors même que c’était le cœur de l’action de masse contre la réforme des retraites. Son projet présidentiel avait trouvé une astuce d’emballage : présenter le maintien du départ a soixante ans pour les carrières longues comme un rétablissement du droit à la retraite à soixante ans. La bienveillante cécité des médias permit à la duperie de fonctionner. En criant à la ruine de l’économie, la droite crédibilisa l’apparence de gauche du programme Hollande sur ce point. Pourtant les lecteurs attentifs comme nous avaient bien montré que pour le reste des salariés Hollande prévoyait seulement le grand défaussage habituel : « Une négociation globale avec les partenaires sociaux afin de définir, dans un cadre financier durablement équilibré, l’âge légal de départ à la retraite, la prise en compte de la pénibilité, le montant des pensions et l’évolution des recettes indispensables à la pérennité de notre système de retraite solidaire ». Cette négociation doit commencer en mars prochain. Les salariés y seront abandonnés au rapport de force avec le patronat qui n’a aucune raison de ne pas compter sur la compréhension du gouvernement. La preuve.
Le lecteur attentif aura remarqué que pour François Hollande, la durée de cotisation ne fait pas partie des éléments de la négociation. C'est cohérent avec la position du PS. Cette position était développée par Marisol Tourraine dans Le Monde du 19 mai 2010. Depuis, elle est devenu ministre des affaires sociales, donc des retraites. Voila ce qu'elle déclarait : « Le PS a tranché. Nous acceptons la poursuite de l'allongement de la durée de cotisation jusqu'en 2020. Aujourd'hui, il faut 40,5 annuités pour partir à taux plein ; en 2020, ce sera 41,5 ». Le PS a déjà cédé au MEDEF sur ce point. C'est pour cela que Laurence Parisot revient à l'offensive sur l'âge légal. Elle veut gagner sur les deux tableaux.
Comme par hasard, le lendemain de l'offensive du MEDEF, la machine médiatique s'est remise en marche autour d'un rapport du « Conseil d'orientation des retraites ». C'est la même mécanique qu'avant la contre-réforme Sarkozy de 2010. La même méthode de communication qu'avant les annonces de Jean-Marc Ayrault sur la compétitivité. D’abord le MEDEF avance ses pions. Puis un rapport d'un organisme soi-disant indépendant valide la démarche. Il vient fournir les éléments de langage de la propagande qui sera ensuite répétée sur toutes les antennes. « Le Monde » donne un cachet de référence officiel et indépendant à cette propagande. S’installe alors de grotesques campagnes d'affolement et de conditionnement idéologique. « Libération », le quotidien du social-libéralisme, fournit les tireurs dans le dos à gauche. Le tout est répété en boucle sur toutes les chaînes de radio et de télé. Et bien sûr dans ces inénarrables « débats » entre politologues, journalistes entrelardés d’UMP et de PS, tous d’accord sur le fond mais disputant la forme ou le rythme. La même machine médiatique à bourrer le crâne est en place dans le débat sur le contrat de travail. A l'heure actuelle, aucun accord n'est signé. Mais tous les grands médias officiels vantent déjà, par anticipation, un éventuel « compromis historique » entre patronat et syndicat. Par contre, aucun ne parle du contenu de la négociation. Et pour cause, puisque c'est le MEDEF qui part grand gagnant du consensus médiatique.
Que veut le patronat ? Atomiser et individualiser toutes les relations sociales dans l’entreprise. Au cas précis du moment, il s’agit de pouvoir licencier plus facilement. Comme d’habitude un plan général se déploie par des offensives sur des mesures ponctuelles précises, présentées séparément les unes des autres. Il exige une réduction des possibilités de recours et une diminution des indemnités en cas de licenciement abusif. En cas de licenciement, il veut aussi pouvoir invoquer devant le juge des motifs différents de ceux qui ont été reprochés au salarié au moment du licenciement. Incroyable ! Il serait alors impossible pour le salarié de préparer sa défense et de faire valoir ses droits correctement. Tout cela c’est l’environnement de la mesure centrale attendue : la fin du CDI.
Encouragé par la tendresse gouvernementale, le MEDEF reprend sa guerre pluri-décennale contre le Contrat à durée indéterminée. Ce fameux CDI est vital pour les salariés. Non seulement pour leurs droits sociaux les plus divers et les plus essentiels. Mais aussi dans la vie quotidienne de la cité. Là, le CDI est le sésame qui ouvre la porte des crédits du logement et ainsi de suite ! Le fond de l’affaire pour lui est de se débarrasser des clauses individuelles du contrat de travail. Voyons ce que cela signifie. Supposons qu’un nouvel accord collectif soit signé dans une entreprise et qu’il change certains points substantiels du contrat de travail comme la modulation du temps de travail, le niveau de salaire ou un changement de lieu de travail. Cet accord ne s’appliquera pas pour autant à tout le monde. En effet il y a une barrière très précieuse. Car on devine le genre d’accord qui se signe par les temps qui courent, le pistolet sur la tempe, très défavorable aux salariés! Aujourd’hui pour que ce genre d’accord s’applique à tous, il faut que chaque salarié donne personnellement et explicitement son agrément ! Le MEDEF veut en finir avec cette protection. Il veut que l'accord collectif s'impose d'office aux salariés même s'il leur est défavorable. Pire : le patronat exige de pouvoir licencier sans indemnités les salariés qui refuseraient de voir modifier leur contrat de travail. Et il aimerait aussi priver ces salariés du droit de contester leur licenciement devant un juge.
Enfin, le MEDEF veut également frapper les chômeurs. Aujourd'hui, plus d'un chômeur sur deux n'est pas indemnisé par l'assurance-chômage. A titre d'exemple, pour 2013, l'UNEDIC prévoit 127 000 chômeurs de plus mais à peine 7 000 chômeurs indemnisés de plus. Soit une différence de 120 000 personnes qui sortiront de l'indemnisation ! C'est déjà insupportable. Mais le MEDEF refuse de cotiser davantage alors que le chômage augmente. Pour lui, une éventuelle réforme de l'indemnisation du chômage doit se faire « à coûts constants ». C'est-à-dire qu'il faudra raboter les droits des chômeurs actuellement indemnisés pour pouvoir indemniser ceux qui aujourd'hui survivent avec le RSA. Déshabiller Pierre pour habiller Paul. On connaît. C'est inadmissible.
Depuis des années, le MEDEF radote ces vieilles lubies. Les gouvernements de droite et des ministres comme Xavier Bertrand étaient de fervents relais de ce genre de réclamations. Le CDI serait trop rigide, licencier serait trop difficile, il n'y aurait pas assez de flexibilité, etc. Des dizaines de nouvelles dispositions dans le code du travail ont été introduite pour répondre à ce genre de demandes. Pourtant depuis des années, la précarité se développe et le chômage augmente quand même. Et ce phénomène est européen. Alors que la récession est plus forte en Grèce qu'en Espagne, la hausse du chômage est aussi dramatique en Espagne qu'en Grèce ! Pourquoi ? Parce que l'Espagne a un marché du travail plus "flexible", c'est-à-dire plus précaire, que la Grèce. Un signe de plus que la précarité ne protège pas du chômage, elle l'accroît ! La Banque centrale de l'Etat de New York a dû le reconnaître dans une étude comparative entre les deux pays. Voilà bien une autre façon pour moi de répéter que c'est le progrès social qui est la condition du progrès économique et non l'inverse.
La question du contrat de travail et de la précarité est absolument centrale dans la période. Tous les plans d'austérité européens comprennent des mesures de précarisation des salariés. La négociation en cours aura les conséquences immenses dans la vie de tous les salariés et chômeurs du pays. La précarité frappe déjà durement. 75% des embauches se font en contrats précaires. La fin de contrats précaires représentent plus du tiers des motifs d'entrées à Pôle emploi. Et il faut y ajouter un million de "ruptures conventionnelles" de contrats de travail depuis la création de ce mécanisme en 2008 ! La "flexibilité" est déjà extrêmement répandue, même beaucoup trop. Ce qu'il faut, c'est éradiquer la précarité. Le contraire de la pente prise depuis plusieurs décennies.
Le gouvernement est au pied du mur. Aidera-t-il les salariés ou les patrons dans ce bras de fer ? Il doit, bien sûr, clairement s'opposer à toute décision qui augmenterait la précarité des salariés. Mais le fera-t-il ? Il ne peut pas se défausser sur un éventuel accord signé par quelques syndicats avec le patronat. Si un accord est signé, les parlementaires ont le droit, et le devoir, de l'examiner au regard de l'intérêt général. Et s'ils jugent que l'accord est contraire à l'intérêt général, ils ne doivent pas le transcrire dans la loi. Cette logique, c'est la méthode républicaine du progrès social. Vous savez que je l'ai longuement expliqué pendant la campagne présidentielle, notamment dans mon discours de Villeurbanne. A l’époque où les médias fabriquaient l’affaire de la viande hallal et de la viande kasher pour aider madame Le Pen à exister et pousser vers elle les milieux populaires, nous appelions à comprendre les enjeux sociaux du moment !
Je ne suis pas le seul à défendre ce point de vue. Cette question n'est pas une querelle entre responsables politiques et responsables syndicaux pour savoir qui décide. Plusieurs syndicats défendent la supériorité de la loi sur le contrat. Et ils reconnaissent donc le droit pour le Parlement d'amender ou de rejeter un accord collectif, même national et interprofessionnel. Parmi ceux-ci, le premier syndicat de France, la CGT. Son secrétaire général Bernard Thibault l'a dit très clairement à la presse jeudi 13 décembre : « Le nombre de signataires potentiels ne suffit pas à rendre l'accord légitime pour autant et à condamner le législateur à le transposer à l'aveugle. Le dernier mot doit appartenir au législateur ». Voilà comment un syndicaliste prend en charge la démocratie républicaine au moment où les sociaux-libéraux et la droite l’abandonnent.
Dolez a raison : nous ne sommes pas d'accord
Le départ de Marc Dolez du PG est absolument fondé. Il nous reproche d’être durs avec le gouvernement, d’être Front contre Front à Hénin-Beaumont où il aurait préféré qu’on vote socialiste dès le premier tour, et enfin d’être très écologistes. Il a raison : c’est bien ça. C’est la ligne du Parti de Gauche.
Certes son désaccord aurait gagné à être exprimé deux jours plus tôt devant les quatre cent camarades du Conseil national du Parti de Gauche qu’il est censé présider puisque l’orientation générale du parti était le sujet à l’ordre du jour. Oublions les mauvaises. Voyons le fond. Beaucoup ont bien dit ce qu’il fallait. Je vais donner les liens pour les lire en commençant par les lignes de Martine Billard ma co-présidente. Avoir choisi le quotidien du social-libéralisme « Libération » est une erreur de sa part. Comme d’habitude le titre ridiculise le propos de l’interviewé en le ramenant à du pseudo sensationnel. Là j’aurais « rendu le PG inaudible ». Ce thème n’est pas du tout le fond de la pensée de Marc, je le sais bien. Plusieurs blogs, à ma connaissance ont immédiatement remis le follicule à sa place, agauchepourdevrai.fr, www.lecridupeuple.org, letang-moderne.over-blog.com et gauchedecombat.com
Car maintenant la toute puissance des journaux papier est aussi sous le contrôle dévastateur de la toile. Affirmer que je suis inaudible, précisément la semaine où les sondages que chérit tant « Libération » disent tout le contraire, est une cruauté délicieuse que je me réjouis de pouvoir souligner. Surtout la semaine ou dans la propre région de Marc se forme avec le PG un nouveau groupe composé d’écolos et d’ex socialistes. Et enfin en sachant que davantage de monde lira ce blog (quinze mille visites quotidiennes et une lettre électronique hebdo à cent vingt mille exemplaires) que l’interview concernée. Rappelons qui si quelqu’un devient de plus en plus « inaudible » c’est « Libération » comme le prouvent ses ventes et la méfiance de ses propres investisseurs. Et la vôtre aussi, chers lecteurs, dont on me dit que vous êtes de moins en moins nombreux à l’acheter. On ne se demande pas pourquoi. Marc Dolez reste au Front de gauche. Il reste un camarade. Le PG reste le Parti éco-socialiste de l’alternative sans concession. Et le journal « Libération » reste un journal aussi relégué que sa ligne social-libérale.