Le futur macroniste se précise

Ce qui va mal ira encore plus mal. La Banque centrale européenne augmente une nouvelle fois ses taux d’intérêt. « Pour calmer l’inflation », dit-elle. Mais les taux d’intérêt des banques centrales n’auront aucun effet sur les pénuries causées par le COVID, la guerre d’Ukraine ni sur les décisions de l’OPEP. Chacun le sait : le seul résultat ce sera le ralentissement de l’activité économique et davantage de chômage. Les banquiers centraux ont publiquement avoué le souhaiter.

Ce chômage-là s’étendra au moment où la vie vaudra encore plus cher. Pour ne parler que de cela. Partout, les gouvernements vont donc affronter une rude saison de turbulences sociales. La grève d’IG Métal pour 8% d’augmentation de salaire l’annonce bien. En France, la situation déjà politiquement très instable le sera davantage. La réforme des retraites rencontrera alors une ambiance déjà bien tendue. L’augmentation des tarifs gaz-électricité entrera en vigueur. Le gouvernement sera dans sa période où il aura épuisé ses recours possibles au 49.3. Il sera donc à portée d’un coup au Parlement ou par le mouvement social, s’il est bien ajusté. Comme toujours, dans une situation où l’essentiel n’est plus garanti, l’activité populaire produira des formes d’auto organisation originales. Cela n’est pas sans conséquence sur la stratégie Insoumise dans ce moment du processus français de décomposition du pouvoir politique. Et cela ne le sera pas non plus pour le pouvoir macroniste prêt à dégainer la dissolution. Le futur se précise.

Le vote du FN sur la motion de censure déposée par la Nupes a donné lieu à des numéros d’indignation déjà bien démasqués. Avant le bobard d’Emmanuel Macron en personne, le bal des faux culs semblait dominé par Darmanin et Le Maire qui avaient déjà voté trois (pour l’un) et quatre (pour l’autre) motions de censure avec le FN dans le passé avant de venir jouer bruyamment les horrifiés par le vote de celle-ci.

Aucun NUPES n’a voté la motion de censure du RN. Par contre les macronistes ont voté 50 fois avec le RN depuis le début de la législature. Un détail ? « Non » pour un certain nombre de journalistes qui ont voulu savoir et comprendre. C’est le cas de « Libération » qui n’a pas lâché prise avant que le chef de l’Etat soit obligé d’avouer devoir ses accusations à la lecture du « Canard Enchainé ». Par contre, le journal « Le Monde » a trouvé l’occasion d’une nouvelle campagne de dénigrement contre les partis de la NUPES. Il cite même en exergue Laurence Rossignol, la sénatrice hollando-montebourgeoise : « Là, c’est le cordon sanitaire qui saute. La banalisation et la normalisation du RN ne profitent qu’au RN » dit la girouette des sous-courant du PS. Et « Le Monde » de reprendre dans sa titraille l’accusation de soi-disant « négociations de LFI » avec Le Pen. Sans se soucier de savoir si c’est vrai ou pas.

Enquêter est plus fatigant que de collecter des ragots. Cela n’empêchera pas le rubricard bouffon qui a écrit l’éditorial du « Monde », le lendemain du vote, d’accuser LFI d’avoir « accepté » le vote du RN. Certes, il reconnait combien il était difficile de « demander à la NUPES de ne pas voter sa propre motion de censure » parce que d’autres la votaient. Trop bon ! Tel est désormais le niveau intellectuel contre la gauche qui ne convient pas aux belles personnes. Tant pis. Que les 35% de ses lecteurs électeurs de LFI se le tiennent pour dit : ils payent 3,20 euros pour lire un mauvais tract. Car ni « Le Monde » ni Laurence Rossignol n’ignorent l’histoire des motions de censure dans la Cinquième République. L’hebdomadaire « Marianne » le leur rappelle. « En mai 1986, Jacques Chirac rétablit le scrutin majoritaire aux législatives, au détriment de la proportionnelle qui a permis à 35 députés du Front national d’être élus, trois mois avant.(…) Une motion de censure est déposée le 20 mai par les socialistes. La motion est votée deux jours après par le PS, le PCF de Georges Marchais et par les frontistes, sous la houlette de Jean-Marie Le Pen. Cette alliance obtient finalement 284 voix pour, sur les 289 requises. Sur les sept motions déposées sous ce gouvernement Chirac II ( 20 mars 1986 au 10 mai 1988), c’est celle qui a recueilli le plus de suffrages. ». « Le Monde » a donc ainsi décidé de « faire oublier » par ses lecteurs un précédent aussi impressionnant et cite en exergue une sénatrice membre du Parti à l’initiative de cet épisode où il jouait le rôle principal. 3,20 euros l’exemplaire.

Changement de saison donc à l’Assemblée nationale. La situation réelle de la macronie devait être niée autant au plan du pays qu’aux yeux de l’international (agences de notation comprises). Il lui fallait éviter de se faire appeler par son nom : « minorité présidentielle ». Car cela frapperait immédiatement d’illégitimité tout ce qui serait décidé de cette façon. Car, oui, la réalité politique est dans ce vote des législatives gagné par la NUPES au premier tour. Mais perdu au second du fait de la convergence inavouée des LR, RN et macronistes par des votes blancs ou nuls pour faire battre des candidats NUPES.

Depuis lors, le gouvernement veut faire croire à une situation « normale » où existerait une « majorité présidentielle », même rebaptisée « majorité relative ». La vérité est qu’il n’y en a pas. Tout calcul basé sur ce trompe-l’œil est donc condamné à échouer en accroissant le désordre qu’il prétend juguler. Les 49.3 à répétition sont le passage imposé de ce retour au réel. Quatorze 49.3 sont prévus. L’idée du stratège élyséen est de banaliser la procédure. Mais dès le premier 49.3 rien ne se passe comme prévu par lui. A 50 voix près tout était perdu pour la macronie. Ça s’est vu. Je l’ai tweeté. Leur rage a explosé.

Le Président très en colère comprend que le pire reste à venir si les Républicains (LR) sous pression votent la censure un jour ou l’autre, ce qui est désormais inéluctable. Puis Macron affiche sa colère à la télé. Il sait que le lendemain de son interview un deuxième 49.3 arrive. Habilement, il ouvre aussitôt un parachute de secours : faire reposer sur LR la responsabilité d’une dissolution. Pour mieux en dévorer les restes en cas de dissolution liée à cette censure. Macron déclare donc vouloir une alliance avec Les Républicains. Fin d’une saison. Le décor construit par la macronie au lendemain du rejet de notre première motion de censure en juillet par l’abstention LR/RN vole en éclat. Il n’y a pas de « majorité relative » pour le parti du président. Il est bel et bien minoritaire. Du jamais vu. Le roi est nu. Il doit le reconnaitre pour essayer de rebondir. « Le problème ce n’est pas tant la main tendue que les propos tenus et le terme d’alliance employé. Jamais il n’avait été aussi loin dans ce registre. » rapporte le journal « Le Parisien ». En effet, c’est l’évènement.

Premier résultat : la pression s’accroit sur LR puisque c’est la seule « opposition » qui aura aidé le pouvoir macroniste à s’en sortir. Réponse dès le lendemain de la main tendue par Macron : LR se met davantage à distance de lui. C’est l’inverse du résultat recherché. « Macron a du mal à voir comment se sortir de la situation actuelle » déclare le député LR Vermorel-Marques de la Loire. Et pour Olivier Marleix président du groupe LR, c’est un aveu de faiblesse : « il commence à intégrer qu’il n’a plus de majorité et que les seuls textes susceptibles de passer sont ceux que la droite peut accepter ». Ici est bien l’habileté du vote RN en faveur de la motion de censure de la NUPES. LR est l’unique cible de Marine Le Pen. Il s’agit pour elle aussi de placer LR dans le rôle très visible de roue de secours de Macron. Et donc de fragiliser ce parti dans l’électorat de la droite traditionnelle. Car une bonne partie des électeurs de LR sont toujours très anti macronistes. Et le reste n’a pas voulu non plus voter pour la grande coalition avec Macron. Quel avantage trouverait LR à se faire embarquer dans le corbillard macroniste ? Aucun. Le RN a armé cette tenaille à son profit et l’appel du pied macroniste l’a renforcé. Autre conséquence, il devient impossible de banaliser les 49.3 en refusant de déposer des motions de censure puisqu’il est prouvé que l’efficacité est à portée de main. Car LR ne peut pas faire quatorze opérations de soutien au Président. LR n’exclut plus de déposer une motion de censure à son tour. Peu importe ce qu’elle contiendra. Le RN la votera à coup sûr. Ce jour-là la NUPES sera maitre du sort du gouvernement Borne et de ses réformes anti-sociales. De toute façon viendra la période des lois hors budget. Et là, les macronistes n’ont plus droit qu’à un seul 49.3. Tout sera donc à portée de vote.

Un sondage nous donne comme l’alternative gouvernementale préférée des Français (36%) six points devant le FN. Pour le sondeur Cluster 17, 59 % des Français veulent la victoire d’une motion de censure et 52% la dissolution. Alerte en macronie ! Surtout après deux passages sur France 2 ratés ! Alors le JDD et Ifop, les deux kiosques macronistes, publient un autre sondage. Hallucinogène ! Macron s’y envole de + 6,5% depuis la présidentielle, confirmant l’enthousiasme populaire dont on le sait entouré. Le Pen monte au top comme il le faut pour l’éternel feuilleton Le Pen depuis 40 ans. Je baisse de 0,5 (le même « institut » s’est trompé de 5 points à mon sujet à la présidentielle soit deux points de plus que la marge d’erreur. La précision à 0,5 point est donc admirable). Arthaud recule aussi de 0,1%. La précision prouve le sérieux. Heureusement de vigoureuses progressions sont également observées conformément aux observations de terrain que tout le monde peut faire : Hidalgo (2%) progresse de + 0,3%, Roussel (3%) de + 0,7%, Poutou (1%) de +0,2 % ! Bref, Macron l’a rêvé, IFop et le JDD l’ont réalisé. Telle est la dernière ligne de défense de la macronie.

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