Let’s tweet again

J

e rafraîchis cette page avec un nouveau post après mon passage au Festival de Cannes. Mais le précédent n’a pas fini son actualité c’est pourquoi je conserve des « boutons » d’accès aux chapitres de mon précédent travail. Comme vous le verrez le traitement de mon actualité sur le festival de Cannes implique analyse du moment politique. Comment pourrait-il en être autrement ? Sachez que je suis en train de polir le moulinage du sens des documents qui passent devant le Parlement européen au cours de la session à laquelle je participe en ce moment.

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Le deuxième chapitre de ce post évoque les suites de mon tweet à propos de la chute de madame Le Pen. L’émouvant cortège d’indignation sélective sous prétexte de pointer du doigt mes mauvaises manières est un avatar très révélateur de l’opération conjointe de dédiabolisation de la cheffe d’extrême-droite et de ma diabolisation en tant que figure du retour du fantasme des rouges.

Festivaliers rouges. Le retour.

Vous savez que j’étais au festival de Cannes. Après l’inauguration du festival du cinéma « Visions sociales » au Château des Mineurs, et une rencontre avec les professionnels du cinéma, puis à l’hôtel Carlton avec les employés en lutte, j’ai fait un saut à Antibes, le lendemain, sur le quai des milliardaires. J’ai fait sur ce quai une petite marche avec une centaine de camarades. J’y ai prononcé un discours que j’ai vraiment eu plaisir à faire ! Je ne me sens pas capable de résumer ici. Mais il doit bien exister sous forme de film vidéo. Puis nous voilà partis dans la « résidence » des Châtaigners à l’invitation des « oubliés » qui s’y trouvent dans leur HLM mal en point et délaissés. Comme je ne veux pas que mon blog tourne au compte rendu d’activité, exercice sans plaisir pour moi, je donne des liens avec ce que les médias audiovisuels et écrits ont choisi d’en montrer. Mais je ne peux me résigner à n’en rien raconter.

Pourquoi faut-il que ce déplacement m’ait tant percuté ? Sans doute parce que toutes les sorties que j’y ai faites portaient large et venaient de profond. Je m’explique. Commençons par le festival de Cannes lui-même. C’était en quelque sorte le retour des « rouges ». Ici comme partout nous devons être de retour. Mais peut-être davantage ici. La machine à produire des rêves et des représentations de soi est centrale dans la société humaine. Ceux qui ont suivi ma pérégrination savent pourquoi ce festival est le nôtre. Oui, sachez-le, ce festival est la création des nôtres. Ça s’est passé en 1946. A l’initiative de la CGT, du Parti Communiste et du Parti Socialiste (pas le parti solférinien, celui de la résistance que dirigeait Daniel Mayer). Le premier film primé fut « La bataille du rail » (et non « La Bête humaine » comme je l'ai d'abord noté par erreur) pour sa splendeur et du fait de la proximité de la résistance. Quelle époque ! L’énergie révolutionnaire revitalisait la nation flétrie dans la défaite de 1940. Comment oublier la racine de cette défaite ? Le poison administré partait d’une grosse poche à venin. La haine de ceux qui disaient « plutôt Hitler que le Front populaire », les généraux capitulards gagnés aux idées d’extrême-droite, la presse officialiste à gage qui consacrait son énergie à dénoncer « l’extrême gauche » et à dénigrer le pays. Sans oublier les fascinés du « modèle allemand », déjà. Toute ressemblance avec l’actualité est le fait du hasard bien sûr. Grands patrons et médias de référence comme le « Temps », l’ancêtre du « Monde » avaient collaboré sans vergogne avec l’occupant nazi. Le journal « Le Temps », comme l’entreprise « Renault » furent saisis comme tant d’autres du fait de leur collaboration spécialement éhontée. Il aura fallu l’arrivée du solférinien Louis Schweitzer, patron de Renault dans les années 90 pour voir rétabli l’affichage du portrait du collabo Louis Renault dans la salle du conseil d’administration de l’entreprise. L’éditorial si grossièrement « Berlinophile » de l’édition du jeudi 16 mai, avec son ironie grinçante contre notre « génie national » français mis entre guillemets pour accentuer la dérision, souligne l’ampleur de la dérive actuelle du prétentieux quotidien libéral.

Mais hier comme demain, il y a un inconvénient qui finit toujours par contrecarrer les plans de la capitulation. En dépit du règne du journal « Le Temps », et de la collaboration de toutes les autorités du pays il y eu quand même la libération. Et il y eut la mise en œuvre de son programme politique conforme à notre « génie national ». C’était celui du Conseil National de la Résistance intitulé « les jours heureux ». Son contenu a fondé la France de la civilisation des droits sociaux et des services publics. Tout ce que combat à cette heure le successeur du « Temps » avec cette phrase d’anthologie éditoriale le 6 mai à la une du « Monde », toute honte bue: « (…) la commission exige des réformes de structure : réforme du marché du travail et pour doper la compétitivité réforme du financement de l’état providence (notamment des retraites). La France doit cesser de chipoter et d’écouter les fariboles des sorciers de l’économie vaudoue. » Compris ? Vous faites tous seul le lien avec le dézingage permanent dont je fais l’objet dans ce journal. « Plutôt Le Pen que Mélenchon » éructent les enfants du « Temps » en fin de banquet.

Il y eut la suite. La suite, dont le cœur est la résistance populaire de la gauche et du gaullisme londonien. Celle de la lutte implacable pour la souveraineté. Pour résister et vaincre les nazis d’abord et avant tout évidemment ainsi que leurs larbins de collaboration. Mais aussi, ensuite, pour repousser les tentatives des anglo-saxons pour prendre le contrôle de notre pays. Car ceux-là ont aussi tenté de nous domestiquer soit en nous resservant des fantôches de Vichy, soit en essayant de nous imposer leur prétendue administration provisoire, l’AMGOT. En tous cas, en 1946, lors du premier festival de Cannes, c’était les nôtres qui agissaient. Aucune autorité politique, militaire, ou médiatique de l’ancien régime, toutes infestées de collaborateurs, n’était plus légitime aux yeux de quiconque au sortir de la guerre. La libération du pays était donc aussi un moment révolutionnaire. Partout, le peuple en arme surgissait et affirmait vouloir s’occuper de ses affaires. Et ce fut vrai aussi dans le domaine du cinéma.

Oui, dans le domaine du cinéma ! A l’époque personne ne se risquait à dire qu’il y avait « plus urgent que de s’occuper de cinéma ». Ni personne pour se demander si les travailleurs s’intéressaient au cinéma ou s’il ne valait pas mieux « en rester aux revendications concrètes ». La CGT mobilisait donc tous ceux qu’elle pouvait dans ses rangs pour faire vivre l’événement. Et la classe ouvrière la plus traditionnelle répondit présent. L’enjeu c’était l’existence d’un cinéma indépendant. Un cinéma purgé des miasmes de la collaboration, de l’esthétique et de la didactique des nazis et des fascistes. D’ailleurs la première mouture de ce festival avait été prévue en 1938 pour riposter à la Mostra de Venise organisée par les fascistes italiens. Ça n’avait pu se faire. C’est dire que l’idée était ancrée ! En 1946, l’enjeu c’était aussi l’existence d’un cinéma indépendant de la grosse machine nord-américaine. Les dirigeants populaires savaient ce que la domination de l’imaginaire et sa colonisation menaçait. J’imagine la tête de ceux qui nous ont précédés dans le combat s’ils entendaient réciter le catéchisme actuel sur la liberté de création et d’expression garantie par le marché ! Ou mieux les sornettes sur le fait que l’idéologie dominante s’arrête à la porte du scénariste ou de la salle de montage ! Et donc que la politique n’a rien à y faire. Ou pire que l’esthétique est spontanément libre du système des représentations sociales !

« La Bataille du rail » n’est pas seulement un grand film. Ou plutôt ça l’est par son esthétique autant que par son rythme et ses héros. Les machines, les travailleurs emblématiques comme les cheminots, l’intensité des sentiments simples qui remplissent l’existence des héros simples : ici l’altruisme social et patriotique et l’amour humain. Sur place, à Cannes, en 1946, la CGT déploya une activité fantastique. Il fallait que tout fût prêt à temps et que cela soit beau ! Ainsi en fut-il de l’intervention de ces ouvrières couturières de Cannes, après celle des maçons et des métallos qui avaient organisé le palais du festival. Ces femmes vinrent en dernière minute et elles cousirent dans l’urgence et l’enthousiasme le premier rideau rouge qui s’ouvrirait sur l’écran du Palais ! Et c’est encore à un militant CGT que je dois de connaître cette histoire parce qu’il prit le temps de me la raconter, heureux de me voir marquer la volonté de reprendre pied au nom des nôtres sur le territoire terrible et brûlant de la création culturelle, de sa production et distribution. La droite, dès qu’elle apprit ma présence à Cannes, fit le numéro pavlovien prévu. « Gauche caviar ! » glapirent les nuls. Quelques gauchistes aigris se lacérèrent aussitôt la tête et la couvrirent de cendres en jetant les pleurs du grand hymne de la trahisooooon. Trop drôle ! « Gauche caviar ? ». Je vais vous en servir du caviar moi : version 1946 ! Ces ignorants n’effacent pas seulement l’histoire de leur pays, ils méconnaissent l’actualité de la lutte qui replace le cinéma en première ligne de la bataille historique pour la souveraineté des Français. Mais ce n’est plus leur problème. La solution pour eux, comme pour leur journal, « Le Monde », une fois de plus c’est de proposer la capitulation comme la solution bienfaisante. « Dire cela, s’enrage « le Monde » dans l’édito que je viens de citer après avoir recopié le catéchisme libéral, ce n’est pas vouloir « copier » l’Allemagne à tout prix. C’est vouloir sortir le pays de sa spirale d’échec qui est la sienne depuis 25 ans. Ce devrait être conforme « à notre génie national » . Evidemment ! Natürlich ! A Cannes, derrière les caméras et les jolis moments de promo, se débattaient d’autres sujets très graves parmi les professionnels. Capituler ou pas ? Wir werden nicht kapitulieren, répondrons-nous dans la langue préférée du « Temps ».

Je n’ai pas l’intention de détailler ici ce que j’ai déjà décrit dans mon précédent post à propos de l’impact du Grand Marché Transatlantique sur « l’exception culturelle française ». Le système de financement mutualiste qui a permis non seulement au cinéma français de survivre mais de se développer au cours des 25 dernières années est menacé par la constitution de ce « grand marché transatlantique » (GMT) tout libéralisé, tout déréglementé. C’est un système exemplaire. Il a produit un résultat unique au monde et dans le monde du cinéma. Il est un monument, certes imparfait, de ce que le journal « Le Monde » qualifierait « d’économie de sorcier vaudou ». En ce sens il est un révélateur spécialement saillant de la nature profonde de ce régime politico-économique. Bien sûr il ne s’agit pas au nom de la défense de « l’exception culturelle » d’avaler pour le reste le système du « Grand Marché Transatlantique ».

C’est le contraire. Il s’agit de prendre appui sur ce qui se passe dans le cinéma pour rendre possible le débat que les médias officialistes ont soigneusement éludé pendant les dix années qui viennent de s’écouler au cours desquelles ce projet fut préparé, au grand jour mais sans un écho. Nous même nous le savons mieux que personne. Depuis la création du Parti de Gauche cela nous a assez largement préoccupés. Sans aucun succès. En 2009, au cœur de notre première campagne européenne, nous avons envoyé six cent brochures d’explications et de résumés en fiches simples, adaptées au public débordé des rédactions en sous-effectif. Rien. Puis nous avons collaboré à la publication d’un livre de deux spécialistes militants belges dont j’ai fait la préface. Rien. La bonne société se moque totalement de savoir comment les ouvriers vont être martyrisés plus gravement et les salariés perdre leur droits acquis par « l’économie vaudoue ». Mais sur le cinéma on peut espérer qu’ils mettent le doigt dans l’engrenage de l’intérêt pour la question. Alors par ce biais, nous pouvons avoir espoir d’envoyer au tapis le « Grand Marché Transatlantique » comme nous l’avons fait avec l’AMI, sous le gouvernement Jospin. C’était le cœur de ce que je suis venu « renifler à Cannes ». Je comptais en faire l’axe de mon propos à l’occasion de l’édition du « Grand journal » auquel je me réjouissais de participer le samedi soir. Il fut annulé à la demande de la mairie du fait des intempéries. Dommage. Partie remise.

Peut-être avez-vous su que je suis allé à l’hôtel Carlton. Non pour y séjourner, évidemment, mais pour y soutenir la lutte des employés qui veulent conserver leur hôtel dont ils pensent qu’à le voir passer d’un magnat qatari à l’autre, sans travaux, il est menacé dans son existence. Commentaires narquois de la droite sur le prix des chambres au Carlton comme si j’y étais descendu. Chacun de mes lecteurs sait que j’étais installé au « Château des mineurs ». Maintenant vous savez qu’il appartient au comité d’entreprise d’EDF après avoir été dans la main du syndicat des mineurs du Nord-Pas de Calais. Je vous redonne les liens pour découvrir notre part d’histoire à cet endroit. Je ne le fait pas pour répliquer aux Pavlovs de la pauvre propagande de la droite relayée par les aboiements des solfériniens, mais pour que vous continuiez à vous approprier cette histoire, la vôtre, la nôtre et regardiez toute cette scène d’un autre œil, plus conquérant. Et de n’avoir pour seule honte assumée que d’en faire moins pour le bien de tous que nos anciens ont su le faire. Mais c’est possible de faire de l’économie sociale. Ce n’est pas du vaudou, nous ne sommes pas condamnés à la collaboration avec la main qui nous frappe, nous ne devons jamais capituler, même après avoir perdu une bataille, la preuve par l’exemple.

Les employés du Carlton votent à 60 % CGT aux élections professionnelles. De la femme de chambre aux portiers en passant par chaque poste de travail tout, le monde parle deux ou trois langues. Le niveau de qualification professionnelle inclut non seulement des gestes de travail spécialisés mais des connaissances linguistiques assez avancées, elles aussi spécialisées. C’est donc une élite intellectuelle du salariat qui est là. Pour un peu moins de trois cent employés, quatre-vingt cotisent au syndicat. A d’autres donc les leçons d’ouvriérisme ! Je le dis pour quelques commentaires trouvés aussi dans nos rangs au titre des pleurnicheries rituelles des trolls. En tous cas pour moi l’accueil et la rencontre était extraordinairement touchantes. Une fois signée dehors devant des caméras courageuses, sous la pluie, la pétition, je fus reçu à l’intérieur comme je l’annonçais, sans en être certain, dans mon précédent post. Alors vous saurez que si j’ai choisi le verre de rouge plutôt que le lait-fraise d’abord imaginé, c’est qu’une raison forte m’y poussait en plus du plaisir disputé. Cette raison c’est que c’est le syndicat qui m’invitait et donc j’ai choisi parmi ce que l’on me proposait et qui était parfait, tandis que mon lait-fraise aurait eu des relents de misérabilisme que personne n’aurait compris je pense. Le plus beau pour moi c’est que dans l’ambiance d’incroyable cohue qui régnait au bar du Carlton où l’on faisait la queue pour avoir une chaise, la nouvelle se répandit de ma présence parmi le personnel. Si bien que ce fut un véritable festival, oserais-je dire, de salutations et de photos prises avec moi dans une chaleur amicale qui me porta dans les nuages comme je l’avais été déjà pour les mêmes raisons avec les jeunes gens qui assurent le service du « Château des mineurs ». Mon cheich rouge au cou (misère ! il déteint sur ma chemise blanche !), j’ai fait la star à ma manière, au milieu des sourires narquois que nous échangions au moment d’infliger aux belles personnes qui sirotaient leurs consommations en grande tenue, le spectacle des rouges se congratulant et s’entre-photographiant avec un gars qui prétend tout leur prendre au-delà de trois cent mille euros par an. Ajoutons ceci : quelques-uns de ceux-là aussi vinrent pour la photo et se dirent des nôtres ! Je vous le dis : je n’en suis pas surpris. Moi, je sais bien que les délires grossiers du « Monde » et de « Libération » à mon sujet, n’atteignent que la petite cible de leurs convaincus, même dans les milieux qu’ils atteignent. Les autres sont dotés d’un organe très préoccupant pour cette presse officialiste : un cerveau. Et ils s’en servent. Leur morale de vie n’est pas celle que leur prescrivent les quotidiens officialistes : « Pour profiter sans entrave, taisez-vous ! »

Let's tweet again !

Trois tweets dans la semaine m’ont ramenés dans cette arène. La tweetosphère est un lieu nouveau pour moi. Je l’investis depuis l’élection présidentielle. Je défini des règles d’usage et d’emploi à mesure que j’accumule de l’expérience. Par certains aspects, cet outil a subi l’épreuve du feu comme tout le reste de mon dispositif politique. Il s’agissait de savoir si la présidentielle est un effet champignon ou bien si l'on peut tabler sur la pérennité de ce qui a été construit ? C’est évidemment dans l’arène proprement politique que la question a été posée avec le plus de vigueur. La réponse nous a été donnée le 30 Septembre et le 5 mai dans la rue. Le premier juin nous allons mesurer d’autres paramètres de notre influence actuelle et de la maturation du Front du peuple auquel nous travaillons. On en parlera après. Tous les outils de communication de mon système antérieurs à l’élection ont été mis à l’épreuve. Pour moi, leurs résultats expriment la même pérennité que le phénomène politique auquel il se rapportent. Je dois dire que ces instruments de mesure sont pour moi les plus conformes à mes besoins et au contenu de notre stratégie. Le socle est confirmé. C’est lui que nous avons visé et fortifié avec l’aide certaine, et paradoxale du fait de ses intentions malveillantes, d’une partie du système médiatique. Pénétrer la tweetosphère ne répond pas à d’autres règles que pour le reste des milieux à atteindre : il faut conflictualiser pour créer de la conscience.

Tous mes outils de communication participent de cette stratégie générale et lui sont soumis. De plus, mes outils s’intègrent dans le dispositif large du Parti de Gauche, de son site, de sa « télé de gauche », de son journal « à gauche », de la circulaire du parti, du réseau des blogs amis, des interviews et des tribunes que donnent les uns et les autres pégistes. Et ainsi de suite. Je ne le rappelle que pour mémoire. Mais tous ont d’abord une tâche : créer une sphère communicationnelle autonome et fidélisée. Pour me faire comprendre je vais donner un exemple.

Supposons un journal solférinien connu mais peu vendu. Y donner une interview n’est d’aucune utilité réelle. Le massacre est garanti : titre pouet-pouet-la-rirette, photo trash, intro pourrie. Je parle pour nous, du Front de Gauche. Mais je crois qu’on peut en dire autant des autres qui se font détruire de la même façon. Ce média n’informe sur rien d’autre que sur lui-même et sa façon de traiter les autres. La diffusion ensuite est un enjeu. Peu de monde achète ce journal et aucun lecteur ne lit tout le journal car les motivations d’achat ne sont pas toutes politiques, loin s’en faut. Ramené au nombre réel de lecteurs pour soi, c’est peu. Très peu. Chacune de mes notes de blog, en moyenne, est lue davantage que par les lecteurs de ce journal qui se sont arrêtés sur la page où se trouve notre mise en charpie. Donc travailler avec eux est non seulement une perte de temps considérable mais une contre-performance garantie du fait du traitement offensant qui sera fait de l’info. L’extension permanente de l’audience de nos outils doit contrebalancer ce choix de refus. Commence alors un cercle vertueux : l’info ne se donne que sur nos outils ou quelques médias de l’école factuelle bien choisis. Ceux à qui nous ne donnons rien s’enfoncent dans la publication de sottises et d’agressions gratuites qui écœurent nos amis, intriguent les gens ouverts qui se lassent de telles outrances et diminuent d’autant l’impact du folliculaire. De toute façon les lieux d’expression « neutres » ne manquent pas. Notamment les gratuits qui font masse dans des proportions qui relèguent un article du journal solférinien au rang de bulletin paroissial. Enfin les lieux de débats pluriels et de référence de notre mouvance existent : « L’Humanité » ou « Politis », par exemple, sont performants dans cet objectif. L’Humanité notamment produit en masse les analyses et les débats croisés dont nous avons besoin. Mais le paysage médiatique est bien sûr beaucoup plus large et diversifié. Et une culture de masse de l’écriture médiatique existe dans notre peuple. Le syndrome du mouton de panurge médiatique est bien connu du grand public depuis 2005 et les diverses guerres triomphantes. Enfin le paysage change. Par exemple, face à tel grand journal prétendument de référence, l’émergence d’un quotidien comme Médiapart sonne le glas d’une certaine hégémonie normative. Cela est précieux pour nous. Là encore, dans notre mouvance large, Médiapart a la réputation d’être une référence pour un style de journalisme qui convient à l’idée que nous nous en faisons. Surtout, l’effet de contraste tue la prétention empesée des dominants. Tel est le contexte général. Il faut pouvoir sortir du cercle officialiste et de ses prescriptions. Il faut le décrédibiliser autant que possible et l’obliger à être situé dans le regard des lecteurs potentiels comme des adversaires déclarés donc de mauvaise foi. Leur stupidité nous y aide sans qu’il y ait beaucoup d’effort à faire. Le noeud de la stratégie est l’autonomie. Il faut pouvoir à intervalle régulier passer totalement en dehors du circuit officiel, sans perdre en impact.

De cela on doit retenir la règle : étendre la fidélisation de notre mouvance sur nos médias autonomes. Cette stratégie méthodiquement appliquée fournit un instrument de mesure : les indices de fréquentations, les taux de pénétrations. Pour ma part, dans le moment, les clignotants sont au vert, conformes à notre activité générale. Ma page de « fan » Facebook compte 135 000 membres, mon compte Twitter est monté à 120 000 en fin de campagne présidentielle, il a bondi actuellement à 152 000 abonnés (followers), la lettre de mon blog est expédiée à 130 000 personnes, et le blog reçoit chaque jour 20 000 visiteurs. Ces chiffres, voisins en amplitude, ne recouvrent pourtant pas les mêmes milieux d’accueil. Mais additionnés à ceux des autres participants de notre blogosphère nous savons qu’il s’agit d’une zone de contact très ample avec l’opinion parmi la plus motivée du pays, eux mêmes relais d’opinion. En attestent les vagues d’inscription au service de ma lettre gratuite qui ne provient pas seulement de l’effet mécanique de la notoriété médiatique mais de l’activité de nos amis sur leur propres listes de diffusion.

En ce qui concerne le compte Twitter, mes dispositions ont évolué avec le temps et la pratique. Mais je reste sur un mode d’emploi simple. Je ne tweete pas directement. Un coupe-feu existe : celui de la transmission au meneur de ma tweetosphère. On appelle ce personnage un « community manager ». Je le nomme « meneur » ou tweetos. Je n’interviens pas plus d’une ou deux fois par semaine et je ne suis pas le plus mauvais pour les formules. Je ne connaissais pas l’usage de tel « meneur ». Cela créé une difficulté pour le public, j’en conviens. Qui parle vraiment ? Tout le monde connaît mon système car je l’ai déjà expliqué à de nombreuses reprises. La question n’est donc pas « qui parle » mais qu’est-ce que j’assume ? Il ne peut y avoir à mes yeux qu’une règle : j’assume tout. Si je dois prendre des distances avec un tweet c’est à moi de le dire et de le faire ouvertement. Par exemple je l’ai fait une fois à propos d’une expression malheureuse d’un de mes tweets où je nous décrivais comme « la vraie gauche » face à Cahuzac. L’expression n’était pas fausse face à lui mais elle lui donnait une ouverture rhétorique qu’il tenta d’ailleurs d’exploiter. Je mis donc l’expression à distance. Mais je fis l’erreur d’évoquer mon meneur. J’ai tiré la leçon de cette situation. J’assume donc tout. Et si je dois me rétracter je le ferais moi-même en assumant mon changement d’avis. Je le ferai dans le ton et le style de cette sphère.

tweet2Ce n’est donc pas le cas de mes deux tweets concernant l’accident de madame Le Pen. J’ai édité deux tweets. Voici leur texte. « Je lui souhaite un prompt « restablishment » pour l’aplatir à la loyale… ». Puis : « …En attendant je me casse le cul pour les ouvriers pendant qu’elle se casse le cul dans la piscine. ». D’habituels et assez routiniers donneurs de leçon de bonnes manières ont aussitôt fait le numéro désormais traditionnel d’indignation outrée devant le vocabulaire utilisé. Aucun d’entre eux n’a le moindre crédit à mes yeux. J’ai noté les silences complices quand je me fais traiter d’antisémite sur la tweetosphère ou que le journal « Le Monde » publie une agression de l’intensité de sa publication le week-end de la manifestation du 5 mai, ou que « Libération » m’attribue des mots entre guillemets que je n’ai jamais prononcés ou que ce Bouddah malfaisant d’Alain Duhamel me compare directement à Hitler, ou qu’un éditorialiste des « Inrocks » parle de moi en disant « ce con de Mélenchon », ou que… ou que… ou que…. Quand Marine Le Pen a édité des faux tracts ou j’étais dans l’uniforme de Hitler, le Parisien a-t-il fait un sondage pour demander « Marine Le Pen va-t-elle trop loin avec des faux tracts » ? Quand son père a dit qu’il allait « m’enlever mon caleçon », Biolay a-t-il pleurniché ses leçons hollandaises ? Quand un lumpen plaqué or comme Barbier de « L’Express » fait un édito en pleine campagne électorale titré : « comment en finir avec Mélenchon » et vomit ses torrents de glaires lepénistes, qui a protesté, à part « L’Humanité » ? Non, dans ces circonstances-là, toutes les chaisières du bal des bonnes manières ont regardé ailleurs.

Donc j’invite au sang-froid les faibles que ce cirque intimide. Ce bon mot reçoit beaucoup de rires et de gouaille auprès de ceux qui ont de l’humour et croyez-moi ce sont les plus nombreux. Il faut comprendre que l’indignation de commande de quelque mauvais coucheurs est une action politique. La production de prétendus « Front de gauche » anonymes qui me désapprouvent est une manœuvre classique. Evidemment c’est le journal « le Parisien » qui fait des citations anonymes. De pures inventions. Sachez que ces grands enquêteurs ont tourné en rond pendant deux jours en appelant de tous côtés autour de moi pour avoir une déclaration hostile. On ne les a jamais vu utiliser le dixième de ce temps pour n’importe quelle de mes déclarations ou discours politiques de fond. Donc : grosse ficelle pour faire pleurer sur Marine Le Pen et me flétrir. La finalité est claire. Dès mardi, ce sont les militants d’extrême droite qui ont pris le relais sur les réseaux sociaux. Un camarade en Aquitaine ayant pris mon parti sur son blog, le journal local a donné son adresse et son numéro de téléphone en même temps qu’il s’est fait l’écho comme « le Parisien » de ce grave problème de bonnes manières. Depuis menaces et insultes sur lui et sa famille ne cessent plus. Il a déposé une main courante au commissariat. Voilà de quoi il s’agit. Le reste, mon tweet, c’est un bon mot et rien de plus. A peine rabelaisien. Tout a fait en langue courante. Et tous les gens ordinaires le savent bien. 2000 retweets signalent ce que tout le monde sait : la tweetosphère est un lieu décalé par essence. Le retweet est le signe de l’intérêt. Ici 140 signes font un évènement. Mais un évènement pour qui ? Gardons le sens de la mesure. Il est incroyable que des gens sérieux consacrent une seule minute à commenter un « évènement » de cette nature dérisoire. Sinon pour monter un coup eux-mêmes. Voici pourquoi, vu depuis le balcon d’un marchand de papier.

Quand 152 000 personnes reçoivent une « information » directe de moi, parce qu’elles sont abonnés à mon compte, certains médias n’ont plus aucune capacité de communication comparable. Si bien que la situation s’est inversée, pour le moment, dans bien des lieux. En mettant mon nom à toutes les sauces, ma photos grimaçante sous tous les prétextes, des poussifs espèrent améliorer leur vente de papier à bon compte. Je contacte plus de monde avec un tweet que « Libération » ou « Le Parisien » ne vend de journaux dans une journée. Les voilà donc condamnés à vivre à mes crochets, des miettes d’intérêt qui tombent de mes tweets. La palme dans ce domaine à « Libération » qui titre une fois de plus entre guillemets : « le cul de Marine Le Pen ». Les malheureux ! Eux sont délicats et subtils. Nous sommes les barbares, bien sûr.

Mais tel est le nouvel état du monde de la communication. 152 000 c’est moi. Pas eux. Et je ne tweete pas qu’une fois par jour des choses rigolotes. A bon entendeur, salut ! Merci aux 2000 personnes qui ont décidé de s’inscrire parmi mes abonnés (followers) depuis ces deux tweets. Je vais devoir augmenter mon meneur (community manager). Bien sûr je recommande aux âmes sensibles de ne pas s’abonner. Et même de se désinscrire. J’aurais trop de peine de penser aux souffrances que je leur impose avec des expressions aussi glauque que « se casser le cul » qu’ils n’emploient jamais. Sans parler de « balais », ou même de « pingouins ».

Un mot pour madame Le Pen. S’il faut dire noir sur blanc ce qui n’a pas été compris en 140 signes je répète mon premier tweet : je lui souhaite prompt rétablissement. Je compatis d’autant mieux que j’ai connu cette mésaventure douloureuse dans mon jeune âge en abattant un arbre fruitier bien plus mort que je ne l’avais cru. Je n’ai aucun contentieux personnel avec elle. Je n’en ai jamais eu. Au contraire d’avec son père du fait de ses activités dans la guerre d’Algérie. J’ai avec elle une opposition totale de principes et une politique radicalement opposée. Je pense que nous représentons les deux pôles idéologiques autour desquels s’organisent les deux cultures de la vie publique en France depuis la grande révolution de 1789. Je reconnais que quarante ans de travail ont donné à son parti une nette longueur d’avance sur nous qui n’existons que depuis quatre ans et avons bien failli être détruits purement et simplement en 2002. Je reconnais qu’elle reçoit un renfort gratuit très difficile à repousser pour nous : la collusion de la droite et de ses médias qui vendent leur papier en flattant ses électeurs et en nous insultant sans discontinuer. Je reconnais combien sont durs à subir les incessants tirs dans le dos que nous recevons de la part des solfériniens et de leurs médias lorsqu’ils nous traite plus mal qu’elle. Je n’ai donc aucune forfanterie lorsque je nous donne l’objectif de la battre. C’est un objectif vital, avec une stratégie et une méthode de lutte. C’est un combat épuisant. Que veulent ceux qui ne veulent pas la battre ? Dans notre combat, la raillerie est-elle arme proscrite ? Depuis quand ? Par qui ? Elle est donc réservée à certains ?

Ceci bien établi, je suis frappé de voir les progrès qu’a fait Madame Le Pen en matière de respectabilité en voyant le nombre de ceux qui au nom de ma supposée vulgarité viennent à sa rescousse. Car c’est de cela dont il est question et de rien d’autres. J’ai connu la situation inverse quand une journaliste éthique et indépendante me filma par surprise dans une rencontre fortuite avec madame Le Pen sur une passerelle du parlement européen. Bien battue en neige, la scène fut rediffusée des dizaines de fois pour sous-entendre la collusion secrète des « extrêmes ». La journaliste éthique et indépendante s’appelait Valérie Trierweiler. Salut les gogos !

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