Il s’en est fallu de peu que l’appel à la sédition des généraux à la retraite passe sans heurts ni commentaires. Sans doute leurs auteurs y comptaient-ils. Ils savaient bien quant à eux quel seuil ils franchissaient. Et quel signal ils envoyaient ainsi à ceux des militaires à la retraite ou d’active qui recevraient le spectacle de cette démonstration de force sans résistance. Alerté, je pris l’initiative d’un tweet bientôt suivi par quelques maigres mais courageux renforts. La gauche traditionnelle se taisait. En début de semaine suivante sont arrivés Fabien Roussel et la CGT. J’étais bien décidé à ne pas en rester là. Les deux groupes parlementaires insoumis demandaient un rebond vigoureux sur le sujet. J’ai donc tenu une conférence de presse le lundi lendemain de mon retour de Bolivie.
[mom_video type= »youtube » id= »1CHTMssMjBE » width= »560″ height= »315″]
Une autre dynamique s’est alors enclenchée. Les sanctions décidées par le général Lecointre, chef d’état-major des Armées fut un point d’orgue à l’honneur de l’Armée républicaine. Ni le président chef des armées ni le Garde des sceaux ne dirent mot. Pire : saisi par les chefs de délégations insoumises au Parlement européen et à l’Assemblée nationale, le procureur nommé par Macron, l’ex socialiste Remy Heitz refuse de poursuivre les auteurs de l’appel a l’insurrection. Rémi Heitz, procureur de la République, blanchit les généraux factieux de Valeurs Actuelles. Il leur donne un laisser-passer. Sa décision engage son supérieur hiérachique, le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti et celui qui l’a nommé à ce poste, Emmanuel Macron. Dans un courrier lapidaire, il répond par un classement sans suite au signalement que nous lui avions adressé avec ma vice-présidente Mathilde Panot, la co-présidente du groupe GUE au Parlement européen Manon Aubry et le président de la délégation insoumise au Parlement européen Manuel Bompard. Nous l’avions fait au nom de l’article 40 du code de procédure pénale. Il nous oblige en tant qu’autorité constituée à informer le procureur quand nous avons connaissance de la commission d’un crime ou d’un délit.
C’est bien le cas ici. La tribune dans laquelle des militaires appellent ouvertement à une action autonome de l’armée sur le sol national et contre des Français contient plusieurs délits. En effet, le code pénal constitue comme tel le fait de « provoquer à la désobéissance des militaires ou des assujettis affectés à toute forme du service national ». C’est son article 413-3. Il précise d’ailleurs que cette provocation peut bien être commise « par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ». Ce délit est puni de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. Mais pour Rémi Heitz, procureur de Macron, il ne s’applique pas à la tribune des militaires.
Qu’importe que ceux-ci écrivent pourtant noir sur blanc qu’ils prédisent, « si rien n’est entrepris (…) l’intervention de (leurs) camarades d’active sur le territoire national ». Il y a bien là un appel à la désobéissance. En République, ce n’est pas à un quarteron de généraux à la retraite de donner des ordres d’intervention. Cette responsabilité revient toujours au pouvoir civil et démocratique. Les militaires doivent servir et obéir. Toute discussion publique par des militaires à propos d’une intervention de l’armée sans ordre du pouvoir civil est un acte de sédition. Qui plus est sur le sol national dans le cadre d’une « guerre civile » et avec à la clé des « milliers de morts ». C’est ce qu’annonce le texte que Rémi Heitz juge sans problème. Ces généraux d’extrême droite souhaitent ni plus ni moins que l’armée français tourne ses armes contre certains Français. Voilà ce que le procureur laisse passer.
D’un point de vue légal, il pouvait s’appuyer également sur le délit de provocation prévu dans la loi du 29 juillet 1881. Le texte des séditieux en est rempli. Il provoque à la haine et la violence contre des cibles nommément citées : les « hordes de banlieue », les musulmans, les militants anti-racistes. Il menace aussi clairement de porter atteinte à la forme républicaine de l’État, ce qui est interdit par la Constitution. Là aussi, Rémi Heitz ferme les yeux, n’y voyant ni provocation à commettre une infraction, ni appel à la haine, à la discrimination ou à la violence.
On a connu le parquet de Paris moins clément. Par exemple quand il déclenchait des milliers de poursuites contre les gilets jaunes. 1000 d’entre eux ont été condamnés à de la prison ferme. Ce deux poids deux mesures est un signal. Rémi Heitz est procureur de Paris. Son rôle est de représenter les intérêts de la société. En refusant de poursuivre des militaires putschistes, il leur donne un incroyable encouragement. Sa responsabilité juridique et politique dans cette circonstance était de jouer son rôle de rempart contre les pires menaces contre la démocratie. Au lieu de cela, il s’en fait la couverture.
Nous n’allons pas en rester là. L’affaire est trop grave, trop dangereuse. Nous allons donc, comme la loi nous y autorise faire un recours contre cette décision injuste. Ce sera auprès du procureur général, Catherine Champrenault. Nous faisons donc appel de cette décision de classement sans suite sans trop d’espoir. En effet pas de chance, la procureure concernée par cet appel est madame Champrenault. Comme chacun sait, nous n’avons guère confiance dans ce personnage qui incarne à nos yeux mieux que personne l’instrumentalisation de la justice au profit du camp politique au pouvoir. Actuellement, elle est sous le coup d’une demande de mise en cause pour parjure, par le bureau de l’Assemblée nationale unanime. C’est elle aussi qui a envoyé le procureur Perruaux au Brésil pour une mission « d’échange des bonnes pratiques » auprès du juge fasciste Moro, depuis viré de sa fonction pour partialité dans la mise sous écrou de Lula à Curitiba… Bref. Même si c’est pour nous à l’évidence un personnage très typé politiquement on saisit de bonne foi. Notre devoir de citoyen et de parlementaire nous fait obligation de mettre de côté notre conviction que l’autorité judiciaire est à cet endroit fortement influencée par les anciens membres de la commission justice du PS sous Hollande. On verra la réponse qui nous sera faite. Quelqu’un capable de faire perquisionner de dangereux militants comme nous par cent policiers et dix substituts à 17 endroits différents doit être capable de ne pas avoir peur de militaires à la retraite.
En attendant je publie le texte intégral de la lettre de réponse du procureur Remy Heitz pour que vous puissiez vous faire vous même une idée du niveau de protection dont vous bénéficiez avec ceux qui sont chargés de vous l’assurer.
—
Cour d’Appel de Paris
Parquet du Tribunal Judiciaire de Paris
Le procureur de la République
Paris, le 4 mai 2021
Messieurs les Présidents,
Madame la Vice-Présidente,
Madame la Co-Présidente,
Par lettre du 26 avril 2021, vous m’avez saisi, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure
pénale, de la publication par Valeurs Actuelles le 21 avril dernier d’une tribune signée par plusieurs généraux et militaires ayant pour titre « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants ».
J’ai fait procéder à une analyse de ce texte afin d’apprécier si les propos contenus par celui-ci étaient susceptibles de constituer une infraction pénale.
Aux termes de cet examen, il apparait qu’aucune infraction pénale n’est susceptible d’être caractérisée en l’espèce.
Ce texte ne recèle en effet pas en lui-même de provocations à commettre des infractions pas plus qu’il ne contient d’appel à la haine, à la discrimination ou à la violence. Le délit de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que vous citez ne semble donc pas être constitué.
Le crime de provocation à des rassemblements d’insurgés et le délit de provocation à la désobéissance des militaires ou des assujettis à toute forme du service national, prévus par le code pénal, ne paraissent pas davantage pouvoir trouver à s’appliquer aux développements figurant dans cette tribune.
Si l’appréciation d’une éventuelle qualification disciplinaire des propos concernés, au regard du Code de la défense, relève des autorités compétentes, il doit être constaté qu’aucune suite judiciaire ou pénale ne peut en l’état être réservée à ceux-ci.
Je ne peux donc que procéder au classement sans suite de votre signalement.
Je vous prie d’agréer, Messieurs les présidents, Madame la présidente, madame la Vice-Présidente, l’expression de ma considération la plus distinguée.
Rémi Heitz