Crédit : Ibrahim Rayintakath

Trump n’est pas fou – Interview avec le New York Times

Le « New York Times » m’a interviewé dans un bar français ( « l’Escale ») à New York. Un moment privilégié d’analyse de fond avec un journaliste instruit maîtrisant sa propre vision des sujets qu’il abordait avec moi. Long, très long, l’entretien a donné lieu à une mise en forme de sa part compliquée par les questions que pose toute traduction. Cela m’a bien impressionné, car une telle rencontre est devenue quasi absolument impossible en France. J’ai pensé que mes lecteurs apprécieraient de pouvoir en disposer et de partager avec les lecteurs américains d’un moment avec moi dans ce registre.

Le journaliste est ici David Wallace-Wells. C’est le spécialiste le plus lu sur les sciences et l’essayiste qui explore le futur de la planète avec le changement climatique et comment nous allons pouvoir y vivre. Sa newsletter est hebdomadaire.

Interview avec le New York Times publiée le 7 mai 2025. Crédit Illustration : Ibrahim Rayintakath

Aux États-Unis, la vision conventionnelle de la politique européenne ressemble à ceci : le centre est en ruine, la gauche est en recul, et la droite est en marche. Que manquons-nous ?

Il y a une bonne part de vérité dans ce tableau. Mais en France je ne suis pas d’accord pour dire que la gauche est en recul. ELLE a produit quelque chose de nouveau avec le Mouvement Insoumis . En 2022, j’ai obtenu un pourcentage de voix au premier tour plus important que Jacques Chirac lorsqu’il est devenu président en 2002.

Lors de la dernière élection, votre coalition a obtenu le plus de voix.

Je place notre combat dans une perspective plus large. En 1991, l’Union soviétique s’est effondrée mais avec aussi tout un univers . Il y a eu, très soudainement, un changement dans l’équilibre des forces dans les pays d’Europe, avec les États-Unis, et le reste du monde. Étrangement, les Américains n’ont pas vraiment mesuré l’ampleur de ce séisme, parce que, dans l’esprit des Américains, l’Union soviétique n’existait pas vraiment — ce n’était que l’Empire du Mal. Et donc, le mal a pris fin. Mais en Europe, cela a été toute une série de crises — avec la disparition des partis communistes et l’effondrement des partis sociaux-démocrates. Le rapport de force entre le travail et le capital a changé. Et de façon très brutale, les secteurs conservateurs dominants ont rompu leur lien avec la liberté.

Comment cela ?

La formule traditionnelle selon laquelle le capitalisme c’est la liberté économique et donc les libertés individuelles, a disparu des discours et des pratiques.Nous vivions sur les acquis de la Seconde Guerre mondiale : un niveau de développement social extraordinairement élevé, un État-providence, des écoles publiques qui fonctionnaient très bien, un système de santé parmi les meilleurs au monde. Et en l’espace de quelques années, tout cela s’est effondré, et tout est devenu une marchandise. Toutes les sociétés européennes ont été secouées et remises en question.

Nous sommes l’expression politique de la résistance à cette dépossession .  Mais nos adversaires ont immédiatement déployé une stratégie pour affronter et diviser le peuple. Ces divisions — le racisme, le sexisme, l’islamophobie — ne sont pas seulement des défaillances morales. Ce sont des stratégies politiques.

Leur objectif est de fracturer les sociétés à partir des couleur de peau, des  religions, des genres. Et ainsi, d’imposer aves cela d’autres sujets de consensus. C’est le choix qu’ils ont fait. C’est le choix de l’extrême droite. Cela s’est produit progressivement. Au début, l’extrême droite était ultra-minoritaire parce qu’elle avait été vaincue pendant la Seconde Guerre mondiale. Puis elle a été utilisée pour faire face a la montée des resistances populaires.  Elle a ressurgi avec des journaux qui sont devenus d’extrême droite, avec des forces qui ont repris les mots de l’extrême droite, et même au sein de la gauche, des personnes qui ont adopté des mots de l’extrême droite. Voilà le nouveau consensus.

Vous racontez une longue histoire, qui remonte sur trente ans. Comment comprenez-vous les cinq ou dix dernières années, et les progrès plus récents de la droite ?

Je crois que l’histoire fonctionne par onde longues et je pense qu’il est important de ne pas réfléchir en court terme. Ce n’est pas vrai que l’extrême droite n’a progressé que récemment ; c’est le produit d’un long processus qu’elle mène méthodiquement et patiemment. Il y a eu des moments où nous avons réussi à la repousser, et d’autres où nous avons reculé, mais c’est un long processus. Et aujourd’hui, je pense que nous sommes dans le moment juste avant l’apogée de la crise — juste avant sa phase aiguë.

Et cette crise a peut-être pris sa forme la plus extrême ici, aux États-Unis, avec la présidence de Trump. Trump n’est pas fou, ce n’est pas un forcené, ce n’est pas une brute. Il répond à quelque chose de très réel, à savoir la crise de la domination américaine sur le monde . Il représente tout un pan des classes dominantes qui disent : « Il faut aller plus vite, sinon nous perdrons le contrôle », et que « les Chinois finiront par nous dominer».

L’essentiel pour nous, c’est de comprendre l’état du monde et de voir comment nous pourrions éventuellement l’inverser. C’est pourquoi j’ai écrit ce livre.

Comment suggéreriez-vous de voir les choses ?

Le capitalisme a toujours été en crise — il traverse une crise tous les dix ou douze ans. Le mouvement socialiste s’est construit comme une tentative de comprendre cette crise permanente — ce n’est pas nouveau non plus. Mais ce qui change aujourd’hui, ce sont deux choses. D’abord, les crises mènent aux guerres. La menace nucleaire est-elle oubliée avec ses conséquences sans retour ?. Et surtout , il y a la crise écologique, qui est irréversible. Nous ne pouvons plus l’arrêter. Tout ce que nous pouvons faire, c’est chercher à comprendre comment l’affronter et y faire face.

C’est pourquoi j’insiste autant sur le fait de tirer la sonnette d’alarme à propos de la crise actuelle. À partir de maintenant, la question qui se pose aux êtres humains n’est plus tant celle de leurs préférences idéologiques, mais celle de savoir ce que signifie survivre humainement . Comme disait Deng Xiaoping : peu importe qu’un chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape les souris. Donc : comment allons-nous survivre ?

Je suis frappé par l’absence, dans vos réponses, de beaucoup des choses que les Américains mettent en avant quand ils parlent de ces évolutions : la crise financière, l’austérité, le ralentissement de la croissance économique, surtout en Europe, la désindustrialisation, notamment ici. Il y a Internet et les réseaux sociaux. Il y a l’immigration.

Je pense que tous les événements que vous venez de mentionner sont des conséquences de ce que je décris. La crise de 2008 est la conséquence de la nouvelle forme du capitalisme. Les politiques d’austérité correspondent à la tentation des néolibéraux de tout transformer en marchandise et de détruire l’État-providence pour le remplacer par le commerce. Je suis un matérialiste historique, et pour moi, les formes dans lesquelles les contradictions de notre époque se manifestent viennent de loin.

Et vous avez aussi raison de dire que les évènements sont des révélateurs déterminants. Par exemple, nous sommes passés de la numérisation du monde à l’intelligence artificielle, mais au bout du compte, pour créer de l’intelligence artificielle, il faut de gros ordinateurs, il faut des câbles, il faut des matériaux, et celui qui les possède domine le monde. C’est pour cela que M. Trump veut le Groenland, c’est pour cela qu’il veut le Canada — pour avoir ces matériaux.

Et M. Trump est une caricature magnifique — il est une incarnation parfaite de la crise. Il détruit la scène politique des Démocrate et de l’ancien parti républicain. Puis  il dit qu’il n’y a pas de crise écologique, et quitte l’accord de Paris. Ensuite, il dit que non, les êtres humains ne naissent pas égaux. Il supprime le droit du sol .  Et enfin, il dit que non, ce n’est pas la main invisible du marché qui fixera les prix et la valeur — c’est lui. Le capitalisme aux États-Unis devient incroyable !  Cela fait quarante ans que vous nous expliquez exactement l’inverse. Et maintenant, c’est l’État, le président  qui va fixer les prix ? Qui sont les communistes, ici ? Waouh.

Bien qu’il existe une autre histoire possible du néolibéralisme — non pas comme une période de libéralisation constante des marchés, mais comme une période où l’État est intervenu de façon agressive en faveur du capital au sein des marchés.

Oui, c’est bien ce qui s’est passé. Mais cela n’a pas reglé l’impasse du capitalisme.  C’est important de prendre acte :  la légende est démentie par ceux qui l’ont propagée au fil de leurs campagnes électorales ! 

Et comment comprenez-vous votre propre succès, dans ce contexte ? Parmi les dirigeants de gauche dans le monde, vous êtes ce qui s’apparente à une réussite marquante.

C’est vrai, nous sommes les seuls dans cette position dans toute l’Europe. Et il doit y avoir des raisons spécifiques. D’abord, le peuple français lui-même, cela c’est certain — sa volonté de lutte est assez spécifiquement française. Mais nous avons aussi travaillé intellectuellement pour comprendre ce qui se passait, pourquoi les choses ne se produisaient pas comme nous l’avions prévu. Nous avons appris des autres. Lorsqu’il y a des mouvements sociaux quelque part, nous les étudions. Dans notre pays, il y a eu les Gilets Jaunes. Nous avons étudié chaque cas. Ensuite, nous avons été très méthodiques : au lieu de faire des discours sur les classes populaires, nous nous sommes mis à leur service. Sans doute parce la plupart d’entre nous en viennent

En France, il y a trois blocs : l’extrême droite, la droite et la gauche. Si nous essayons de grappiller un peu au centre, nous perdons notre temps. Si nous essayons d’agir comme l’ancienne gauche traditionnelle, nous perdons notre temps. À la place, nous nous sommes tournés vers le quatrième bloc : les millions de personnes qui ne participent plus à la politique, qui pensent que ce n’est pas pour eux. Et c’est là que nous avons construit notre succès.

Au fait, vous n’êtes pas frappé par l’âge de M. Sanders ?

Que voulez-vous dire ?

Nous sommes âgés tous deux… Je pense que cela a à voir avec le moment politique — justement parce que nous sommes des hommes qui ont traversé une longue période historique, nous savons identifier les longues vagues de l’histoire.

Et en France, nous savons très bien que nous dépendons beaucoup de ce qui se passe aux  États-Unis. La gauche aux USA pourrait être détruite, comme cela s’est produit en Italie. Et alors, on se retrouve avec un consensus entre absolument toutes les élites sociales pour aller dans la même direction — vers la droite extrême. Ce genre de chose est possible ; la dernière fois, c’était avec les nazis. Dans notre pays, toutes les élites ont collaboré avec les nazis. Très peu ont refusé de le faire. Deux officiers généraux dans toute l’armée française, par exemple. Et un seul juge a refusé le serment au gouvernement antisémite . Nous avons donc déjà connu des catastrophes de cette nature.

Mais il n’y a aucun pays où l’espoir a totalement disparu. Je pense que toute crise offre des opportunités. Il faut savoir les saisir.

Parlons de la relation entre l’Europe et les États-Unis. Vous avez décrit Trump comme une sorte de force monstrueuse. Mais l’Europe semble aussi tracer un nouveau chemin pour elle-même afin de naviguer face à cette monstruosité — et très différemment de son premier mandat, me semble-t-il. À l’époque, les dirigeants européens semblaient souvent considérer leur rôle comme celui de maintenir le cap jusqu’à ce qu’un changement politique survienne en Amérique, et que la politique « normale » puisse revenir. Cette fois, il semble que la plupart des pays cherchent à affirmer une nouvelle souveraineté — en se remilitarisant, peut-être en nouant de nouveaux liens avec la Chine.

Tout d’abord, M. Trump va provoquer une aggravation des tensions sociales ici et dans toute l’Europe. Il va exporter même des luttes des classes en Europe, parce que nous allons avoir de l’inflation à cause de la guerre des tarifs douaniers. Et dans aucun pays, l’inflation ne sera compensée par des hausses de salaires. Donc, nous aurons des luttes sociales très actives partout. Cela nous aidera inévitablement sur le plan politique. Mais nous allons être dans une situation difficile. Il peut aussi provoquer lui-même une crise générale de la sphère financiere.  

Ensuite, concernant les dirigeants européens. Je ne suis pas du tout d’accord avec l’idée d’un sursaut politique. Pas du tout. On n’a jamais vu une équipe aussi pathétique comme que celle que nous avons aujourd’hui. Ils ne montrent aucun signe d’indépendance ou d’autonomie. C’est l’inverse. M. Trump dit : vous allez tous payer 5 % de votre PIB pour acheter des armes ! Et ils se sont mis au garde a vous ., Ils ont décidé que, d’accord, oui, nous allons pouvoir dépenser 830 milliards pour des armes. Et nous allons faire aussi un emprunt. C’est exactement 5 %, comme Trump l’a ordonné. Et quelles armes les Français vont-ils acheter ? Nous, français  pouvons produire nos propres armes, mais les autres ont tous dit qu’ils allaient acheter des armes américaines. Un F-35 ne peut même pas décoller si M. Trump ne le veut pas.. Ils ont reconnu leur soumission.

Voyez ! Trump dit qu’il va envahir le Groenland, qui est pour l’instant un pays européen. Et A avez-vous entendu un dirigeant européen protester ? Trump menace d’envahir son voisin au Canada — le Premier ministre britannique a-t-il protesté ? Non ! Quand un journaliste lui a posé la question, Il s’est faché. Il a dit : « Vous voulez nous attirer des ennuis avec M. Trump ? » Le Québec est au Canada. Avez-vous entendu M. Macron protester contre l’invasion du Québec ? Non. Trump a menacé le Mexique. Quelqu’un a-t-il protesté ? Voila l’etat de la soumission europeenne.

Comment voyez-vous la situation en Ukraine ?

Nous avons fait tout ce que nous pouvions. Nous avons fourni des armes, nous avons donné de l’argent, nous avons ouvert nos marchés à l’Ukraine. Nous avons imposé de nombreuses sanctions économiques à la Russie qui n’ont eu aucun effet. Et tout le monde dit qu’il faut continuer. Très bien — continuons. Mais la meilleure solution, c’est plutôt de  discuter de la paix.

Bien sûr, nous ne pouvons pas accepter une invasion — nous, les Français, avons été envahis quatre fois, nous ne pouvons même pas accepter l’invasion comme façon de regler un probleme. Mais nous avons besoin d’une méthode pour la paix. Nous avons besoin d’une méthode pour une diplomatie concertée des européens. Et il n’y en a pas. Nous devons revenir à la discussion avec plus de force. Les Nord-Américains n’ont pas leur place dans les négociations — ce n’est pas leur territoire, ce n’est pas leur continent. Pourquoi discutons-nous de la paix en Europe en Arabie saoudite ? Cela n’a aucun sens. Nous devons en discuter nous-mêmes, directement avec les Russes, en garantissant la paix par une sécurité mutuelle. Tant que nous ne faisons pas cela, nous ne defendons pas nos besoins . Nous affichons notre faiblesse. 

Et la Chine ?

Je vais commencer par une question. Quel est le problème ? Pourquoi la Chine est-elle un problème ?

Il y a quatre ans, personne ne disait que la Chine posait problème. Les États-Unis certainement pas — ils en tiraient de grands bénéfices. Tout le monde en profitait. Et maintenant, tout à coup, c’est un problème. Quoi ? Pourquoi ? Où est le problème ? Ils sont très productifs, ils vont bientôt dépasser tout le monde en production. Ils sont très avancés techniquement dans des dizaines de domaines. Mieux vaudrait cooperer. Ou est le problème ? Il y a désormais une question de compétition militaire, en particulier autour de Taïwan. Nous étions tous d’accord pour dire qu’il n’y avait qu’une seule Chine. Et maintenant, il faudrait dire qu’il y en a deux ? Mais cela ne posait pas de problème qu’il y ait deux Allemagnes et de laisser l’une annexer l’autre. Mais là où il y a une Chine nous en voudrions deux ? Pourquoi ?

Il y a un vrai problème dans la manière dont tout cela est présenté. C’est douloureux pour moi de voir à quel point nous perdons notre temps, au lieu d’essayer de créer des coalitions pour faire mieux face aux conséquences du changement climatique. Trump pense qu’il s’en sortira, qu’il peut intimider la Chine sans finir par faire la guerre. Mais s’il passe ses journées à créer des incidents, il finira par avoir une guerre. Je pense que le comportement vis-à-vis de la Chine est totalement irresponsable. Mais cet empire ne fait qu’une chose — il cherche à maintenir sa domination.

Quel est le chemin alternatif ? Votre livre a une vision assez internationale — pensez-vous qu’il soit possible de forger des alliances mondiales de gauche, dans ce contexte ? Ou avons-nous trop basculé dans une géopolitique du nationalisme et de l’intérêt personnel ?

Oui, bien sûr que c’est possible. Des alliances a vrai dire autour de causes communes de l’humanité.  Mais il faut d’abord gagner quelque part.

En France ?

En France, peut-être. Ou aux États-Unis. Ou ailleurs. Mais si nous gagnons en France, le premier changement stratégique ce sera le non-alignement. Nous ne voulons pas faire partie du bloc américain. Nous ne voulons faire partie d’aucun bloc. Nous voulons simplement un monde ordonné, avec des lois cohérentes acceptées et defendues .

Y a-t-il de l’espoir ? 

Bien sûr, je suis plein d’espoir. Je ne crois pas que ce soit la fin de l’histoire, mais cela pourrait être la fin d’une longue période historique. Et nous devons en être lucides. Souvenez-vous : ce n’est pas la première fois qu’un empire meurt lentement. Et on ne gagne rien à laisser un autre désordre le remplacer 


‘Trump Is Not Crazy’: Jean-Luc Mélenchon on Beating the Right

May 7, 2025

By David Wallace-Wells

Last summer, nervous liberals breathed a sigh of relief when a snap election in France ended in surprise defeat for the far right and its fearsome leader, Marine Le Pen. But the hero of that election was in many ways not Emmanuel Macron, who called the election nominally to sideline Le Pen and then marshaled embarrassingly little public support for his own party. It was Jean-Luc Mélenchon, the polarizing leftist, often described as France’s Bernie Sanders, whose coalition won the most seats, pushing Le Pen’s National Rally — once favored to win the election — into third place.

In the months that followed, Macron struggled to form a governing coalition without Mélenchon’s La France Insoumise party or the broader New Popular Front alliance the leftists had cobbled together during the brief campaign. Instead, Macron ultimately made an unstable arrangement with the right, turning Mélenchon into a strange kind of marginalized figure: perhaps the rich world’s most electorally successful leftist, both the face of European left populism and the reason the continent’s most feared right-wingers had been kept out of power, but now haunting European politics like an ambiguous apparition. Today the left alliance looks weaker than it did last summer, and a conviction for embezzlement temporarily barring Le Pen from running for office has made her into something of a haunting apparition, too. The future of French politics — and its lessons for the continent — looks again quite unstable.

Last month, Mélenchon made a rare trip to the United States, where Verso is publishing his “Now, the People! Revolution in the 21st Century,” and we spoke for an hour or so, with the help of several interpreters. What follows is an edited and condensed version of that conversation.

In the United States, the conventional liberal view of European politics runs something like this: The center is in shambles, the left is in retreat and the right is on the march. What are we missing in our solipsism?

Obviously there’s an element of truth in that picture, but I don’t agree that the left is in retreat. In France, instead of disappearing, the left has created something new with La France Insoumise. In 2022, I won a greater percentage of votes than Jacques Chirac won in the first round when he became president in 2002.

In the last election, your coalition won the most votes.

But in the broader picture, what you have to understand is that in 1991, it wasn’t just the Soviet Union that collapsed; it was an entire world. There was very suddenly a change in the balance of power within the countries of Europe, with the United States and with the rest of the world.

Strangely, Americans didn’t really appreciate how big an earthquake this was, because in the minds of Americans, the Soviet Union didn’t really exist, it was just the evil empire. And so the evil empire fell. But in Europe it was a crisis, indeed, a series of crises, with the disappearance of the Communist Parties and the collapse of the social-democratic parties. The relationship between labor and capital changed. And in a very brutal way, the dominant conservative sectors broke their commitment to freedom.

How do you mean?

The traditional formula that capitalism equals economic freedom and thus individual liberties — that has gone away.

We had been living with the achievements of World War II: an extraordinarily high level of social development, a welfare state, public schools that worked very well, a health care system that was the best in the world. Then everything became a commodity. The policies that had been applied elsewhere in the world were now applied to us. All European societies were shaken and challenged.

Normally, we should have had revolts everywhere, and there were some. But our adversaries immediately deployed a strategy to confront and divide the people. These divisions — racism and sexism and Islamophobia — are not just moral failings. They are political strategies.

Their objective is to divide popular resistance, to single out people because of their skin color, their religion, their gender. And thus to impose other issues of broad agreement. And that’s the choice they made. It’s the choice of the far right. It happened gradually at first. The far right was an ultraminority because it had been defeated in World War II. But very quickly, we saw how it resurfaced with newspapers that became far right, with forces that took up far-right words and from within the left itself, people taking up far-right ideas. Voilà — a new consensus.

You’re telling a long story, stretching back 30 years. How do you understand the last five or 10 years and the gains the right has made more recently?

I believe that history operates through long waves, and I think it’s important to resist the temptation to waste time thinking too much about the short term. It’s not true that the far right has only gained in the recent period; it’s been the product of a long process that they have been carrying out methodically and carefully. There have been some points where we have managed to push them back, and there have been other moments where we have retreated, but it’s a long process. And now I think we’re in a moment that is the moment just before the apogee of the crisis — just before the acute phase.

And the crisis has perhaps taken its most extreme form here in the United States with the Trump presidency. Donald Trump is not crazy, he’s not a madman, and he’s not a brute. He responds to something very real, which is the crisis of American dominance over the rest of the world. He represents the entire sector of the dominant classes who say we have to move faster or we’re going to lose control, and that the Chinese will definitely win.

The crucial thing for us is that we need to understand the state of the world and how we can possibly try to reverse it. That’s why I wrote this book.

How would you suggest we see it?

Capitalism has always been a crisis. It has a crisis every 10 or 12 years. The socialist movement has been built as an attempt to try to understand this crisis. That’s not new either. But what’s different now is two things. First, crises sometimes lead to wars, and if they lead to wars in our time, they are likely to become nuclear wars, with all the irreversible consequences for humanity that entails. And second, there is the ecological crisis, which is irreversible. We can no longer stop it. All we can do is try to work out how to confront it and deal with it.

That’s why I insist so much on warning about the current crisis. From now on, the question facing human beings is more a question of what it means to survive, rather than what are my ideological preferences. Because there comes a time when there are no more preferences. As Deng Xiaoping said, it doesn’t matter if a cat is white or black, as long as it catches mice. So, how are we going to survive?

I’m struck by the absence in your answers of so many of the things Americans tend to emphasize in talking about these developments: the financial crisis; austerity; the slowdown of economic growth, especially in Europe; deindustrialization, especially here. There’s the internet and social media. There’s immigration.

I think all the events you just mentioned are all a consequence of what I’m describing. The 2008 crisis is the consequence of the new form of capitalism. Austerity policies correspond to the temptation for neoliberals to commodify everything and destroy the welfare state so that it can be replaced by commerce. I’m a historical materialist, and for me, these are just the forms in which the contradictions of our time have been revealed.

But you’re also right to say that certain events and dynamics are important. For example, we’ve gone from digitizing the world to artificial intelligence, but ultimately, to create artificial intelligence, you need large computers, you need cables, you need materials, and whoever owns them dominates the world. That’s why Trump wants Greenland, it’s why he wants Canada — to have these materials.

And Trump is a magnificent caricature. He is a perfect embodiment of the crisis. He’s destroying the Democratic political scene and the old Republican Party. First, he says, there is no ecological crisis, and we are leaving the Paris Agreement. Second, he says, no, human beings are not actually equal; there’s a big difference between us and foreigners. And third, he says, no, it’s not the invisible hand of the market that will decide prices and value — I will, as president. That last point is in some ways the most incredible, as a commentary on capitalism in the United States, because you’ve been lecturing us that it’s precisely the opposite for 40 years. Who are the communists here? Wow.

Although there’s another, alternate history of neoliberalism — not that it was a period of always liberating markets but a period in which the state aggressively intervened on behalf of capital within markets.

Yes, I know the lecture isn’t true. I’m a socialist, after all. I know capitalism is a machine for exploitation. But I’m responding to the legend, and this legend is now being refuted by the very people who used it in their electoral campaigns!

And how do you understand your own success in this context? Among the world’s left-wing leaders, you are what passes for a standout success story.

That’s right, we are the only ones in this position in all of Europe. And there must be specific reasons. First, the French people, that’s for sure — their willingness to fight is quite specifically French. But we also worked intellectually to understand what was happening, why things weren’t happening as we had planned. We learned from others. When there are social movements anywhere, we study them. In our country, there were the Gilets Jaunes, for example. And each time we studied each case. And then we were very methodical: Instead of making speeches about the working classes, we went looking for the working classes to put ourselves at their service.

In France, there are three blocs: the far right, the right and the left. If we try to scratch a few votes from the center, we’re wasting our time. If we try to act like the old traditional left, we’re wasting our time. Instead, we’ve gone after the fourth bloc, the millions of people who are no longer involved in politics, who think it’s not for them. And that’s where we’ve built our success.

By the way, aren’t you struck by Sanders’s age?

What do you mean?

We’re both old. It’s kind of curious. I think it has to do with the political moment — that precisely because we are men who have lived through a long period, we know the weight of the long waves of history.

And in France we know very well that we depend a lot on what happens in this country, the United States. The left here could be destroyed, as happened in Italy. And then you have a consensus among social elites to move in the same direction, to the right. That kind of thing is possible; the last time it was with the Nazis. In our country, the elites collaborated with the Nazis. Very few people refused to do so. So we’ve already seen disasters of this nature.

But there is no country where there is no more hope. I think that all crises provide opportunities. You have to know how to seize them.

Let’s talk about the relationship between Europe and the United States. You’ve described Trump as a kind of monstrous force. But Europe appears also to be plotting a new course for itself to navigate that monstrousness, and quite differently from in his first term, it seems to me. That time, it looked like European leaders often saw their role as holding things steady until there was a political change in America, when normal politics could return. This time, it seems like most countries are trying to stake out a new sovereignty — remilitarizing, perhaps forging new ties with China.

First of all, Trump will bring about a worsening of social tensions here and throughout Europe. He will export social tensions and indeed class struggle to Europe, because we’re going to have inflation as a result of his tariffs and trade war. And in no country will inflation be offset by wage increases. So we’ll have very active social struggles everywhere. Inevitably, this will help us politically. But we’re going to be in a tight spot. He may even provoke a generalized financial crisis.

Second, the European leaders. I don’t agree with your analysis regarding a political pushback at all. Not at all. We’ve never seen such a pathetic team as the one we have. They aren’t showing signs of independence or autonomy. It’s the opposite. Trump says, you’re all going to pay 5 percent of your G.D.P. to buy weapons, and they all stood to attention, and like pathetic little creatures they decided that, OK, yes, we’re going to spend billions on weapons.

They probably won’t get to 5 percent. But in Germany, they’re even removing the debt brake to increase military spending.

And what weapons are the French going to buy? We can produce our own weapons, but they all said they’re going to buy American weapons. There isn’t any new European sovereignty. It’s about accepting subjugation.

Look, Trump says he’s going to “get” Greenland, which is a European country for the moment. Trump is threatening Canada. Did the British prime minister protest that? No! When a journalist asked him about it, he was the one who got defensive. He said, “You’re trying to find a divide between us that doesn’t exist.” Quebec is in Canada. Did you hear Macron protesting? No. Trump threatened Mexico. Is anyone protesting? It’s political submission.

What about Ukraine? What would you like to see happen there?

We did everything we could. We supplied weapons, we provided money, we opened our markets to Ukraine. We imposed a lot of economic sanctions on Russia that had no effect. And everyone says we must continue. OK, fine. Carry on. But the best solution is, instead, to just discuss peace.

Of course, we cannot accept an invasion. We, the French, have been invaded, we cannot accept even the concept of invasion. But we need a method for peace. We need a method for diplomacy, for a concerted European diplomacy. And there isn’t one. We must return to the discussion with greater force. The North Americans have no place in the negotiations. It’s not their territory. It’s not their continent. Why are we discussing peace in Europe in Saudi Arabia? It makes no sense. We must discuss it ourselves, directly with the Russians, guaranteeing it through mutual security. Until we do that, we’re not defending our interests, we’re just flexing our muscles.

And China?

I’ll start with a question: What is the problem? Why is China a problem?

Years ago, no one was saying that China was a problem. The United States certainly wasn’t. I benefited greatly. Everyone profited. Now, all of a sudden, it’s a problem. Why? What’s the issue? They are very productive. They’re very advanced technically in dozens of areas. But what’s the problem? Now there’s a question of military competition, particularly over Taiwan. We all agreed that there was only one China. And now we have to say that there are two. But it wasn’t a problem for there to be two Germanys that turned into one, was it?

There’s a real problem with how this is all framed. It’s painful for me to see how much we are wasting our time, instead of trying to put together coalitions to more effectively deal with the consequences of climate change. Trump thinks he’ll get away with it, that he can bully China and not end up in a war. But if he spends all his days creating incidents, he will end up having a war. I think the behavior toward China is totally irresponsible. But an empire only does one thing: It wants to maintain its domination.

What’s the alternative path? Your book is quite international in its outlook. Do you think it’s possible to forge global left-wing alliances, in this context? Or have we moved too much into the geopolitics of nationalism and self-interest?

Yes, of course it’s possible. But first we have to win somewhere.

In France?

In France, maybe. Or the United States. Or somewhere else. But if we win in France, the first strategy is nonalignment. We don’t want to be part of the American bloc. We don’t want to be part of any bloc. We simply want an orderly world with consistent laws that are accepted and defended.

We have to move away from the internationalism of the past, which was an alignment based on the most powerful socialist country or on an ideology. Rather, the new internationalism will be constructed around common causes like the preservation of water, of air, and the struggle for peace.

Is there hope? Of course, I’m full of hope. I don’t believe this is the end of history, but it could be the end of a long period of history. And we have to be clearheaded about that. Remember: This is not the first time an empire has slowly died. And there is nothing to be gained by allowing another form of disorder to replace it.

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