Il y a dix ans déjà pourtant,« Delap » a eu son dernier souffle. Quand je suis entré dans la chambre ce matin sale, Corbière s’y trouvait déjà et nous pleurâmes dans les bras l’un de l’autre. François Delapierre, livide, avait les yeux clos et sa respiration encombrée ne sifflait plus. Cette semaine aussi il avait dicté, lettre par lettre (oui, lettre par lettre), des yeux et du doigt le dernier édito de notre feuille « À gauche » puisqu’il ne parlait plus. Ma pensée s’attache autant à ses ultimes moments de politique qu’aux camarades qui chaque semaine venaient prendre sa dictée. J’aimais « Delap » comme un frère et comme un père. Il est à la racine de notre commune épopée jusqu’à ce jour. Comme penseur et comme organisateur. Il fut aussi le premier directeur de notre première campagne en 2012. Comme d’autres, je me suis accroché comme un fou à l’idée qu’il s’en tirerait, qu’il vivrait. Hélas. Avec lui est parti un temps. Et la mort a effondré le plan que nous avions mijoté ensemble quand je pensais que je ne serai pas deux fois candidat et qu’il était temps qu’il le soit. Delap était une intelligence supérieure, un être hors du commun, sa trace dans le temps est celle d’une immense étoile filante dans une nuit que sa lumière dispersait. Je ne dirai rien d’autre que ce que j’ai déjà dit le jour de ses funérailles au Père Lachaise et que je viens d’écouter dans une douleur intacte. Le matin au siège je croise son portrait dans le couloir. Son regard passe dans le mien. Et je sais qu’il est toujours là.