« Pas de muselière, et nous en sommes fiers »

Petit à petit la réalité de ce qu’est le « nouveau PS », c’est à dire le parti solférinien, se précise sous les yeux de tous… Libéral en économie, sécuritaire-ethniciste en société, aligné sur Berlin et Washington sur la scène européenne et mondiale, autoritaire et brutal dans sa pratique politique. Cette semaine est un festival. Le discours à l’ONU de François Hollande, la présentation du budget, le licenciement de Pascal Durand de la tête d’Europe-Écologie-les-verts, l’inacceptable stigmatisation anti-républicaine des Roms par Valls forment un tout cohérent. La dissidence de Noël Mamère et son vote contre le budget cristallisent le rejet et le dégout que tout cela soulève jusque dans les rangs de la coalition gouvernementale. Il annonce, selon moi, le commencement de l’agonie de l’attelage politique qui soutient le gouvernement.

Dans cette note je parle très rapidement (c’est le nouveau style…) de ces trois sujets. Non sans la jubilation de celui qui a été beaucoup agressé pour avoir dit clair et net, cru et dru, à chaque étape ce qui allait se produire, en nommant les gens par leur nom et adjectifs qualificatifs. Ainsi quand, par exemple, les propos odieux de Valls sur les Roms provoquent enfin une prise de conscience sur ce personnage et la politique qu'il conduit ! A présent il vient de nier un principe républicain fondateur en assignant les individus à leur ethnie et leur ethnie à un invariant. Mettre en cause l’universalité humaine, il fallait oser ! Le pire c’est qu’il ne comprend même pas ce qu’on lui reproche. Qui donc avait écrit, cet été, à propos de ce monsieur ? Où sont passés ceux qui dénonçaient des « invectives » et des «outrances » là où il ne s'agissait que d'une bonne évaluation des faits ? L’agonie de ce gouvernement sera douloureuse socialement, mais aussi moralement.

Budget : on n’a pas battu Sarkozy pour subir ça

Ça va gronder quand les gens vont comprendre de quoi il s’agit. En ce moment ils découvrent, atterrés, leur feuille d’impôt. Le nombre de ceux qui ont des petites et moyennes retraites et qui sont écrasés par ce qu’ils découvrent est considérable. La panique gagne, car beaucoup avaient les narines juste au niveau de la ligne de flottaison, et d’aucuns avaient déjà commencé à couler dans le bain glacé de la vie deLilas 2 pauvre. En janvier va leur être assénée l’augmentation de la TVA. Partout, ce sera la même peur du lendemain, compréhensible et si mauvaise conseillère quand on se trompe sur la destination des coups à rendre. Si Manuel Valls continue de désigner des boucs émissaires comme les Roms pour apaiser la colère des gens simples et la faire se déverser sur plus malheureux qu’eux, le pays partira en vrille. Notons au passage l’extinction de voix de ceux qui ont dénoncé ma façon de parler de ce ministre de l’Intérieur. La chose semble moins les perturber que le mot qui la désigne, apparemment. On voit bien à présent que parler cru et dru, c’est souvent parler plus juste et plus vrai que n’y parviennent ceux qui s’abandonnent à un devoir de grisaille et de bonnes manières, et qui croient annuler avec des euphémismes la violence des faits. Heureusement pour l’honneur de ce gouvernement, il y a eu Montebourg pour décortiquer le sens des propos de Valls et en montrer le fondement dans la pensée d’extrême droite contre-républicaine. Et les « gauches » du PS ? Quoi ? Et Hamon, à part les raviolis à la viande de cheval, quoi d’autre ?  

En tout cas, le projet de budget 2014 ajoute 15 milliards d'euros de coupes budgétaires à la saignée de 20 milliards d'euros déjà engagée depuis le début du mandat de François Hollande. Total en deux budgets : 35 milliards de moins dans l’action publique et 40 milliards de ponctions fiscales supplémentaires : 75 milliards de moins dans le circuit de l’économie réelle. Les solfériniens se vantent des coupes qu'ils imposent au service public dans tout le pays. Jean-Marc  Ayrault parle d'un « effort sans précédent » et se félicite de faire pire que la droite n'avait jamais osé. Pierre Moscovici, lui, se vante de faire supporter "80%" de la réduction du déficit public par des baisses de dépenses. La réalité dans la vie quotidienne de ces chiffres : des services publics qui vont encore se réduire. Parmi les 15 milliards de coupes, 6 vont frapper la sécurité sociale. Les hôpitaux devront notamment continuer à se serrer la ceinture et à pousser les patients dehors pour faire plus d'actes en moins de temps. L'Etat supportera les 9 autres milliards d'euros des baisses de dépenses. Ce n’est pas une amputation « technique » ! Elle est lourde de sens politique.

Presque tous les marqueurs d'une politique de gauche sont frappés. L'aide juridictionnelle, qui permet aux plus pauvres d'accéder à la justice, voit son budget réduit de 10%. On se souvient que Delphine Batho avait parlé d'un "mauvais" budget. C'est le moins qu'on puisse dire : le budget de l'écologie est en recul de 6,5% ! Le ministère de l'Agriculture voit aussi son budget reculer de 7% quand il faudrait Lilas 3engager une transition profonde pour aller vers une agriculture paysanne et écologique. Le sport et la vie associative perdent 2,3%, la culture 2%. L'aide aux pays en développement perd aussi 3,1%. Mais les beaufs à front de bœuf vont se taper les cuisses de joie : le nombre de fonctionnaires est de nouveau en baisse ! Jean-Marc Ayrault supprime 2 144 postes supplémentaires. En effet, la création de moins de 11 000 postes dans les missions prioritaires comme l'École ou la Justice ne masquera pas la suppression de plus de 13 000 postes dans les autres services publics. C’est à se demander si l’essentiel n’est pas, en excipant des créations dans l’Éducation nationale, de masquer ce contingent énorme de suppressions ! En fait, Jean-Marc Ayrault désarticule des administrations cruciales comme les douanes, les services des ministères de l'Ecologie et du Logement, et même l’armée que Hollande sollicite tant !… A toutes ces coupes, Ayrault ajoute de nouvelles hausses d'impôt. La "pause fiscale" promise par François Hollande pour 2014 est repoussée à 2015. Au plus tôt. Le projet de budget 2014 prévoit 3 milliards d'euros d'impôt supplémentaires. Sans compter la hausse de la TVA prévue au 1er janvier 2014 et déjà votée par les solfériniens l'an dernier. Cette hausse représentera plus de 6 milliards d'euros ponctionnés dans le pouvoir d'achat du peuple. Au total, ce sont donc près de 10 milliards d'euros d'impôts nouveaux qui seront prélevés. Dans le détail, le gouvernement ponctionne spécialement les familles. Les ménages dont les enfants sont scolarisés au collège, au lycée ou dans l'enseignement supérieur bénéficiaient d'une réduction d'impôt de 61 à 183 euros. Le gouvernement supprime cette réduction. C'est-à-dire qu'il augmente les impôts de ces familles. Et ce n'est pas tout : Jean-Marc Ayrault a aussi décidé de soumettre à l'impôt sur le revenu la majoration de 10% de la pension des parents de plus de trois enfants. Cette décision va rendre imposable des retraités qui ne l'étaient pas jusqu'ici, en faisant augmenter leur revenu fiscal. Bref : la machine à fabriquer du chômage et de la pauvreté va tourner à plein régime.

Notons bien les coupes budgétaires dans les dotations aux collectivités locales : elles vont assécher les finances locales. Un milliard cinq cent millions de moins ! La campagne municipale du PS et de ses alliés est vite résumée : moins de service public ou davantage d’impôt locaux, à moins que ce ne soit les deux à la fois. Comment faire un programme commun municipal, sur ces bases, qui ne soit pas une Lilas 4mystification ? En mystifiant. Comme à Paris, où Anne Hidalgo promet des constructions de logements sociaux pour atteindre le total de 30% supplémentaire en… 2030, trois mandats plus tard !

Encore une fois, la tribu des faces de pierre va défiler dans les médias flanqués des experts à gages pour faire passer toute cette violence sociale comme une médecine, certes douloureuse, mais efficace à moyen terme. Pourtant, tout ceci est pratiqué au nom d’une doctrine économique dont il est dorénavant prouvé cent fois qu’elle ne marche pas. La preuve est dans les faits eux-mêmes, et non dans les déclarations mystificatrices des dirigeants libéraux de tous poils. Que donnent les politiques d’austérité ? De « la-reprise-et-de-la-croissance-donc-des-emplois » bêlent les grands esprits. Les prévisions du FMI lui-même annoncent, pour 2013, que l'Espagne et de l'Italie devraient subir une contraction de leur économie proche de 2 %, celle du Portugal de plus de 2 % et celle de la Grèce de plus de 4 %. Dans le même temps, le chômage a atteint un pic avec un taux moyen de 12 % de la population active dans la zone euro. Cette moyenne ne doit pas dissimuler que la moitié des jeunes est sans emploi dans les pays du pourtour de l’Union ! Mais surtout, ce qu’il faut noter, c’est l’échec sur le terrain même où prétend se situer cette politique, et de l’objectif qu’elle affiche de vouloir réduire la dette publique. Dans la réalité, la dette publique a augmenté en 2012 de 7 points de pourcentage par rapport au PIB en Italie, de 11 points en Irlande et de 15 points au Portugal et en Espagne. Conclusion : ce que font Hollande et Ayrault ne marchera jamais pour atteindre leurs propres buts, à supposer qu’on les partage !

Je forme le vœu que nos parlementaires, après avoir bataillé pour limiter la casse, votent pour finir contre ce budget, à moins d’obtenir son bouleversement. J’ai grand espoir que le débat parlementaire permette de trouver des majorités de gauche alternatives à la domination austéritaire des solfériniens. D’autant que l’actualité nous donne des raisons de constater que notre raisonnement politique se vérifie. La pression incroyable de la violence de la politique néolibérale du gouvernement fait craquer la digue des petits arrangements avec lesquels il pensait avoir passé la muselière à tous ceux qui acceptent de se mettre à table avec lui. La décision de Noël Mamère est un coup de tonnerre qui va bien plus loin que la case du seul mécontentement dans laquelle on veut le contenir.

Bienvenue au club, Noël Mamère!

Noël Mamère quitte son parti et il ne va pas voter le budget. C’est un acte politique retentissant. D’abord en raison de la personnalité en cause et de la place qu’il a occupée dans la construction de son parti. Ensuite parce qu’il s’agit du seul candidat des Verts qui ait franchi la barre des cinq pour cent à l’élection présidentielle. Enfin parce qu’il donne un sens politique à sa critique de la politique gouvernementale en s’opposant au budget qui le concrétise. Ses critiques préalables n’ont été jamais été entendues ni même écoutées. Après la prise de distance d’Eva Joly, l’éviction de Delphine Batho et le congédiement de Pascal Lilas 5Durand pour lèse-majesté, la liste des victimes du règne de la muselière s’allonge.

Au final, le départ de Noël Mamère et son vote contre le budget font constater officiellement l’entrée en agonie de l’alliance gouvernementale. Dans quelque mois, la compétition des listes vertes avec celles du PS au premier tour des municipales, puis des européennes, achèveront le constat d’incohérence.

L’acte que pose Noël Mamère peut-être fondateur s’il permet une action collective positive et unifiante. Je forme le vœu que Noël Mamère entende nos appels à la formation d’une alliance alternative à gauche. Oui, la politique austéritaire du gouvernement et son goût pour la mise au pas des récalcitrants sèment le désespoir. Il ne doit pas être amplifié par notre incapacité à trouver le moyen de proposer à notre peuple de faire autre chose, autrement ! A bientôt peut-être Noël, Eva et vous autres nos Lilas 6camarades rebelles et têtes dures. Bienvenue au club des « sans muselières ». 

Encore faut-il que Noël comme Eva, comme moi, comme tant d’autres, passent l’épreuve initiatique de la sortie de rang. Car les chiens de garde et les chiens de guerre patrouillent avec férocité autour du troupeau. Je veux lui en décrire les principales épreuves qu’il devra subir. Il croit connaître ses raisons d’agir, et il pense les exposer clairement. Taratata. C’est autre chose que d’aucun vont construire dans les médias. Première étape, retirer à son acte sa portée : « ce n’est pas vraiment une surprise il a toujours été contre tout…. Bla Bla ». Deuxième étape : ramener le problème à un conflit de personne ou d’âge. « Il a mal vécu la jeune génération…. », « il n’arrivait plus à trouver sa place parmi les étoiles montantes du parti, etc. » Troisième étape, vider de toute portée et signification politique son opposition au budget : « comme prévu il ne votera pas le budget… ». L’important pour les chiens de guerre est de démolir l’homme en commençant par vider son action de son sens politique.Lilas 7 Etouffer le poisson en vidant le bocal. Le but suprême est de dépolitiser la situation créé. Dans cet exercice, les « anciens amis » de toujours jouent un rôle essentiel. Ils sont censés connaître le fin mot que l’intéressé ne peut pas dire. Ceux-là jouent un rôle crucial dans le détournement de sens. Noël Mamère, avec un « ami » comme Cohn-Bendit, a été servi. Le mercredi matin, la page un de Google titrait sur la déclaration de Cohn-Bendit commentant le départ de Mamère. Pas l’inverse !  Titre : "Je partage le ras-le-bol". Daniel Cohn-Bendit a réagi, mercredi matin sur Europe 1, à la décision de Noël Mamère de quitter Europe Écologie-Les Verts. "Je comprends la décision de Noël Mamère. Je partage le ras-le-bol sur le fonctionnement, le clanisme, les couples terrifiants qui règnent sur Europe Ecologie", a-t-il déclaré. Noël Mamère explique dans un entretien accordé au Monde qu'il ne se "reconnaît plus dans [son] parti". Pour le député de Gironde, le problème viendrait d’en haut, de la direction du parti. Il dénonce "la firme" Cécile Duflot et ses amis." De son vote contre budget, de sa critique de la conférence environnementale et ainsi de suite, que reste-t-il ? « Je crois que c'est plus sur le fonctionnement [que sa décision a été basée] et puis sur le contenu, je pense qu'on peut discuter", a estimé Daniel Cohn-Bendit ». Je ne mène pas plus loin la démonstration. Dans les heures qui viennent, les poches à fiel vont se vider à gros jets. Delphine Batho a eu droit au même parcours : « solitaire, autoritaire, etc. ». Les heures passant, elle était repeinte en une sorte d’ambitieuse acariâtre et ingrate dont l’acte était davantage motivé par son échec que par les raisons dont, d’ailleurs, on ne discutait jamais. Les photographes font le reste : gros plans peu amènes sur le nez, pauses embarrassées destructrices. Et ainsi de suite. A lui de ne pas se laisser enterrer s’il veut que sa sortie ait une utilité politique collective.

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