Merci monsieur Villeroy de Galhau ! Je me réjouis de voir le banquier central français contredire publiquement l’idée selon laquelle la France serait menacée de faillite. C’était dans le journal « La Croix ». Car je lis aussi ce journal où le « mélenchonisme » (?) est considéré comme « une hérésie chrétienne ». La campagne lamentable sur la France en faillite avait été lancée par monsieur Bayrou alors Premier ministre. Elle a fait des dégâts considérables sur la scène internationale. On peut dire que le patriotisme n’étouffait pas Bayrou. Il s’agissait pourtant seulement pour lui de mettre la pression avant un vote de confiance perdu d’avance. Tout lui semblait bon pour atteindre son petit objectif personnel. Mais comme le diagnostic venait du Premier ministre français lui-même, d’accord ou non, les agences de notation ne pouvaient l’ignorer. Et à leur suite, et par la même obligation, tous ceux qui ont à faire avec les finances de la France. Les Insoumis seront aussi encore d’accord avec le banquier central français pour dire que notre pays est plutôt « menacé d’étouffement ». Je dirai pourquoi dans quelques lignes.
Mais Villeroy impute le poids de la dépense publique et sociale. Bien sûr, nous ne le suivrons pas. D’abord parce qu’il existe une différence de nature fondamentale entre les deux. Sans parler de la dépense publique déjà traitée ici et à chaque occasion par les parlementaires LFI. La dépense sociale chez nous est payée par des cotisations. Elles constituent un régime d’assurance affecté aux risques de la vie. C’est une anomalie absolue de les compter dans les dépenses publiques obligatoires du pays. Compte-t-on les assurances automobiles ? L’abonnement à l’électricité ? À l’eau ? Celle des enfants à l’école ? Celle du domicile ? Non ! On dit alors qu’elles sont des « dépenses contraintes ». La différence ? La loi oblige tout le monde à y souscrire. Mais tout ce qui est assuré par le secteur privé est censé être un acte volontaire guidé par le choix personnel. Ce n’est jamais le cas pour beaucoup. Car la différence entre dépenses contraintes et obligatoires est souvent bien mince, voire inexistante, en tout cas pour les milieux populaires à petit ou très petit salaire ou revenus. Mais cette interpellation me permet de poser un autre problème de comparaison des comptes. Dans nombre de pays, les régimes d’assurances sociales sont ou bien inexistants sur le mode obligatoire français, ou bien assurés majoritairement par des dépenses privées vers des assurances privées. Elles n’entrent donc pas en ligne de compte dans la comparaison des comptes publics. La formule « le pays le plus taxé d’Europe » n’a donc aucun sens et ses utilisateurs à droite et au centre le savent. Enfin, les comptes de la Sécurité sociale française sont à l’équilibre global et dans chaque compartiment si l’État rend les exonérations de cotisations dont il décide ou s’il accepte d’augmenter les cotisations d’un quart de point.
L’étouffement est bien en vue. Mais la cause selon nous est ailleurs. C’est la baisse de la croissance liée à un budget fait de coupes et de déficit sans objet fécond comme l’investissement ni direct ni indirect comme la santé ou l’éducation. Les recettes de l’État vont donc baisser au pire moment. Le pays a besoin de voir son économie relancée. La relance écologique et sociale est la solution planifiable. Le contraire va se passer. La croissance va ralentir encore. Les destructions d’emplois vont s’amplifier. Le capitalisme français gorgé de privilèges va continuer sa grève des investissements pour continuer à nourrir les seuls dividendes. Pendant ce temps, l’Allemagne investit par milliards pour construire la « première force militaire conventionnelle du continent » et passe ses accords pour produire bientôt des voitures électriques avec la Chine. La Chine prend dix longueurs d’avance dans tous les domaines de l’innovation. Au lieu de coopérer, les Français se limitent à des commentaires aigres-doux. Bientôt va venir la crise financière mondiale que l’on voit murir sous nos yeux. Quelle sera la capacité d’encaissement de la France, déjà mal relevée de la crise COVID ? L’étouffement, c’est donc le budget en cours. C’est ce que nous combattons en proposant de financer à 160 milliards d’euros la relance écologique et sociale. On est loin dans cette discussion avec le banquier central des invectives caricaturales et stupides des fantassins médiatiques de la macronie.
Ainsi, quand animée par la haine des pauvres et sa volonté de les faire payer l’impôt, madame Cornudet, du journal « Les Échos », écrit à propos du vote de LFI et de LR sur un amendement pour indexer le barème de l’impôt sur l’inflation. Comment explique-t-elle ce vote. Lisez : « Les députés LFI se joignent à LR pour repousser le gel du barème de l’impôt sur le revenu. (..) . Que faut-il comprendre ? Le premier par haine du PS et goût du chaos. Le second pour obtenir une dissolution au plus vite. » Haine du PS qui n’est pourtant pas concerné par cet amendement. Le chaos ? Proposer de reconduire une mesure générale qui se pratique tous les ans pour éviter l’entrée dans l’impôt de 200 000 personnes au SMIC, c’est le chaos ? La volonté de diffamer conduit à l’absurde. Car la mesure décidée dans le sens annuel le plus traditionnel conduit le journal Les Échos à regretter que la tranche supérieure de l’impôt soit elle aussi ajustée sur l’inflation. La haine des pauvres est un fanatisme comme les autres : il aveugle au moment où il croit discerner. Les hauts revenus persécutés par « Les Échos » : on aura tout vu. Mais ici, la haine de LFI joue surtout dans cette caricature de bourgeoisie effrayée. Une fois lancée sur cette pente, la suite ne vaut pas mieux. Lisez encore : « L’entrée du pays dans la culture du compromis est d’autant plus difficile qu’elle a ses saboteurs. LFI et le RN font tout pour empêcher le Parlement d’aboutir à un compromis sur le budget. Ce sont les saboteurs ». Saboteurs ceux qui proposent des amendements et discutent la loi. Madame Cornudet hait donc aussi le Parlement. Elle préfère les députés qui se taisent et obéissent sans discuter, comme dans toute dictature, dirais-je, si je m’abaissais au niveau de la rédactrice pour psychologiser la politique. Car tel est le sens de la « culture du compromis » de celle qui l’exige des autres avec des injures. Je regrette qu’un journal aussi sérieux comme « Les Échos » s’abaisse à ce genre de manipulation de ses lecteurs. Il devrait plutôt respecter leur intelligence et leur culture du budget de l’État. Il lui faudrait se poser la question : à partir de quel moment la caricature devient-elle une diffamation ? À partir de quel moment la psychologisation de l’action politique devient-elle de l’abrutissement ? Être de droite oblige-t-il à mépriser les petits revenus ? Un Insoumis peut-il lire « Les Échos » sans s’y faire traiter de saboteur de son pays ?
Lecornu a fait de l’indépendance le refrain de son discours pour ouvrir le débat sur le budget. Mais il n’en resta rien dans la discussion ni dans les médias. Il est vrai que le centre de gravité du moment était ailleurs avec le nid d’intrigues autour du budget de l’État et de la Sécurité sociale. L’indépendance du pays, voilà pourtant un sujet à sortir absolument du jeu des discours d’enfumage. Je ne veux pas laisser passer cette occasion sans appeler mes lecteurs à réfléchir sur la signification de ce thème dans notre vocabulaire et la pensée qui va avec.
La puissance militaire ne résume pas l’indépendance d’un pays. D’ailleurs, le concept de puissance lui-même doit être interrogé. Que signifie-t-il pour nous ? Il s’identifie au concept de souveraineté. La puissance, c’est le pouvoir d’agir sans entrave. C’est-à-dire d’agir librement. L’indépendance de la Nation, c’est donc son pouvoir d’agir sans entrave de l’étranger. Se libérer des entraves ne se limite d’ailleurs pas à celles que l’étranger pourrait opposer. Il en va de même concernant bien des firmes transnationales par exemple. On peut étendre le cas encore à des capacités techniques ou intellectuelles qui seraient devenues impossibles chez nous. Il s’agit donc en général de se libérer des dépendances quand elles donnent à un tiers le pouvoir de vous empêcher de décider et de faire. Mais le pouvoir de décider qu’il faut sauvegarder à tout prix, qui le détient ? Celui que Macron a nié : le peuple décidant dans les élections. Pourtant, pour nous, nation démocratique, l’indépendance est une des conditions essentielles de la souveraineté populaire. Rien de moins. Car l’indépendance du peuple, c’est sa liberté de décider et de mettre en œuvre sans autorisation ni contrôle d’une autre nation, d’un autre peuple. Dès lors, la volonté d’indépendance est faite de la lutte effective contre les dépendances. L’indépendance est en cause quand on se laisse dépouiller d’un pouvoir d’agir ou quand on renonce à en conquérir un qui s’avère devenu indispensable pour décider de soi.
La macronie a lourdement agi en sens contraire du nécessaire sur ce sujet. Je laisse de côté la question des fournitures et productions militaires. J’épargne aussi à mes lecteurs la liste des rappels qui sont sans doute déjà présents à son esprit concernant les entreprises au cœur de la souveraineté nationale bradées au capital étranger sans opposition du pouvoir politique qui en a pourtant la possibilité. Les seuls États-Unis en ont acquis 1 800 dans la période récente en France ! On se souvient aussi que la France de Macron se soumet aux décisions des États-Unis quand ils décident d’interdire la vente de telle chose qui contient des composants d’entreprises étasuniennes ? Et que la France de Macron accepte que les entreprises étasuniennes à l’étranger remontent sur les centrales de sécurité de leur pays toutes les informations qu’elles possèdent sur le pays d’accueil ou les productions dont elles peuvent avoir connaissance. Aucun n’oubliera non plus l’origine des capitaux investis directement en France. Car les investissements directs de l’étranger (IDE) sentent parfois assez fort la combine. Ce n’est pas pour rien que l’amendement insoumis sur l’imposition des multinationales est mis en discussion à chaque budget. En vain il y a encore moins d’une semaine. Il s’agit de faire payer à chacune la part qu’elle doit aux Français sur la base de son activité en France. Car un autre mécanisme est à l’œuvre quand une firme multinationale remonte vers le paradis fiscal de son choix, par exemple le Luxembourg, les « loyers » qu’elle prélève sur une entreprise soit pour ses locaux, soit pour l’utilisation de son logo ou ce que l’on voudra. Ces sommes ont pour résultat de les siphonner jusqu’à les mettre en déficit. Puis l’argent revient parfois (mais pas toujours bien sûr) en France sous la forme de l’« investissement direct de l’étranger » (IDE) qui fait la joie des statisticiens du dimanche. 20 % de l’IDE est considéré comme relevant de ce registre ! Et personne n’oubliera non plus les accords entre entreprises pour former des « champions sur le marché international » qui se finissent en absorption de leur part française par la part de l’étranger. Jamais autant d’entreprises n’ont été phagocytées de cette façon que sous Macron. Non, décidément, comment Lecornu peut-il parler d’indépendance comme objectif ? Lui qui a fait partie de tous les gouvernements de l’ère Macron, pendant lesquels le pillage de notre pays a été à son comble et la destruction de ses capacités productives portées jusqu’au point où nous en sommes ! Mais sommes-nous un peuple libre depuis que Macron a décidé de nier le résultat des élections générales législatives qu’il a lui-même provoquées ? Alors comment pourrions-nous penser pouvoir être indépendants si nous ne sommes plus souverains ?