De Bogota

Je suis de nouveau sur les grandes distances. Pour la deuxième fois de l’année, je suis en Amérique latine, au milieu de mes dix voyages internationaux de l’année. Je me rends en Equateur, à l’invitation du gouvernement de ce pays. C'est le début d’une campagne de longue haleine pour moi, comme on le verra. Il s’agit pour l’instant de participer à l’opération des témoignages internationaux contre la multinationale « Chevron » qui a souillé l’Amazonie, comme deux ou trois pétroliers en même temps l’auraient fait en s’échouant sur nos côtes. Laquelle multinationale fait à présent un procès à l’Etat Equatorien et met en jeu un de ces tribunaux d’arbitrage. Tribunaux privés qui sont l’avenir lamentable du droit international, en violation de la souveraineté des peuples et des lois que votent leurs députés. Ce sera bientôt à l’ordre du jour en Europe si le Grand Marché Transatlantique est créé, car les Etats-Unis et la Commission Européenne en sont partisans. De tout cela, je ne parle pas cette fois-ci, mais dans mes prochains posts, après que j’ai commencé mes pérégrinations. Mardi et mercredi, je serai en Amazonie.

Ici, je retiens seulement ce qui me revient au cœur au moment d’écrire. J’ai commencé la semaine par le procès de Béthune, que j’ai engagé contre Marine Le Pen à propos du faux tract à mon nom qu’elle a fait distribuer pendant notre affrontement dans la législative du Pas de Calais en 2012. Puis j'étais au Parlement européen, où ce procès m’a fait rater quelques grands dossiers, mais où j’ai eu fort à faire. D’abord parce que j’ai participé a une réunion publique, à l’Université de Strasbourg, sur le sens du texte « Horizon 2020 » de l’Union européenne à propos de la recherche. Ensuite, dans le travail parlementaire. En témoigne mon blog Europe, auquel je vous renvoie, comme je voudrai que vous le fassiez pour suivre ce qui se passe à ce niveau de réalité, si obscur pour tant de Français. Il y a six ans que je tiens ce blog avec mes collaborateurs. Des centaines de votes sont ainsi expliqués et les fiches argumentées sont mises à disposition pour une très grande proportion de textes. Pour cette session, mes visiteurs pourront assister à un fait doublement rare : ma prise de parole effective. C’est-à-dire orale et non écrite (puisque je me défoule à l’écrit de tout ce que je ne peux faire à l’oral). Rare d’abord parce que je n’ai (presque) jamais la parole. Cela non seulement du fait du peu de temps dont dispose mon groupe, mais aussi du fait que pour ce qui revient aux Français, il faut encore partager entre nous, opération qui n’est pas toujours simple, même quand tout le monde y met de la bonne volonté. Rare ensuite parce que je fais un discours… d’une minute ! Ce qui n’est pas mon « format », comme on le sait…

L’évènement européen de la semaine, c’est la capitulation du SPD devant Merkel. L’onde de choc de cet évènement n’a pas fini de traverser le continent. L’évènement, sinon, c’est l’alunissage des Chinois. 37 ans que les humains n’avaient pas été capables de réaliser cette opération. Bravo la Chine !

Ici, je vais venir sur trois évènements, donc. La contre-révolution libérale en région Bretagne avec Jean-Marc Ayrault, le procès de Béthune, le congrès du Parti de la Gauche Européenne.

Du masque de Robespierre à celui de Jean-Marc Ayrault

Ce jour-là, c’était la distraction. D’aucuns prétendaient avoir reconstitué le vrai visage de Robespierre.  « Avec le logiciel du FBI » ! Tu te rends compte Dugenou, « comme on a vu aux ''Experts'', à la télé »! Résultat, loin de tous les portraits de l’époque qui nous montrent un visage étroit et un menton pointu, nous voici avec une face à la Danton ou Mirabeau. Une tête bien peu engageante, si j’en juge par la photo publiée. Vieille ruse de l’iconographie, dont je fais les frais plus souvent qu’à mon tour : la laideur du visage est censée révéler la laideur de l’âme ! C’est le but que se proposait Madame Le Pen quand elle a dit de moi, de façon surprenante, que j’avais un « physique repoussant ». Sans doute la pauvrette m’aura-t-elle étudié dans les photos de presse. En voyant le prétendu masque de Robespierre, comme beaucoup, j’ai vite compris que c’était un épisode de plus de la lutte idéologique sur le sens du contenu de la Grande Révolution. Les auteurs de cette farce n’ont pas lésiné sur les moyens de gruger le tout-venant. Tout est dans l’émotion ! « Quand j’ai vu cet homme apparaître sur mon écran, j’ai su qu’il faisait peur » dit le manipulateur, responsable de l’opération de dénigrement. Et ces journalistes, ignorant comme des peignes, de commenter les traces de « petite vérole » sur le visage de l’Incorruptible. « Petite vérole », ça fait maladie vénérienne, vie déréglée. En réalité, il s’agit de la variole, maladie endémique des siècles durant. Ce détail situe le niveau de la bassesse auquel est située cette opération de communication débile. Alexis Corbière a bien démonté le procédé dans son blog. J’en donne de nouveau le lien.

Ce qui est nouveau, c’est qu’ici où là des commentateurs ont réagi pour dire un peu de bien du grand Maximilien. Il y a peu, on n’aurait rien entendu. Je ne nomme personne dans aucun média, mais il y en a eu assez pour que des amis m’en parlent. Il y a peu, personne n’aurait bougé, sur l’air bien connu : « à quoi bon, c’est perdu d’avance ! ». Je pense qu’à force d’y revenir nous avons desserré l’étau qui tient notre histoire bâillonnée. Tout ceci est fait d’enjeux très concrets. Disqualifier Robespierre, c’est depuis toujours disqualifier la Révolution et, à travers celle-ci, son œuvre libératrice, les principes d’action politique qui ont triomphé avec elle. Par exemple, l’unité et l’indivisibilité de la communauté légale, et donc du peuple français. C’est un combat pour l’hégémonie culturelle d’autant plus nécessaire aujourd’hui que les solfériniens sont en train de faire franchir un seuil crucial au démembrement du cadre républicain de la Nation. Non parce qu’ils seraient monarchistes, cela va de soi. Mais parce qu’ils sont libéraux.

Car le capitalisme de notre temps est une exaltation de toutes les compétitions. Celles des « territoires », comme ils disent, produit celle des personnes et des droits sociaux. Les solfériniens sont à l’avant-garde de cette opération. On les a vu à l’Université, avec la loi Fioraso, aggraver la loi Sarkozy pour mettre en compétition « les autonomies » universitaires. C’est une méthode généralisée. On l’a vu avec l’ANI, avec les rythmes scolaires et ainsi de suite. Les gargarismes permanents, avec le mot « territoires », de tous les petits seigneurs féodaux qui n’en finissent plus de légitimer leur prétention à un pouvoir local total. C’est la colonne vertébrale de cette orientation. En région Bretagne, le prétexte s’est présenté d’aller plus loin. Un seuil est franchi. C’est à pleurer. Le Premier ministre s’exprimant en langue bretonne, prétendument unifiée en… 1942, par un collabo, avant de d’évoquer une « communauté de destin » régional ! Voilà qui ravira sans doute, en plus des intrigants qui ont obtenu cet abaissement de l’Etat républicain, les naïfs et ceux qui ne prennent pas la mesure de l’outrage et des affrontements que cet odieux renoncement va déclencher en rompant l’égalité des Français devant la loi. Car après la braderie des industries de souveraineté comme Alcatel, EADS ou Safran, voici la vente à la découpe de l'unité de la loi. Le transfert d'une partie du pouvoir réglementaire, l'expérimentation des compétences à la carte et la mise en œuvre des articles anticonstitutionnels de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires font franchir un seuil sans précédent dans l'hexagone. Juste avant cela, la semaine dernière, c'est l'Association des régions de France, dirigée par le PS, qui réclamait le droit pour chaque région "d'adapter les règles y compris fiscales".

Donc, Ayrault annonce la reprise d’une proposition de loi du groupe socialiste pour l’adoption des articles anticonstitutionnels de la Charte des langues régionales. Ancien président de groupe pendant onze ans, il sait ce que les mots veulent dire. Parce que c’est une « proposition de loi » et non un « projet de loi », le texte ne peut être adopté définitivement qu’après référendum. C’est une excellente chose ! Qu’on en finisse et que le peuple tout entier soit l’arbitre de cette grossière tentative de liquidation de l’unité républicaine du pays. Mais bien sûr, cela n’aura jamais lieu. Comme la grande « remise à plat fiscale » qui se vide de contenu de jour en jour, cette initiative ne peut aboutir. Car il est écrit d’avance que la réponse populaire sera « non » avec un score écrasant. Un tel mauvais coup ne peut passer qu’en réunion du Congrès entre élus tenus en laisse comme on l’a vu pour les retraites, l’ANI, j’en passe et des meilleures de ce quinquennat de liquidation.

Comme d’habitude on caricaturera ma position, et les amis des indigènes de toutes sortes se sentiront obligés de recommencer les sempiternels numéros d’accusation contre le jacobinisme transformé en insulte. La dizaine de mes textes, articles, tribunes et discours sur le sujet montrant que je ne récuse pas les langues ni les cultures, mais le fait d’en tirer une différence des droits, n’y feront rien. Je place cependant de nouveau un lien avec mon dossier sur la question pour aider ceux qui le souhaitent à argumenter. L'opposition de gauche ne doit pas accepter cette exaltation de la compétition entre les territoires et les populations de France. Je dis à mes amis qui ont eu des illusions sur le sujet qu’il y urgence à réagir et à cesser les tergiversations compassionnelles sur le contenu de ce que les bonnets rouges ont engagé pour notre malheur à tous.

Puisque ce chapitre a commencé avec l’évocation de la Grande Révolution de 1789, je l’achève en rectifiant une erreur grave de mon précédent post, où je me suis fait l’écho de la légende selon laquelle le roi louis XVI aurait été condamné a mort à une voix de différence. Cette affirmation est historiquement fausse, et est le fruit d'une reconstruction de l'histoire par les royalistes. L’historienne Mathilde Larrère me fait l’amitié de me corriger. Je l’en remercie, et je me fais un devoir de vous faire savoir ce qu’il en est, car ce blog doit être un lieu d’apprentissage sérieux quand il affirme sur des faits établis. La mort a été votée à une majorité bien plus large. Le romantisme révolutionnaire y perd un peu. Mais la Révolution y gagne en légitimité. Le 16 janvier 1793, 433 ont voté pour la mort (éventuellement avec sursis) dont 361 pour une mort immédiate et sans condition. 288 ont voté contre, pour une autre peine. Cela fait un large écart de 145 voix entre le total pour la mort et le total "pour une autre peine".

Au procès de Béthune, Marine Le Pen bredouille

J’ai consacré deux jours au procès de Béthune, qui m’oppose à Marine Le Pen à propos de son faux tract dans la campagne législative d’Hénin-Beaumont. J’ai pris ces deux jours sur ma présence au Parlement européen, puisque le calendrier faisait qu’il se réunissait aux mêmes dates. Une après-midi de préparation et d’apprentissage juridique avec mes conseillers, une journée à Béthune pour suivre personnellement l’audience. Car à mes yeux, des principes essentiels se jouent dans ce procès. Je ne suis pas partisan de la judiciarisation de la bataille politique ni des plaintes « coup de com » comme en formulent continuellement les Le Pen. Mais le procès du faux tract de madame Le Pen, qui voulait faire croire qu’elle parlait en mon nom et en arabe, est reporté une nouvelle fois. Son avocat a pu prétendre que c’était à ma demande, et la collection des gogos médiatiques ordinaires a avalé tout rond le potage. Désespoir de mes camarades les plus naïfs et rigolade de mon côté, car je les avais prévenus que les médias parisiens ne feraient rien, ne s’intéresseraient à rien, puisqu’il n’y avait ni sang ni buzz à l’horizon. Quel procès ! Le simple fait qu’il puisse avoir lieu est un exploit. En dépit de ma plainte, en dépit de la fourniture immédiate de l’identification des distributeurs de tracts et de leurs photos, aucune enquête de police ne fut demandée par le Garde des Sceaux, ni aucun de mes bons amis socialistes, ces faux derches qui passaient leur temps en campagne contre moi plutôt que contre elle. A Marine Le Pen, le PS reconnaissant en quelque sorte ! Nous avons donc avancé en la citant nous-mêmes, faute de pouvoir espérer la protection de nos droits et de ceux de la société par la Chancellerie.

Et bien sûr, il n’aura pas été dit un mot du contenu de cette séance, pourtant si révélatrice, du procès de Béthune. L’attitude de la défense de Madame Le Pen était d’une incroyable arrogance, disant aux juges qu’ils n’avaient pas a discuter, que la décision à prendre n’était pas de leur ressort mais de celui de la Cour de Cassation. Je pense qu’il s’agissait de provoquer une réaction qui aurait pu donner prise à l’argument de partialité. Peine perdue. Le tribunal ne cilla pas, si peu que ce soit. Car le reste valait son pesant d’abus. Excusez du peu : Madame Le Pen prétendait inconstitutionnel un article du code électoral constant depuis 164 ans, reconduit par trois Républiques, condamnant les « manœuvres frauduleuses » en matière d’élection. Un sujet beaucoup trop compliqué pour les récitants qui vont, pleurnichant et se tordant les mains, braire de façon si déchirante qu’il est temps d’agir face au péril. Ces faux inquiets et vrais dédiabolisateurs de la firme Le Pen l'entretiennent en fait du matin au soir, par des sondages racoleurs et leurs soi-disant enquêtes, psalmodiant en boucle les mêmes hagiographies depuis des mois. Pourtant, il est vrai que, dans cette affaire, Madame Le Pen risque l’inéligibilité !

Mais cela ne rentre pas dans le plan de marche de tous ceux qui ont besoin d’elle ! Et ils sont nombreux dans les rédactions ! Tous ceux qui pensent, comme on l’avait entendu en 2002, qu’avec le score Le Pen « les arabes vont se tenir tranquilles » ; ou bien les socialistes, dont c’est le dernier espoir pour provoquer le « vote utile » ; ou bien les disques rayés du Front Républicain ; ou encore la droite moisie, qui pense toujours que mieux vaut « Hitler que le Front populaire », celle à la Christophe Barbier, qui vit des jus de la poubelle anti-musulmane. Oublions.

Le prochain rendez-vous est fixé au six février à Béthune. La défense de Le Pen avait déjà obtenu un premier renvoi en septembre, en déposant son inepte « question préalable de constitutionnalité ». Elle fut tranchée ce jour-là : « manque de sérieux ». Rejeté ! Mais comme c’est une victoire pour nous, la discrétion médiatique fut de mise. On imagine dans le cas inverse ce qu’eut été la titraille des bulletins paroissiaux du PS et de L’Express réunis. Ce jour là, à ce moment de vérité, la défense de madame Le Pen, affolée à l’idée de devoir débattre séance tenante sur le fond, imagina un nouveau subterfuge : il lui aurait manqué des pièces du dossier de l’accusation. Demande de report.  Stupeur dans le prétoire où le tribunal avait, par courtoisie et respect pour les autres prévenus et victimes, reporté les autres affaires inscrites à l’audience ! En fait, la Le Pen avait tous les éléments du dossier, à l’exception des adresses des témoins ! Le tribunal délibéra et reporta. J’en déduis qu’il veille scrupuleusement à ce que nul ne puisse se dire jugé sans avoir pu produire tous les moyens de sa cause dans cette affaire exceptionnelle.

Exceptionnelle ! J’utilise à dessein cet adjectif. Cela ne tient pas seulement à la personnalité de l’accusée ni au risque politique que lui fait encourir son escroquerie politique. Voici pourquoi. Des lettres anonymes, il y en a dans toutes les élections. Certes, il n’y a pas de cas où l’on en ait vu comme ici, au rythme d’une par jour. Cette crucifixion m’a pourtant été réservée à Henin-Beaumont ! Certes, il n’y a pas de cas où leurs auteurs aient été appréhendés, comme ce fut le cas cette fois-ci. Et, encore plus exceptionnel, il n’y a pas de cas où leur auteur se soit déclaré responsable de leur fabrication à la télévision comme l’a fait la Le Pen devant je ne sais plus quel gamin médiatique, qui en est resté sans commentaire, bouche bée : « sans transition maintenant on passe au troisième festival mondial des fabricants de castagnettes ». Mais ce n’est pas le plus extraordinaire de l’affaire, quoique cela seul suffise à justifier une sanction exemplaire. Ce que le matériel anonyme de madame Le Pen a d’extraordinaire, c’est qu’il prétend être un document que j’aurais édité moi-même. C’est un travail de faussaire. C’est nouveau. D’habitude, les documents anonymes insultent ou diffament d’un point de vue hostile. Ici, il est fait comme si c’était moi qui parlais. Autrement dit il y aura une jurisprudence de ce tribunal à l’issue du procès. Si madame Le Pen obtenait la relaxe qu’elle demande, cela signifierait que chacun a le droit, dans le pays, d’éditer des tracts sous le timbre de ses adversaires politiques. L’UMP pourrait éditer des tracts PS et vice versa. Tout le monde pourra aussi faire des tracts du FN, et vice-versa. Avec photo s’il vous plait !  Car c’est ce qui a été fait avec moi. Je pense que même au dernier degré de haine contre moi et de séduction pour elle dans la bonne société des nomenklaturistes et de leurs griots, s’il reste un soupçon du sentiment de l’intérêt général, il serait temps pour les démocrates et les républicains de s’alarmer de ce qui se passe là, dans cette affaire. Sans oublier que, dans le fil de l’action juridique, Madame Le Pen a réussi à faire mettre en examen mon avocate, fait sans précédent ! Et cela parce que maître Raquel Garrido aurait dit de madame Le Pen qu’elle était une « délinquante », fait qui semblerait littéralement avéré par le fait que le casier judiciaire de madame Le Pen n’est pas vide. En tous cas, le tribunal semble avoir bien entendu ce que nous avons dit sur le sujet dans le cadre de la double élection qui s’annonce cette année. Mieux valait que tout soit engagé avant le vif des campagnes électorales. Si bien que la prochaine audience est fixée au six février, au grand dam de la défense de madame Le Pen.

Au congrès du PGE notre motion écosocialiste devient majoritaire

Le congrès du PGE (Parti de la Gauche Européenne) vient de se tenir à Madrid. C’est un parti qui regroupe une série de nouveaux partis comme le PG français ou le Syriza grec, le Die Linke allemand ou le Bloco portugais, l’alliance Rouge Vert du Danemark et une série (mais pas tous) d’anciens Partis Communistes d’Europe de l’Ouest ou de l’Est. Accolé à une fondation, il dispose d’importants moyens. Le PGE fonctionnait jusque-là au consensus. Ce congrès a interrompu cette habitude, qui aboutissait à l’étouffement des débats et des initiatives, dans une routine fade qui condamnait le parti à une certaine illisibilité dans des moments cruciaux, comme au moment de l’adoption du traité budgétaire. Depuis son adhésion, notre parti a pris au sérieux sa participation aux travaux et à l’action quand il y en a eu. L’inclusion de la thèse de la Révolution citoyenne dans les thèses du PGE est le résultat de ce travail de dialogue approfondi. Je le mentionne parce que la thèse de la Révolution citoyenne n’est pas la reprise, sous vocable euphémisé, de l’ancienne thèse sur la révolution socialiste. Mais cela ne suffisait pas au renouveau doctrinal, selon nous.

La « Révolution citoyenne » est une stratégie. Il faut dire au service de quel projet. Ici, il est question de la rupture avec le productivisme et de la reformulation du projet collectiviste dans le sens d’un projet d’intérêt général humain. Ce travail, nous l’avons conduit sans désemparer pendant deux ans, essentiellement sous la houlette de Corinne Morel-Darleux. Les thèses sur l’écosocialisme, adoptées à Paris en 2012, ont été présentées dans une dizaine de pays et traduit en une quinzaine de langues. Comment l’idée pouvait-elle cheminer dans le congrès du PGE ? Nous avons décidé de nous mobiliser au plus haut niveau. En amont du congrès, deux séances du secrétariat national de notre parti en plénière ont permis un débat sur le fond et la méthode qui serait employée au congrès. La délégation, conduite par Martine Billard co-présidente de notre parti, intégrait tous les responsables du parti qui avait été en charge d’une partie du dossier Europe ou Ecosocialisme. Deux exceptions : Eric Coquerel et moi dont il avait été décidé que nous n’irions pas au congrès. Un système de contact et de compte rendu permanent a permis à tout notre bureau national de suivre l’évolution du travail. Une téléconférence fut même organisée le premier soir. Tout cela pour signaler combien nous avons pris au sérieux ce congrès. Sur place, réunie à intervalle régulier, notre délégation s’est attelée a un intense travail de dialogue. La répartition des langues parlées par les membres de notre délégation permettait un accès direct aux plus importantes délégations. Quand il fut devenu évident que la thèse écosocialiste, pourtant soutenue depuis des mois dans les commissions de travail ad hoc sombrerait dans les sables mouvant, conformément à son mandat, notre délégation a voulu porter le débat devant le congrès. Très rapidement les nouveaux partis tombèrent d’accord avec nous. Le texte de l’amendement fut rédigé en commun et soumis au vote. C'est ainsi que le PG, avec l'alliance rouge-verte du Danemark, le Bloco du Portugal, die Linke en Allemagne et Syriza pour la Grèce, ont proposé une motion faisant de l’écosocialisme l’axe de l’orientation idéologique proposé au Parti de la Gauche européenne. Un texte présenté en amendement, en cohérence avec le texte politique général. Celui-ci avait été déjà sérieusement retravaillé en amont par nos délégués pour réaffirmer sans ambiguïté un rejet complet de la ligne libérale de la social-démocratie, la nécessité d'une alternative au capitalisme et la stratégie de la Révolution citoyenne. « Avec l'écosocialisme comme projet et la Révolution citoyenne comme stratégie de réappropriation de la politique par chacun, la gauche européenne peut se donner les outils pour mener de front lutte institutionnelle, bataille culturelle et résistances de terrain » a expliqué à la tribune du congrès Corinne Morel Darleux. Après débat, l’amendement a été nettement adopté : 47,6 % pour, 42,9% contre, 9,5% abstention. Nous n’avons pas compris pourquoi la délégation du PCF a voté contre. Nous pensions que le rapprochement idéologique était déjà accompli sur ce point. Une abstention aurait été comprise, compte tenu du débat des communistes français sur le nucléaire.

Quoi qu’il en soit, Martine Billard avait tracé notre ligne d’action dés le début du congrés : « la responsabilité de nos partis, du Parti de la Gauche européenne est de tracer une alternative politique qui redonne espoir à nos peuples. C’est le sens que veut donner le document politique qui nous est proposé. Il affirme clairement la nécessité d’une rupture avec les traités européens et les politiques menées en Europe et dont la responsabilité est partagée entre la droite et la social-démocratie. Dans ce contexte, il est absolument nécessaire pour reconquérir la confiance de nos peuples et renforcer le PGE de construire une cohérence entre nos textes et nos pratiques. Aussi, nous saluons la proposition de présenter Alexis Tsipras à a présidence de la Commission européenne comme symbole de la lutte des peuples contre les politiques d’austérité. Nous sommes aussi convaincus que cette stratégie d’autonomie de nos partis du PGE doit s’exprimer dans nos élections nationales. Comme elle doit s’incarner au plus haut niveau de représentation du PGE. En France, nous aurons des élections municipales deux mois avant l’élection européenne. Ces élections sont à deux tours. Le Parti de Gauche défend l’existence de listes autonomes du Front de Gauche dès le premier tour de ces élections.  Malheureusement, à Paris, Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti communiste, a décidé que le PCF partirait avec le PS dès le 1er tour. Cela pose un problème pour l’image de la présidence du PGE. Nous considérons que le fait que le président du PGE, appelle à aller sur la même liste que les socio-démocrates deux mois à peine avant l’élection européenne brouille le message d’autonomie du PGE, et ce, pas seulement en France. Aussi, au nom du Parti de Gauche, j’ai le regret, comme nous l’avions annoncé il y a deux mois, de vous dire que nous voterons contre la reconduction du mandat de Pierre Laurent. Ce n’est ni une remise en cause de la personne, ni du travail fait. C’est une divergence politique. C’est le refus d’une image brouillée pour le PGE. »

Que cela soit clair : nous ne demandions rien pour nous même. Même lorsque nous avons proposé la création d’une co-présidence pour instaurer la parité. Idée acceptée et reportée au prochain congrès pour une raison inexpliquée. De même, il ne s’agissait pas de mettre en difficulté le PCF dans le PGE. Un autre membre du PCF, non engagé dans une liste avec les socialistes, aurait reçu notre aval, quel qu’il soit. Mais Pierre Laurent a semblé ne rien vouloir entendre ni comprendre, alors même que tout le monde cherchait un consensus, que la reconduction d’un président du PGE est un fait nouveau par rapport à la tradition de rotation, et que le cumul de mandats aurait dû conduire a rechercher un soulagement de son activité. En vain. Il fallut donc partir de cette intransigeance pour réfléchir. Etrange. Il est regrettable que Pierre Laurent ait cru utile de fustiger « les donneurs de leçons » dans son intervention de clôture, sur un ton et un état d’esprit qui n’était pas celui du congrès. Et, pour finir, il fut bien incongru de le voir défendre, en clôture de congrès du PGE, la liste municipale de Paris…

Pour autant, l’important pour nous était l’axe idéologique. Devenu idéologiquement majoritaire sur sa proposition stratégique, tout en restant ferme sur son exigence de clarté en tous points, le PG a joué le jeu et il a tenu tous ses engagements vis-à-vis du PGE. Il n’a pas présenté de candidat à la présidence. Son but n’était pas de provoquer une bataille de personnes. Au demeurant, le rôle est apparu extrêmement limité dans une organisation qui fonctionne encore pour l’essentiel au consensus en ce qui concerne le quotidien, fait de réunions dans tous les coins d’Europe. Dans une tribune parue en espagnol, François Delapierre avait nettement tracé la ligne rouge à ne pas franchir : « nous n’avons pas fait tout ce chemin pour nous replacer si peu que ce soit dans les wagons de la social-démocratie ». La participation du PG au PGE est donc suspendue jusqu’à la fin des municipales.

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