23.09.2022

« Nous vous demandons de devenir notre voix commune dans les ténèbres et le silence »

Un courrier m’arrive de Russie. Dans le contexte je lui donne la première place sur ce post. Car l’heure est très grave. Vladimir Poutine veut annexer un bout de l’Ukraine par un de ces soi-disant « référendum » dont le modèle a été fourni par celui qui a servi à créer le Kosovo. Poutine menace aussitôt de guerre nucléaire qui toucherait militairement à cette nouvelle prétendue partie de la Russie. L’ancien président Medvedev l’a dit exactement de cette façon. Il mobilise sous les armes le tiers de la population russe qui peut l’être.

L’état d’extrême alerte doit mobiliser toutes les vigilances. Et toutes les solidarités avec ceux qui luttent contre cette guerre en Russie même. Car notre devoir est de rappeler sans cesse que notre pays ne fait pas la guerre au peuple russe. Notre cible est le régime de l’oligarchie russe et la stratégie ultra nationaliste qu’elle a construite avec Vladimir Poutine.  Dans ce contexte j’ai reçu, venant de Russie, un message de « socialistes contre la guerre ». Je décide de la publier en entier sans commentaire. Je suis à cet instant, selon eux, le seul moyen pour eux de pouvoir tout simplement exprimer publiquement une pensée politique interdite sur place.   

« Jean-Luc,

Aujourd’hui la « mobilisation » a été déclarée en Russie. Cela s’était produit deux fois dans l’histoire : en 1914 et en 1941. Ne serait-ce que le contexte dans lequel ces deux dernières « mobilisations » ont été déclarées, nous invite à prendre les choses au sérieux. En surenchérissant, l’administration poutinienne place et notre pays et le monde entier au bord d’une guerre mondiale.

Nous voyons que la guerre prend les traits d’une guerre totale non seulement ici, mais aussi en Occident. Les hommes politiques parlent de plus en plus souvent de la nécessité d’écraser la Russie, et pas uniquement Poutine. Le danger c’est que cela permet au régime du Kremlin de maintenir son pouvoir sur un peuple effrayé et névrosé. Alors que tout cela n’est que mensonge.

Des millions de Russes ne portent pas la responsabilité de l’aventure criminelle dans laquelle les dirigeants ont entraîné notre pays. La « mobilisation » est extrêmement impopulaire. Malgré l’atmosphère de répression et de terreur qui sévit, des dizaines de milliers de personnes sont sorties manifester dans la rue. On sait déjà qu’il y a eu plus de 1300 arrestations. Mais ces chiffres ne reflètent pas l’ampleur du mécontentement. Des millions de personnes sont terrorisées à l’idée de devenir la chair à canon d’une boucherie impérialiste. Ces personnes ne sont pas organisées. Elles n’ont pas leur propre voix. Elles vivent dans la terreur des informations et des répressions parfaitement réelles. Et pourtant très vite les choses vont devenir claires : les gens violemment envoyés dans les casernes ne vont pas se laisser faire par les milliardaires qui les poussent dans les tranchées.

Mais pour que la peur se transforme en colère et en détermination, nous avons besoin de soutien et de solidarité.

Nous vous demandons de déclarer clairement et expressément que cette guerre ne peut pas être une guerre contre le peuple russe. Dans tous les cas elle ne doit pas l’être. Et que, si le peuple russe se soulève contre cette dictature, ce n’est pas pour se retrouver dans un pays détruit, occupé, découpé, avec une marionnette au pouvoir mise en place par une coalition occidentale. Et que les simples citoyens de notre pays ont des amis en Occident, qui voient en eux des camarades, des partenaires et non des ennemis.

Ce seraient des mots très importants. Mais il y a peu de déclarations qui ne s’accompagnent d’autre chose. Nous tous, et ici en Russie et là-bas en Occident, avons besoin d’un programme clair pour sortir de l’impasse dans laquelle nous a conduits le monde d’inégalité et de dictature mis en place par des oligarques éloignés des peuples. Reconnaissons-le, le problème en Russie ne concerne pas que Vladimir Poutine. Son régime est le simple résultat d’une expérimentation néolibérale, où le pouvoir d’une poignée de millionnaires a été imposé à un pays immense. Et ce n’est pas un problème local, qui ne concernerait qu’un seul pays pris séparément. Le poison vient des différents blocs politiques qui obligent des peuples entiers à choisir des « maîtres » parmi des prédateurs impérialistes. Cela constitue le nœud du problème de tout le monde néolibéral. Et on ne peut pas résoudre ce problème par de vieilles méthodes. Il faut proférer à la face des peuples de nouveaux buts et de nouveaux enjeux.

Le plus important : ce qu’il faut ce n’est pas une victoire militaire sur la Russie, mais une autre Russie. La clique de Vladimir Poutine doit être chassée. Seuls les Russes eux-mêmes peuvent y arriver. Mais pour ce faire, ils ont besoin d’aide. Le renversement de Poutine ne doit pas signifier que l’OTAN encercle la Russie et lui dicte sa volonté. Pour que la Russie cesse d’être une dictature qui menace le monde entier, elle doit se transformer en même temps que le monde lui-même.

Vladimir Poutine n’est que le pantin d’une Bête énorme qui a pour nom la classe dirigeante. Cent mille familles pour le luxe et les privilèges desquelles la dictature a été installée et la guerre a été déclarée, continuent de se sentir en sécurité. Elles possèdent des actifs de plusieurs milliards de dollars y compris dans des comptes occidentaux. Elles doivent être immédiatement expropriées et ce y compris pour le redressement de l’Ukraine. Cela nécessite de renoncer au fétichisme de la propriété privée, ce qui fait peur aux élites occidentales, qui sont liées à l’oligarchie russe par mille liens. L’Ukraine aujourd’hui a réellement besoin d’aide. Mais ce qui cimente cette aide ne peut pas être un régime nationaliste. Cette aide doit être une aide au peuple, et pas seulement aux dirigeants. La condition de cette aide est l’arrêt des politiques répressives et une démocratisation profonde du pays : une démocratisation économique, sociale et culturelle.

Dernier point. En Russie il y a dès maintenant des millions de militants opposés à la guerre. Et il va y en avoir encore plus. Ces opposants doivent devenir membres d’une coalition globale contre la guerre. La coalition des vainqueurs. Mais aujourd’hui cette coalition n’existe pas. A la place il y a différentes coalitions d‘élites dirigeantes. Notre but commun est de créer ce front des peuples contre la guerre. Un front qui enfin proposera un programme de paix.

Nous vous demandons de prendre la responsabilité de cette initiative et de porter ces idées.

Nous vous demandons de devenir notre voix commune dans les ténèbres et le silence. »

Amis lecteurs, faites votre part en diffusant ce texte sur vos propres réseaux. Le moment venu je vous dirai ce que nous faisons au niveau du national Insoumis.

Vous avez dit « Lutte des classes ». Nous savions déjà que nous vivons dans un pays où 5 personnes possèdent autant que 27 millions d’autres. Mais nous en savons dorénavant davantage sur l’état de pillerie auquel nous sommes livrés. Le journal « Marianne » a fait sur ce sujet une révélation tout à fait extraordinaire, à partir d’un calcul simple. Le 22 septembre jour de la date anniversaire de la naissance de la République française, ce jour du « Liberté- Egalité-Fraternité » c’est aussi le jour à partir duquel les salariés ne travaillent plus que pour payer les dividendes des actionnaires ! Extraordinaire calcul. Je cite donc pour rendre le mérite de ce calcul à ceux qui l’ont fait. « Comme tous les ans, le 22 septembre marque l’anniversaire de la proclamation, en 1792, de la République. Elle n’est alors pas encore « sociale », mais la Fraternité s’apprête à rejoindre l’Égalité et la Liberté dans la trinité républicaine. Ironie du calendrier, cette année, la date coïncide avec le jour du dépassement capitaliste pour les salariés. À partir de ce jour d’équinoxe, les salariés des multinationales françaises bosseront uniquement pour rémunérer leurs actionnaires. Plus précisément ceux des sociétés du CAC 40.

Pour chacune delles, Marianne a comparé le montant de la masse salariale distribuée en 2021 avec les sommes versées au cours de la même année aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats dactions (petites ou grosses gratifications destinées à faire monter le cours de Bourse). Donc, deux chèques à comparer: lun au travail (266 milliards deuros, charges comprises), lautre au capital (101 milliards). Et une conclusion à tirer: les investisseurs dormants touchent moins (heureusement!) mais leur part représente 27 % de la somme globale distribuée. Ce ratio appliqué à une année calendaire équivaut au 265e jour de lannée. Du 22 septembre au 31 décembre, les salariés au turbin du matin au soir travaillent pour rémunérer le seul capital. Alors, évidemment, les bailleurs de fonds prennent des risques et doivent en percevoir les fruits, mais dans quelle proportion? Que représente le juste gain du capital comparé à celui du travail? Un numéro entier de Marianne ne suffirait pas à répondre à ces questions, mais une chose apparaît clairement à la faveur de ce calcul: dans les multinationales, la rémunération du travail samenuise en faveur du capital, et ce déséquilibre social menace même l’économie de marché. » Tel est le bilan du modèle libéral. Tel est le bilan du président des riches. Tel est la meilleure démonstration des raisons pour lesquelles il faut être dans la rue le 16 octobre contre la vie chère qui permet à ces gens de se gaver.  

A cette violence vient s’en ajouter une autre. Le capital financier a choisi de déployer une stratégie délibérée pour qu’il y ait un chômage de masse. Exagération ? Interprétation ? Non. C’est au mot près ce que dit le président de la banque centrale des USA. En effet, comme je vous l’avais montré dans mon précédent post, la stratégie de réplique des néo-libéraux contre l’inflation qui ronge la rente du capital est déclenchée. C’est bien le chômage pour faire baisser le prix du travail. Quelques-uns avaient trouvé que ce propos sentait trop la « lutte des classes ». Pourtant c’est ce qu’avoue le banquier central américain au moment où il décide de faire grimper comme jamais le taux d’intérêt auquel l’argent est prêté au banques privées. Et celles-ci l’augmenteront ensuite à leur tour pour prêter aux particuliers. Dans un pays comme les USA où tout le monde vit à crédit pour sa vie de tous les jours, ça va faire très mal. Le patron de la FED, Jérôme Powell déclare froidement en effet: « Nous pensons que pour faire baisser l’inflation, il faudra un ralentissement du marché du travail et une croissance sous le potentiel ». Puis, il ajoute : «  il est très probable que nous aurons une période de croissance bien plus faible. » Et il avoue sans fard enfin : « Nous avons besoin d’une augmentation du chômage, d’un ralentissement du marché ».

Une telle politique est évidemment très contaminante. Car les autres banques centrales des pays centres de la finance doivent s’aligner pour ne pas craindre des écarts de taux de change qui rongeraient encore plus les rentes dans leur monnaie. Le choc sur l’activité va donc être terrible. Aux USA et aussitôt en Europe. Cela non seulement à cause de l’importance des échanges commerciaux entre les deux rives de l’Atlantique mais à cause du resserrement drastique du crédit. Un homme très franc a dit comme d’habitude sans détour ce qui se passe et qu’il approuve. C’est Patrick Artus, conseiller économique de Natixis. Je le cite souvent pour sa clarté. « Pour faire baisser l’inflation, il faut plus de chômage et moins de croissance. C’est la méthode qui a été adoptée avec succès entre les années 1980 et 2010. Une situation où la hausse des prix ralentit sans conséquences sur l’emploi, ça n’existe pas ! Encore une fois, soit la banque centrale renonce à combattre l’inflation pour de bonnes raisons (guerre en Ukraine, besoin de financer la transition énergétique…), soit elle lutte. Et elle est obligée de déclencher une récession. »

Une fois de plus on voit comment dans le capitalisme financier qui domine le monde l’essentiel n’est pas la production mais la sauvegarde de la rente. À n’importe quel prix. Et même au risque de faire sauter le couvercle social que les médias maintiennent sur le crâne des gens. Et cela jusqu’à la caricature. Hier quelqu’un en témoignait encore auprès de moi. Dans les cimenteries de sa connaissance on achète des quantités d’électricité par contrat global. Il arrive qu’il soit plus intéressant de stopper la production de ciment pour revendre à d’autres les quantités d’électricité achetées. Compte tenu de leur prix sur le marché qui permet alors de plus gros profit qu’à produire et vendre du ciment.  Tel est ce monde en ce moment. Le choc social est engagé du côté capital versus travail. Quelle va être la capacité de mobilisation populaire ? Il est essentiel qu’il y en ait une. Il faut la construire. C’est cela le sens de la marche du 16 octobre. Son urgence. Sa nécessité.

En Iran commence un évènement féministe majeur. Dans ce pays on assistait déjà à un long processus de révolution citoyenne. Il s’est construit sur plusieurs années comme c’est le propre d’un processus de révolution citoyenne. D’abord ce furent les manifestations contre la vie chère durant l’hiver 2017-2018 et en novembre 2019. Puis vint une vague de contestation au début de 2020, après un crash aérien. Cette fois ci c’est un mouvement plus ancré. Il part de la protestation contre l’assassinat d’une jeune femme de 22 ans. Morte pendant sa garde à vue pour avoir « mal porté » le voile obligatoire exigé par le clergé chiite au pouvoir. La particularité de cette nouvelle « flambée » ici me semble être le redémarrage du processus à partir d’une étincelle féministe observé nulle part ailleurs avant cela sous cette forme. La forme de l’initiative de la lutte et de la mobilisation de première ligne. Ah non. Il y en a eu une autre. Les femmes qui ont fait tomber le tsar Nicolas II dans la Russie de 1917.

Dans le déroulement des évènements désormais, on voit partout une présence très déterminée des femmes. Sur les photos et les vidéos publiées sur les réseaux sociaux cette très forte présence de femmes s’exprime en première ligne des manifestations et actions qui se sont propagées depuis 5 jours à tout le pays. Le mouvement s’est étendu aussi à des quartiers populaires habituellement à l’écart de l’agitation des grandes villes. Fait notable, l’acte d’insoumission principal de ces femmes est d’apparaître sans foulard. Certaines l’ont même brûlé en public, sous les applaudissements d’une foule, composée essentiellement de la jeunesse du pays – femmes – et hommes qui les soutiennent et les protègent de la répression policière. Le foulard retiré ou brûlé n’est sans doute pas un objet de « lutte » en soi. Le geste est de portée plus large. Il concentre la dénonciation de toutes les formes d’atteintes aux droits des femmes par le pouvoir des religieux. Ici c’est la restriction de la contraception, et du droit à l’avortement. C’est la politique nataliste qui cantonne les femmes aux rôles du foyer. Et ainsi de suite. Bref la politique de toutes les théocraties du monde. La politique quand c’est la religion qui impose ses règles de force à toute la société.

Les slogans des manifestants montrent bien la centralité de la cause féministe. On y décèle aussi le moteur de fond que nous avons identifié dans les révolutions citoyennes du monde entier : l’aspiration à la liberté individuelle et à la libre disposition de soi. Et on retrouve le phénomène désormais classique, celui de « transcroissance » des revendications de l’immédiat vers la revendication du pouvoir politique. Cette phase est le moment instituant du peuple. Elle mute très vite en action pour revendiquer le pouvoir politique. Les mots d’ordre explosent hors du cadre initial. On passe alors à une phase destituante qui vise désormais le régime tout entier dans ses fondements : « Femme, vie, liberté ! » / « A bas le dictateur ! » / « Mort à Khamenei ! ». La lutte populaire prouve le courage de ce peuple et sa capacité à surmonter la peur des violences abjectes de la dictature théocratique iranienne. C’est un signal très fort dans le moment politique qui anime pays par pays tous les continents. On a des raisons de penser qu’il aura sa portée très au-delà des frontières de l’Iran. On en a des prémices en Turquie. Une vague semble bel et bien se lever. Elle se nourrira sans doute vite de toutes les frustrations que la décomposition du monde libéral va entrainer.  

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