- Le plan et le budget Hollande sont morts
- Et en plus, ils privatisent !
- A Strasbourg, l'Europe s'enfonce en délire
- Appel d'écologistes pour la marche du 5 mai
- Ayrault va-t-il aussi vendre la France aux Etats-Unis ?
- « Appel des économistes pour une VIe République »
- « Le balai comme la moindre des choses »
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La situation du pays se dégrade à grande vitesse. Toutes les hypothèses économiques qui justifiaient aux yeux de la nouvelle équipe gouvernementale sa capitulation sans condition devant la finance sont démenties. Le pays va entrer en récession selon le FMI et selon le Haut Conseil des Finances publiques. Par conséquent le chômage va encore augmenter et atteindre un niveau record depuis la fin de la guerre. Evidemment, les déficits vont se creuser, non seulement ceux de l’Etat mais surtout ceux des comptes sociaux qui reposent sur les cotisations sociales. Du coup de nouveaux trains de mesure de coupes budgétaires vont avoir lieu dans les comptes publics et sociaux. Et de nouveaux prélèvements vont être décidés en même temps que de nouvelles baisses de prestations. Evidemment, tout cela aggravera la situation pour l’année suivante, 2014. Tout un chacun va donc se trouver bientôt au pied du mur, ou bien subir en silence ou bien entrer dans l’action pour changer tout ça. Avec ou sans balai. Mais pourquoi pas avec pour faire, comme dit Lordon, la révolution des balais. Plutôt que d’abandonner notre pays au soi-disant « printemps français » de la réaction.
La spirale dépressive est à l’œuvre dans toute l’Europe. Bientôt les Allemands seront eux aussi plus rudement frappés que cela ne se voit aujourd’hui. Evidemment, toutes ces souffrances sont aussi vaines qu’inutiles comme nous en avons eu la preuve partout où ce type de politique a été mise en place. Cette situation va pousser plus loin les logiques de braderie et de pillage comme on l’a vu partout ailleurs. C’est déjà parti fort en France comme je le relève plus loin.
Dans le domaine politique ce contexte va aggraver considérablement les tensions. D’abord entre les gouvernants et les gouvernés. Les huées à la raffinerie de Petroplus quand l’hyper-solférinien Guillaume Bachelay a parlé devant les salariés floués et désespérés, l’intrusion des ouvriers de PSA dans le conseil national du PS, tandis que le premier ministre s’enfuit et que le ministre des finances va se cacher au fond de la salle, ne sont qu’un début. Mais de l’autre côté de l’échiquier aussi, la rage face à un pouvoir ressenti comme faible et sans appui populaire pousse à une radicalisation qui va aggraver la déstabilisation. En décidant d’annuler leurs réunions publiques sur le thème et en décidant de rester cachés, les officiels socialistes ont affiché une pusillanimité qui est un encouragement aux pires débordements.
Ce n’est pas tout. Les jeux entre les partis de l’officialisme UMP et PS vont se durcir dans des logiques de surenchères politiciennes. Et naturellement tout cela va tendre aussi les relations à l’intérieur de ces partis à mesure que les uns auront l’impression que le pouvoir est à portée de main et que les autres auront le sentiment de le perdre. Bien sûr il n’y a plus de courroie de transmission entre les mobilisations sociales d’un côté ou de l’autre et l’officialisme UMP et PS. Sur le terrain, aucune des deux séries de mobilisations ne se sent représentée à présent par ces politiciens. C’est évident à gauche. Même à la CFDT. Mais c’est vrai aussi de l’autre côté, dans une moindre mesure certes. C’est ce que l’UMP découvre avec les manifestations de la Frigide Barjot et autres exaltés contre « le mariage pour tous ». Il y a là une radicalité difficile à reprendre en main par la droite traditionnelle assez largement démonétisée dans ces secteurs. De son côté, l’extrême-droite officielle Lepéniste a elle aussi beaucoup de mal face à des secteurs qui la débordent, compte tenu de la désertion de Marine Le Pen. Au total, si la droite et l’extrême-droite de base s’homogénéise idéologiquement, il n’en va pas de même de sa représentation politique. A nous de prendre toute la mesure de l’incertitude du moment. « Qu’ils s’en aillent tous » est un phénomène qui envahit toujours la totalité du champ politique. Il s’étend à mesure que le mouvement d’en bas percute une structure officielle qui prétend le réintégrer dans le cadre qu’il juge illégitime.
En fait il ne faut pas perdre de vue que le « Qu’ils s’en aillent tous » est un processus qui répond à la délégitimation de tous les pouvoirs, toutes les autorités. Tous, quelle qu’en soit la nature ! En soi ce processus est assez largement informel et assez incapable de se donner de lui-même une perspective générale. Tout l’enjeu est de savoir qui va l’incarner dans un sens ou dans l’autre. La stratégie de la révolution citoyenne vise à conquérir l’autorité et la confiance suffisante pour ouvrir une perspective qui devienne majoritaire. Pour cela deux conditions doivent être réunies dans l’action. D’un côté, un décrochage clair et tranché à l’égard de l’officialisme et du système politique dominant. Et secondement donner en permanence un contenu et des objectifs concrets de haut niveau à la protestation. C’est sur cette ligne que le Parti de Gauche construit son action quotidienne. Pour nous, ces deux conditions se réunissent dans l’action et par elle. Là, c’est la vieille règle du leader Krasucki : « La force se renforce en se voyant forte »… Comme on le sait, la marche du 5 Mai est dédiée à la sixième République. Elle fait le lien entre le refus de l’austérité et de la finance, et la question d’un changement radical des institutions. Ce sont des thèmes de haut niveau de contenu. Cette exigence n’empêche nullement de bien fédérer comme le montrent non seulement les mobilisations de terrain qui préparent la manifestation, mais le nombre et la diversité de ceux qui y appellent, nationalement et localement.
En fait une partie de la manifestation viendra sur ses propres mots d’ordre et analyses. Par exemple il y aura un ample cortège en faveur du « mariage pour tous » puisque précisément l’égalité de tous les couples fait partie des bases de la Sixième République, si l’on se souvient de mon discours à la Bastille en mars 2012. Nous assumons ainsi fièrement le rapport de force avec les amis de Frigide Barjot. Mais ce ne sera pas le seul cas. Il y aura des cortèges des usines martyrs, qui pour la nationalisation, qui pour la coopérative. En ce qui concerne les forces politiques, la diversité n’est pas non plus un obstacle. Le NPA a décidé de s’associer à cette manifestation. Il participe totalement au comité de coordination. Mais il défilera sur ses propres mots d’ordre. Même scénario pour Eva Joly et ses amis qui viennent sur leurs mots d’ordre eux aussi. Tous se retrouvent sur l’idée de changer le régime politique et les moyens de la démocratie dans notre pays. Tous viennent s’opposer à la finance et à l’austérité.
En décidant de coller à cette journée du 5 mai après que nous l’ayons préemptée, la droite et les anti « mariage pour tous » trahissent leur anxiété. Il s’agit pour eux d’empêcher que la société exprime sa colère sur la gauche. Ce qu’ils ont mis en route avec la lutte contre « le mariage pour tous » est pour eux fondateur d’un « printemps français » comme ils disent. Cette saison serait censée jeter la société sous les bannières de la droite la plus traditionnelle et donc la plus réactionnaire. Vu de haut et de loin on peut dire que c’est la suite du courant « droite décomplexée » que portait Nicolas Sarkozy. Ce faisant, bien sûr, ils nous mettent au défi. Faut-il s’en plaindre ? Je ne crois pas qu’une seule personne de bonne foi confonde les deux manifestations. Et cela en dépit des efforts que vont faire pour cela les solfériniens, leurs divers bagages accompagnés et les « journalistes » qui leur servent la soupe. Mais acceptons le défi. De quel côté aller ? Ou bien s’effaroucher et abandonner le terrain à la droite manifestante comme y poussent le PS et les officiels d’EELV ? Ce serait reconnaître notre défaite. Pas celle de nos partis et groupements. Celle du courant que nous incarnons dans l’histoire face aux réactionnaires. Mais nous pouvons au contraire puiser de l’énergie dans le défi et relever d’autant plus haut le gant ? C’est évidemment cela notre choix collectif au Front de Gauche.
Mais je demande qu’on y réfléchisse. Le PS et EELV préfèrent abandonner le rapport de force populaire à la droite plutôt que de se tenir au moins en silence par rapport à notre mobilisation. Nous sommes donc tous seuls cette fois-ci en face de la droite. Et les gouvernementaux nous tirent dans le dos. C’est cela le symbole qui se met en place le 5 mai. Du coup, nous commençons à incarner sur le terrain tout ce qu’est notre camp politique du fait de la désertion des gouvernementaux. Pour moi c’est le début d’un élargissement de notre rôle dans la société et dans la période politique.
Une autre partie se joue aussi sous nos yeux en sens inverse. C’est en effet un paramètre intéressant que la dédiabolisation de Le Pen. Elle peut fonctionner comme une intégration au système des officiels. Vu de cette façon, Marine Le Pen et sa stratégie a ceci de bon qu’elle est en train de défaire la synthèse politique qu’avait réussie Jean-Marie Le Pen entre bandes et factions qui forment le socle historique du Front National. La course aux apparences « à gauche » quelle entreprend sous la houlette de Philippot, va à rebours du mouvement de ses bases qui vont, elles, dans l’autre sens. Il va devenir envisageable de la cueillir en rase campagne, politiquement isolée de ce qui se rassemble et se radicalise contre « le mariage pour tous ». Par exemple, je ne crois pas que la vieille base réactionnaire chouanne et royaliste ait envie de s’identifier à Madame Le Pen quand elle est assimilée à la sans-culotterie et, qui plus est, à mes côtés, à la une du journal « Le Point ».
Je clos ce chapitre en vous expliquant le changement de fonctionnement de ce blog. Mes lignes vont se répartir en deux endroits. Ici, en note plus brève. Et dans le pavé à droite de l’écran où des chapitres supplémentaires, des communiqués et des liens viendront au fur et à mesure se renouveler sur des cycles variables, entre une journée pour un communiqué et une grosse semaine pour des documents d’analyse. Par une astuce de publication quand vous cliquez un titre de « chapitre » du pavé, il apparaît en premier mais le reste de mes textes est lisible comme dans un tout.
Et en plus, ils privatisent !
Sans bruit, presque en cachette, le gouvernement Ayrault relance la machine à privatiser. Comme toujours avec les solfériniens, la manœuvre est mesquine, ses motivations pauvres et sans vision, sa mise en œuvre honteuse et presque clandestine. Médiapart a lancé l'alerte le 27 mars dernier. De mon côté, ici j’ai déjà raconté les péripéties lamentables du bradage d’EADS. Depuis la situation s’aggrave considérablement. Moscovici et Montebourg se disputent la médaille du meilleur liquidateur de la propriété publique.
Dans un article intitulé "Et maintenant, voilà les privatisations", Laurent Mauduit épinglait la "mini-privatisation" à "haute valeur symbolique" décidée par le gouvernement Ayrault. C'est le groupe Safran qui est concerné. Issu de la SNECMA, c'est un bijou de haute technologie leader mondial des moteurs aéronautiques. Le gouvernement a décidé de vendre 3,12% du capital de Safran. Pourquoi ? Parce que l'Etat était pressé d'empocher près de 450 millions d'euros pour boucler son budget. Misérable. Le sommet du ridicule et de l’absurde est atteint quand on sait que cette vente est destinée à alimenter le capital de la Banque publique d'investissement. Détruire de l’investissement pour alimenter un fonds destiné à aider l’investissement ! Jean Marc Ayrault est le nouveau Shadock de l’économie. Au passage on découvre que ces pitoyables gestionnaires avaient oublié de nantir le budget pour fonder cette banque ! Et, sans le vouloir, Moscovici fait ainsi l'aveu que la BPI n'est qu'un nain financier !
Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg sont ici à la manœuvre. En tant que ministre de l'Economie et des Finances, et ministre du Redressement Productif, ils partagent la tutelle sur l'Agence des Participations de l'Etat. Cette agence est la structure chargée de gérer le capital détenu par l'Etat dans les entreprises. Cette agence a été créée en 2004 par la droite. A l'époque, les libéraux vantait la nécessaire "modernisation" de "l'Etat actionnaire" qui devait "gérer son portefeuille" boursier. C'était l'abandon définitif de toute logique industrielle au profit de la logique financière et boursière.
Le pillage a aussi lieu chez EADS. Sous l'impulsion du PS, "l'Etat actionnaire" met ses pas dans ceux du parasite Arnaud Lagardère. Cet oligarque a décidé de se retirer du capital d'EADS. Et il a obtenu qu'EADS rachète ses actions. Bilan de l'opération : 2,3 milliards d'euros de trésorerie d'EADS brûlés dans une opération dont le seul bénéficiaire est Arnaud Lagardère. Ce pillage, j'en ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. Il me révolte. Ce lundi 15 avril, on a appris que l'Etat avait décidé de faire la même chose que Lagardère. EADS va racheter une partie de son propre capital détenu par l'Etat français : 1,56% du capital est concerné. Coût de l'opération pour EADS 478 millions d'euros. Entre Lagardère et l'Etat, EADS aura brûlé trois milliards d'euros de cash pour racheter ses propres actions, autant dire pour rien. Et grâce à cette merveilleuse trouvaille, l'Etat va reculer au capital d'EADS, une autre entreprise stratégique, un autre fleuron technologique.
Le scandale ne s’arrète pas là. En quelque sorte Cahuzac continue de nuire. Médiapart nous apprend que le groupe Lagardère va bénéficier d'une importante exonération d'impôt sur la vente de ces actions EADS. C'est la fameuse "niche Copé" qui est en cause. Cette disposition législative permet à un groupe d'être exempté d'impôt sur les plus values qu'il réalise en vendant des actions de ses filiales. En l'occurrence le groupe Lagardère ne payera presque pas d'impôt sur la plus-value de la vente de ces actions EADS. Cette plus-value est estimé 1,8 milliard d'euros ! Au lieu de payer 600 millions d'euros d'impôt, le groupe Lagardère ne devrait en payer qu'à peine 70 millions grâce à ce dispositif soit 530 millions d'euros d'exonération fiscale ! L'Etat perd plus d'argent avec ce seul cadeau qu'il n'en gagne en vendant ses propres actions EADS ! Un comble. Cette "niche Copé" a été votée à l'initiative de l'UMP Jean-François Copé en 2004. Mais si ce dispositif existe toujours, c'est à cause de Jérôme Cahuzac qui a refusé de le supprimer dans le budget 2013. Bien sûr, il a agit avec l'aval de Pierre Moscovici et Jean-Marc Ayrault, probablement aussi de François Hollande. Cette niche coûte jusqu'à 6 milliards d'euros par an. A titre de comparaison, c'est presque autant que ce va prendre François Hollande au peuple en augmentant la TVA le 1er janvier 2014.
Il ne manquait que Montebourg dans ce pauvre tableau. L’obsession comptable a fini par l’atteindre au détriment de tout autre raisonnement politique. Il l'a dit le 5 avril dernier dans le Wall Street Journal, le journal des traders américains. Voià ce qu'a déclaré Montebourg : "Dans le cadre de l'effort de restructuration budgétaire (…), nous réfléchissons à des changements dans les participations de l'État" dans les entreprises. Dans Le Figaro, un "proche de Pierre Moscovici" rappelle que "la cession de participations relève du ministre de l'Économie". Un combat de coq pour savoir quel ministre décide, voila à quoi se résume la politique industrielle de l'Etat dans les entreprises dont il est actionnaire ! Enfin, on aura donc appris que c'est Pierre Moscovici qui est responsable de la braderie chez Safran et EADS.
Moscovici lui non plus n'écarte pas de nouvelles ventes d'actions de l'Etat. Il se gargarise de la vente d'actions Safran. Il précise même que de telles ventes pourraient servir à boucher les trous du budget. Il le dit dans Le Monde de jeudi 18 avril : "Les cessions d'actifs peuvent être mobilisées pour le désendettement ou le financement de dépenses en capital. L'Etat, tout en préservant à l'identique son influence, a ainsi récemment cédé des titres du groupe Safran afin d'apporter des ressources nouvelles à la BPI et financer des investissements d'avenir. Je préciserai la doctrine de l'Etat sur la gestion de son portefeuille". Il brade et il en est fier ! Attention danger, ce sont des illuminés !
L'industrie de la Défense est aussi menacée. Un nouveau "livre blanc de la Défense" doit paraître dans les prochaines semaines. Il est censé fixer la doctrine militaire et les moyens budgétaires alloués en conséquence. Dans le contexte d'austérité généralisée, l'armée devrait aussi être frappée. D'ailleurs François Hollande l'a confirmé le 28 mars à la télévision. Il a indiqué que le budget militaire serait gelé sur la période 2014-2020 à son niveau de 2013. Cela signifie donc que chaque année, il baissera du montant de l'inflation. Cela n’a rien a voir avec une quelconque réflexion sur l’industrie d’armement, sa conversion ou sur la nature de nos besoins de défense. Non, juste de la comptabilité. Degré de réflexion politique égal à zéro !
Face à cette politique stupide et dangereuse, certains ont cru intelligent de proposer une autre absurdité : que l'Etat vende certaines participations dans des groupes industriels et technologiques de Défense pour combler les trous et alimenter le budget militaire. Ce serait un marché de dupes. La France y perdrait en souveraineté technologique et industrielle. Ce serait aussi un renoncement insupportable pour la gauche qui, depuis plus d'un siècle, défend la maîtrise publique de l'industrie d'armement.
Ce serait aussi un mauvais coup de plus. Même là où l'Etat est encore actionnaire, la stratégie financière a déjà pris le pas sur la politique industrielle. C'est la Cour des Comptes qui s'est émue de ce problème dans un rapport publié le 12 avril dernier. Pour la Cour des Comptes, sous les gouvernements successifs, l'Etat "a fait preuve de nombreuses faiblesses, se plaçant parfois en risque de perdre le contrôle de certaines activités industrielles de défense, ainsi qu’en ayant des difficultés à faire appliquer ses décisions, voire à s’exprimer d’une seule voix". En chapeau de son article sur le sujet, le magazine L'Usine nouvelle résume le rapport comme cela : "participations bradées, perte d'influence opérationnelle sur des groupes pourtant sous contrôle actionnarial [de l'Etat], risque d'OPA sur des entreprises stratégiques".
La Cour des Comptes elle-même qui n’est pas un territoire du Front de gauche, rappelle que "la présence de l’État au capital des entreprises industrielles de défense est aujourd’hui indispensable". Elle exige "une amélioration de la protection et du suivi des intérêts stratégiques de l’État". Elle pointe en particulier le "risque, par exemple, d’une OPA non sollicitée sur Safran, dont 90 % de l’activité est civile". Oui, vous avez bien lu. La Cour des comptes juge qu'il y a un risque d'OPA hostile sur Safran et le gouvernement Ayrault ne trouve rien de plus intelligent à faire que de vendre 3% du capital de cette entreprise !
La Cour estime aussi que "l’État ne doit plus agir au coup par coup mais adopter une stratégie d’ensemble, préparer les décisions futures et dire ce qu’il attend de ses partenaires industriels". Mais pendant ce temps, le gouvernement vend "au coup par coup"' des actions Safran et EADS.
Enfin la Cour des Comptes alerte sur le fait qu'"une stratégie à long terme sur les partenariats avec le groupe Dassault" est nécessaire compte-tenu du poids pris par ce groupe dans l'industrie de défense française, en particulier par la filiale Dassault Aviation dans le capital de Thalès. La Cour des Comptes va même plus loin : "Désormais, le seul partenaire industriel français est Dassault, ce qui posera tôt ou tard un problème de contrôle actionnarial". "L’État doit être en mesure de l’anticiper". Si le gouvernement Ayrault y prête autant d'attention qu'à Safran et EADS, on a toutes les raisons d'être très inquiets.
On se souvient que le programme du candidat Hollande ne disait déjà rien sur le sujet des entreprises publiques. Parmi les soixante engagements du candidat Hollande, cette question était balayée au point numéro 5. Que disait Hollande ? "Je préserverai le statut public des entreprises détenues majoritairement par l’État (EDF, SNCF, La Poste…)." C'est tout ? Oui. Quand nous proposions la création de plusieurs pôles publics, en particulier dans l'énergie, les banques, les transports, François Hollande promettait seulement de "préserver". Il prenait donc acte des saccages causés par dix ans de droite. Mais bien sur c’est cette pauvre équipe qui avait la vision réaliste et nous les « conforts de l’opposition » comme dit ce pauvre Jean-Marc Ayrault.
En fait le candidat Hollande ne savait même pas de quoi il parlait. Sinon, il n'aurait pas écrit cette phrase. Car depuis le passage de la droite, EDF et La Poste sont des sociétés anonymes. Ce ne sont donc plus des entreprises sous "statut public". Ce sont des sociétés de droit privé, soumises aux règles du privé, mais avec des capitaux majoritairement publics. La nuance est importante. Dans les trois entreprises citées par le projet de Hollande, seule la SNCF a encore un "statut public" en tant qu'"établissement public à caractère industriel et commercial". Et même dans cette entreprise, une privatisation rampante est à l'œuvre notamment à travers la stratégie de filialisation.
Le programme de Hollande était un recul colossal sur le programme historique du Parti Socialiste. Même le programme de Ségolène Royal de 2007 proposait encore au moins de "créer un pôle public de l’énergie entre EDF et GDF". Si je vous parle d'EDF et GDF ce n'est pas hasard. C'est Montebourg lui-même qui a évoqué GDF a demi-mot. Dimanche 14 avril sur France 5, il a déclaré "dans certaines entreprises, on a par exemple 36% de participation. On peut passer à 33%, qu'est-ce que ça change ?". Or 36% c'est précisément la part du capital de GDF-Suez que l'Etat possède encore.
Et l'article du Wall Street Journal dans lequel Montebourg est cité parle expressément d'EDF ou plus exactement d'"Electricité de France SA". Sous couvert d'anonymat, le journal fait parler "une autre source gouvernementale" qui déclare qu'en cas de ventes d'actions par l'Etat, EDF serait "le choix évident". L'article rappelle même que la loi actuelle permettrait au gouvernement de vendre 14% du capital d'EDF. Aujourd'hui 84,4% du capital est détenu par l'Etat mais la loi scélérate votée par la droite en 2004 autorise à descendre jusqu'à 70% sans avoir besoin de l'aval du Parlement.
C'est d'ailleurs une raison de venir marcher le 5 mai pour la 6ème République. Comment peut-on accepter que le patrimoine commun des Français puissent être dilapidé, bradé, vendu sans que le peuple n'ait jamais son mot à dire ? C'est un champ de la souveraineté populaire que nous devons conquérir. Il vaut bien sûr pour les grandes entreprises nationales. Mais il concerne aussi chacun dans sa commune et sa vie quotidienne. Par exemple, on pourrait imaginer qu'il ne soit plus possible pour un maire de confier la distribution de l'eau potable à une entreprise privée sans qu'un référendum local n'ait validé cette idée.
Cela éviterait bien des erreurs. En effet, la privatisation d'entreprises publiques est très souvent synonyme de catastrophes technologique, stratégique et industrielle. Je pourrais vous parler de la démolition-privatisation des ex-PTT qui a donné lieu à au monde merveilleux d'aujourd'hui. Ce monde où France Telecom – Orange fait du courrier électronique et où La Poste vend des forfaits téléphoniques. Ou encore de ce formidable progrès qui voit EDF concurrencer GDF sur la distribution du gaz et GDF concurrencer EDF sur la production d'électricité. Au final bien sûr, ça marche moins bien et ça coûte plus cher. Mais les actionnaires privés s'en mettent plein les poches au passage, comme Vinci avec la privatisation des autoroutes ou les concessions de parkings souterrains et d'aéroports.
A Strasbourg, l'Europe s'enfonce en délire
Quelques heures passées dans l’hémicycle du Parlement européen sont totalement démoralisantes. Non seulement c’est une addition de pleurnicheries sans conséquences face au désastre qui s’avance mais l’adjonction d’une épaisse couche de vœux pieux achève d’écœurer. Parfois un éclat perce la muraille de grisaille. Ainsi quand Svoboda (Social démocrate) s’adressant au robot de la commission, l’androïde Olli Rhen, lance que le ministre des finances allemand Wolfgang Schaüble se comporte comme un colonialiste. Naturellement Olli Rhen s’en contrefiche. Ici tous les gens importants se fichent de tout. Ils appliquent les recettes libérales les plus stupides, ils récitent le catéchisme, ils restent assis le visage fermé et ils attendent que les blablas des parlementaires soient finis. Un point c’est tout. Un orateur l’a d’ailleurs dit aussi crûment que je l’écris ici. Mais tout le monde s’en fiche aussi. L’androïde Olli Rhen n’a pas bougé un doigt. Peut-être dort-il ou bien quelqu’un l’aura débranché pour économiser ses batteries.
Ce matin 17 avril, c’était la situation à Chypre. Minable. Une série de mises en cause virulentes devant une commission aussi lourde et peu maniable que nos bancs. Au milieu des discours construits, quelques délires . Ainsi quand Cohn-Bendit a révélé la solution idéale qu’il nous a postillonné avec ferveur : l’unification de l’ile pour encourager les Turcs à investir à Chypre, et l’exploitation du gaz et du pétrole. On se pince. Pauvre diablotin qui a perdu ses dents. C’est d’un libéral qu’il aura fallu entendre dénoncer la responsabilité des banques dans l’ile et les déséquilibres fiscaux en Europe. Bref : une déroute intellectuelle de plus face à la montée des périls.
Le midi on examinait au pas de charge les rapports, dont un nombre considérable destinés à donner quitus pour leur gestion à divers organismes. Indifférence générale. Et pourtant on apprend par exemple que l’autorité bancaire européenne recrute dans des conditions d’opacité préoccupantes. On découvre que les taux d’erreurs pour bon nombre de financements gérés par la Commission Européenne sont considérés comme inacceptables par la Cour des Comptes. Il y a même un rapport qui refuse de donner quitus au Conseil Européen compte tenu de sa présentation qui ne permet pas d’en faire un examen sérieux. Et le Conseil est accusé de refuser de répondre à la commission de contrôle budgétaire. Un comble ! J’en passe et des meilleures. Mon écœurement est à son comble. Car tous ces gens sont ceux qui passent leur temps à faire des leçons de bonne gestion aux gouvernements et à montrer du doigt le sérieux de la gestion des peuples. La séance a été interrompue pour auditionner le président Irlandais venu nous faire un de ces discours en marbre de l’étrenité dont cette assemblée est extrêmement friande, tant qu’il ne s’agit pas d’un progressiste. Celui là avec une voix de Bilbo le Hobbit est venu nous débiter un maximum de truismes et de sornettes bien pensantes. Le président du parlement, le vociférant Martin Schultz, lui a aboyé dans son allemand délicat toutes sortes de compliments après avoir salué dans les tribunes le Grand Duc et la grande Duchesse du Luxembourg présent à cette occasion, on ne sait pourquoi. Ces deux là n’étaient pas là pour entendre ce qui s’est dit de Chypre et c’est bien dommage. Car il y était dénoncé l’hypertrophie d’un secteur bancaire dont le bilan pesait huit fois le PIB de l’ile. Les ci-devant Grand Duc et Duchesse aurait eu peur peut-être ? Car eux sont seigneurs d’un pays dont le bilan bancaire pèse vingt et une fois le PIB. Autant dire qu’il présente donc une garantie égale à une couronne en chocolat et un habit de duchesse en papier crépon.
La séquence du débat sur Chypre fut saisissante. Pas une intervention n’a été faite pour autre chose que des critiques d’une extrême sévérité. Quel que que soit le banc, tout le monde est scandalisé par le comportement de la troïka, de la BCE, de la Commission. Les propos sont d’une extrême violence. Mais rien, absolument rien, aucune critique aucune accusation de tricherie et de mensonge, d’imprévoyance, aucune injure de quel banc que ce soit, rien n’émeut les androïdes de la Commission. Le cri d’angoisse du Chypriote de notre groupe, qui dispose d’une microscopique minute de temps de parole, exprime un terrible désespoir : « comment allons-nous en sortir après avoir détruit la moitié de nos sources de croissance ?» demande-t-il. La plupart des orateurs dénoncent l’imprévoyance de la Commission, tous se demandent quel pays va être le suivant dans la liste des dévastations. Les androïdes regardent leurs papiers. La réponse coulera comme d’un robinet d’eau tiède. Barnier parle dans la cohue indescriptible des députés qui arrivent pour l’heure des votes. Personne n’écoute, sauf mes compères de bancs et moi qui sommes là depuis le début de la séance et ponctuons d’interjections les déclarations des orateurs, vu que nous n’avons pas une seconde de temps de parole ! Bové, absent de la séance sur Chypre, vient émarger et voter sans savoir quoi puisqu’il n’y a aucun dossier agricole pour lesquels voter avec ses amis de droite et qu’il ne s’intéresse à rien d’autre. Arrive l’heure des votes. A une cadence infernale nous votons à main levée ou avec les boutons électroniques sur une grande cinquantaine de textes dont au moins trente « rapports » attribués à la même personne. Encore un qui pourra ainsi fournir des statistiques flambantes et recevoir les compliments du pilier de bistrot que « Libération » a abandonné ici depuis onze ans et qui, après avoir fait un bide avec un bouquin en commun avec Bové, organise à présent les campagnes de dénigrement de ce dernier contre ses collègues. En fait de « rapport », personne ne saura qu’il s’agit seulement de quitus donnés à la gestion des services de l’Union Européenne. Et dans la foulée on adopte une série d’horreurs. Par exemple la soumission des pays qui n’ont pas encore l’euro aux inquisitions de la troïka, ou bien le régime des menaces contre les pays d’Afrique, des Caraïbes et du pacifique qui ne cèdent pas aux injonctions de l’Union Européenne de démanteler leurs droits de douanes. Vous trouverez tout ça sur mon blog Europe. Je suis sorti de l’hémicycle en plaisantant avec un socialiste aussi planant que cette séance étrange. Mais moi je suis inquiet, très inquiet de ce que j’ai vu là.
Appel d'écologistes pour la marche du 5 mai
Cher-e-s ami-e-s écologistes,
Parce que nous savons que vous êtes comme nous :
• Persuadés que c'est en en finissant avec l'oligarchie, qui ne raisonne pas dans le sens de l’intérêt de la majorité de la population et de la planète mais dans le sens d'une minorité privilégiée, que nous engagerons enfin la véritable transition écologique
• Convaincus que c'est en allant vers plus de démocratie que des projets respectueux des impératifs sociaux et environnementaux pourront voir le jour
• Attachés à la nécessité d'un débat public libre, ouvert et non-violent et au principe de souveraineté populaire
Nous vous invitons à faire partie des signataires de l'appel des écologistes à la grande marche citoyenne pour la 6e République du 5 mai à Paris.
En espérant pouvoir vous compter parmi nous,
Nous vous invitons à relayer largement et signer cet appel directement en ligne sur :
http://www.marchepourla6eme.fr/?p=237
Amitiés écologistes et écosocialistes
Les premiers signataires : Paul Ariès, Directeur de la rédaction du journal La vie est à nous ! / Le Sarkophage et de la revue les Z'indigné(e)s, Corinne Morel Darleux, Secrétaire nationale à l'écosocialisme du Parti de Gauche, Michael Löwy, directeur de recherches émérite au CNRS, Stéphane Lhomme, Directeur de l'Observatoire du Nucléaire, Jacques Testart, directeur de recherche à l'Inserm, Anita Rozenholc, comité de rédaction d'Ecorev, Mathieu Agostini, Président de la commission Écologie du Parti de Gauche, Matthieu le Quang, Enseignant chercheur à l'Instituto de Altos Estudios Nacionales de Quito (Equateur), Anne Isabelle Veillot, Secrétaire Nationale du Parti Pour la Décroissance, Myriam Martin, Gauche Anticapitaliste, Laurent Garrouste, Gauche anticapitaliste, Stéphane Lavignotte, militant écologiste, Jean-Jacques Boislaroussie, Porte parole des Alternatifs, Roland Merieux, Exécutif national des Alternatifs, Guillaume Blavette, Collectif Stop EPR – Ni Penly Ni ailleurs, Silvain Pastor, Ancien conseiller régional Verts de Languedoc-Roussillon, Arno Munster, Philosophe, Gilles Monsillon, FASE, Marie Bixel, Militante écologiste FASE 71
Le plan et le budget Hollande sont morts
Le gouvernement Ayrault a présenté cette semaine son "programme de stabilité". Après discussion au Parlement, c'est ce "programme" qui sera transmis à la Commission européenne. Puis la Commission dira si elle le trouve suffisamment libéral et austère ou si elle exige des modifications, des coupes budgétaires ou des "réformes structurelles" supplémentaires. Et le gouvernement devra s'y plier sous peine de sanction. Ainsi va l'Europe austéritaire.
C'est Pierre Moscovici qui a présenté ce document en Conseil des Ministres mercredi 17 avril. Il s'aligne sur les prévisions de croissance de la Commission européenne : 0,1% en 2013, 1,2% en 2014. Que valent ces prévisions ? Nul ne s’en soucie.
L'austérité est une vis sans fin. C'est ce qu'a écrit le Parti de Gauche dans sa résolution de Congrès, quoique d’aucun croit que nous aurions passé notre temps à y traiter de salopard les ministres qui le méritent.. C'est ce qui se vérifie chaque jour en Europe et en France. Cette semaine, notre raisonnement a encore été validé par plusieurs institutions qui font généralement plutôt référence chez les libéraux que pour nous.
La prévision de croissance du gouvernement pour 2013 est mensongère. Elle l'est depuis le premier jour. Le gouvernement lui-même le sait et l'a déjà reconnu plusieurs fois. Dans son projet présidentiel qui réjouissait les adeptes du "chiffrage", François Hollande promettait une croissance de 1,7% de la richesse du pays en 2013. Le 3 juillet 2012, Jean-Marc Ayrault avait déjà revu ce chiffre à la baisse à 1,2%. A l'automne, ce chiffre avait encore été revu à la baisse, à 0,8% de croissance. C'est ce chiffre qui figurait dans le budget voté par le Parlement pour 2013. On se souvient que dans mon débat avec Jérôme Cahuzac sur France 2 en janvier j'avais dit que ce chiffre ne serait pas atteint. Cahuzac pérorait que si. Les commentateurs sous pression d’Euro RSCG psalmodièrent que lui était compétent et moi seulement « sincère »… Depuis Pierre Moscovici a reconnu le 7 avril, qu'il ne tablait plus que sur 0,1% de croissance, s'alignant sur les prévisions de la Commission européenne. C'est-à-dire en fait une stagnation de l'économie qui n'ose pas dire son nom.
Malgré tous ces reculs successifs, cette prévision reste un mensonge. Le FMI prévoit une récession avec un recul de l'activité de 0,1% en 2013 en France. Les économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques prévoient une récession de 0,2%. Quant au "baromètre BFM Business", peu suspect de sympathie pour le Front de Gauche, il prévoit lui aussi un recul de l'activité mais plus fort encore, à -0,5%.
Mais le premier coup contre le gouvernement est venu de là où il ne l'attendait sans doute pas, du Haut Conseil des Finances Publiques. Cet organe a été créé par François Hollande lui-même. La création de cette autorité de contrôle "indépendante" a été décidée pour respecter le Traité Sarkozy-Merkel, accepté sans renégociation par Hollande. Ce Haut Conseil est chargé d'émettre un avis public sur les prévisions de croissance qui accompagnent les projets budgétaires du gouvernement et sur la trajectoire budgétaire. C’est la mise en œuvre des pseudo autorités indépendantes qui sont une spécialité d’ancien régime, là où n’existent pas de souveraineté populaire.
La composition de Haut Conseil fait la part belle aux comptables et aux amis de l'oligarchie politico-financière. Il compte onze membres. Parmi eux, on compte cinq membres de la Cour des Comptes dont le président de celle-ci Didier Migaud, ancien député PS. C'est lui qui préside ce Haut Conseil. On compte aussi le directeur-général de l'INSEE, nommé par décret en Conseil des ministres et dont l'administration est sous tutelle du ministre de l'Economie et des Finances. Un autre membre est nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental. Les quatre autres membres sont nommés par le président de l'Assemblée et celui du Sénat, et par le président de la Commission des Finances de l'Assemblée et son homologue du Sénat. Au final, deux sont donc nommés par le PS, et deux par l'UMP, tous fervents partisans du traité budgétaire et de la politique d'austérité. Sur ces cinq personnalités nommées, on trouve deux anciennes dirigeantes de grandes banques privées, Marguerite Bérard-Andrieu, de la Banque Populaire – Caisse d'Epargne et Mathilde Lemoine, de HSBC. On compte aussi Philippe Dessertine, un professeur de gestion membre du think-tank ultra-libéral Le Cercle de l'entreprise. Ou encore Jean-Pisany-Ferry, ancien conseiller de Dominique Strauss-Kahn et directeur du très oui-ouiste think-tank Bruegel.
Même ces libéraux et ces comptables semblent avoir compris que l'austérité aggrave la crise et conduit à la récession ! C'est ce que dit leur avis sur le programme de stabilité du gouvernement. Eux aussi estiment qu'"un léger recul du produit intérieur brut en 2012 ne peut être exclu". En langage courant, on appelle cela un risque de récession. Le Haut conseil trouve que "le scenario pour les années 2013 et 2014 est entouré d'un certain nombre d'aléas qui, dans leur ensemble, font peser un risque à la baisse sur les prévisions". En langage courant, ça veut dire que le gouvernement est trop optimiste.
Aussi surprenant que ça puisse paraître, le Haut Conseil valide l'essentiel de notre critique contre le gouvernement. Le Haut Conseil alerte sur la consommation intérieure. Pour lui "dans un contexte où le chômage se maintient à un niveau élevé, les prévisions relatives à l'évolution des salaires paraissent optimistes". Il n'y a pas besoin d'être devin pour le comprendre : le chômage augmente et les salaires de ceux qui ont encore un emploi stagnent. Donc le pouvoir d'achat recule. Et la consommation aussi. Il suffisait de lire Les Echos du vendredi 12 avril dernier. La seule lecture du titre de l'article suffisait : "La consommation, dernier moteur de la croissance, est tombée en panne". Les Echos donnaient ensuite une série de domaine où la consommation des ménages recule, allant du bricolage à l'électronique.
Le Haut Conseil des Finances Publiques critique aussi la "politique de l'offre". C'est le cœur de ce qui reste de stratégie aux solfériniens. Elle se résume ainsi : "donnons de l'argent aux chefs d'entreprises et ils finiront bien par produire et embaucher". C'est le seul espoir de redémarrage de l'activité économique pour François Hollande. Cette stratégie repose entièrement sur le "crédit d'impôt compétitivité impôt", ces 20 milliards d'euros que Hollande a donné aux actionnaires sans aucune condition ni contrepartie. Le Haut Conseil est au moins dubitatif. Il considère que les effets sur la croissance découlant de ce dispositif coûteux "gagneraient à être davantage documentés". C'est une manière polie de dire que c'est un pari fumeux. Nous pensons qu'il échouera lamentablement : cet argent finira en opérations financières ou en dividendes pour les actionnaires.
Le Haut Conseil nous donne encore raison sur un point. Il dit que "le scenario d'une reprise de l'investissement des entreprises retenu par le gouvernement (…) reste conditionné à l'amélioration des perspectives d'activité". C'est que je répète depuis des mois et des mois. Une entreprise n'investit pas et n'embauche pas parce que M. Ayrault est allé à l'université d'été du MEDEF ou parce que M. Hollande va donner 20 milliards d'euros. Une entreprise investit et embauche quand elle a des clients et un carnet de commandes rempli ! Je n'ai pas fait l'ENA et HEC comme François Hollande mais j'ai compris ça.
La prévision du gouvernement pour l'année 2014 ne convainc pas plus que celle pour 2013. Tout le monde sait que les 1,2% de croissance promis ne seront pas atteints. Pourquoi ? Parce que le cercle vicieux que j'ai dénoncé tant de fois est en place. Les politiques d'austérité sont basées sur la réduction des dépenses publiques et des hausses d'impôts amputant le pouvoir d'achat populaire. Elles entrainent une contraction de la demande des ménages et de la commande publique. Donc une contraction de l'activité économique.
C'est ce que dit Eric Heyer, économiste à l'OFCE. Dans une interview sur le site du Nouvel Observateur, il explique les choses très clairement, chiffres à l'appui : "normalement, comme nous sortons d’une crise, nous devrions avoir une croissance de 2,6%. On perd 0,8% de PIB à cause de la situation économique de nos partenaires, 0,2% à cause du prix du pétrole, et 1,8% à cause de la politique d’austérité. Ce qui nous mène à une récession de 0,2%". Vous avez bien lu, à elle toute seule, la politique du gouvernement est responsable d'une perte de 1,8% de "croissance potentielle". Sans compter les pertes dues à "la situation économiques de nos partenaires", c'est-à-dire essentiellement à cause de la politique d'austérité appliquée partout en Europe. Bien sûr, tout cela a une forte dimension abstraite, mais le résultat est sans appel : l'austérité aggrave la crise.
Cette catastrophe économique aboutit à une catastrophe sociale. Au passage, l'OFCE note que "le taux de chômage augmenterait régulièrement pour s'établir à 11,6 % fin 2014. Seul un changement de cap dans la stratégie budgétaire européenne permettrait d’enrayer la hausse du chômage". Et cette catastrophe économique et sociale aboutit à un crash budgétaire. La contraction de l'activité réduit les recettes fiscales. La hausse du chômage augmente les dépenses sociales. Au final les déficits publics et sociaux se creusent. C'est ce que nous répétons depuis des mois. C'est ce qui est arrivé à la Grèce, à l'Espagne, au Portugal et partout où ces politiques d'austérité ont été appliquées. C'est ce qui arrive à la France.
Le gouvernement le sait. Il vient d'admettre qu'il ne tiendrait pas l'objectif de 3% de déficit en 2013. Moscovici dit que le gouvernement table désormais sur 3,7% de déficit l'an prochain. Cahuzac le savait depuis longtemps si j'en crois Le Canard Enchaîné du mercredi 10 avril. En page 2, Le Canard rapporte cette phrase qu'aurait tenue Cahuzac : "On me dit que j'ai menti sur ma situation personnelle. Cela veut dire quoi ? Qu'il y aurait des mensonges indignes et d'autres qui seraient dignes ? Quand on ment sur ordre, et pour des raisons politiques, à l'Assemblée, est-ce digne ? A ce compte-là, j'ai menti devant l'Assemblée, sur la possibilité de réaliser 3% de déficit en 2013".
Face à cette situation, le gouvernement continue de mentir. Il récuse le mot d'"austérité". Mais Pierre Moscovici annonce un nouveau plan de 20 milliards d'euros en 2014. Officiellement il s'agit de ramener le déficit public à 2,9% de la richesse du pays, juste en dessous de la barre des 3% acceptée par la Commission européenne. Parmi ces 20 milliards d'euros de nouveau plan d'austérité, 14 milliards d'euros viendront de coupes dans les dépenses publiques. Et 6 milliards d'euros viendront de hausses d'impôts, contrairement à ce qu'avait promis François Hollande.
François Hollande avait promis que "pour 2014 en dehors de [la hausse de la TVA], il n’y aura aucune autre augmentation d’impôt" à la télévision le 28 mars dernier. Passons sur cette haute des impôts de 6 à 7 milliards d'euros que représente la hausse de la TVA. Même le reste de la promesse de Hollande est faux. Lundi15 avril sur France Inter, Pierre Moscovici a annoncé : "il y aura une augmentation des prélèvements obligatoires qui est annoncée de 0,2 à 0,3 points" soit "6 milliards d'euros".
Un ancien ministre du budget reconnaît "avoir menti" sur la situation budgétaire de la France devant l'Assemblée. Tout le monde sait que le gouvernement ment dans ses prévisions économiques et budgétaires. Le ministre de l'Economie en exercice dit le contraire de ce qu'a dit le président de la République à la télévision quinze jours avant. Tous ces mensonges et toutes ces hypocrisies cherchent à masquer le fait que la politique menée conduit le pays vers un record historique de chômage. On voit ainsi combien les institutions de la Ve République permettent de dissimuler la vérité au peuple. Or, mentir au peuple, c'est porter atteinte à sa souveraineté. Voilà encore une bonne raison pour participer à la grande marche citoyenne du 5 mai "contre la finance et l'austérité, pour la 6e République".