A l’école de Grenoble

Je suis à Grenoble pour participer au Remue-Méninges du PG. Comment aurais-je pu ne pas participer aux commémorations de la Libération dans cette ville hors du commun pour ce qui est de l’esprit de Résistance et du goût révolutionnaire pour la liberté ? Grenoble, c’est le début de la Révolution française qui joua, dès 1788, la répétition générale de ce qu’on verra en 1789 à Paris. Grenoble s’est libérée elle-même de l’occupant allemand. Grenoble, sous le plateau du Vercors, était la capitale de tous les maquis, et il s’y concentra l’équivalent des effectifs d’une armée que les Allemands ne parvinrent pas à détruire quoi qu’ils aient infligé un martyr collectif à toute la population environnante, qui ne céda pas non plus.

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La Libération est le fait de l’action de la population, de la Résistance et du 1er Bataillon parachutiste de choc de l’armée d’Afrique du nord, qui avait été créé en 1943 dans le village de ma mère, à Staoueli, en Algérie.

Plus récemment, Grenoble d’Hubert Dubedout fut la première ville de la nouvelle gauche des années 1970. Elle est actuellement le laboratoire de la nouvelle gauche du XXIe siècle, qui a réussi à mettre en déroute à la fois les revanchards de droite et la coalition de la vieille gauche traditionnelle bureaucratisée et sans imagination.

J’ai trouvé si beau et si fort le symbole de cet instant ou l’on chanta à la fois le chant des Partisans et, à pleins poumons, la Marseillaise ! Mes amis en ont fait quelques images, et j’espère qu’on y voit combien j’étais heureux de cet instant partagé avec Eric Piolle, le maire de Grenoble, et Elisa Martin, son premier adjoint.

Interview publiée dans le Dauphiné Libéré le jeudi 21 août 2014

 

IMG_5156Le Dauphiné – On avait lu au début de l’été que vous souhaitiez prendre du recul, or vous voilà à Grenoble pour les universités d’été du Parti de gauche…

« Disons qu’il y a eu un emballement médiatique sur une de mes phrases. Je ne me mets pas en retrait du combat politique. Je dis juste que je ne veux plus être englué dans la bagarre politicienne. Je n’en ai plus le goût et ce n’est pas ce que les Français attendent de moi. Quand on voit l’état d’effondrement de la gauche, littéralement plombée par François Hollande, il est temps de mener une vraie réflexion, préparer les bases de l’alternative. Vous savez : notre heure viendra, et il faut que nous soyons prêts à gouverner. »

Le Dauphiné – Dans votre réflexion, allez-vous aussi analyser vos échecs électoraux ?

« Je ne ferai jamais semblant, comme les autres. Je sais reconnaître les échecs. Oui nous en avons subi un très sévère aux Européennes, et il faut en tirer les leçons. Il faut se demander pourquoi on a été incapables de créer une dynamique, pourquoi on a été incapables de rassembler nos électeurs. Se demander aussi comment nous nous sommes rendus à ce point illisibles ? »

Le Dauphiné – Une réponse à cette dernière question ?

« L’exemple des municipales de Grenoble, où une partie du Front de gauche a choisi de couler avec le PS, est un miroir grossissant de la situation nationale. La technique des dirigeants du PCF – qui tantôt prônaient l’alliance avec le PS, tantôt se sont approprié le Front de Gauche, a dissout notre message.
Et quand Pierre Laurent décide de se rendre aux universités d’été du PS, c’est aussi, à mon avis, une erreur. La Rochelle, ce festival des vanités ! Et ça l’année où Manuels Valls traite d’irresponsables tous ceux qui, à gauche, ne pensent pas comme le gouvernement ? Notez : pour moi, la question d’aller ou pas à ce rendez-vous ne s’est pas posée, car je n’ai pas été invité ! Tant mieux. Être bien vu du PS, c’est être mal parti. »

Le Dauphiné – Le Front de gauche est-il mort ?

« Le Front de gauche a été un acteur majeur de la dernière présidentielle, donc un tel acquis ne doit pas être dilapidé. Mais le Front de gauche souffre actuellement de n’être qu’un cartel, sans participation populaire. Vous savez, le système actuel n’a pas peur de la gauche, mais il a peur du peuple. Le Front de gauche doit cesser ses palabres entre dirigeants et se tourner vraiment vers le peuple, et le fédérer. Il y arrivera sur des perspectives fortes de rupture avec le système. Il faut trouver les moyens d’en finir avec la monarchie républicaine. Il faut mettre en route la VIe République et la Constituante, cette assemblée dont le travail sera de réorganiser tous les pouvoirs, avec le peuple. »

Le Dauphiné – Un exemple d’action de cette Constituante ?

« Donner aux électeurs la possibilité d’un référendum révocatoire qui leur permettrait de décider si tel ou tel élu peut rester en place. Cela existe au Venezuela ou aux États-Unis. En France, ce serait une vraie bombe contre le système actuel. Et la politique en serait changée du tout au tout. »

Le Dauphiné – Si cette rupture n’arrive pas ?

« Si cette rupture n’intervient pas, ce pays, qui a le sentiment de tout avoir essayé, pourrait être tenté de tout casser ou de laisser l’extrême droite gagner comme aux européennes… Mais on peut redonner confiance à ce pays, en stoppant les discours déclinistes qui ne correspondent en rien à sa réalité. Des discours qui viennent de certains médias et de ce gouvernement piteux. Hollande a installé le pire gouvernement du Cac 40 ! Un gouvernement qui court après Pierre Gattaz, le patron pleurnichard du Medef. »

Le Dauphiné – François Hollande a toujours tout faux?

« Je le disais déjà il y a deux ans. Et mon diagnostic était le bon. Sa politique de droite, basée sur l’austérité, ne pouvait que générer de la récession. Je ne suis pas devin, il suffit de lire ce qu’écrivent les plus grands économistes de gauche. Mais Hollande a préféré faire du zèle face à l’Europe, être le bon élève de Mme Merkel. Cela a d’ailleurs déchaîné l’arrogance du gouvernement allemand à notre égard comme jamais, alors qu’on n’a pas de comptes à lui rendre et que le modèle économique allemand est inapplicable en France. »

Le Dauphiné – Il y a quelque temps, vous tendiez la main aux écologistes en citant l’exemple des municipales à Grenoble.

« Ce qui s’est passé à Grenoble est une anticipation qui me fait rêver. L’anticipation d’une gauche sortie des clous de la traditionnelle alliance avec le PS, d’une gauche inventive, d’une gauche fière d’innover et de proposer autre chose. On ne doit pas voir ce qui s’est passé à Grenoble comme une simple péripétie locale. C’est un sentiment qui monte au sein des militants écologistes, je crois. »

Le Dauphiné – Au début de l’été, une polémique a touché le maire de Grenoble Eric Piolle, sur les actions qu’il détient dans une entreprise basée à Singapour et qui a des clients dans des paradis fiscaux. Qu’en avez-vous pensé ?

« Tout le monde peut avoir des voisins de paliers peu respectables, sans être responsable de leurs actes. Je pense juste que cette polémique a été une façon misérable de chercher à lui nuire. En ce qui me concerne, ma confiance en Eric Piolle est intacte. »

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