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L’Europe doit revenir en débat

Était-ce trop long ? Cela expliquerait pourquoi le discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe à la Sorbonne n’a pas dépassé le niveau habituel des commentaires laudateurs convenus et superficiels. Pourtant son contenu mérite davantage d’attention. Le nouveau président opère une véritable bascule des termes sur plusieurs points cruciaux. En particulier quand il installe le concept de « souveraineté européenne » pour le placer au sommet de la hiérarchie des normes. Et surtout pour le substituer à la « souveraineté nationale ». Il ose aussi quelques propositions dont on se demande pourquoi elles n’ont suscité aucune réaction. Tout de même ! Il suggère par exemple que la France, comme l’Allemagne et l’Italie, renoncent à leur Commissaire européen « pour montrer l’exemple » d’une volonté d’effacer la primauté des intérêts nationaux en Europe.  Et quelques autres perles de cette nature.

Comme il est impossible d’ouvrir un tel débat dans l’environnement d’atrophie intellectuelle médiatique courant, seule une vigoureuse interpellation symbolique permettra d’y parvenir peut-être. Avec notre amendement pour supprimer la présence du drapeau attribué à l’Union européenne dans le décor de l’hémicycle de l’assemblée nationale nous avons déjà atteint le gros nerf réactif.  Celui qui enclenche en pilotage automatique les gargarismes eurolâtres. C’est un premier palier atteint. Un pavoisement coutumier, non réfléchi ni délibéré, est devenu tout d’un coup un rite sacré, protégé par des vestales acrimonieuses. En tête, évidemment, le PS, dont les 16 dirigeants sont tombés d’accord avec les 60 membres du bureau national de ce parti pour la première fois depuis bien longtemps pour s’étrangler ensemble d’indignation contre « la France insoumise ». Hélas aussi indétectables que leurs auteurs, ces gros sanglots ont été engloutis dans la masse des attaques quotidiennes dont nous faisons l’objet. Mais j’ai noté tout de même l’épisode. Car les mêmes n’avaient rien à dire sur le contenu du discours d’Emmanuel Macron. C’est donc qu’ils sont d’accord. Tel est le PS repeint en « nouvelle gauche » : il s’oppose à l’opposition. Pendant ce temps, l’Europe des traités de Lisbonne et de l’année 2012 reste la camisole de force destructrice des nations qui la composent. Ses fondateurs ne peuvent échapper au bilan de ce qu’ils ont fait. C’est pourquoi ils préfèrent faire du violon sur des sujets sentimentaux comme le drapeau, et d’autres fétiches de cette sorte.

Quoiqu’il en soit on parlera d’Europe. Heureusement. On ne peut reprocher au président d’avoir ramené le thème dans le débat. Son diagnostic a le mérite de la lucidité. En effet, pour la première fois l’odieuse forfaiture et trahison de l’après 2005 a été prise en compte par un chef d’État français. Et l’idée que si rien ne se fait tout s’effondrera au profit des courants identitaires est aussi une marque de réalisme. Il est dommage que cette forme de prise de conscience occupe si peu de place dans l’espace public actuel saturé par l’obsession contre les musulmans. Il empêche de voir les milliers de réactionnaires polonais en prière sur les frontières le 7 octobre, jour anniversaire… de la bataille de Lépante en 1571. Ces milliers d’illuminés de notre chère « Europe des valeurs » veulent nous adjurer de « rester l’Europe face aux musulmans » en « revenant » au christianisme ! Il est temps de dire que le militantisme de cette sorte d’énergumènes dans tant de pays est aussi une question que nous devrons affronter le moment venu. Bien sûr, les propositions que Macron avance sont d’une tout autre nature. Mais elles amplifient toutes le caractère confiscatoire de la structure européenne sur la souveraineté populaire. En contribuant à faire de nos pays des coquilles vides pour ce qui concerne la vie des droits sociaux communs, il alimente la décomposition dont se nourrissent directement tous les communautarismes. Ce n’est pas une accusation. C’est un débat que nous voulons ouvrir et voir tranché.

Le drame de ce discours reste donc son déni de la faillite en cours. Macron prétend « refonder l’Europe ». C’était le mot d’ordre du Front de gauche en 2014. Il suivait le « changer l’Europe » de 2009. Clairement le message ne fut pas entendu par ceux à qui il s’adressait ! Le score fut très médiocre : 6,5% nationalement. D’aucuns s’en contentèrent puisqu’ils en tiraient tous les avantages matériels. Nous, nous n’avons jamais renoncé à peser sur les évènements. Nous avons donc fait un bilan et cherché d’autres pistes pour déployer la bataille.  Sur la base de ce constat, nous avons initié une autre logique d’action que nous avons appelé « plan A/plan B » qui consiste à offrir une alternative à l’éternelle vaine supplication en faveur « d’une autre Europe ». Le PGE au niveau européen et le PCF au niveau national n’ont pas été d’accord avec cette option. Leur soutien à Tsípras au moment même où nous rompions avec lui en raison de sa capitulation sans condition devant la Troïka a provoqué une coupure dans les rangs de « l’autre gauche » européenne. C’est toujours la même question : rompre ou composer politiquement. Soutenir Tsípras c’est annoncer que l’on est prêts à céder quand on gouvernera. Et même pire : c’est avouer qu’on ne comprend rien à ce qui se passe et qu’on ne prétend plus avoir la moindre influence sur le sujet. Au fond c’est la même question tout le temps : agissons-nous pour voir nos idées se réaliser ou sommes-nous juste une composante du décor ?

Mais cela, c’est le passé. Dorénavant, il s’agit d’autre chose. Les progrès des identitaires dans tous les pays sont massifs. Ils soulignent le caractère irréel des traditionnelles lettres au père noël européen. « Et maintenant l’Europe sociale » et « pour l’Europe qui nous protège » et tous les slogans éculés avec lesquels la « vieille gauche » s’est abasourdie. Le « plan A ou plan B » est dorénavant un vigoureux courant européen alternatif. Il est assez divers pour bien exprimer l’état à partir duquel nous repartons pour construire une force cohérente sur le continent.  Il tient au moins une réunion par trimestre en Europe et le nombre des groupes et partis qui s’y inscrivent s’élargit sans cesse. Pendant ce temps, les groupements du passé marmonnent leur litanie sans écho. Leur vie bureaucratique est leur seule réalité.

J’estime que le débat européen commence en France le 10 octobre à l’Assemblée nationale avec la déclaration politique du gouvernement. Je forme le vœu qu’il ne s’éteigne plus jusqu’à l’élection européenne de 2019. Et je suis d’accord avec Macron pour vouloir que cette élection soit le moment d’un débat sur le fond. Pour notre part, nous le préparerons comme un référendum. La politique de Macron est celle du pire libéral de l’Europe actuelle. Stop ou encore ?

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