Le naufrage syrien des solfériniens

Après mon passage au « Grand jury », j'ai entamé une semaine dense pour moi en événements publics. Mardi, j'ai participé au lancement de la campagne municipale à Paris de la liste autonome avec Danielle Simonnet, en compagnie de Clémentine Autain et Alexis Corbière. Mercredi c'est la conférence de presse avec Pierre Laurent, Olivier Besancenot, Martine billard et de nombreux autres, contre la réforme des retraites. Vendredi je monte dans l'avion pour participer, avec une délégation du Parti de Gauche, à la manifestation des quarante jours de deuil après l'assassinat de notre camarade en Tunisie. La rentrée est agitée comme on le voit.

Ce post est consacré pour l'essentiel à la question de l'intervention armée en Syrie. Mais je reviens sur un aspect des méthodes d'annonce de la réforme des retraites que j'estime particulièrement réussies sur le plan de la duperie et de l'arnaque. Enfin, j’aborde rapidement en fin de note l'événement parisien du lancement de la campagne de Danielle Simonnet.

La Syrie comme révélateur du (nouveau) mal français

Dans l'épisode calamiteux qu'a été cette séquence à propos de la Syrie, telle que l’a conduite François Hollande, il ne faut pas s'arrêter à l'accessoire, c'est-à-dire au haut et au bas des effets de communication. Il est bien clair que dans le numéro de trapèze volant qu’a entrepris François Hollande, il aurait mieux valu pour lui s'assurer qu'un partenaire venait bien à sa rencontre dans les airs… Mais c'est secondaire. L'essentiel est ailleurs. Il faut s'en tenir à ce qui compte dans de telles circonstances, c'est-à-dire les principes mis en œuvre et les moyens employés pour les faire triompher. Bien sûr, sur le plan tactique, François Hollande s'est pris les pieds dans le tapis. Il était persuadé que les Anglo-Saxons se mettraient en mouvement contre la Syrie. Il pensait donc avancer à l'abri du parapluie que serait cette nouvelle coalition. Il voulait s’y donner toute la satisfaction qu'un atlantiste génétique comme lui aurait à « ramener » la France dans cette mouvance nord-américaine où est, selon lui, sa place naturelle. Pour finir il aura isolé notre pays et profondément détruit son image d'indépendance et d'autonomie dans le monde.

Après l'épisode de l'interception de l'avion du président bolivien Evo Morales sur un simple coup de fil de la CIA en violation de nos intérêts, et du droit international, l’épisode syrien est une nouvelle démonstration humiliante du point où conduisent les errements idéologiques atlantistes. Si grave que cela soit, tout cela reste néanmoins conjoncturel. Car le plus gros des dommages causés par François Hollande porte sur les principes. Comment un président de la République française peut-il réclamer que se constitue une alliance militaire prenant des décisions sans l'accord ou, pire, contre la volonté de l'Organisation des Nations Unies ? La ligne historique des Français est que le droit international prime en toutes circonstances. En dehors du droit il ne peut y avoir que la force brute et la violence de la raison du plus fort. Sans doute François Hollande a-t-il toujours pensé que la seule légitimité internationale est celle que portent, du fait de leur prééminence économique, les premières nations de « l'Occident ». C'est-à-dire au bout du compte des États-Unis d'Amérique. Dans l'affaire du Mali les esprits simples et les clairons de guerre ont tout simplement ignoré les questions fondamentales que posait cette intervention militaire en particulier celle de sa légitimité et de l'origine du mandat pour intervenir. Peut-être est-ce là l'origine de la nouvelle désinvolture de François Hollande à l'égard des institutions internationales. Son cas s’est aggravé depuis. Comment accepter que l'on parle à propos du droit de veto de la Chine et de la Russie comme d’un « blocage ». On pense ce que l'on veut droit de veto. Mais c’est une composante actuelle du système de l'ONU. On peut le réformer. Mais jamais François Hollande ne l’a proposé. Dans ces conditions, l'exercice d'un droit ne peut être considéré comme un « blocage ». Au nom de quoi tout point de vue contraire à celui des Américains constituerait un « blocage » ? Quels sont les arguments des Russes et des Chinois ? On ne le sait jamais. Juste un « blocage ». En prétendant qu'il s'agit d'un blocage on introduit l’idée qu’il faut le « dépasser », tout cela pour finir par réclamer ce que l’on voulait au départ : une action violente directe avec ou sans mandat international. En dévalant cette pente, François Hollande s'est situé hors du cadre de la pensée de gauche à propos du droit international et de ses institutions. Ce chemin ne mène nulle part sinon au ridicule dans lequel finit par se trouver celui qui tape du pied pour obtenir ce qu'il veut sans être capable de se le procurer.

On n’en finit pas de faire la liste des aberrations de la ligne de conduite de François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Ainsi de cette scène incroyable sur le perron de l'Élysée où, l'air martial, le président Hollande annonce préférer des solutions politiques en présence d'un « représentant » du peuple syrien. Or précisément c'est ce représentant qui ne veut pas du cadre dans lequel cette solution politique pourrait être trouvée, à savoir la conférence de Genève numéro deux. Apparemment le président français n'en a pas parlé à son interlocuteur. Pas davantage que du sort des journalistes français enlevés par les amis de l'homme que l'on reçoit en grande pompe à l'Élysée. Personne ne pose la question de savoir ce qu'il représente réellement. Ni pourquoi son prédécesseur, un client du Qatar, a fini par démissionner de sa fonction par opposition au jusqu'au-boutisme des autres composantes de ce conseil politique de l'opposition. Quand dit-on que cet homme est proche des Saoudiens ? Cela ne le disqualifie peut-être pas, mais en tout cas cela mettrait chacun à sa place dans l'esprit des citoyens à qui l'on présente ce tableau. Quand dit-on qu'en Syrie des minorités alaouites chrétiennes, qui étaient d'abord hostiles au régime, sont surtout préoccupées aujourd'hui de se défendre des excès des milices fondamentalistes que cofinancent le Qatar et l'Arabie Saoudite ? À quel moment sort-on de la contradiction qu'il y a, d'une part, à soutenir ces milices en les armant et, de l'autre, à surveiller les jeunes qui partent de France pour aller s'enrôler dans leurs rangs ? Tout cela forme l'arrière-plan non-dit, sans doute non-pensé, de la ligne fixée par les grands stratèges de l'Élysée. Enfin ne cachons pas l'étonnement qui a été le nôtre lorsque nous avons entendu le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, annoncer que la France s'engagerait dans la logique des punitions armées, non pas sur notre territoire, mais en Israël à l'occasion de la rencontre avec M. Netanyahou ! On doit pouvoir faire mieux à l’avenir ! Non ?

Tout ceci, pour finir, constitue une modification extrêmement profonde de l'identité politique du Parti Socialiste dans le domaine des relations internationales. Le courant atlantiste a toujours été très fort, mais son influence s'est souvent exprimée de façon plus prudente dans la mesure où une résistance idéologique extrêmement construite et très largement majoritaire y prenait garde. L'atlantisme est dorénavant la ligne du parti. C'est ce que prouve la signature de François Hollande après des discussions au sommet de l'OTAN à Chicago quelques mois après son élection, lorsqu'il plaça la France sous la protection des missiles antimissiles nord-Américains, oubliant la dissuasion. C'est ce qui a été confirmé lorsqu'il a capitulé sans condition dès lors que les Allemands refusaient de reporter l'ouverture de la discussion avec les nord-Américains sur le « Grand Marché Transatlantique » alors même que l'espionnage de ceux-ci sur l'ensemble des pays de l'Union européenne avait été prouvé par les révélations de Snowden. Croyant anticiper sur ce que l'état-major américain avait décidé, il s'est jeté tête baissée dans les surenchères à propos de la Syrie. Au total c'est une modification fondamentale. Non seulement il n'y a plus d'exception des socialistes français dans la mouvance sociale-démocrate internationale, mais c'est la France elle-même en tant que nation, telle qu'elle s'est affirmée dans les principes constants qu'elle a soutenus jusqu'à ce jour, qui vient d'être abandonnée.

À cette occasion s'est ajoutée une spectaculaire mutation à propos des institutions. S'il est exact que le Parti Socialiste n'a jamais adopté les thèses en faveur de la VIème république, il n'en demeure pas moins que, depuis 1972, la réforme en profondeur de la Vème République était un objectif constamment réaffirmé. Sans débat a été tranchée la question de savoir si les institutions doivent être présidentielles ou parlementaires. C'est la vision la plus brutale, la plus étroite et la plus monarchique de la Vème République qui vient d'être défendue par les principaux responsables solfériniens à propos de la question du vote du Parlement sur l'action militaire envisagée par le Président de la république. Il ne faut pas oublier cet épisode car il constitue désormais une différence idéologique de fond avec tout ce que nous représentons.

Je crois que sur ce point ils vont également se ridiculiser. La pression est désormais trop forte du fait de l'exemple donné à la fois par les Anglais et par les nord-Américains. De plus le journal le plus intimement lié aux anglo-saxons, le quotidien « Le Monde », qui avait péremptoirement affirmé dans un éditorial solennel la nécessité de faire la guerre à la Syrie, vient à présent de se rallier à l'idée que le parlement doit voter. Dès lors, quoi que décide François Hollande sur le sujet et quoi qu'il fasse, ce sera sous la contrainte et au gré des circonstances.

Les preuves sont les bienvenues, s’il y en a !

Il parait que le premier ministre va donner des preuves de la culpabilité du régime syrien dans l’attaque au gaz. Elles  justifieraient la « punition » annoncée par François Hollande. Ces preuves seront les bienvenues. Ne doutons pas qu’elles seront examinées avec soin. Les précédentes « preuves » données par les Anglais et les nord-Américains à propos des armes de destruction massive irakiennes sont trop présentes à nos esprits pour qu’on puisse songer à nous en faire avaler un avatar. Ce que j’apprends à propos de ces « preuves » dans les avant papiers de la presse écrite que je découvre m’inspire un doute. Je veux l’argumenter. Nos agents auraient, grâce à des heures de travail, réussi à établir la nature et l'identité de gaz qui seraient dorénavant stockés par le régime de Bachar Al Assad. J'espère que ce n'est pas le seul argument que le premier ministre compte mettre sur la table. Car sinon on peut dire qu'il se tirerait une balle dans le pied. Voici pourquoi. La Syrie pas davantage que l'Égypte et quelques autres n'ont signé la convention d'interdiction de la production et de stockage des armes chimiques. De la même manière, Israël a signé mais ne l'a pas ratifiée. Pourquoi ces pays agissent-ils de cette façon ? Dans le secteur le raisonnement est le suivant : Israël a la bombe atomique pour dissuader ses voisins de l’agresser. Ses voisins ont les gaz pour rétablir l’équilibre avec la bombe. C’est le raisonnement classique de l’équilibre de la terreur. Si l’on ne cesse d’évoquer sur toutes les ondes la Convention de 1925 à propos des gaz de combat, c’est pour éviter de devoir faire état de la liste des signataires et des non signataires de cette Convention bien plus contemporaine de 1993, sur le même sujet, car elle pourrait soulever de nombreuses de nombreuses discussions dont certains pays donneurs de leçon d’aujourd'hui ne sortiraient pas forcément grandis.

C'est donc  le moment de rappeler que si en effet l'utilisation des armes chimiques a été proscrite par tous les signataires de la Convention de 1925, cette convention ne comportait aucune mention d'obligation de détruire ou de cesser de produire des armes chimiques. Seul un engagement sur le refus de l'usage était visé. C'est bien pourquoi une nouvelle négociation a eu lieu qui a permis en 1993 la signature à Paris d’une nouvelle Convention interdisant la production et le stockage des armes chimiques et obligeant les États qui en possédaient ou qui en avait abandonné sur le territoire d'autres états, à les récupérer et à les détruire. Pour qu’il y ait eu besoin de signer un tel texte cela signifie qu'entre 1925 et 1993, des millions de tonnes de gaz toxique à usage militaire été produites par les États-Unis d'Amérique la Russie et quelques autres. En 1993 il fut décidé que toutes les armes seraient détruites à l'horizon de 2012. Les deux principaux détenteurs de ces matériels, les États-Unis et la Russie, ont demandé un nouveau délai pour achever la destruction de stocks car celle-ci n'a pas encore dépassé les 50 % dans ces pays.

Avant d'aller plus loin résumons. Ainsi, quoi que les armes chimiques soient un crime contre l'humanité ainsi que cela a été répété sur tous les tons depuis quelques jours, la Russie et les États-Unis d'Amérique en ont encore produit des quantités gigantesques entre 1925, date à laquelle ils ont signé qu'ils ne les utiliseraient pas, et 1993, date à laquelle ils ont convenu qu'ils acceptaient de détruire toutes celles qu'ils avaient néanmoins continuées à produire et à accumuler sous la forme de munitions de toutes sortes. Les États-Unis ne se sont pas contentés de produire et de stocker. Ils ont aussi utilisé, ne l'oublions jamais, leurs munitions chimiques. Pendant la guerre du Vietnam, des dizaines de milliers de tonnes de gaz orange ont été déversées sur ce petit pays et plus précisément sur 10 % de son territoire. « La guerre du Vietnam est la plus grande guerre chimique jamais menée dans l'histoire de l'humanité » avait alors déclaré l’amiral nord-américain Elmo R. Zumwalt, dont le propre fils était mort des conséquences de cet empoisonnement à l'âge de quarante-deux ans ! Et n’avons-nous pas appris récemment (Le Monde du 28 août 2013) que la CIA a aidé Saddam Hussein à gazer les troupes iraniennes en 1988, ce qui est l’attaque chimique la plus meurtrière de l’histoire.

Ce n'est pas tout. Il faut compléter le tableau du véritable portrait des donneurs de leçon de morale à propos des crimes contre l'humanité. En 1993, la diplomatie française était très active pour obtenir qu'en même temps que l'on condamnerait les armes chimiques, on condamnerait aussi des armes biologiques avec la même exigence de déclaration, de destruction, et de possibilités d'inspection des sites concernés. Les États-Unis d'Amérique s'y opposèrent. Une convention sur ce thème existait déjà depuis 1972, sur le modèle purement déclaratif de celle de 1925 à propos des armes chimiques. Son défaut était, là encore, de me permettre ni l'obligation de destruction des stocks accumulés ni les contrôles. Il n'y a aucun doute sur le fait que de telles armes continuent à être produites dans ce pays, comme dans ceux qui n'ont pas encore signé cette convention ou qui ne l'ont pas ratifiée, à l'instar d'Israël. La preuve en a été donnée lorsqu'il a été prouvé par le FBI que l'expéditeur des lettres contenant de l'anthrax était un chercheur nord-américain qui l'avait dérobé dans le laboratoire dans lequel il travaillait dans le Maryland. Mais avait-on vraiment besoin de cette preuve ?

Dans ces conditions si le premier ministre Jean-Marc Ayrault se contente de produire comme « preuves » des documents qui permettent de constater, en effet, que la Syrie a produit et stocké des armes chimiques, il ne prouve rien puisque ce pays n'a jamais signé la convention interdisant la production et le stockage de ces armes. En toute hypothèse, la production et la détention d'armes chimiques est le fait de très nombreux États dans le monde, encore à cette heure, et notamment de plusieurs voisins de la Syrie. Au demeurant ni les États-Unis ni la Russie n'ont réussi à tenir le délai de dix ans au cours duquel ils devaient détruire la totalité des stocks de ces armes. À cette heure, à peine 50 % ont été détruits. Ce qui reste représente des dizaines de milliers de tonnes de produits et de munitions. Si ce n'est pas la production et la détention d'armes chimiques qui peut constituer une preuve de quoi que ce soit, que faudrait-il pouvoir démontrer pour porter des accusations fondées ? Il doit démontrer que les munitions utilisées ont été tirées par le camp gouvernemental. Un doute existe à ce sujet. En effet, au mois de mai dernier, Madame Del Ponte, l’ancienne présidente du Tribunal Pénal International, au nom de la commission des Nations Unies, avait mis en cause clairement et très directement les « rebelles » comme ayant utilisé des gaz dans le combat contre leurs adversaires. D’où le ridicule de la formule de François Hollande selon lequel il faudrait punir « ceux qui ont utilisé l’arme chimique ». Car s’il est avéré que ce soit les milices opposantes, Hollande se propose-t-il de les « punir » ? Non bien sûr ! Hollande veut seulement frapper Al Assad. Et tout le reste est prétexte. Pourquoi alors ne pas le dire franchement ? Pour ne pas avoir à l’expliquer, tout simplement.

Commentaire parisien

Mardi, je me suis trouvé présent à la conférence de presse que donnait Danielle Simonnet, comme candidate tête de liste pour les élections municipales à Paris. La veille, en effet, mes camarades parisiens avaient été informés de la proposition faite par leurs homologues communistes de la fédération de Paris à l’ensemble des partenaires du Front de gauche dans la capitale. Ces derniers engagent une démarche « aux plus offrants » en quelque sorte. Ils mènent à la fois des négociations avec le Parti Socialiste et la discussion avec leurs partenaires Front de gauche. Étrange procédé. Leur dernière proposition de répartition des postes est parue aussi étrange : sur quinze sièges envisagés, douze iraient à la fédération communiste, trois pour toutes les autres composantes du Front de Gauche. Celles-ci ont analysé cette « proposition », en retrait sur celle qui avait déjà été présentée par les mêmes en juin, comme un acte de rupture assez stupéfiant. Tous nos espoirs reposent donc à présent sur le vote des militants communistes qui va intervenir à la fin du mois d'octobre. D'ici là il ne peut être question de rester inertes et de se laisser grignoter dans les sondages par inexistence. Nous avons l'expérience du prix à payer pour des tergiversations qui sont ressenties comme très politiciennes dans les milieux que nous influençons. Le refus de s'exprimer clairement sur la participation ou non au gouvernement avant les élections législatives nous a fait perdre la moitié de nos voix entre la présidentielle et celles-ci, alors même que l'on attendait de la notoriété des candidats, souvent des élus sortants, d'importants progrès et des résultats supérieurs à ceux de l'élection présidentielle.

La leçon ne doit pas être oubliée. Naturellement le but reste de pouvoir présenter une liste du Front de gauche, si possible avec d’autres composantes sur Paris. Certes, Paris est une ville dont les habitants connaissent les problèmes de toutes les villes de France. Mais c'est aussi la capitale et le point de mire de tous les observateurs en France, en Europe et dans le monde. Il faut donc absolument s'arracher à l'enlisement des tractations de postes. Rien ne favorise davantage nos adversaires de toutes sortes que de donner l'impression que nous ne savons pas ce que nous voulons, ni dans quel camp nous nous situons. Et pire : que nous sommes comme les autres, obsédés par les postes et les places. C'est pour affirmer ce cap franc et clair que Clémentine Autain et moi avons accepté de venir soutenir la démarche de Danielle Simonnet. Sa campagne commence pour faire vivre les idées de « l’humain d’abord ». Et pour élargir la coalition autonomiste aussi largement que possible dans la gauche et chez les écologistes.

La réforme des retraites, un empilement d’arnaques

Les spécialistes de la communication apprécient sans doute la nouvelle méthode mise au point par l'équipe Hollande – Ayrault pour faire passer en douceur ce qui, présenté autrement, ne le pourrait pas. En ce qui concerne la réforme des retraites, c'est presque un cas d'école. D’abord des rumeurs de toutes sortes dessinent l'essentiel des mesures qui vont être prises. Puis, premier temps, l'annonce dans le style « bonnet de nuit » qu'affectionne Jean-Marc Ayrault, très technique et bien embrouillé pour permettre de résumer tout son propos dans une idée : « c'est une réforme juste parce que tout le monde est mis à contribution ». Les premiers commentaires recueillis dans l'instantané et sans véritable possibilité d'examiner de près le contenu de ce qui est dit sont naturellement orientés autour de cette idée de «  justice », sans oublier la prise en compte de la pénibilité, qui était en quelque sorte la cerise sur le gâteau.

Après quoi commence la deuxième phase qui est d'une toute autre nature. C'est le moment où Pierre Moscovici annonce au Medef que les entreprises se verront compenser entièrement l'augmentation des cotisations sociales patronales. Adieu le fameux « tout le monde est mis à contribution ». Seuls les salariés le sont. Mais ce n'est pas tout. La compensation versée aux « entreprises » sera en réalité un allégement des cotisations patronales « famille ». Deuxième point, car c'est le début de la liquidation d'un système de cotisations que payait le seul patron. Comme il faudra bien que la somme soit trouvée, c'est la CSG qui prendra le relais ! La voie est ouverte : il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour prévoir que c'est sur le volume total de ces cotisations que se feront les prochains « allégements du coût du travail » en reprenant la méthode du transfert sur la CSG. Il y a là, en effet, un gisement de 34 milliards d'euros ! Quant à la fameuse « prise en compte de la pénibilité », c'est presque une farce. D'abord parce qu'elle introduit pour la première fois un système de points pour calculer les retraites. C'est un début très suspect. Peut-être est-ce là le seul objectif. Deuxièmement, une fois les calculs faits, on s'aperçoit que pour obtenir le maximum de bonus possible, c'est-à-dire deux ans de cotisations en moins pour accéder à une pension au taux plein, il faudra avoir été exposé pendant vingt ans à un poste de travail pénible ! Vingt ans : la moitié d'une carrière ! Si l'on n'est toujours pas mort après cela, on pourra donc « bénéficier » d'un départ anticipé de deux ans sur les quarante-trois de cotisations exigées. Mais quarante-trois moins deux égale quarante et un. C'est-à-dire qu'à ce moment-là, la « prise en compte de la pénibilité » correspond exactement au maintien de la situation actuelle. Bravo les joueurs de bonneteau ! Sur le plan de la communication c'est une victoire totale pour Jean-Marc Ayrault et François Hollande. Ils ont en effet réussi à faire passer inaperçus les coups les plus rudes de leur réforme contre les salariés. C'était leur but essentiel pour démobiliser ceux qui auraient voulu résister. La presse libérale et sociale-libérale s’est contentée de gémir sur « l'insuffisance des mesures prises » ! L'arnaque politique en bande organisée n’est pas encore un délit.

Lire aussi

DERNIERS ARTICLES